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Les caractéristiques procédurales renvoient aux règles qui gouvernent le déroulement du procès, l’utilisation des preuves et le rôle de chaque acteur. Prescrites par la loi, elles sont la réalisation concrète (i.e. la forme) du droit pénal (i.e. le fond). Elles correspondent donc, parmi d'autres, à la procédure de sélection du jury, aux instructions du juge aux jurés ou encore aux règles de décision du jury (unanimité vs majorité). Concernant ces variables, l'objectif des études est d'observer dans quelle mesure les jurés suivent leurs prescriptions, de tester l'efficacité des procédures visant à réduire les biais dans le jugement, et les modifications qui pourraient y être apportées pour améliorer la prise de décision des jurés.

5.3. 1 - La complexité légale

La méta-analyse de Nietzel et al. (1999) fait apparaître un effet des instructions du juge aux jurés plutôt faible, le plus élevé étant le lien avec le verdict (r = .13, n = 101 ;

Attribution de peine : r = .01, n = 6 ; Attitudes : r = .04, n = 24; Mémorisation des faits présentés : r = .02, n = 12 ; Mémorisation des instructions : r = .09, n = 7). Parmi les

1 Le témoignage par « ouï-dire » correspond au rapport de faits dont le témoin n’a pas eu directement

connaissance. Ce type de témoignage est considéré comme une preuve inadmissible dans le système judiciaire nord-américain, excepté dans quelques cas comme le compte-rendu de témoignages des enfants.

différentes instructions légales testées, celles de « nullification » (i.e. les jurés peuvent ne pas suivre la loi s'ils ne l'estiment pas juste) ont l’impact le plus fort (r = .22 mais n = 5) ainsi que celle d'ignorer une preuve inadmissible (r = .16, n = 37). Deux éléments peuvent en partie expliquer ce faible lien avec les instructions. Une première explication est l'échec des jurés à comprendre les instructions légales, fait observé de manière récurrente dans les recherches (Greene & al, 2002). De plus, cet échec de compréhension est corrélé avec la tendance à attribuer la peine de mort (Wiener, Pritchard & Weston, 1995). Par ailleurs, face à la difficulté de se conformer aux requis légaux, les jurés font appel à leurs connaissances quotidiennes chargées de préconceptions et de stéréotypes pour définir la responsabilité criminelle (Bordel, 2002 ; Finkel, Maloney, Valbuena & Groscup, 1995), les catégories de crimes (Finkel & Groscup, 1995 ; Smith, 1991a, 1991b, 1993 ; Wiener, Richmond, Seib, Rauch & Hackney, 2002), la responsabilité civile et l'attribution des indemnités punitives et compensatoires (Bornstein & Rajki, 1994 ; Hastie, Schkade & Payne, 1998 ; Horowitz & Bordens, 2000). Une autre explication à la non observance des instruction légales est que les jurés ne les estiment pas justes (Sommer, Horowitz & Bourgeois, 2001). Ainsi, les sujets peuvent ignorer la loi tout en répondant au requis d'observer attentivement chaque preuve. Par exemple, lorsque le juge estime une preuve admissible alors qu’elle constitue une violation sévère à la loi, les jurés peuvent spontanément ne pas suivre l’instruction de considérer la preuve dans leur jugement selon une motivation de justice procédurale (Fleming, Wegener & Petty, 1999).

5.3. 2 - Les modifications de procédures

Plusieurs modifications de procédures ont été testées afin d’améliorer la compétence des jurés à faire face à la complexité des preuves. Trois possibilités sont réellement appliquées dans des cours de justice nord-américaines pour favoriser la compréhension des jurés : l'accès au dossier, la prise de note et la possibilité de poser des questions aux témoins (Bourgeois, Horowitz & ForsterLee, 1993). L'accès au dossier semble entraîner une meilleure compréhension des preuves lorsque l'information est très technique. Les sujets qui ont accès au dossier mettent davantage de temps pour prendre leur décision en comparaison de ceux qui n'y ont pas accès. Plutôt que de relire l'ensemble du dossier, les sujets semblent revenir sur les témoignages qui ne leur paraissaient pas clairs ainsi que sur les instructions du juge. Pritchard et Keenan (1999) ont observé que les jurés estimant avoir une bonne mémoire des preuves associé à une confiance élevée ne sont pourtant pas ceux qui ont effectivement les meilleurs souvenirs. Cela suggère que les jurés devraient être encouragés à revoir les preuves et être

