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1. LA JEUNESSE URBAINE AU BURKINA FASO

1.2. Le contexte de la recherche: le milieu urbain burkinabè

1.2.1. Processus d’urbanisation au Burkina Faso

Nous souhaitons dresser un état des lieux du processus d’urbanisation dans ce pays en mettant un accent particulier sur les quarante dernières années au cours desquelles l’urbanisation s’y est accélérée et sur Ouagadougou, capitale du pays et principal foyer urbain.

1 HONWANA Alcinda, DE BOECK Filip, Makers et Breakers. Children & Youth in Postcolonial Africa. Oxford: James Currey ; Trenton : Africa World Press ; Dakar : Codesria, 2005, 244 p.

1.2.1.1. Évolution générale de l’urbanisation et de la population urbaine

La première génération de villes au Burkina Faso est issue des principaux foyers de population précoloniaux qui s’organisaient autour des capitales de différents royaumes mossi (Tenkodogo, Ouagadougou, Ouahigouya, Fada N- Gourma et peul (Dori et Djibo) ainsi que de centres d’échanges (Béré, Laye, Pouytenga, Mané et Gourcy) et de transactions en or, kola, sel et étoffes essentiellement (Sya, aujourd’hui appelé Bobo-Dioulasso). Au moment de la colonisation, certains centres précoloniaux de population furent conservés dans les projets de réorganisation de l’espace conquis. Ainsi, Ouagadougou devint la capitale du nouveau territoire colonial en 1919 et Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Dori, Tenkodogo et Fada N’Gourma devinrent des capitales régionales. Certaines villes moins importantes dans l’espace précolonial furent également promues (Koupéla, Koudougou et Banfora).

Alors que le nombre de villes prises en compte dans le recensement de 1975 n’était que de cinq, en 2006, quarante-neuf furent comptabilisées1 ce qui reflète l’accélération du processus d’urbanisation burkinabè au cours des quarante dernières années sur lesquelles nous allons désormais nous concentrer.

Selon les données recueillies dans le cadre du dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) de 2006, le territoire national est inégalement occupé: la majorité de la population est rurale (77,3 %) et les citadins sont donc minoritaires (22,7 %).

Si ces chiffres reflètent la faible urbanisation du pays, une analyse approfondie de l’évolution de la population selon le milieu de résidence nous permet d’affiner ce constat général en notant que la part de la population urbaine ne cesse d’augmenter depuis une quarantaine d’années.

1 OUEDRAOGO Mathieu, RIPAMA Toubou, Etat et structure de la population. In INSD, Recensement Général de la

Évolution de la population résidente par milieu de résidence (1975-2006)1

Population Totale Population urbaine Population rurale Année Nombre de personnes % de la population totale Nombre de personnes % de la population totale Nombre de personnes % de la population totale 1975 5.638.203 100 362.610 6,4 5.275.593 93,6 1985 7.964.705 100 1.011.074 12,7 6.953.631 87,3 1996 10.312.609 100 1.601.168 15,5 8.711.441 84,5 2006 14.017.262 100 3.181.967 22,7 10.835.295 77,3

Il se dégage de ces données que les proportions de population urbaine et rurale au sein de la population burkinabè tendent respectivement à augmenter et à diminuer de façon régulière depuis le milieu des années soixante-dix.

En volume, au cours des quarante dernières années, la population urbaine nationale a pratiquement été multipliée par neuf. Ainsi, si le taux d’accroissement annuel moyen de 7,1% se maintient, la population urbaine devrait doubler d’ici 2016.

1.2.1.2. Ouagadougou: une urbanisation galopante

La capitale du pays, Ouagadougou, est de loin la commune la plus peuplée du pays avec ses 1.475.839 habitants recensés en 2006. La population a plus que triplé au cours des trente dernières années. Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, les deux plus grandes villes du pays regroupent à elles seules plus de 14 % de la population burkinabè et environ 62 % de la population urbaine nationale.

