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EPISTEMOLOGIE ET CONCEPTUALISATION

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 145-148)

LE E-PORTFOLIO DE COMPETENCES : DE LA DYNAMIQUE DE L’EXPERIENCE A L’APPROPRIATION DE LA COMPETENCE

EPISTEMOLOGIE ET CONCEPTUALISATION

L’un des principaux objectifs de cette recherche doctorale est de contribuer à apporter quelques éléments de connaissance sur un phénomène encore peu étudié en France et plus largement au niveau international. En effet, les travaux sur l’autorégulation sont principalement d’origine anglophone nord- américaine et portent essentiellement sur l’autorégulation individuelle d’élèves du primaire et du secondaire. De plus, l’originalité de cette recherche repose sur le fait qu’elle est centrée sur les aspects collectifs de l’autorégulation des adultes. Un second objectif est que les connaissances produites puissent constituer des aides à la décision pour la mise en œuvre d’ingénieries de formation et d’ingénieries technico-pédagogiques participant à l’efficacité de la formation à distance au Cnam Hauts- de-France, terrain de l’étude empirique liée à cette recherche.

La recherche doctorale est inscrite dans le paradigme sociocognitif tel que développé par Bandura (1977 ; 1986 ; 2005 ; 2007). Elle rejoint plus particulièrement les travaux de Zimmerman (2000) sur l’autorégulation, tout en mobilisant ceux de Carré (1992 ; 2003 ; 2004 ; 2010), de Cosnefroy (2010 ; 2011) et de Jézégou (1998 ; 2008 ; 2010).

Le paradigme sociocognitif souligne l’interaction entre trois séries de facteurs : l’environnement (E), les caractéristiques de la personne (P) et ses conduites (C). On parle de réciprocité causale triadique.

Figure 1 – Le modèle de réciprocité causale triadique (Bandura, 1986)

Comme le souligne Jézégou (2011), Bandura entend par « conduites » (C) les schèmes d’action du sujet ou ses manières personnelles d’agir. L’environnement (E) renvoie à un agencement de facteurs humains, socio-économiques, culturels, éducatifs, matériels ou encore écologiques. Quant aux caractéristiques personnelles (P), elles sont tout à la fois cognitives, motivationnelles, émotionnelles et biologiques. Jézégou (2011) précise également, en s’appuyant sur la position de Bandura (1986), que ces trois séries de facteurs sont en interaction continue et réciproque selon des importances variables en fonction des temporalités. Ces facteurs n’interviennent pas toujours avec la même intensité et en même temps. Il n’empêche que la modification de l’un entraîne une modification du système d’interaction. Ces variations sont notamment le fruit de l’agentivité, c’est-à-dire de la capacité de l’individu à influer intentionnellement sur le cours de sa vie et ses actions ainsi que sur son environnement. Plus spécifiquement, l’agentivité mobilise des compétences à l’autodirection (Jézégou, 2014). Carré (2010) précise que l’autodirection repose sur l’articulation des concepts d’autodétermination, d’autorégulation et d’auto-efficacité. L’autodétermination implique la dimension motivationnelle de l’apprentissage, telle que développée par Deci et Ryan (2000). L’autorégulation, notamment théorisée par Zimmerman (2002), étudie le volet volitionnel du comportement. Enfin, l’auto-efficacité est commune aux deux théories, en tant que soutien à l’autodétermination et à l’autorégulation(Carré, 2010).

Les recherches sur l’autorégulation visent à identifier, à comprendre ou à expliquer comment l’individu parvient à se mettre au travail, à faire preuve de persévérance et à atteindre les buts fixés en contrôlant lui-même ses processus d’apprentissage et sa motivation (Cosnefroy, 2010). S’inscrivant dans la perspective sociocognitive, Zimmerman (2002) définit trois formes d’autorégulation, interagissant dans le même système de réciprocité causale triadique (Bandura, 1986). Il s’agit de l’autorégulation interne,

de l’autorégulation comportementale et de l’autorégulation environnementale. L’autorégulation interne porte sur le contrôle, par l’apprenant lui-même, de ses affects, émotions et motivation. L’autorégulation comportementale renvoie au contrôle de ses propres comportements d’apprentissage, tels que les techniques d’auto-instruction. Quant à l’autorégulation environnementale, elle regroupe, comme le souligne Jézégou (2011), les stratégies que l’apprenant met en place afin de disposer d’un environnement éducatif qu’il estime optimal pour la réussite de ses apprentissages.

Figure 2 - Les formes triadiques de l'autorégulation (D’après Zimmerman, 2002; in Carré, 2010, p.150)

