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4. ANALYSE

4.3 Automédication, (in)efficacité et risques

4.3.1 L’autonomisation de l’automédication

L’automédication comporte six étapes procédurales d’autoaction qui font appel aux personnes et aux éléments qui composent l’environnement social de la personne qui la pratique. Ces étapes sont : 1) l’autoexamination, 2) l’autodiagnostic, 3) l’autoéducation, 4) l’autoprescription, 5) l’autoévalidation et 6) l’autorégulation. Que désignent ces étapes?

L’autoexamination désigne le fait de devenir conscient d’un changement de son état de sa santé et d’identifier le symptôme qui caractérise ce changement d’état. L’autodiagnostic consiste à attribuer à ce symptôme un problème de santé quelconque, comme une sorte d’étiquette médicale. L’autoéducation indique le fait de chercher à vérifier si le problème attribué correspond bien au symptôme identifié. À cette étape, la personne cherche à accumuler des connaissances sur son symptôme et ce qu’il peut bien représenter. Il s’agit en fait

de collecter les informations et les connaissances disponibles autour d’elle, par exemple recueillir les expériences et des témoignages des autres (famille, amis, collègues ou clients de travail, etc.), naviguer sur Internet, lire des livres, des magazines ou des journaux ou écouter la radio ou les documentaires télévisés, ou même de consulter des praticiens de MAC (naturopathe, phytothérapeute, herboriste ou autres). La personne procède en fait à faire son éducation médicale pour devenir son propre expert-conseiller médical à partir d’un symptôme ressenti.

Je suis un hypocondriaque autodidacte. […] Je me documente relativement beaucoup. […] Généralement, je vais creuser sur Internet. […] En même temps […], j’ai été mis en contact avec […], tsé, toutes sortes […] [de] médecines traditionnelles, chinoises… (Oscar, 32 ans)

Ok, [les Nutricap], ça, c’est vraiment niaiseux en fait, là. J’suis vraiment une personne influençable clairement, mais c’est parce que j’ai entendu une publicité à la radio. J’ai été curieuse d’essayer de ça. (Véronique, 26 ans) Je regardais des documentaires de l’alimentation, puis tout ça, fait que c’est sûr qu’il y a une influence extérieure, sûr et certain. (Amélie, 29 ans)

Malgré la profusion d’informations disponibles, ce qui constitue la plus importante source d’informations, en plus d’être la plus forte force d’influence à inciter la consommation des PSN, est le réseau des relations sociales des référents profanes, surtout les ressources familiales. Souvent, la curiosité et l’intérêt développés pour les PSN naissent du berceau familial.

J’ai commencé surtout à utiliser les huiles essentielles, parce que en fait, y a […] de[s] gens autour de moi qui connaissaient, qui ont fait des stages en huiles essentielles. Y a une amie infirmière qui a fait […] l’aromathérapie […]. Pis elle, du coup, elle m’a dit des trucs. Tsé genre, elle m’a dit telle huile, tu peux utiliser pour telle raison, telle huile, pour telle raison et de telle manière. Pis ma grand-mère en faisait aussi. J’ai deux amis qui en font aussi. Du coup, c’est plus par mon entourage on va dire que j’ai été socialisé aux huiles essentielles, d’abord par ma grand-mère, pis par les amis de mes parents. […] En fait, j’en ai une de mes colocs […] et elle, elle a des huiles essentielles, mais elle connaît pas les mêmes que moi. Du coup, c’est pratique. J’peux lui dire « Ah, prends plutôt ça », pis elle va dire « Prends plutôt ça » […]. Vu qu’on a pas les mêmes, on peut se les partager. […]. Mais en fait, ça circule un peu les conseils qu’on va avoir dans la famille. […] Tsé genre, moi, quand y a un truc qui marche avec moi et mon frère m’dit « Ah, j’ai mal là et je ahhh… », « Tu devrais essayer ça » là. Pis ça, ça marche un peu comme ça avec mes parents, un peu avec mes frères. (Georges, 26 ans)

Il convient de mentionner ici que certains participants ont commencé à prendre des PSN simplement parce qu’une personne référentielle importante (par exemple la mère, le père, l’épouse ou la conjointe) leur a dit d’en prendre.

