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1. PROBLÉMATIQUE

1.5 Le pluralisme de la santé

1.5.1 L’attrait des produits de santé naturels

Les MAC séduisent, car elles offrent des espoirs supplémentaires pour soigner la santé. À cela, l’OMS ajoute que même lorsque la guérison n’est pas possible, les MAC deviennent des thérapies essentielles par le fait qu’elles peuvent améliorer la qualité de vie des individus (Organisation mondiale de la Santé, 2013). Plus spécifiquement à propos des PSN, selon Prabu et al. (2012),ils sont attractifs par le fait qu’ils :

2) Ont peu d’effets secondaires;

3) Ont une durée de moitié de vie relativement longue;

4) Peuvent être facilement absorbés par les intestins après la digestion;

5) Ne requièrent pas une consultation et peuvent être accessibles sans prescription;

6) Ont une approche plus naturelle que d’utiliser des médicaments prescrits, aident à se sentier plus en forme et à avoir plus d’énergie et permettent de prévenir des maladies; 7) Répondent quand les traitements standardisés ont échoué à soigner des problèmes

spécifiques.

Toujours selon Prabu et al. (2012), par leur fascination, les produits de santé naturels tendent à devenir de plus en plus demandés selon le graphique suivant :

Figure 2: Global food market growth about the neutraceuticals

Source : Prabu et al. (2012). Nutraceuticals: A review, Elixir Pharmacy, 46, p. 8374.

D’après Prabu et al. (2012), le total des coûts que les usagers de MAC déboursent de leur poche dépasse les dépenses de la santé aux États-Unis, qui par ailleurs possèdent le système de santé le plus dispendieux au monde (Astin, 1998, 2000; Eisenberg et al., 1998; Eisenberg et al., 1993). Malgré un système de santé dispendieux, les soins conventionnels ne parviennent pas à apporter un soulagement aux problèmes des gens, d’où l’augmentation des recours aux MAC (Astin, 2000; Cohen et Rossi, 2011; Furnham et Bhagrath, 1993; Furnham et Forey, 1994; Furnham et Vincent, 1996; Goldstein, 2004; Kelner et Wellman, 1997; McGregor et Peay, 1996; O'Connor, 2000; Wiles et Rosenberg, 2001).

Cela dit, les gens ne délaissent pas pour autant les soins conventionnels. En effet, pour les maladies mortelles ou reconnues pour avoir des conséquences graves sur la santé (hypertension, cancer, leucémie, problèmes des reins, etc.), ils priorisent les soins standardisés et consultent les professionnels de la santé conventionnelle. Mais concernant les troubles bénins, mais qui néanmoins détériorent de façon non négligeable leur qualité de vie, ils préfèrent recourir aux MAC et consulter leurs praticiens (Astin, 2000; Eisenberg et al., 1993; Furnham et Forey, 1994; Furnham et Vincent, 1996; Goldstein, 2004; McGregor et Peay, 1996). Cette façon de faire illustre la réclamation du droit de décider qui consulter et quelles thérapies utiliser pour quels problèmes de santé de l’individu moderne (Jonas, 2000). D’après O’Connor (2000), cette tendance des pratiques de pluralisme médical tend à se généraliser de plus en plus dans les décennies suivantes.

1.5.2 Le « magasinage » thérapeutique et le pluralisme de la santé

Concernant les trois catégories d’insatisfaction de la médecine conventionnelle identifiées par McGregor et Peay (1996), un individu peut être partiellement insatisfait, comme être satisfait sur une catégorie, mais pas sur les autres. La catégorie des relations médecin-patient illustre l’exemple d’une insatisfaction partielle.

