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2.1. 1- l'enquête de police

Dans la plupart des affaires criminelles, la procédure officielle s'ouvre par l'arrestation du suspect par la police (Farnsworth, 1986 ; Hage, 2000). La collecte des preuves est essentiellement le fait de la police et se centre sur la matérialité des faits et non sur la personnalité des suspects ou accusés (Cédras, 1997). Cela renvoie à la césure entre le jugement sur la culpabilité et le jugement sur la peine.

Les actes de la police, tels que l'arrestation ou le recueil des preuves (e.g. fouille, perquisition ou interrogatoires et procédures d'identification), sont soumis aux prérogatives des droits des libertés individuelles et de la défense comme cela a été évoqué plus haut. Par exemple, en dehors des cas de flagrance, l'arrestation ou la perquisition doivent être motivées par une suspicion légitime (probable cause) laissée à la discrétion du policier au moment de l'arrestation. La réalité de cette suspicion est sous le contrôle d'un juge (magistrate) par la délivrance d'un mandat (warrant), la plupart du temps a posteriori sur la base d'un rapport remis par le policier (Cédras, 1997). Un autre exemple est la règle Miranda (Miranda rules, 1966) d'essence jurisprudentielle1, par laquelle la Cour Suprême oblige les représentants de

l'ordre à informer le suspect (encore non déclaré coupable) de ses droits après l'arrestation et avant l'interrogatoire2. Lorsque le recueil d’une preuve viole ses requis légaux, elle est

considérée irrégulière. La sanction suite à la collecte irrégulière d'une preuve dépend de la règle d'exclusion (exclusionary rule) qui rend irrecevable cette preuve lors du procès sur la culpabilité devant un jury. Cette règle s'applique également aux autres preuves collectées à l'aide d'une preuve irrégulière, même si leur propre recueil respectait les requis légaux (jurisprudence des fruits of the poisonous tree). Cependant, la règle d'exclusion souffre d'exceptions de plus en plus nombreuses, et les preuves irrégulières sont utilisables à toute autre fin que le jugement de culpabilité (Cédras, 1997).

2.1. 2 - La mise en mouvement de la poursuite

Suite à l'arrestation, le suspect est placé en garde à vue pendant que le dossier, comprenant le rapport de police (police report ou arrest report) et une proposition

1 Affaire Miranda v. Arizona, 384 U.S. 436, 479 (1966).

2La formule usitée (et bien connue de par les séries TV) est la suivante : « You have the right to remain silent;

anything you say can and will against you in court of law. You have the right to have an attorney present during questioning. If you cannot afford one, one will be provided for you without cost. » (Séroussi, 2004)

d'incrimination (complaint, description des faits signés sous serment par le policier et éventuellement la victime), est transmis au Procureur (District Attorney ou D.A.). Ce dernier a le monopole de la poursuite et en possède le plein opportunisme. Ainsi, d'une part, ni la victime, ni aucun pouvoir hiérarchique ne peuvent obliger le procureur à agir. D'autre part, le procureur décide seul si la poursuite doit être exercée, quand, sur quels chefs et relativement à quels faits1 (Cédras, 1997). Il peut classer l’affaire ou engager des poursuites conformes aux

faits rapportés par le dossier de police, ou encore transformer les poursuites en augmentant ou diminuant la portée. Pour cela, la révision du rapport de police et de l'acte d'accusation peuvent suffire sinon, le procureur peut procéder à l'interrogatoire du policier et de la victime concernée. Si le procureur décide de poursuivre, il transmet l'acte d'accusation à un juge (magistrate) qui examine la suffisance des preuves. Filtre à un abus éventuel du procureur (filtre1), le juge peut soit classer l'affaire, soit donner suite à la proposition d'incrimination.

2.1. 3 - La première comparution

Rapidement après l'arrestation, lors d'une première comparution, (initial appearance ou first appearance), le juge (magistrate) explique à l'accusé les charges portées contre lui dans la proposition d'incrimination, l'informe de l'ensemble de ses droits (e. g. liberté de se taire, de prendre un avocat) et procède aux formalités touchant à la détention provisoire et au cautionnement.

2.1. 4 - La négociation du plaider coupable

Formellement consacrée par la Cour suprême en 19702, la négociation du plaider

coupable (traduction de plea bargaining proposée par Papadopoulos, 2004) peut avoir lieu entre le procureur et l'accusé, de manière aussi bien formelle qu'informelle, depuis l'arrestation jusqu'au début du procès sur la culpabilité (Cédras, 1997, Papadopoulos, 2004). Le dictionnaire juridique Black's repris par Papadopoulos (2004) donne la définition suivante de la négociation du plaider coupable : « un accord négocié entre un procureur et un accusé

aux termes duquel l'accusé plaide coupable pour une infraction moindre, ou pour l'un des multiples chefs d'accusation, en échange d'une concession par le procureur, habituellement

1 La poursuite par la (ou les) victime(s), notamment pour l'obtention de dommages et intérêts, fait l'objet d'une

procédure civile proche la procédure criminelle ici décrite.

2 Arrêt Brady v. United States, 397 U. S. 742, 748 (1970), la négociation du plaider coupable existait de manière

clandestine précédemment à cet arrêt. Depuis l'arrêt, la négociation est théoriquement envisagée quelle que soit la gravité du crime et rarement exclue par la loi pour les infractions les plus sérieuses.

d'une peine moins sévère ou d'un abandon des autres chefs d'accusation ». En échange des

concessions du procureur, l'accusé, en plaidant coupable, accepte de renoncer à ses droits constitutionnels les plus importants, notamment d'être jugé par un jury et de jouir des droits de la défense associés (e.g. ne pas témoigner contre lui-même, exclusion des preuves irrecevables). Cependant, la négociation du plaider coupable est un rapport triangulaire entre le procureur, l'accusé et le juge (Papadopoulos, 2004). En effet, l'accord entre les parties est formalisé par une convention écrite qui doit être homologuée par le juge en audience publique. Ce dernier doit s'assurer que l'accusé en comprend bien les conséquences et l'accepte dans un consentement éclairé. C'est donc le juge qui statue en dernier lieu sur la négociation et il peut la refuser si elle ne lui paraît pas juste.

