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CADRAGE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 176-180)

FORMATION : LE CAS D’APPRENANTS EN SOINS INFIRMIERS DE 2EME ANNEE

CADRAGE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

Dès le commencement de nos recherches sur la persistance, nous nous rendons vite compte qu’il est impossible d’appréhender cette notion indépendamment du concept de motivation. En effet, comme l’énoncent Deci et Ryan : « Les recherches sur la motivation sont donc principalement axées sur les conditions et les processus qui favorisent la persistance (…) et le dynamisme dans les activités que poursuivent les individus » (Deci et Ryan, 2007, p. 24).Viau, de son côté, exprime que « la motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but » (Viau, 1994, p. 7).

A partir d’une revue de littérature sur la problématique de la persistance en formation, nous avons retenu six dimensions pour cette recherche :

1. Le sentiment de libre choix de l’apprenant au regard du dispositif de formation (Jézégou, 2012) ;

2. Le sentiment d’efficacité personnelle et l’établissement de buts de maîtrise par l’apprenant (Bandura, 2003 ; Tessier, Sarrazin, Trouilloud, 2006) ;

3. L’intérêt et le plaisir ressentis par l’apprenant pour sa formation (Deci et Ryan, 2007) ; 4. L’établissement de buts personnels par l’apprenant et son désir de réussite (Cosnefroy,

2012) ;

5. Le sens et la valeur qu’il porte à sa formation liés au fait que la formation corresponde à ses « convictions personnelles » (Jézégou, 2015).

6. La sensation de lien à distance, se définissant comme un sentiment d’être relié au formateur et d’être reconnu comme personne singulière par ce dernier. Cette sensation dépendrait de la qualité des relations interpersonnelles entre formateur et apprenant (Heutte, 2014). Il est à noter qu’à ce jour et à notre connaissance, ce terme n’a pas encore été étayé au plan théorique par la recherche.

Nos recherches sur l’accompagnement à distance nous ont amenée à considérer l’accompagnement comme une aventure relationnelle où les deux protagonistes, accompagnant et accompagné, entrent en interaction selon une distance plus ou moins instaurée consciemment. L’essence même de cette distance est liée à la façon de considérer l’être humain qui est en face de soi. En effet, de par sa réciprocité, l’accompagnement questionne la relation à l’Autre (Beauvais, 2006 ; Paul, 2014). Cependant, lorsqu’il s’agit d’accompagnement à distance, des questions se posent. En effet, le fait de ne pas voir physiquement la personne qui est en face de soi peut amener à se questionner sur l’existence ou non d’une « sensation de lien à distance ». Et si cette sensation de lien à distance existe, comment est-elle perçue par les acteurs de la relation d’accompagnement ? L’apprenant peut-il ressentir un soutien à distance par le formateur qui l’accompagne ?

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A partir d’une revue de littérature portant sur l’ensemble des fonctions que peut revêtir l’accompagnement pédagogique à distance, nous avons fait le choix de garder quatre dimensions pouvant favoriser la persistance en formation :

1. La fonction « socioaffective et motivationnelle » (Rodet, 2012 ; Berrouk et Jaillet, 2013) : elle consiste à développer des relations individuelles avec l’apprenant afin de l’aider à traverser sereinement les aléas de sa formation, en adoptant une posture relationnelle favorisante (Berrouk et Jaillet, 2013). Cette dimension permet de lutter contre l’abandon de formation par l’apprenant (Rodet, 2012).

Comme nous considérions que la sensation de lien à distance dépendait des relations interpersonnelles entre formateur et apprenant, nous avions formulé l’hypothèse suivante : « Si l’étudiant en soins infirmiers de 2ème année perçoit une aide de la part de son formateur référent dans le

vécu des aléas de sa formation, alors il ressentira une sensation de lien à distance ».

2. La fonction « accueil et organisation » (Rodet, 2012 ; Berrouk et Jaillet, 2013 ; Denis, 2003), qui consiste à accompagner l’apprenant dans son projet professionnel (Charlier et Denis, 2002, cités par Denis 2003) afin de développer sa persistance en formation (Berrouk et Jaillet, 2013, Alava et Pruvost-Safourcade, 2008). Il nous paraissait intéressant d’étudier si le fait de se sentir accompagné dans son projet professionnel pouvait donner envie à l’apprenant de poursuivre ses buts personnels et de réussir à les concrétiser. En effet, l’établissement par l’apprenant de buts personnels et son désir de réussite ont un effet sur sa persistance en formation (François et Botteman, 2002 ; Desmette, 1999 cité par Nagels, 2010).

Nous avions donc posé l’hypothèse suivante : « Si l’étudiant en soins infirmiers de 2ème année

perçoit un accompagnement dans son projet professionnel par son formateur référent, alors il aura tendance à poursuivre ses buts personnels et à vouloir réussir sa formation ».