Anyinam (1990) et Kelner (2000) ont remarqué que des efforts ont été effectués pour améliorer les relations médecin-patient, mais les recherches constatent que les résultats sont mitigés, entre autres à cause de la réticence des médecins à partager leur pouvoir de décision avec leurs patients, ce qui amène des patients à faire du « magasinage des médecins », c’est-à- dire qu’ils changent continuellement de médecin jusqu’à ce qu’ils trouvent un médecin qui les satisfait sur les plans communicationnels et interactionnels (Furnham et Vincent, 2000). Cet exemple démontre ainsi que l’engouement pour les MAC ne dépend uniquement de l’insatisfaction envers la médecine conventionnelle, étant donné que les patients vont rechercher un autre médecin dans le même système de santé (Astin, 2000; Furnham et Forey, 1994; Furnham et Vincent, 1996; McGregor et Peay, 1996).

que les thérapies qu’ils proposent, d’autant plus qu’ils sont ouverts à modifier ces thérapies quand les clients le demandent, donnant ainsi à ces derniers le sentiment de participer activement dans la prise en charge de leur santé (Astin, 2000; Furnham et Forey, 1994; Furnham et Vincent, 1996, 2000). Autrement dit, les usagers des MAC obtiennent ainsi ce que la médecine conventionnelle ne leur offre pas, soit parce qu’elle ne peut pas le faire ou ne le veut pas (Furnham et Vincent, 2000).

Un individu peut magasiner des médecins et peut aussi magasiner des thérapies MAC. Il existe une multitude de thérapies MAC diverses, proposant ainsi plusieurs façons de regarder un mal de même que suggérer plus qu’une manière pour traiter un problème de santé.

It is worth remembering that we do not live in a single, objective reality; there are various ways of looking at the world. (Kelner et Wellman, 2000, p. 6)

Selon plusieurs chercheurs, la demande pour les MAC tend à continuer à augmenter dans les sociétés modernes avec la forte propension d’occurrences des maladies de civilisation, dont les problèmes de santé chroniques (Astin, 1998; Goldstein, 2000; Kelner, 2000). Pour les individus qui souffrent depuis longtemps de ces problèmes, les standards médicaux ou les preuves scientifiques leur apparaissent invalides ou sans importance. Voire, ils tendent à considérer ces standards désuets et insuffisants pour apporter des explications adéquates et satisfaisantes dans un siècle où la prévention de la maladie prime sur la guérison (Anyinam, 1990; Ernst et al., 1995; Kaptchuk et Eisenberg, 1998; Kelner, 2000; Kessler et al., 2001; Wiles et Rosenberg, 2001).

Jusque-là, les recherches qui ont été menées sur les MAC tendent à amalgamer différentes pratiques des MAC (acuponcture, homéopathie, massage, etc.) ensemble alors que chaque pratique a ses particularités propres. Aussi, ces recherches ont jusque-là été portées sur la population active qui a un travail et les personnes âgées. Peu de connaissances sont disponibles sur les autres populations, dont les personnes qui sont encore aux études, par exemple.

Au Québec, c’est la difficulté à trouver des traitements adéquats et celle de pouvoir rencontrer un médecin qui poussent généralement des individus à se tourner vers les MAC pour tenter de trouver un soulagement à leurs problèmes de santé. De plus, les MAC peuvent répondre

à des besoins que la médecine conventionnelle n’offre pas toujours, dont les besoins non médicaux.

Ainsi dit, notre objectif est de porter notre attention sur une seule pratique, les PSN, et seulement sur un seul type de population, les individus de 18 à 34 ans. Nous avons choisi ces deux perspectives de recherche à étudier d’une part parce que la pratique des PSN soulève plus de polémiques que les autres pratiques des MAC. En effet, les PSN sont perçus comme une menace contre le médicament, qui est le principal outil de traitement de la médecine conventionnelle et qui est le socle de la légitimité du pouvoir hégémonique de cette dernière dans le domaine de la santé. D’autre part, il n’est habituellement pas attendu qu’une population aussi jeune que les 18 à 34 ans prenne des médicaments, puisqu’elle est une population généralement en santé. Et pourtant, leur consommation de médicaments tout confondus va en augmentant depuis les dernières décennies.

Les recherches sur la santé des populations ont contribué à élaborer plusieurs concepts en santé sociale, dont trois qui nous intéressent plus particulièrement pour notre problématique : la santéisation, la biosocialisation et l’autocontrôle de la santé. Ces concepts n’ont pas été développés spécifiquement pour comprendre le phénomène de l’engouement pour les PSN, mais ils aident à comprendre les processus qui ont amené à cet engouement, ce pourquoi nous nous appuyons sur eux pour étudier ce phénomène.