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PRINCIPAUX RESULTATS

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 188-193)

ETUDE DE LA PRÉSENCE SOCIOCOGNITIVE LORS DE LA CONDUITE D’UNE ACTIVITÉ DE TYPE « SITUATION-PROBLÈME » A DISTANCE

PRINCIPAUX RESULTATS

Synthétiquement, la recherche conduite a permis de dégager les éléments suivants :

 Les interactions sociales de type transactions sont d’abord faites de l’influence des communications verbales/non verbales ainsi que des actions qui en découlent.

D’un point de vue transactionnel, la résolution d’une situation-problème s’est inscrite dans une continuité et un lien de réciprocité. Les transactions au sein d’un collectif ont en effet progressé durant la situation d’activité, chaque transaction affectant les transactions futures.

Ainsi, dans la situation interrogée, alors même que les trinômes n’avaient pas eu connaissance des étapes clés que recouvre une démarche de pratique d’enquête, la plupart d’entre eux a pu traverser ces étapes de façon inconsciente et générer ainsi des transactions. Leurs propres représentations se sont progressivement transformées au profit d’une idée commune, produisant de nouvelles connaissances, propres au trinôme et différentes de la somme de celles que les apports individuels auraient pu créer. C’est d’ailleurs certainement en partie parce que les trinômes n’ont pas eu clairement conscience des étapes à franchir pour résoudre la situation problématique que certains d’entre eux n’ont pas réussi à créer de transactions. Bien que tous les participants partageaient l’idée que le déroulement de l’activité s’était déroulée « naturellement », certains d’entre eux regrettaient l’absence d’un cadre qui aurait peut-être pu permettre un travail commun plus efficace.

 Les interactions sociales ont été par ailleurs constituées de l’influence de la présence. Le fait d’être ensemble, de se voir agir mutuellement, de s’entendre échanger et réagir aux propos des uns et des autres, a participé aux changements. D’un point de vue sociocognitif, être en présence, c’est faire montre d’attention intellectuelle envers l’autre, c’est également s’engager dans l’interaction et soutenir l’engagement de l’autre. Cela s’est concrétisé par des actions visibles qui ont pu par ailleurs être silencieuses ; la présence porte en elle une fonction relationnelle et régulatrice permettant de structurer les échanges et de les transformer.

Dans cette recherche exploratoire, les interactions sociales produites ont été influencées par la perception des autres, rendue visible par l’environnement numérique qui a permis la mise en relation. Lorsque la perception de l’autre était positive, les transactions devenaient possibles.

 Les interactions sociales ont également été fortement influencées par la qualité de la mise en relation. Même si les participants ont pris leur part de responsabilités dans la qualité des échanges

avec leurs partenaires, ils attendaient beaucoup du dispositif numérique, qu’ils considéraient majoritairement comme un atout en termes de collaboration. Néanmoins, l’éclatement du cadre spatial spécifique à cette formation à distance s’est révélé à double tranchant puisque presque tous ont affirmé avoir été gênés, et leur engagement avoir été influencé, par le dispositif.

Une analyse complémentaire permet de rendre compte de la progression des trinômes (A, B et C)à travers les différentes étapes qu’ils ont traversées dans un cadre distant synchrone, d’en comprendre le développement et de faire apparaître les éléments qui ont concouru à consolider le trinôme ou au contraire, à le dissoudre.

Etape 1 de la pratique d’enquête : Les interactions qui se sont engagées ont amené dans un premier temps les membres du trinôme à se mettre en relation mais ne lui ont pas suffi pour se révéler. En effet, un petit groupe se caractérise par une double interaction : l’interaction entre ses membres et l’interaction de chacun d’eux avec un objectif commun auquel ils tendent (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001). Dans cette étude, un des trois trinômes (Trinôme A) a peiné à amorcer les échanges. Cela s’explique probablement par le fait qu’il n’a pas bénéficié au démarrage d’objectifs communs aussi concrets que ceux déjà établis dans les autres trinômes. Les entretiens réalisés révèlent ainsi que les intentions personnelles des membres de deux trinômes sur trois (Trinômes A et B) ne semblaient pas compatibles avec les objectifs communs supposés des uns et des autres et pouvaient déjà, à ce stade de l’enquête, fragiliser le trinôme.

Par ailleurs, l’influence réciproque des partenaires dans les trois trinômes s’est révélée importante pour les sujets de notre étude, la connaissance mutuelle des motivations de chacun pour le trinôme entraînant corrélativement ses membres à promouvoir ou non un sentiment de confiance partagé (Blanchet et Trognon, 2008). Ainsi, tous les trinômes ont pu être influencés par une intentionnalité perçue de leurs partenaires pour le collectif. Ces intentions médiatisées ont pu être décelées par les interactions verbales et précisées par la réception visuelle de comportements qui ont pu s’opérer à partir du dispositif numérique à travers lequel les relations intra-groupes se sont opérées.

Pour qu’un travail collectif soit efficient, une instrumentalisation appropriée de l’environnement numérique doit contribuer à offrir des conditions optimales afin d’inscrire l’individu dans une démarche active (au niveau personnel et collégiale) de progression. Sur ce point, il semble que le dispositif à distance médiatisé proposé pour l’activité de groupe sous forme de classe virtuelle, malgré les nombreux atouts dont il disposait, a souffert de trop nombreux obstacles techniques auxquels les trinômes ont été confrontés. Entravés d’une charge cognitive extrinsèque certaine, certains membres ont en effet vu leur engagement et, au-delà, leur persévérance, impactés par la technique inhérente à la situation médiatisée.