En résumé, à chaque début d'audiences publiques (audiences préliminaires et procès), le juge requiert de l'accusé qu’il se positionne face aux charges qui pèsent contre lui selon trois possibilités. L'accusé peut plaider coupable (plea of guilty) comme cela a été évoqué avec les conséquences données. L'accusé peut plaider la non contestation (nole contendere ou

non contest) dont les effets immédiats sont similaires au plaider coupable, excepté que cet

aveu ne pourra pas servir lors d'une action ultérieure au civil par exemple. Dans ces deux premiers cas, tout débat contradictoire est supprimé car les faits sont acquis. Le juge peut donc entreprendre de juger sur la peine (sentencing). Enfin, dans un dernier cas de figure, l'accusé peut plaider non coupable (plea of not guilty) et pourra être jugé par un jury.

2.1. 5 - La mise en examen

La mise en examen peut se faire par l'intermédiaire d'une audience préliminaire (preliminary hearing) tenue par un juge (filtre2) ou/et par à un jury de citoyen (grand jury ; filtre 3). Les deux procédures suivent le même but : déterminer la suffisance des charges contre l'accusé pour permettre de saisir la cour criminelle (criminal court). L'audience préliminaire sera décrite ainsi que la procédure du grand jury.

Lors de l’audience préliminaire, le poursuivant et l'accusé, assisté de son avocat, présentent leurs preuves et témoins au juge (magistrate). Suite à ce débat contradictoire et public, le juge peut prendre différentes décisions. S'il estime les charges suffisantes, il renvoie l'affaire en jugement (bind over order) en transformant la proposition d'accusation (complaint) en mise en accusation (information). Les faits peuvent être également disqualifiés en délit (misdemeanor) et le juge entreprend donc de les juger. Enfin, s'il estime que les charges ne sont pas suffisantes, il prononce un non-lieu (dismissal). Dans ce cas, le

poursuivant peut faire appel en recourant au grand jury ou en présentant la même proposition d’incrimination (complaint) à un autre juge (car il y a absence d'appel contre les décisions des

magistrates)1.

Suite à l'audience préliminaire (ou à sa place), la suffisante des charges peut être revue (ou examinée) par un grand jury lorsque l'Etat en est doté d'un2. A la fois organe

d'investigation et filtre dans la poursuite, la fonction du grand jury est la même que celle du juge lors de l'audience préliminaire mais la procédure en est assez éloignée. Davantage inquisitoire, la procédure est secrète (la violation du secret est sanctionnée) et à charge (seul le poursuivant est entendu et l'avocat de la défense en est exclu). Suite à la présentation de la mise en accusation (bill of indictment) du procureur, le grand jury entend les témoins à charge, et d'autres qu'il peut convoquer (subpoena witnesses : les témoins encourent une sanction s'ils refusent de comparaître). A la majorité, le grand jury décide si les preuves sont suffisamment à charge pour le renvoi devant la juridiction de jugement. Par sa décision, le jury transforme la proposition du procureur (bill of indictment) en acte de mise en accusation (indictment, on dit qu'il émet un true bill). S'il n'y a pas lieu de poursuivre (absence de

probable cause), la poursuite est annulée par un non-lieu (no bill).

2.1. 6 - L'audience de préparation du procès

Si l'accusé est renvoyé devant le tribunal, la préparation du procès donne lieu à des audiences ayant notamment deux objets. Premièrement, l'accusé est informé des charges finales (arraignment) pesant contre lui et il indique la position qu'il compte tenir vis-à-vis d'elles. Lorsque l'accusé plaide coupable ou la non contestation, les faits sont acquis. Le juge peut alors entreprendre le jugement sur la peine. Si l'accusé plaide non-coupable, la poursuite devra prouver, « au-delà du doute raisonnable » (beyond reasonable doubt), la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Deuxièmement, si l'accusé plaide non-coupable, les audiences préliminaires permettent de répondre à des requêtes principalement présentées par la défense, telles que l'exclusion de preuves irrégulières (motion to suppress), et la communication des preuves entre les parties (motion to discovery). Aucun dossier n'est préparé avant le procès à

1 L'audience préliminaire n'est pas obligatoire. En effet, l'accusé peut y renoncer au moment de la première

comparution ou le droit local peut l'exclure notamment lorsque le grand jury s'est déjà prononcé.

2 Non obligatoire à ce niveau, le nombre d'Etats comportant un grand jury est variable selon les auteurs (d'une

vingtaine pour Cédras, 1997 et Hage, 2000 à 2 pour Pradel, 2002) Il en est de même concernant le nombre de jurés ; si les auteurs sont concordants sur le nombre maximum de 23, le nombre minimum varie de 5, 12 ou 16. Tirés au sort sur les listes électorales ou sur les listes de permis de conduire ou cartes grises estimées plus complètes et plus représentatives, le grand jury ne fait pas l'objet d'une procédure de sélection. Les jurés sont convoqués pour 6 à 18 mois. Ils sont donc amenés à juger plusieurs affaires. Cette procédure permet une éventuelle mise en examen avant arrestation, notamment dans la procédure fédérale (Hage, 2000).

l'intention du juge ou du jury, tous les éléments de preuves seront présentés lors du procès (Farnsworth, 1986).