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2. LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE ET THÉORIQUE DE LA RECHERCHE

2.2. Le cadre théorique de la recherche

2.2.2. Portée et objets de la recherche

Ces postulats de recherche structurant notre vision du monde et notre méthodologie d’enquête clarifiés, il convient maintenant de nous concentrer sur nos objets de recherche.

Comme nous allons le voir, cette étude, via l’angle de la jeunesse vise finalement à appréhender trois éléments : le politique, le changement et les rapports de contestation et de domination au Burkina Faso.

2.2.2.1. Une réflexion sur le politique

Dans le cadre de cette recherche, nous allons avoir massivement recours au concept de politique qui est à la base de la réflexion de tout politologue. Nous jugeons donc utile de rappeler certains préalables quant à notre conception de cette notion.

Notre objectif est d’aborder le politique en tant que processus et non la politique en tant que chose en soi. Le politique est un univers en construction permanente constitué de valeurs, de normes, de pratiques, et de relations variables entre une pluralité d’acteurs. Notre qualification du politique dépasse donc largement le seul cadre de l’univers institutionnel désignant bien plus les rapports de force se nouant dans l’interaction entre des acteurs ou groupes d’acteurs aux représentations, valeurs, stratégies et intérêts différents.

Étudier le politique est donc un objectif bien vaste et nous allons détailler plus précisément les dimensions non exclusives sur lesquelles nous concentrerons notre attention. Nos recherches seront centrées sur la construction sociale du politique, c'est-à-dire sur les processus de fixation des frontières du politique. Réfléchir sous cet angle nous permet d’aborder différents aspects du politique intéressants à développer dans notre analyse. Cela revient à analyser les lieux, les acteurs, les stratégies et les enjeux de la définition du politique et donc de mettre à jour les processus de politisation et de dépolitisation, c'est-à-dire les processus d’insertion de certains acteurs, objets, sujets ou comportements au sein du champ politique ou

au contraire l’éloignement ou l’exclusion de ceux-ci.1 En effet, ces tentatives de fixation ou de déplacement des frontières du politique reflètent des conflits pour l’acquisition ou la conservation de certaines formes de pouvoir et constituent donc des formes de participation à la vie politique qu’il convient de ne pas négliger. La requalification des frontières du politique permet à des acteurs subordonnés de remettre en cause des rapports de pouvoir et de s’imposer comme acteurs légitimes mais elle permet également aux groupes dominants de consolider leur pouvoir en renforçant la légitimité de rapports de domination déjà en vigueur. Ainsi, aborder le politique sous cet angle nous permet de penser conjointement les modalités de la domination et de la contestation.

2.2.2.2. Une analyse du changement

Nos recherches visent également à analyser les processus de changements politiques et sociaux via le prisme de la jeunesse. Cet objectif qui a en quelque sorte constitué le fil directeur de nos recherches reposait sur l’idée selon laquelle la jeunesse, majoritaire en nombre mais dans une position apparente de subordination se donne à voir à tous les niveaux et dans tous les espaces de la vie sociale urbaine. Plus précisément, les jeunes constituent le cœur même des processus de changements à l’œuvre dans ce pays car ils en sont à la fois les principaux initiateurs et destinataires comme nous le verrons plus en détail par la suite. Au-delà de l’identification, de la description et de la compréhension de ces principaux changements, nous cherchons à nous interroger sur les places respectives du changement et de la continuité au sein des processus que nous souhaitons étudier.

Nous partons de la définition selon laquelle le changement est un processus découlant de l’action d’individus qui créent des évènements qui s’ordonnent et s’inscrivent dans le temps provoquant ainsi un différent entre un moment t1 et un moment t2.2

1

ARNAUD Lionel et GUIONNET Christine (dir.), Introduction : les frontières du politique. In Les frontières du

politique. Enquête sur les processus de politisation et de dépolitisation. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005,

p. 11-25. 2

2.2.2.3. Jeunesse, domination et contestation au Burkina Faso

Nous rentrons maintenant dans le cœur de notre sujet puisqu’en analysant, via le prisme de la jeunesse, les modalités de la construction sociale du politique au Burkina Faso, nous souhaitons finalement réfléchir sur les processus de domination et de contestation dans ce pays en développant une véritable analyse dynamique et diachronique de ceux-ci. Prendre pour angle d’analyse la jeunesse en tant que catégorie générationnelle « conduit finalement à l’étude des transferts

intergénérationnels et d’entraide, des rapports de pouvoir et particulièrement du pouvoir des aînés et du rôle qu’ils jouent dans le contrôle de la vie sociale ».1

Les principes théoriques préalablement détaillés prennent alors tout leur sens. Premièrement, dépasser les approches normatives de la jeunesse est une nécessité pour ne pas survaloriser les formes de contestation développées par la jeunesse ni postuler la passivité d’une jeunesse en crise. Notre définition large du politique révèle également toute son importance afin de ne pas conclure trop rapidement à une dépolitisation et à un désengagement de la jeunesse au regard de la faiblesse de son implication dans les formes traditionnelles de participation politique (engagement partisan et participation électorale). Le recours conjoint au paradigme de la crise et à une vision restreinte du politique, sans prise en compte réelle de la dimension conflictuelle des dynamiques à l’œuvre et des processus de changement, nous amènerait en effet immanquablement à conclure de prime abord à la domination de la jeunesse burkinabè et à la faiblesse voire à la quasi-inexistence des formes de contestation développées par celle-ci en réaction à l’ordre établi. Au contraire, la conjonction d’une définition relativement ouverte du politique à une réhabilitation de l’individu en tant qu’acteur stratégique jouissant d’une certaine forme d’autonomie, fût-elle partielle, et participant à des processus de changement va nous permettre d’analyser les modalités de la domination de la jeunesse et les

1 ANTOINE Philippe (éd.), Introduction. In Les relations intergénérationnelles en Afrique. Approche plurielle. Paris : CEPED, 2007, p 9.

formes de contestation et de résistance développées par celle-ci dans des espaces sociaux diversifiés propres au milieu urbain burkinabè.

2.3. Objectifs, hypothèses et organisation du