3. La fonction « métacognitive » (Rodet, 2012 ; Berrouk et Jaillet, 2013 ; Alava et Pruvost- Safourcade, 2008), qui consiste à aider l’apprenant à adopter une posture réflexive par rapport à sa formation et ses apprentissages afin qu’il puisse identifier son niveau d’autodétermination (Alava et Pruvost-Safourcade, 2008) et ses motivations intrinsèques (Rodet, 2012) pour la formation. Nous nous sommes posé la question si le fait de se sentir aidé par son formateur référent dans l’identification de son niveau d’autodétermination pour ses études permettait de faire ressentir à l’apprenant du plaisir et de l’intérêt pour sa formation. En effet, la motivation intrinsèque de l’apprenant provoque un sentiment d’autodétermination et lui fait considérer la formation comme une source d’intérêt et de plaisir (Deci et Ryan, 2007). Nous avions formulé alors l’hypothèse suivante : « Si l’étudiant

en soins infirmiers de 2ème année perçoit de la part de son formateur référent une aide dans l’identification

de son niveau d’autodétermination pour sa formation, alors il ressentira de l’intérêt et du plaisir dans sa formation ».

4. La fonction « évaluation » (Rodet, 2012, Berrouk et Jaillet, 2013), qui correspond à valoriser l’apprenant tout au long de son parcours de formation, notamment par des feedbacks positifs (Abrioux, 1985, cité par Berrouk et Jaillet, 2013).

Comme nous considérions que le sentiment d’efficacité personnelle et l’établissement de buts de maîtrise étaient fortement reliés à la qualité des relations interpersonnelles entre formateur et apprenant (Heutte, 2014) et à l’instauration d’un climat de maîtrise basé sur la valorisation du travail et des efforts de l’apprenant (Tessier, Sarrazin et Trouilloud, 2006), nous avions posé l’hypothèse suivante : « Si l’étudiant en soins infirmiers de 2ème année perçoit des

encouragements, des feedbacks positifs et une valorisation de la part de son formateur référent, alors il ressentira un sentiment d’efficacité personnelle et aura tendance à élaborer des buts de maîtrise ».

ETUDE EMPIRIQUE

Dans le cadre de cette recherche, nous avons réalisé une étude empirique au sein de l’IFSI SANTELYS, disposant d’un dispositif hybride de formation afin de tester l’ensemble des hypothèses formulées.

Nous avons fait le choix d’interroger des étudiants en soins infirmiers volontaires inscrits en 2ème année de formation, 11 femmes et 5 hommes, soumis aux mêmes modalités de formation. Cependant, afin de tendre vers une représentation significative de cette promotion, nous avons choisi des étudiants possédant des profils différents. Avec une moyenne d’âge de 23 ans, trois étudiants sur 16 étaient en formation continue : une étudiante était aide-soignante, une travaillait dans le secteur des ressources humaines et un étudiant était ambulancier. Les 13 autres étudiants étaient en formation initiale. Cinq étudiants bénéficiaient d’un financement par un organisme OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé) leur permettant de se consacrer entièrement à leur formation ; sept étudiants devaient travailler en tant qu’aides-soignants pour financer leurs études et quatre étudiants vivaient chez leurs parents. Selon les cas, les étudiants interviewés avaient déjà vécu une expérience de formation via un dispositif hybride.

Nous avons effectué 16 entretiens semi-directifs. Le seuil de saturation empirique des données a été atteint à ce nombre. Le guide d’entretien a été structuré selon le nombre d’hypothèses. Chaque hypothèse a été construite suivant le croisement d’une dimension de l’accompagnement à distance avec une dimension de la persistance de formation telle que citée précédemment. Ainsi, chaque hypothèse nous permettait d’appréhender l’effet de la perception de l’accompagnement pédagogique à distance par l’étudiant sur sa persistance en formation. Nous avons fait le choix de poser deux à trois questions relativement ouvertes par hypothèse, de façon à favoriser une expression libre de la personne interviewée. Les entretiens ont été effectués dans un bureau porte fermée, préservant ainsi la confidentialité des propos échangés. L’accord de chaque étudiant a été recueilli avant de procéder à l’enregistrement de l’entretien.

Nous nous sommes positionnée dans cette étude comme chercheur et non en tant que cadre de santé formateur ; ainsi, les étudiants interviewés ont été rassurés sur notre attitude de non jugement et de neutralité vis-à-vis des propos échangés. Nous avons insisté sur l’authenticité des réponses apportées, de façon à garantir la validité de notre recherche.

L’analyse des données a été réalisée selon une méthode matricielle. Nous avons tout d’abord procédé à la retranscription de chaque entretien à partir de l’enregistrement effectué. Puis, nous avons identifié les différents thèmes révélés dans les entretiens. Enfin, nous avons croisé les différents points de vue des 16 étudiants en regard de chaque thématique.

