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L ES FORMES D ' APPROPRIATION DES VIDÉOS PAR LES APPRENANTS

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 46-49)

LES VIDÉOS PÉDAGOGIQUES DANS LES MOOCS : ÉTUDE EXPLORATOIRE DES REPRÉSENTATIONS DES APPRENANTS ET DE LEURS MODES

6. L ES FORMES D ' APPROPRIATION DES VIDÉOS PAR LES APPRENANTS

L'apprenant, destinataire des vidéos, est également utilisateur de son dispositif de lecture. En effet, rappelons qu'une fois intégrée à la plateforme de diffusion, la vidéo est accessible à partir d'un lecteur, dont les fonctionnalités sont héritées du magnétoscope. On note que la variété des contextes repérés (domicile, transport...) fait apparaître différentes formes d'appropriation, avec des lectures non-

linéaires, en plusieurs étapes, ou bien plusieurs lectures complètes différées. En outre, grâce au téléchargement, c'est la “portabilité” du format vidéo qui permet différents modes de lecture sur différents supports tels que le smartphone dans les transports quotidiens :

« D'abord, j'aime écouter les vidéos en podcast lorsque je conduis pour aller travailler. Je transfère plusieurs vidéos sur mon iPhone et comme ça, je n'ai plus qu'à le brancher dans la voiture. Ça c'est pour écouter une première fois. Après, je complète les QCM sur ordinateur » (Stéphanie, GP, MOP1).

« Je profite des trajets en RER pour en écouter un maximum sur mon portable7 au mois une fois avant de faire les exercices.

» (Louise, GP, MV3)

Parfois, la vidéo est « écoutée » parallèlement à la réalisation d'une autre activité pouvant être intégrée aux loisirs, ces formes d'appropriation émanent de répondants ayant déjà acquis des connaissances sur le sujet traité et ne nécessitant pas l'obtention d'un certificat de réussite :

« On n’a pas forcément envie de se remettre derrière l’ordi en fin de journée. Donc, moi je regarde plutôt en cuisinant le soir , c'est quand même un moment de détente » (Isabelle, IP, MOP4).

« Elles deviennent mes émissions culturelles pendant mes temps morts. » (Agathe, IP, MOP3)

Enfin, certains détournements, usages imprévus du script des formations, sont constatés :

« En général, je n'ai pas du tout le temps de les suivre de A à Z, donc je parcours rapidement le sommaire et je vais piocher ce qui m'intéresse... Je télécharge certaines vidéos sur mon PC, je capture certains écrans... et je regarde les vidéos tranquillement plus tard, si besoin. L'essentiel est de ne pas rater la fermeture du MOOC ! » (Romain, IP, MOP3 )

« J’essaie d’être efficace, disons, pour avoir accès à tous les cours et par manque de temps : en fait, je vais tout de suite voir les questions du QCM puis je regarde les vidéos pour trouver les réponses. C’est un peu du bachotage, mais les QCM c’est du basique et de l'immédiat. Ca ne correspond pas forcément à ce que j'utiliserai et approfondirai après. Donc je fais défiler le cours rapidement, et je télécharge ce qui sera vraiment utile pour ma vie professionnelle, je fais le tri en somme » (Arnold, GP, MV2).

Globalement, les répondants témoignent d'une lecture active et sélective des vidéos. Les formes d'appropriation indiquent que chaque apprenant construit son apprentissage en s'appropriant la vidéo à la manière d'une ressource et de ce fait, le degré de contrôle qui en découle, ne serait-ce que sur le rythme de

lecture et le nombre de répétitions, le téléchargement et le stockage, s'oppose au modèle dit « transmissif » traditionnel. Lors de l'appropriation, et ce même pour les vidéos dites d'accompagnement, tout se passe comme si la communication des modes de présence ainsi que la fonction conative du discours se retrouvaient suspendues pour un temps au profit de la compréhension du contenu épistémique du cours. Alors que beaucoup de MOOCs cherchent à créer un rendez-vous avec les apprenants en révélant leurs chapitres semaine après semaine à la manière des séries télévisées, c'est la délinéarisation des contenus qui semble à l'ordre du jour du côté des apprenants. Ces quelques faits saillants pourraient fournir une ébauche d'explication pour une partie des publics considérés comme « décrocheurs » dans les MOOCs. Le « décrochage » renvoyant alors à un mode d'usage distinct que celui proposé dans la structuration du cours, ainsi qu'à des attentes distinctes du côté des « apprenants ». Cela était déjà le cas pour les séries télévisées (Combes, 2015), suivant la généralisation du magnétoscope, du streaming, DVD et autres supports de stockage. En effet, l'organisation des connaissance et de l'apprentissage est finalement réalisée par l'apprenant lui-même, celui qui organise ces ressources dans sa bibliothèque ou dossiers de son ordinateur, à côté d'autres sources de connaissance. Enfin, ces interrogations pourraient ou non être validées lors d'une approche quantitative sur des échantillons de répondants plus vastes.

CONCLUSION

L'analyse sémiodiscursive a permis de dégager deux types de vidéos pédagogiques, selon que le contenu soit perçu par les répondants comme accompagnement ou comme ressource. Comme nous l'avons vu, l'accompagnement se caractérise par l'implication du destinataire au moyen de plusieurs procédés discursifs. Or, comment ce discours influe-t-il sur les usages ? Si la réception des vidéos met en évidence cette distinction, les usages se répartissent finalement en suivant une toute autre voie. Autrement dit, il n'y a pas de correspondance systématique entre la modalité pragmatique du discours et les usages des répondants. En revanche, la caractérisation des motifs d'entrée en formation des personnes interrogées a permis d'observer une concordance entre un discours d'accompagnement et des publics novices. Pour d'autres types de motifs, tels que la veille professionnelle, le parcours de formation se trouve reconfiguré à travers d'autres usages, permis par le téléchargement ou la capture d'écran.

En effet, les entretiens ont révélé des formes d'appropriation plurielles, voire non conformes à celles présumées. Comme le note Akrich (1998) dans ses recherches en sociologie de l’innovation pouvant éclairer ces pratiques, on observe une pratique de désarticulation des contenus pouvant détourner l’objet

technique du script d’usage que le concepteur a incorporé à l’objet lors de sa conception. La vidéo devenue

ressource est conservée soit dans sa totalité, soit sous forme d'extrait, pour s’insérer dans la bibliothèque numérique de l’apprenant. Ce type d'usage s'affranchit alors d'un certain paradigme du « présentiel » et du « synchrone ».

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 46-49)