alertés de ne pas s'appuyer sur la confiance en leur mémoire. Concernant les possibilités de prendre des notes et de poser des questions, les résultats sont plus mitigés (Penrod & Heuer, 1997). En effet, si ces deux procédures n'entraînent pas les effets négatifs dénoncés (e.g. le juré prend le rôle d'avocat, l'insistance préjudiciable d'une question/prise de notes sur les autres preuves, la distraction ou la perte de temps entraînés par la prise de note), elles n'entraînent pas, non plus, des améliorations d’une grande ampleur. La possibilité de poser des questions favorise la compréhension des faits, cependant les questions posées n'aident pas à établir clairement la vérité. La prise de note se révèle être un faible aide mémoire. Elle a néanmoins un impact positif sur le verdict uniquement quand les instructions légales sont données avant la présentation des preuves et dans un contexte peu ambigu (ForsterLee & Horowitz, 1997). Transmettre les instructions légales aux jurés avant la présentation des preuves est, en effet, une autre possibilité pour améliorer leur appréhension des preuves. Dans un contexte de procès civil complexe, cette méthode accroît les compétences des jurés à traiter les preuves (ForsterLee, Horowitz & Bourgeois, 1993 ; ForsterLee & Horowitz, 1997). Les « pré-instructions » permettent aux jurés de mieux repérer les faits pertinents sur lesquels s'appuyer et d’éviter les pièges issus de leurs biais. Par exemple, lorsqu’ils sont « pré- instruits », les jurés font une distinction claire entre les victimes lors d’attributions de dommages. Par contre, cet effet positif n'a pas été observé dans le contexte criminel (Smith, 1991b). Si les pré-instructions ont effectivement un impact positif sur le traitement de l'information, cela ne se traduit pas dans les verdicts. De plus, pointer plus précisément les erreurs qu'ils pourraient commettre ne suffit pas, il faut également accompagner les jurés dans le mode de raisonnement requis, afin de leur indiquer les stratégies à utiliser, pour qu'ils puissent complètement se dégager de leurs théories naïves (Smith, 1993). Enfin, la confrontation des points de vue lors de la délibération pourrait également contribuer à une meilleure compréhension. Cependant, les résultats sont contradictoires. Si certains ont observé un raisonnement plus approfondi (Hastie, Schkade & Payne, 1998) et une mémorisation correcte des instructions du juge s'élevant à 80% comparée à 30% en individuel (Hastie, Penrod & Pennington, 1983), d'autres observent que la délibération n'élimine pas les problèmes de compréhension (Sommer, Horowitz & Bourgeois, 2001).

5.3. 3 – La part accordée aux caractéristiques de la procédure dans les recherches récentes

Les caractéristiques de la procédure suscitent peu d’attention de la part des chercheurs (Graphique 8). Parmi les quelques publications concernées, les instructions judiciaires sont les

plus fréquemment observées (31/263 soit 12 %). Les procédures liées aux jurys, la participation des jurés et les preuves inadmissibles de manière équivalente (7/263 soit 2,5 %) et la procédure de sélection du jury (2/263 soit 0,5 %) font l’objet de publications éparses.

11,41 2,28 2,66 0,76 1,52 0,38 0,76 1,14 0 2 4 6 8 10 12 14

Instruc. Jury Particip. Inadmis. Sélec.

Exp. Non-exp.

Graphique 8 – Fréquences (en %) des variables étudiées de la catégorie

« Procédures » dans les études expérimentales et non-expérimentales.1

Concernant les instructions légales, trois objectifs d’études peuvent tout de même être repérer (Tableau 12).

Tableau 12 – Effectifs des types d’impacts

des instructions légales étudiés (N = 31)

Types d’impacts n

Modulateur 13 Spécifique 13 Présentation 5

Le premier objectif est d’observer leur effet modulateur de l’impact d’autres variables par la manipulation de leur présence/absence, leur force, ou leur contenu (e.g. Lee, Krauss, & Lieberman, 2005 ; Tetterton & Warren, 2005). Le deuxième objectif est l’étude d’instructions

spécifiques, notamment concernant les dommages et intérêts, la « nullification », le doute

raisonnable ou encore la définition de la préméditation (e.g. Cook, Arndt & Lieberman, 2004 ; Devenport & Cutler, 2004). Enfin, quelques études se penchent sur la présentation des

1 Instruc. : Instructions légales ; Jury : Règles de décision du jury ; Particip. : Participation des jurés ; Inadmis. :

instructions en terme de format (audio, vidéo, copie écrite ; e.g. Brewer, Harvey & Semmler, 2004) et de délai (avant ou après les preuves ; e.g. Fitzgerald, 2000).

Concernant les autres caractéristiques procédurales, leur synthèse est difficile sans décrire les études une à une. En voici néanmoins quelques illustrations. Les preuves inadmissibles sont manipulées selon leur présence/absence et selon le nombre de leurs sources (e.g. Mallard & Perkins, 2005). Deux modalités dans la participation des jurés sont principalement manipulées afin d'assister les jurés notamment face à la complexité des affaires qui leurs sont soumises : la possibilité de prendre des notes pendant la présentation des preuves et l'accès aux témoignages (écrit ou vidéo) ou au dossier avant, pendant le procès ou encore lors de la délibération (e.g. ForsterLee, Kent & Horowitz, 2005). Deux procédures sont étudiées concernant les jurys : la taille du jury (n = 7 ; e.g. Duggan & Martinelli, 2001), et la règle de décision, c'est-à-dire si le verdict est décidé à la majorité ou à l'unanimité des votes (n = 2 ; e.g. Ohtsubo, Miller, Hayashi & Masuchi, 2004). La composition du jury (n = 3) est également étudiée selon s'il est composé de juges, de jurés potentiels ou mixte (étudiants et étudiants en droit ; e.g. Martin, Kaplan & Alamo, 2003). Enfin, deux études interrogent l'influence des questions du « voir dire » (i.e. la procédure de sélection des jurés) sur la suite du procès (e.g. Morris & Lecci, 2005).