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4. ANALYSE

4.2 Les usages des produits de santé naturels

4.2.5 Améliorer la qualité de vie ou maximiser ses capacités

4.2.5.3 Les pressions sociales de la performance

Les participants ne sont pas réprobateurs de la performance, mais d’un certain type de performance. Ils distinguent deux types de performance. Le premier est la performance personnelle selon laquelle une personne « fait ce qu’elle veut et quand elle le veut », c’est-à-dire la performance qui procure un sentiment de liberté de ses décisions et de ses actes. Et le deuxième type est celle qui est socialement reconnue, soit la performance sociale de se démarquer de ses pairs au travail, aux études ou autres, celle qui fait qu’un individu se situe « au top » des autres. Maintenant, concernant le premier type de performance, qu’entendent les participants par la « performance personnelle »? Selon eux, ce type désigne l’accomplissement de quelque chose pour son plaisir personnel, quelque chose qui se fait de bon cœur sans ressentir de la pression sociale, et ce, malgré l’état de sa santé physique ou mentale.

C’est pouvoir faire ce que tu as envie de faire sans être limité par ton physique, psychique […]. À l’trimestre d’automne […], j’ai pris deux jours de pause en quatre mois, là. Et j’travaillais tout l’temps, tout l’temps, tout l’temps. J’avais pas l’temps de faire du sport, j’avais pas l’temps à rien faire. J’suis rentré en France à Noël, voir mes parents. Tsé, on a fait une rando [randonnée à vélo] et tsé, c’était… c’était… C’était douloureux, quoi […]. C’est pas dire j’vais faire des sommets […], monter des Alpes le lendemain matin. Ça, c’est pour moi, c’est aut’chose-là. Ça peut’êt’ de la performance, mais pas forcément. […] C’est que les activités qui me tentent, que j’ai envie d’faire, qu’on me propose, que je puisse les faire. (Georges, 26 ans)

Quant au deuxième type de performance, celle présentée comme une mise en scène de soi devant les autres, il évoque un emprisonnement « aliénant » de l’individu dans les attentes que les autres le pressent d’accomplir et où il perd le contrôle sur lui-même et sur les événements de sa vie.

J’ai l’impression que ce sont les événements qui me dictent quoi faire. Et ce sentiment-là, c’était un sentiment que j’avais beaucoup eu quand je travaillais, que j’étais… j’étais… En fait, je ne contrôlais plus rien, c’est-à-dire que je prenais la première chose que je devais faire tout de suite. J’avais pas de vision […], pour mon entreprise, pour le travail. (Thomas, 29 ans)

Les pressions sociales de la performance ont conduit à associer la santé à la performance, où se montrer performant, c’est démontrer être en santé; et vice versa. Cependant, même si les participants condamnent l’injonction sociale de la performance et ses effets sur les individus, ils demeurent néanmoins conscients qu’il n’est pas possible de ne pas se soumettre à cette injonction, sans risque de se faire rejeter par ses pairs. Ainsi, certains participants ont fait usage des PSN dans ce but de pouvoir dépasser leurs capacités.

J’en consomme moi-même, fait que je peux pas dire que j’suis comme complètement contre. […] On est dans une société de performance. Il faut tout le temps qu’on soit au top, tsé le plus qu’on peut, le plus longtemps qu’on peut, autant dans nos performances, tsé intellectuelles […] que dans nos performances physiques. Fait qu’en fait, c’est un peu inévitable […]. Je pense que c’est un peu la faute de la société, honnêtement. […] Y a toujours un [sic] intention d’aller chercher plus, puis mieux, tout le temps. C’est sûr et certain. (Amélie, 29 ans)

Par ailleurs, s’il n’est pas possible de ne pas prendre des produits pour maximiser ses performances sociales, il y a la solution d’éviter d’en prendre de façon constante et de se restreindre que pour les circonstances particulières, quand il faut fournir des efforts supplémentaires dans ce qui doit être fait.

Moi en fait, ce n’est pas une technique stratégique que j’affectionne tant que ça, même si je l’ai déjà… […] j’ai déjà… j’ai déjà… [hésitation] j’ai déjà eu recours à ça […]. Je pense que sur le long terme… [C’]est plus efficace que cette technique [soit] à court terme, où vraiment là, en une semaine, il reste 10 jours, puis là, je vais me booster en produits, je dirais même dopants. (Thomas, 29 ans)

À quelque part, je sais bien que […] dans certaines situations probablement difficiles d’y échapper. Je pense au policier qui fait un shot ou à un ambulancier qui est sur appel pendant 14 heures pis qui doit prendre un p’tit produit pour le garder réveillé… [Grande aspiration] Okay, dans des circonstances extraordinaires, c’est bien. Dans un quotidien, je te dirais, quand tu le fais de façon régulière, […] ça me désole de voir le monde se booster à toutes sortes de produits pour arriver à ça, finalement. (Oscar, 32 ans)

Cela dit, consommer des PSN, c’est courir potentiellement le risque d’être confronté à la désapprobation des personnes de son entourage à cause d’un choix thérapeutique non conforme, voire courir un risque de se faire ostraciser par les autres.

Genre, ça l’air marginal dans l’fond de prendre des produits naturels. (Claude, 26 ans)

Sa grand-mère [à mon mari] […] m’a même traitée de sorcière. (Émilie, 24 ans) On dirait que changer son alimentation là, c’est comme rentrer dans une secte. […] C’est la façon j’étais perçue. Là, ma grand-mère, elle découpait des articles dans l’Journal de Montréal par exemple, d’une femme qui était devenue folle parce qu’elle checkait juste les aliments naturels, là. Du côté de ma mère et de ma grand-mère, j’étais comme spéciale bizarre, là […]. J’avais des commentaires [du] genre « Faut pas virer folle! ». Pfft! (Karine, 29 ans)

Et même qu’il arrive que les personnes de l’entourage minimisent les problèmes de santé d’une personne parce qu’elle s’automédique avec des PSN.

Mes colocataires à Québec, ils disaient que ça avait aucun effet, que c’est un effet placebo, que ça servait à rien […]. Pour eux, c’est comme 100 % placebo […]. Parce que comme je l’prends Novanuit pour l’insomnie, c’est quelque chose quand même qui est de plus en plus fréquent, mais c’est quand même pas évident d’en parler […]. J’suis plus gêné d’en parler […]. Quand je rencontre mes colocs, ils disaient « Ah ben, c’est dans la tête » et tout, « C’est rien » et tout, « Tu penses trop. Tu t’fais plein d’soucis », fait que… Ce sont des réactions qui sont pas constructives, fait que je… J’suis tanné d’ces réactions- là! (Robin, 27 ans)

Pourtant, les participants ont recours aux PSN non pour devenir des « délinquants » sociaux ou des « transgresseurs » de la conformité, mais simplement pour recouvrir leur « fonctionnalité » quotidienne. Qu’est-ce qu’ils entendent par la « fonctionnalité »?