[Les oméga-3], c’était ma mère […]. Elle m’disait q’c’était bien. Chaque jour, chaque matin, il fallait q’j’en prenne. (Nadir, 26 ans)

Ainsi, ce n’est pas tous les usagers de PSN qui sont des proactifs dans la prise en charge de leur santé, comme les usagers de MAC le sont généralement, mais que certains tendent à préférer laisser la gestion de leur santé dans la main d’autres personnes, qui sont évidemment des personnes en qui ils ont confiance. Dans un ménage, il arrive parfois que les personnes initiatrices soient des hommes, mais le plus souvent, ce sont les femmes qui ont le plus d’influences pour éveiller une personne aux PSN et l’amener à en consommer.

Je trouvais ça drôle. […] Mon père m’a… forcé, si on veut, [à consommer des PSN]. En fait, tous les matins, quand je me levais chez moi, j’avais droit à […] un fruit pour le déjeuner, quelques petites vitamines qui m’attendaient, des vitamines en général, […] mon muffin ou la sucrerie que je vais mettre sous la dent. Fait que dès mon plus jeune âge, j’ai toujours été… obligé, si on veut, de consommer de ces produits-là. Évidemment, mon père était futé. Il prenait la sorte qui goûtait le bonbon ou la gomme balloune. Donc, pour moi, ç’a été des bonbons, finalement. […] Elle [ma mère] a pas contesté nécessairement ce que mon père faisait, mais elle ne voyait pas… l’importance de prendre ces suppléments alimentaires ou vitamines, ampoules de ginsengs, peu importe. […] D’ailleurs, ce qui est très drôle […], mon père fait la même chose avec ma mère. Il lui donne des petites pilules le matin, deux fois par semaine. Elle les prend, mais avec un certain scepticisme, je pense. Donc, c’est ni chaud ni froid je dirais, ses relations à ces produits-là, finalement. […] Elle est plus critique, ma mère. Mes deux parents sont des scientifiques. […] Mon père, malgré son

background scientifique [en physique], a tout à fait acheté l’efficacité de ces

produits-là. Ma mère les regarde, avec son doctorat en chimie, avec un œil plus critique, je te dirais. Puis moi, je souscris plus sous la vision, à la perspective de mon père que celle de ma mère. (Oscar, 32 ans)

Il [mon mari] prend des oméga, il prend de la vitamine D. Il prend ces trucs. […] C’est moi qui lui a dit « Prends ça ». […] [Lui], c’est juste « Okay ». Il l’a pris. Honnêtement, peu importe ce que je lui donne, il le prend. C’est vraiment un patient très docile. Genre, littéralement, je peux lui donner n’importe quoi et il va le prendre. Mais tsé, il sait que je fais attention, que je suis un peu obsédée, là. Je lis les bouteilles, je lis tout, je lis plein d’affaires avant de lui donner quelque chose. […] Littéralement, je dis « Prends deux comme ça », puis il va le prendre. Il va même pas regarder c’est quoi. (Émilie, 24 ans)

Les études antérieures sur la consommation des PSN et l’enquête pancanadienne de Santé Canada (2011) ont observé que les femmes étaient les plus grandes consommatrices de PSN. Cependant, ces études n’ont pas regardé l’influence que ces femmes ont sur leur entourage, car c’est surtout entre les mains de ces femmes que repose la santé d’une famille ou d’un ménage. Parfois, ce sont les hommes qui demandent à leur femme, leur mère, leur conjointe ou leur petite amie d’aller chercher pour eux tel ou tel produit au magasin, à la pharmacie ou à la boutique, car elles s’y retrouvent mieux qu’eux.

Qui consomme des produits naturels au Québec? « Ce sont des femmes à 80 %. Elles achètent pour elles et parfois pour leurs maris. Les hommes en achètent peu ou pas, sauf peut-être les médicaments contre l'inflammation. » (Le Devoir, 12 mars 2008, propos de Denis Charlebois, ex-vice-président retraité de chez Uniprix et président de ViaZen Pharma)

L’étape de l’autoéducation apporte avec elle son lot de solutions diverses qui proviennent de plusieurs personnes et de plusieurs sources d’informations pour le problème que l’usager de PSN cherche à traiter. Celui-ci doit alors procéder à faire le tri de ces solutions pour n’en choisir que quelques-unes pour constituer son autoprescription de traitements à essayer. Suivant l’autoprescription est l’étape de la validation de l’efficacité (ou de l’inefficacité) de la thérapie, où l’usager détermine par lui-même si le PSN qu’il a choisi lui convient ou non, s’il lui a apporté les effets escomptés ou non ou s’il s’agit d’un effet placebo ou non.