La province du Kadiogo et la région Centre qui abritent la ville de Ouagadougou sont d’ailleurs aussi les plus peuplées avec près d’un million d’habitants pour la première et 1.727.390 habitants pour la seconde. La région Centre est également celle qui connaît la plus forte concentration de population avec une densité de 602,2 habitants au kilomètre carré alors que la densité moyenne nationale en 2006 était de 51,4 habitants au kilomètre carré. C’est d’ailleurs également dans cette région que l’augmentation de cette densité a été la plus marquée durant les quarante dernières années.2

1 Ibid., p. 61.

2

Cette urbanisation galopante se traduit par une très forte demande en logements dont on évalue les besoins annuels à 8.000 pour la ville de Ouagadougou. La superficie de la capitale est d’ailleurs passée de 1.500 hectares en 1950 à 20.000 hectares en 2000.1

Ouagadougou fait l’objet de différents projets d’aménagement urbain dont les plus importants sont les projets Ouaga 2000 et ZACA (Zone d’Activités Commerciales et Administratives). Le premier, pensé dès la Révolution n’est finalement mis sur pied que dans les années quatre-vingt-dix et vise l’édification d’un quartier résidentiel au sud de la ville, sur un territoire de 700 ha. Le projet a été conçu pour que cette zone concentre des quartiers résidentiels et des lieux de loisir de grand standing ainsi que les principaux lieux d’activité politique et administrative du pays. Le quartier abrite donc entre autres la nouvelle Présidence, de nombreuses ambassades, le nouveau Palais de Justice, des hôtels et villas de luxe, des centres commerciaux et d’affaires, un hippodrome, un palais des sports, un centre de conférences, etc. L’objectif à terme était de faire fonctionner cette zone comme entité urbaine autonome. Le second projet, né également sous la Révolution n’est réellement mis en œuvre qu’à partir des années 2000 avec pour but l’aménagement d’une zone offrant aux citadins un cadre plus propice aux affaires. La première réalisation, sous la Révolution, a consisté à reconstruire le marché central avec une architecture plus moderne. Ce même marché, après avoir brûlé en 2003 a d’ailleurs été remis à neuf ces dernières années. Actuellement, toute une zone du centre ville située entre le cœur historique de la ville et l’aéroport connaît des aménagements.

Pourtant, malgré l’importance des grandes villes comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso dans l’urbanisation burkinabè, il semble que l’accroissement de la population urbaine soit désormais essentiellement le fait des villes secondaires qui connaissent les plus forts taux d’accroissement du nombre de leurs résidents. Ainsi, un classement des principales villes du pays par importance de progression du nombre de résidents entre 1985 et 2006 vient confirmer cette idée.

1

COULIBALY Nadoum, Urbanisation galopante au Burkina Faso : Maîtriser les contours de la ville. In Sidwaya, 8 octobre 2007. (Disponible sur www.lefaso.net)

Accroissement de la population des principales villes

Nombre de résidents1

1985 1996 2006

Accroissement de la population

(coefficient multiplicateur entre 1985 et 2006) Pouytenga 12.445 35.720 60.618 4,87 Kongoussi 6.578 17.893 25.172 3,83 Ouagadougou 465.969 750.398 1.475.223 3,17 Koupela 9.619 17.619 28.151 2,93 Gaoua 10.657 16.424 25.104 2,36 Banfora 35.319 49.724 75.917 2,15 Bobo-Dioulasso 228.668 309.771 489.967 2,14 Kaya 25.814 33.958 54.365 2,11 Fada N’Gourma 20.857 29.254 41.785 2,00 Dori 10.956 23.768 21.078 1,92 Tenkodogo 23.331 31.466 44.491 1,91 Ouahigouya 38.902 52.193 73.153 1,88 Dédougou 21.049 33.815 38.862 1,85 Orodara 13.037 16.581 23.356 1,79 Boromo 8.511 11.232 14.594 1,71 Koudougou 51.529 72.490 88.184 1,71 Gourcy 14.401 16.317 24.616 1,71 14.242 17.146 24.320 1,71 Yako 14.155 18.472 22.685 1,60 Reo 18.456 22.534 28.446 1,54 Nouna 15.202 19.105 22.166 1,46 Tougan 12.588 15.218 17.050 1,35

Grâce à ce tableau, nous voyons que Ouagadougou n’arrive qu’en troisième position en termes d’accroissement de sa population entre 1985 et 2006 ce qui nous permet d’avancer que la croissance de la population urbaine est désormais essentiellement le fait des villes de taille moyenne.