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M ETHODOLOGIE DE RECUEIL DES DONNEES

Dans le document Actes du Colloque e-Formation 2018 (Page 67-72)

SUSCITER LA MOTIVATION DES ETUDIANTS POUR L’ORTHOGRAPHE : LE VIDEXEO, ENTRE CLASSE RENVERSEE ET INGENIERIE DE

M ETHODOLOGIE DE RECUEIL DES DONNEES

Un questionnaire anonyme de 56 items a été soumis aux 60 étudiants de DUT 1ère année pendant environ 15 minutes d’une séance de cours. 54 de ces items étaient constitués de phrases déclaratives, adaptées du questionnaire de Viau (annexe 2, Viau, 1994). Pour chaque item, les étudiants se positionnent sur une échelle à 4 degrés d’accord (1= tout-à-fait d’accord ; 2= plutôt d’accord ; 3= plutôt pas d’accord ; 4= pas du tout d’accord). Nos données sont donc constituées de variables qualitatives ordinales, ce qui nous a conduit à utiliser le coefficient de Spearman pour effectuer nos tests de corrélation : le Tableau 3 présente les items utilisés pour éprouver nos hypothèses.

Tableau 3 : Items extraits du questionnaire utilisé pour notre recherche

Item Libellé

B3 Mon Videxéo a porté sur un point de grammaire qui me pose réellement problème.

B5 Après la séance de préparation, je me sentais capable d’expliquer la règle grammaticale à quelqu’un.

B14 J'ai eu besoin d'une explication complémentaire de l'enseignant(e) pour bien comprendre la règle grammaticale que j'ai trouvée sur le Web.

B15 La règle grammaticale que j’ai trouvée sur Internet m’a parue compréhensible et bien formulée, ce qui fait que je n’ai pas eu besoin de solliciter l’enseignant(e).

C2 Comme j’ai expliqué la règle grammaticale, je me sens capable de l’appliquer lorsque je rédigerai des travaux académiques ou professionnels (par « rédiger » on entend « composer des phrases et des paragraphes »).

C3 Même si j’ai expliqué la règle grammaticale, je ne suis pas du tout certaine(e) de penser à l’appliquer au moment de rédiger des textes.

C7 J’aimerais faire des Videxéos sur d’autres sujets ou dans d’autres cours car cela soutient ma motivation. C10 Je trouve que le Videxéo nécessite trop de travail personnel.

C12 J’aimerais faire des Videxéos dans d’autres cours car c’est un exercice créatif.

C17 Je trouve que le Videxéo est utile par rapport à l’objectif de mieux maitriser les règles grammaticales du français. C18 Je trouve que le Videxéo est utile par rapport à ma formation centrée sur l’information-communication. C20 Je ne vois pas vraiment l’utilité de nous faire faire des Videxéos pour améliorer le français écrit.

PREMIERS RESULTATS

Sur les 60 étudiants interrogés, 55 ont répondu à toutes les questions du questionnaire : parmi eux, seuls 37 étudiants déclarent avoir choisi de faire porter leur Videxéo sur un point de grammaire leur posant réellement problème à l’écrit (item B3, score=1 ou 2), soient seulement 70% des répondants. C’est pourquoi cet item nous a servi de référence pour vérifier les corrélations avec les autres items étudiés (Tableau 3). Pour tester l’hypothèse H1a. (Tableau 4), à savoir le développement de la perception de compétence grâce à la recherche autonome des ressources, nous avons testé la corrélation entre les items B3 et B14 puis entre B3 et B15. Notre résultat montre que les étudiants qui travaillaient sur un point de grammaire leur posant réellement problème s’estiment autonomes pour comprendre la règle grammaticale trouvée sur le Web (ρ4 = 0.289, p < .05), et réciproquement, ils estiment également n’avoir pas eu besoin

d’explication complémentaire de la part de l’enseignant (ρ = -0.317, p < .05), ce qui validerait l’approche de la classe renversée dans le cadre de ce cours.

Dans l’hypothèse H1b, nous supposions que la participation des étudiants à l’élaboration des critères qualité qui permet l’autoévaluation serait de nature à améliorer leur perception de compétence à l’écrit : il apparaît en effet que les items B5 et B24 sont significativement corrélés (ρ=0,320, p<.05).