5 LES PRINCIPAUX RESULTATS

L’étude empirique a montré que la persistance en formation de ces étudiants était surtout soutenue par une sensation que nous avons qualifiée de « lien à distance ». En effet, qu’elle soit appelée « soutien à distance », « disponibilité à distance » ou encore « sensation de présence du formateur référent à leur côtés », cette sensation a été perçue dans l’ensemble des dimensions de l’accompagnement à distance. Cette sensation de lien à distance est apparue fortement liée à la perception qu’ils avaient de l’attitude de leur formateur référent. Les entretiens ont mis en évidence qu’une attitude perçue comme aidante tendait à favoriser un vécu plus serein de la formation et une persistance accrue dans les études. Les attitudes relationnelles qualifiées comme aidantes pour 13 étudiants interviewés sur 16 correspondaient à l’écoute, la posture compréhensive et la disponibilité à distance du formateur référent, inscrites dans une temporalité favorisant le soutien et la verbalisation de l’étudiant de ses difficultés rencontrées en formation. Ainsi, l’hypothèse « si

l’étudiant en soins infirmiers de 2ème année perçoit une aide de la part de son formateur référent dans le vécus des aléas

de la formation, alors il ressentira une sensation de lien à distance » a donc été confirmée.

Cependant, les entretiens ont également montré que la sensation de lien des étudiants était davantage liée à une distance dans la relation d’accompagnement avec leur formateur référent qu’ils considéraient « juste » car correspondant à leurs attentes.

La sensation de lien à distance des étudiants interviewés a également été mise en évidence au travers de leur attente d’une relation d’accompagnement à distance respectant leur singularité. Cette attente a pu être perçue dans les quatre dimensions de l’accompagnement à distance. En effet, en ce qui concerne la dimension socio-affective et motivationnelle de l’accompagnement à distance, 8 étudiants sur 16 étaient en attente d’une prise en compte de leur tempérament et d’une reconnaissance comme un être unique, s’inscrivant dans un contexte personnel, social, financier et familial particulier. Ils ont d’ailleurs expliqué que cette prise en considération de leur contexte singulier renforçait leur motivation dans la formation.

Pour la fonction « accueil et organisation » de l’accompagnement à distance, 13 étudiants interviewés sur 16 ont mentionné des attitudes adoptées par leur formateur référent optimisant l’accompagnement de leur projet professionnel. Il s’agissait notamment de l’écoute, du partage de son expérience professionnelle ou encore de « l’envie de faire plaisir ». Si le formateur référent « fait plaisir » à l’apprenant, nous pouvions considérer que cela correspondait à une prise en compte de ses envies spécifiques et par conséquent à une reconnaissance de sa singularité. L’analyse des entretiensa mis en évidence que la perception d’une telle attitude de la part du formateur confortait l’étudiant dans la poursuite de ses buts personnels et lui donnait davantage envie de travailler pour réussir sa formation et atteindre son projet professionnel. En effet, 12 étudiants interviewés sur 16 ont mis en évidence l’importance qu’ils accordaient à l’accompagnement par leur formateur référent dans leur parcours de formation, dans un objectif d’atteindre leur projet professionnel. L’hypothèse « si l’étudiant en soins infirmiers de 2ème année perçoit un accompagnement dans son projet

professionnel par son formateur référent, alors il aura tendance à poursuivre ses buts personnels et à vouloir réussir sa formation » a donc été confirmée.

Le respect de la singularité de l’étudiant a concerné également la dimension métacognitive de l’accompagnement à distance. En effet, l’analyse des entretiens a montré que pour 7 étudiants interviewés sur 16, la transmission de la passion de son métier par le formateur, notamment au travers d’anecdotes issues de son expérience professionnelle, favorisaient l’intérêt et le plaisir de l’étudiant en formation.

De plus, pour 14 étudiants sur 16, le dynamisme, l’humour, la valorisation et les encouragements du formateur favorisaient également leur intérêt et leur plaisir en formation. De telles attitudes de la part du formateur permettaient à l’étudiant d’identifier son niveau d’autodétermination dans sa formation. L’hypothèse « si l’étudiant en soins infirmiers de 2ème année perçoit de la part de son formateur référent

une aide dans l’identification de son niveau d’autodétermination pour sa formation, alors il ressentira de l’intérêt et du plaisir dans sa formation » » a donc été confirmée.

Enfin, pour la dimension évaluatrice de l’accompagnement à distance, les étudiants ont souligné l’importance de recevoir des feedbacks positifs personnalisés de la part de leur formateur référent, notamment au moment de la communication des résultats théoriques. Pour 13 étudiants interviewés sur 16, recevoir les félicitations, un encouragement à persévérer ou encore la reconnaissance du travail fourni leur faisaient ressentir un sentiment d’efficacité personnelle et les incitaient à s’investir davantage dans leur formation, donc à poursuivre des buts de maîtrise. En effet, ces étudiants se sentaient capables de réussir leur formation. Ainsi, l’hypothèse « si l’étudiant

en soins infirmiers de 2ème année perçoit des encouragements, des feedbacks positifs et une valorisation de la part de

son formateur référent, alors il ressentira un sentiment d’efficacité personnelle et aura tendance à élaborer des buts de maitrise » a été confirmée.

Par conséquent, le lien à distance ressenti par ces étudiants au travers de l’accompagnement mis en œuvre par leur formateur référent aurait-il soutenu leur persistance en formation ? Il semble que les résultats de notre étude empirique invitent à poser cette hypothèse.

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 176-180)