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2. LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE ET THÉORIQUE DE LA RECHERCHE

2.3. Objectifs, hypothèses et organisation du travail

L’objectif final de ce travail est de comprendre, dans une démarche interprétative, dynamique et diachronique, les modalités des processus de domination et de contestation au Burkina Faso.

Conformément à cet objectif, ce travail repose donc sur l’hypothèse selon laquelle la jeunesse constitue un outil d’analyse du politique au Burkina Faso et plus particulièrement des rapports de domination et de contestation à l’œuvre dans ce pays. En effet, nous pensons que la jeunesse constitue un groupe social que l’on peut qualifier globalement de subordonné bien que numériquement majoritaire. Les rapports de force à l’œuvre dans la société burkinabè sont donc largement défavorables aux jeunes situés en position de cadets sociaux. Pourtant, ce groupe social est également au cœur des processus de changement à l’œuvre dans la société burkinabè et nous postulons donc la non-passivité des jeunes face à cette tendance imposée à la subordination. Cette hypothèse générale peut être déclinée en trois hypothèses secondaires que nous testerons dans chacune des trois parties qui composent ce travail. Premièrement, nous postulons que les jeunes sont au cœur des processus de changement à l’œuvre dans la société burkinabè. Deuxièmement, il nous semble que ceux-ci développent des stratégies d’inscription dans l’espace public qui constituent des formes de contestation de l’ordre établi. Enfin, compte tenu de ces actions développées par les jeunes et de leur implication dans les processus de changement, nous supposons que les modalités du contrôle social de la jeunesse sont en évolution permanente.

Cette recherche part donc d’une volonté de dépasser la difficulté rencontrée par les théories classiques de la domination à penser les processus de changement mis en œuvre par les groupes subordonnés. James C. Scott1, après avoir confronté les

1 SCOTT James C. Domination and the Arts of Resistance. Hidden Transcript. New Haven : Yale University Press, 1990, 251 p.

théories classiques de la domination à des données historiques arrive à la conclusion selon laquelle celles-ci ne sont applicables que dans des conditions très restreintes: si un nombre important de subordonnés peut, au bout du compte, occuper des positions de pouvoir ou si les subordonnés sont maintenus dans une situation d’atomisation et d’observation stricte via la suppression de tout espace de liberté discursive. L’analyse de la jeunesse au Burkina Faso constitue un terrain favorable de remise en cause de ces théories. En effet, les perspectives d’intégration des jeunes dans des espaces de pouvoir semblent être très restreintes et en réduction au Burkina Faso ce qui semble remettre en cause l’idée d’une domination « par l’espoir ». De plus, nous avons largement détaillé les processus d’émergence d’espaces de liberté en milieu urbain et la place certaine que les jeunes occupent en leur sein ce qui remet en cause toute idée d’atomisation et de surveillance totale.

Deux scénarii semblent alors possibles: soit les mécanismes de la domination au Burkina Faso semblent ne plus fonctionner et nous devrions noter une tendance à la multiplication et à la radicalisation des formes de contestation développées par les jeunes ; soit les modalités de la domination au Burkina Faso ne correspondent pas ou plus aux schémas classiques de celle-ci, auquel cas il nous faudra chercher à comprendre les évolutions ayant cours dans les modalités du contrôle social de la jeunesse.

Notre questionnement sera donc le suivant : dans quelle mesure une étude dynamique et diachronique des processus de contestation développés par les jeunes burkinabè est-elle à même de nous renseigner sur les formes et les ressorts de la domination et de la contestation dans ce pays ?

Après avoir dressé, dans une première partie, un état des lieux de la place des jeunes dans la société burkinabè et de leur implication dans les principaux processus de changement politique et social qui y ont cours, nous chercherons à comprendre via une analyse dynamique et diachronique les modalités de la domination et de la contestation des jeunes dans ce pays. Ainsi, la deuxième partie de ce travail sera consacrée à l’étude des modes de contestation développés dans l’espace public par les catégories de jeunes urbains préalablement identifiées et la troisième partie portera, quant à elle, sur l’évolution des modalités du contrôle social de la jeunesse.

1

ère

Partie. Jeunesse et changements

dans la société burkinabè

Pour dépasser les approches normatives de la jeunesse, nous nous proposons de déconstruire celles-ci en analysant les éléments qui concourent à les alimenter. Le paradigme de la jeunesse-menace et son corollaire, celui de crise de la jeunesse, semblent particulièrement florissants depuis quelques décennies. Ceux-ci feront donc l’objet d’une analyse approfondie afin d’en circonscrire le champ de validité.

Mais cette première partie est également l’occasion de tester dès à présent la validité de notre hypothèse d’implication forte de la jeunesse dans les processus de changement à l’œuvre dans la société burkinabè. De plus, via une réflexion en ces termes, nous allons d’ores et déjà chercher à répondre à nos interrogations de base concernant les mécanismes de la domination à l’œuvre dans ce pays. Nous testerons ainsi deux des scénarii classiques explicatifs du fonctionnement d’un système hégémonique : l’atomisation des subordonnés et la « domination par l’espoir ».

Le premier angle d’analyse concerne la jeunesse comme objet des changements et porte sur les processus de marginalisation de celle-ci à l’œuvre en milieu urbain burkinabè. Nous chercherons à voir dans quelle mesure ceux-ci peuvent-être considérés comme des indicateurs de crise de la jeunesse. Le deuxième angle nous permettra d’aborder la jeunesse comme actrice des changements et de préciser la nature et la portée de sa participation en la matière. Enfin, nous nous pencherons sur les « figures jeunes de la réussite » en cherchant à identifier, via une approche diachronique, les catégories de jeunesse « type » se trouvant au cœur des imaginaires de la réussite et du pouvoir et à comprendre ce que reflète leur évolution.

1.

Changements et processus de marginalisation