Ensuite, nous souhaitions savoir si les étudiants s’estimaient en mesure d’appliquer cette règle dans leurs futurs écrits académiques après avoir effectué le Videxéo (H2), ou si au contraire, ils n’en étaient pas du tout certains. Nous avons d’abord testé les corrélations entre B3 et C2 d’une part et entre B3 et C3 d’autre part. Comme nous pouvions nous y attendre, nous constatons que ces deux couples d’items sont inversement corrélés : dans le premier cas, ρ=-0,289, p<.05 et dans le second cas, ρ=0,433, p<.001. Ainsi, plus les étudiants estiment avoir travaillé sur un point de grammaire leur posant problème à l’écrit (B3 = 1 et 2), moins ils pensent pouvoir transférer la règle apprise via l’exercice du Videxéo dans leurs futurs écrits académiques (C2 = 1 et 2), et plus ils doutent de cette capacité (C3 = 3 ou 4).

Nous avons ensuite mis en relation la perception de compétence des étudiants quant au fait d’être en mesure d’expliquer la règle grammaticale étudiée à quelqu’un (B5) et leur perception de compétence quant au fait d’être capable d’appliquer cette règle à l’écrit par la suite (C2) ou au contraire leur incertitude sur ce point (C3). Cette fois, nous obtenons une corrélation positive entre B5 et C2 (ρ=0,383, p<.01) et une corrélation négative entre B5 et C3 (ρ=-0,354, p<.01), ce qui est tout-à-fait logique : plus les étudiants estiment avoir bien compris la règle grammaticale, plus ils s’estiment en mesure de l’appliquer.

Tableau 4. Récapitulatif des corrélations de Spearman, valisant nos hypothèses H1 et H2 B3 B5 B14 B15 B24 C2 C3 B3 Rho de Spearman — -0.159 0.289 * -0.317 * 0.237 -0.289 * 0.433 *** valeur de p — 0.245 0.032 0.018 0.081 0.032 < .001 B5 Rho de Spearman — -0.319 * 0.132 0.320 * 0.383 ** -0.354 ** valeur de p — 0.018 0.337 0.017 0.004 0.008 * p < .05, ** p < .01, *** p < .001

Enfin, notre dernière hypothèse (H3) explorait le lien que les étudiants ont établi entre l’activité du

Videxéo, c’est-à-dire le fait de réaliser une capsule vidéo sur un sujet grammatical, et leur motivation à

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travailler dans cette discipline.

En effet, le fait d’avoir proposé une activité « authentique » (Viau, 2003) comme la création d’un Videxéo a été jugée motivante par les étudiants et utile pour progresser en français écrit. 70 % des étudiants de notre échantillon estiment qu’une activité comme le Videxéo soutient leur motivation (item C7) et qu’elle est utile pour mieux maîtriser le français écrit (item C17) et pertinente dans le cadre d’une formation en Information-communication (item C18) : les items C7 et C17 apparaissent fortement corrélés (ρ=0,492, p<.001) et il en est de même pour C7 et C18 (ρ=0,613, p<.001) (Tableau 5).

Les réponses des étudiants en C7 sont corrélées positivement à celles obtenues en C12 (ρ=0,771, p<001) mais négativement corrélées à celles formulées en C10 (ρ=-0,533, p<.001) et en C20 (ρ=-0,536, p<.001). Ainsi, les étudiants déclarent majoritairement être prêts à faire des Videxéos dans d’autres cours ou sur d’autres sujets, et ce, parce qu’ils apprécient la créativité de cet exercice (C12) et ne trouvent globalement pas que cette activité exige trop de travail personnel, ni qu’elle soit inutile pour améliorer le français écrit (C20).

Tableau 5. Corrélations de Spearman, validant notre hypothèse H3

C7 C17 C18 C10 C12 C20

C7 Rho de Spearman — 0.492 *** 0.613 *** -0.533 *** 0.771 *** -0.536 *** Valeur de p — < .001 < .001 < .001 < .001 < .001 * p < .05, ** p < .01, *** p < .001

Deux items qualitatifs complétaient le questionnaire : la consigne était respectivement de « citer 3 éléments appréciés » et « citer 3 éléments à améliorer ». Parmi les pistes d’amélioration, les étudiants suggèrent de laisser plus de temps pour la réalisation de leur Videxéo (18%5) et pour la capsule elle-même (11%) : la

durée de la vidéo était fixée à 2 minutes avec une tolérance de 10%. Aussi, il serait nécessaire de mieux préparer les étudiants au montage (24%) ou du moins de leur fournir une liste de logiciels à cet usage (5%). Enfin, si certains étudiants aimeraient faire plus souvent cette activité (7%) pour être à l’aise à l’oral, en particulier devant une caméra, quelques-uns (5%) suggèrent d’aborder d’autres sujets que l’explication d’une règle de grammaire car cela leur a paru trop facile. 18% des étudiants se déclarent satisfaits du dispositif et par conséquent ne proposent aucune amélioration, mais une minorité (3%) demande plus de contraintes car les libertés de choix accordées leur ont donné l’impression de ne pas savoir par où commencer.