La recherche présentée dans cette communication adopte la position défendue par Bandura (2005) selon laquelle les mécanismes qui sous-tendent l’autorégulation individuelle sont transposables à l’autorégulation collective. En effet, la théorie sociocognitive rejette le dualisme entre l’individu et le social. Pour Bandura (2005), l’individu fait partie d’une structure sociale dont il ne peut se détacher, qui l’influence et qu’il influence en retour. Cette influence de l’individu sur l’environnement repose sur sa capacité à s’autoévaluer. A l’inverse, le système social impose des contraintes à l’individu. Bandura (2005) parle d’une dynamique bidirectionnelle d’influences. L’un des autres points clés des propositions de l’auteur porte sur le sentiment d’efficacité personnelle. Le sentiment d’efficacité personnelle est défini comme les croyances des individus quant à leur capacité à réaliser des performances particulières. Il contribue à déterminer les choix d’activité et d’environnement, l’investissement du sujet dans la poursuite des buts qu’il s’est fixé, la persistance de son effort et les réactions émotionnelles qu’il éprouve lorsqu’il rencontre des obstacles. Cosnefroy et Jézégou (2010) rappellent que Bandurapropose une transposition du sentiment d’efficacité personnelle à l’échelle collective. Il parle alors d’efficacité collective. Les auteurs proposent la traduction suivante de cette démonstration : « une croyance partagée par

les membres du groupe dans leur capacité à collaborer pour organiser et exécuter les actions requises pour atteindre un résultat désiré » (d’après Bandura, 1997, p. 477, traduit in Cosnefroy et Jézégou, 2010, p. 3). La réflexion de Cosnefroy et Jézégou repose sur cette transposition dans le cadre de leur étude relative aux processus d’autorégulation individuelle et collective au cours d’un apprentissage par projet. Menée sur un groupe de 73 étudiants de l’Ecole des Mines de Nantes, l’étude fait ressortir que les processus cognitifs et métacognitifs, en l’occurrence les opérations liées à la définition et à la hiérarchisation des buts, jouent un rôle dans la perception de l’efficacité collective. Les doutes et le découragement sont régulés par la réévaluation et l’ajustement des buts initiaux. Par ce processus, le groupe s’autorégule. La

problématique de la présente recherche s’inscrit dans la continuité de ces travaux.

Outre l’autorégulation collective, la deuxième notion centrale de notre recherche est celle de « groupe ». La psychologie sociale apporte des éléments essentiels pour définir ce qu’est un groupe et ce qui le caractérise. Selon Fischer (2015), un groupe est « une entité sociale identifiable et structurée, caractérisée par un

nombre de personnes liées entre elles par des activités soit communes, soit interdépendantes et qui développent des interactions déterminées par des normes de conduites et des valeurs communes, dans la poursuite de leurs objectifs »

(Fischer, 2015, p.70). Ainsi, un groupe ne consiste pas à un simple rassemblement d’individus réunis par la proximité physique. Il doit reposer sur une forme de cohérence établie sur des valeurs communes, et sur un objectif commun (Oberlé, 1999). Chaque membre du groupe se caractérise par son individualité, mais aussi par son appartenance au groupe. Parallèlement, un groupe ne peut être défini en dehors de ses rapports à l’extériorité. Les caractéristiques du groupe, ses finalités et ses enjeux ne sont significatifs qu’à travers la confrontation et la comparaison avec d’autres groupes (Oberlé, 1999). Les pensées, les discours et les actions des membres d’un groupe influencent les choix de chaque individu le composant. L’inverse est également vrai : si les autres influencent l’individu, l’individu influence les autres. On retrouve l’idée d’interaction. Le groupe est une entité vivante.

Concernant la notion de sentiment d’appartenance, troisième notion de cette recherche doctorale, elle s’appuie sur la définition exposée par Richer et Vallerand (1998). Les auteurs la caractérisent par : « un

sentiment d’intimité et de proximité entre deux ou plusieurs personnes. Il comporte également un sentiment d’acceptation, c’est-à-dire que l’individu se sent compris et écouté » (Richer et Vallerand, 1998, p. 130).

Figure 3 - Caractéristiques du sentiment d'appartenance sociale (d’après Richer et Vallerand, 1998).

Les psychologues tels que Baumeister et Leary (1995) placent le sentiment d’appartenance sociale (interpersonal relationship) au cœur de l’adaptation psychologique de l’individu. Le sentiment d’appartenance sociale est ainsi à l’origine d’impacts importants et divers sur l’état émotionnel de l’individu et sur les réponses cognitives qui en résultent. De plus le sentiment d’appartenance sociale joue un rôle moteur dans le processus de motivation, qui rappelons-le est également au cœur du processus d’autorégulation. Le rôle joué par le sentiment d’appartenance sociale sur la motivation repose sur deux critères. D’une part, l’individu doit entretenir des relations agréables et régulières avec une ou plusieurs personnes. D’autre part, ces mêmes relations doivent s’inscrire dans la durée et la stabilité (Baumeister et Leary, 1995). Ainsi, le sentiment d’être accepté et compris par les autres génère des émotions positives (joie, contentement, etc.). A contrario, comme le souligne Richer et Vallerand (1998), le sentiment d’être rejeté et exclu engendre des émotions négatives (stress, solitude, etc.) (Richer et Vallerand, 1998). Cet état d’esprit aura un impact sur les choix et les degrés d’investissement et de persévérance de l’individu.

La problématique de cette recherche doctorale peut être formalisée schématiquement de la manière suivante :

Figure 4 - Schématisation problématique et hypothèse.

Nous appuyant sur la définition psycho-sociale du groupe, nous partons du principe qu’un groupe d’apprenants (1) se caractérise par un sentiment collectif d’appartenance sociale de la part de ses membres (2). Chaque membre du groupe a un ou plusieurs objectifs initiaux quant à son apprentissage. Dans le cadre d’une activité pédagogique collective, les membres du groupe vont partager un objectif commun, à savoir réussir la dite-activité. Nous posons donc l’hypothèse que le sentiment collectif d’appartenance sociale à un groupe d’apprentissage influencerait la conduite de stratégies d’autorégulation collective (3).

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 145-148)