Etape 2 de la pratique d’enquête : Afin de déterminer une hypothèse de résolution du problème, les membres d’un groupe sont conduits à interagir et à exprimer leurs points de vue à l’ensemble du groupe. Ces points de vue représentent des éléments de l’interaction, il s’agit d’ouvrir ses opinions à la discussion et non de prendre possession d’une position particulière qui serait de nature à orienter le groupe. Les autres membres sont attentifs à ce qui s’exprime et contribuent à leur tour à l’objectif commun par des désaccords.

Dans notre étude, aucun des trinômes n’a révélé de confrontations de points de vue intégrant la prise en compte des points de vue des autres en leur donnant la possibilité de se justifier. Néanmoins, l’un d’eux (Trinôme C) est tout de même parvenu à exprimer ses désaccords et à être à l’écoute de ses membres par une alternance de questions/réponses ; cette étape a marqué pour ce trinôme son ouverture vis-à-vis de lui-même, qui lui a en outre permis de procéder à des ajustements mutuels (Trognon, 1997, 1999).

Au final, seul ce trinôme a réussi à trouver un consensus réellement partagé, parce qu’il a perçu le résultat comme un intérêt supérieur commun, reconnu et recherché. Les représentations individuelles se sont transformées en une représentation sociale des membres du groupe : engagé dans des transactions entre ses membres, le trinôme a transformé mutuellement chacun de ses membres (Dewey et Bentley, 1949). De par sa nature synchrone, visuelle et auditive, la médiation participe à un rapprochement rapide des individus autour de l’objet de leur rencontre dans la mesure où le système de médiatisation ne présente pas

de défaut de connexion. De la qualité de diffusion numérique (en émission et en réception) dépend donc la qualité des interactions et la perception de proximité des uns et des autres.

En outre, malgré leur capacité à stimuler le nombre d’interactions de par la priorité naturelle qu’elles accordent au langage pour communiquer, l’immédiateté inhérente au dispositif et la faible temporalité consacrée à l’activité n’ont pas profité pleinement aux interactions, dans la mesure où celles-ci réclament du temps à la pensée pour se développer (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001). Elles ont en effet peiné à introduire la possibilité d’une réflexion approfondie et la structuration de celle-ci.

Etape 3 de la pratique d’enquête : Le niveau d’appropriation de l’idée issue de la négociation au sein d’un groupe varie selon que cette idée est réellement partagée ou non.

Dans deux trinômes (Trinômes A et B), la nature des décisions finales a été subordonnée à la faible adhésion de chacun vis-à-vis de la décision commune à prendre. Toute décision d’un groupe porte en effet sur un objet précis dont la définition doit être acceptée par tous ses membres. Sans une telle précaution, la décision risque de n’être qu’apparente car tous ne se prononceront pas nécessairement sur le même objet. Un trinôme (Trinôme C) en revanche a témoigné d’une appropriation unanime de la décision ; la coordination des efforts du trinôme, convergeant vers des intentions communes, a contribué à ce que les objectifs personnels de chacun de ses membres soient atteints. La construction individuelle et collective des connaissances en a été facilitée (Jézégou, 2012, 2014). L’appartenance au trinôme a existé, elle a témoigné de la compréhension partagée de ses membres durant toute la phase de collaboration. Par l’appropriation de nouvelles idées construites par le trinôme, les représentations antérieures ont été modifiées et les transactions entre ses membres nous ont indiqué des traces d’une présence sociocognitive pouvant participer à la construction d’une communauté d’apprentissage en ligne.

CONCLUSION

Les principaux résultats synthétisés précédemment concourent à montrer que l’émergence d’une présence sociocognitive, issue des transactions entre ces apprenants constitués en trinôme, tendrait à être influencée par le fonctionnement même du trinôme.

Ce fonctionnement dépendrait à la fois de facteurs internes propres à ses membres et de facteurs externes rendus visibles par l’environnement numérique, intermédiaire porteur des interactions groupales (verbales et para-verbales).

Au terme de cette recherche exploratoire, nous pourrions poser l’hypothèse générale suivante : plus le fonctionnement du groupe est optimisé, plus les transactions sont constructives et plus la présence sociocognitive dispose de conditions favorables pour émerger et se développer. Cette hypothèse repose sur la prise en compte de la situation dans laquelle se réalisent les interactions sociales ainsi que sur la relation elle-même, qui n’existe qu’au sein de cette situation.

De plus, un groupe qui « fonctionnerait bien » génèrerait pour ses membres un sentiment d’appartenance. Ce dernier, découlant des transactions, permettrait en outre d’orienter l’action du groupe vers la pérennité de son existence et l’atteinte des buts fixés.

Par ailleurs, la qualité de la collaboration dépendrait de la capacité du groupe à comprendre l’intérêt du collectif d’un point de vue interindividuel et intra-individuel, compréhension nécessaire à l’instauration d’un sentiment d’appartenance au groupe et de conditions de fonctionnement optimales.

L’usage de la visioconférence de type classe virtuelle, parce qu’il induit des modes de communication multimodaux, tendrait à faciliter la mise en œuvre de ces processus interactionnels et communicationnels variés et par lesquels pourrait s’accomplir la collaboration des participants. Son efficacité reste néanmoins aléatoire et dépendante de la qualité technique de diffusion. L’ensemble de ces hypothèses issues notamment des résultats de cette recherche exploratoire et de la réflexion qui en découle, ouvre autant de pistes d’investigation possible pour l’avenir, notamment dans le cadre d’une recherche doctorale.

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