Un élément très apprécié est le côté créatif de l’exercice : le terme « créativité » (ainsi que les dérivés de « créer », de « inventer » ou « imaginer ») est ainsi cité dans 72% des retours. Ensuite, revient le choix du support vidéo (45%) et le fait d’avoir travaillé en binôme (40%). Enfin, la règle grammaticale revient dans 47% des réponses. À cela, deux raisons sont principalement avancées : pour 23%, l’activité a permis d’apprendre (ou « comprendre », « retenir », « intérioriser », « améliorer mon français ») ; pour 18% le fait de l’expliquer aux autres et de voir leur production a été jugé intéressant. Finalement, dans respectivement 29% et 14% des retours, le Videxéo a été perçu comme un exercice de grammaire amusant (ou « ludique », « drôle » etc) voire original (ou « nouveau », « différent », « innovant »).

CONCLUSION

La taille réduite de notre échantillon incite certes à la prudence dans l’interprétation des résultats, cependant il semble que la pédagogie de l’ouverture de la classe renversée soit un puissant levier motivationnel pour les étudiants, notamment car elle leur permet de constituer par eux-mêmes les ressources d’apprentissage et de participer activement à la détermination des critères sur lesquels reposera l’évaluation de leur production.

Nous sommes positivement surpris de la manière dont les étudiants ont perçu cette activité, malgré son caractère chronophage. Même si la majorité des étudiants ont déclaré avoir consacré plus de trois heures au travail de captation et de montage, en dehors du temps de classe, c’est surtout le caractère créatif et

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Les pourcentages rendent compte de la part des occurrences obtenues pour une thématique donnée, par rapport au nombre total des énoncés venant des étudiants (n/55*100)

amusant de l’activité qui a été retenu. Aussi, nous constatons que le support vidéo a indéniablement contribué à soutenir l’engagement des étudiants dans l’activité même si, a priori, le fait de réaliser des capsules-vidéo dans l’objectif d’améliorer l’orthographe n’allait pas de soi : ce support contribue à la signifiance de l’activité pour ces étudiants, dont 70% admettent consacrer une bonne partie de leur temps libre au visionnage de vidéos de toutes sortes, notamment sur YouTube.

Il serait cependant nécessaire de procéder à quelques améliorations dans le dispositif. D’abord, nous avons vu que les étudiants n’ont pas tous choisi de réaliser leur Videxéo sur un point grammatical leur posant réellement problème : parfois, l’envie de travailler collaborativement en binôme avec l’un ou l’autre a primé sur l’objectif de progresser en expression écrite en français, ce qui contrecarre l’objectif final du dispositif mis en place.

Par ailleurs, si le Videxéo favorise la motivation des étudiants à entreprendre des recherches pour mieux comprendre certaines règles grammaticales, la question de l’amélioration de leur capacité à écrire correctement en français reste posée : il peut y avoir un écart entre la perception de compétence des étudiants et l’acquisition effective de cette compétence.

De la même manière, les étudiants ont apprécié voir les Videxéos de leurs pairs mais là encore, nous ne savons pas encore ce qu’ils en retirent pour eux-mêmes en matière d’apprentissage. Ces deux points seront explorés dans la suite de notre recherche.

Une autre piste d’amélioration concerne la qualité même des Videxéos : certaines productions vidéo d’étudiants, bien que correctes sur le point grammatical ciblé, comprenaient des erreurs par ailleurs : il faudrait donc prévoir dans le dispositif une autre séance de préparation avant la captation de la capsule vidéo, afin de s’assurer que le contenu montré à l’image soit entièrement correct du point de vue grammatical.

Malgré tout, il nous a paru utile de partager ces quelques résultats qui semblent confirmer le potentiel prometteur de la classe renversée en matière de motivation à apprendre. Selon nous, l’ouverture d’un dispositif médiatisé, dans sa composante pédagogique, mérite d’être davantage développée, que ce soit en classes inversées ou, plus généralement, dans les dispositifs hybrides.

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