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2. CADRE CONCEPTUEL

2.3 L’autocontrôle de la santé

2.3.4 Le pouvoir thérapeutique des croyances

L’assujettissement du corps à sa volonté est une façon pour l’individu de se transformer pour atteindre un état de bonheur et de bien-être. Lupton (1995) a noté que le succès, l’intégration sociale et l’épanouissement personnel dépendent toujours des capacités de l’individu à contrôler son corps et ses émotions. Cette norme de l’épanouissement de soi implique que l’injonction de la quête de la santé soit perçue comme une norme non coercitive, car elle fait converger les aspirations individuelles et celles de la société en une même configuration sociale.

The practices of the self are not directed by the oppression of subjectivity, but by the enhancement of pleasures and desires, the happiness and fulfilment of the self, the health of the body. (Lupton, 1995, p. 21, citant Rose, 1990, p. 257)

de la maladie, dont ses interprétations de la maladie, où « la dimension spirituelle […] est peut- être un soubassement nécessaire à l’activation plus efficace d’effets thérapeutiques » (Suissa et al., 2016, p. 275, citant Berghmans C. et Tarquino C., 2009). La croyance d’avoir le contrôle sur lui-même et sur sa maladie procure à l’individu une vision plus optimiste sur sa santé, qui contribue à l’amélioration de son état de santé (Furnham et Bhagrath, 1993; Furnham et Forey, 1994; Suissa et al., 2016). Ainsi, cette croyance conduit plus facilement l’individu à adopter des comportements de prévention pour rester alerte sur la préservation de sa santé (Jonas, 2000; Norman, Bennett, Smith et Murphy, 1998).

Norman et al. (1998) ont observé que les patients qui ont uniquement recours à la médecine conventionnelle ont un niveau de croyance plus faible en leur capacité à apporter des améliorations à leur état de santé; qu’ils tendent à attribuer la maladie au destin, au hasard ou à l’existence d’autres entités intangibles. Par conséquent, ils sont moins portés à considérer d’adopter des comportements favorables au maintien et à la préservation de leur santé. L’exemple suivant de l’extrait d’un des participants dans l’étude de Suissa et al. (2016) reflète ce pouvoir thérapeutique des croyances sur la maladie, dont le pouvoir d’autoguérison du corps à se rétablir de lui-même :

Je sens que le corps a d’énormes capacités d’autoguérison et que tous ces produits chimiques ont entièrement anéanti ses capacités, et je ne me suis dit qu’il fallait que je reconstruise ça, car mon meilleur atout, c’est d’avoir un corps capable de résister par lui-même. (Suissa et al., 2016, p. 277)

Ainsi, la médecine du nouveau siècle ne peut se faire sans les médecines alternatives, car la science à elle seule ne peut pas effectivement faire face aux demandes complexes des patients (Snyderman et Weil, 2002). Les émotions et les sentiments, ce que la science ne peut pas mesurer, influencent aussi sur la santé et ces éléments sont des constituants des MAC.

Certes, le recours aux MAC prend la forme d’une entreprise pour échapper au contrôle d’une autorité hiérarchique médicale, ou du moins une tentative d’avoir un certain contrôle sur la maladie, surtout pour les maladies chroniques, mais il est surtout pour donner à ses usagers un sentiment plus fort d’espoir de guérison (Montbriand et Laing, 1991). En parallèle, la crainte de tomber sous le contrôle d’une autorité médicale justifie le fait de dissimuler à cette autorité le recours aux MAC.

Concernant les médicaments, Hippocrate déplorait souvent que ses patients tendent à lui mentir en affirmant qu’ils prennent leurs médicaments alors qu’ils ne le font pas (Fainzang, 2002). Cependant, un soignant peut mentir à son patient en cas de nécessité pour le bien de celui-ci. Si le mensonge ou la dissimulation de la vérité sont justifiés lorsqu’ils sont utilisés par le médecin, ils sont au contraire condamnés lorsqu’ils sont utilisés par le patient (Fainzang, 2002). Le médecin ment ou dissimule la vérité pour le bien de son patient. Le patient ment ou dissimule la vérité aussi pour son bien… et pour le bien du médecin, en se préservant de lui procurer des sentiments de déplaisir.

Selon Fainzang (2002), un patient ment ou dissimule des informations ou la vérité à cause du sentiment de culpabilité d’avoir « commis une transgression » ou de la crainte d’encourir la désapprobation ou la colère du médecin. L’auteure ajoute que le mensonge et la dissimulation sont des moyens pour échapper à la colère du médecin, pour éviter des conflits, des critiques ou des reproches et que, paradoxalement, ils témoignent d’une plus grande soumission du patient à l’égard du médecin. Fainzang conclut que mentir ou dissimuler des informations au médecin est aussi une stratégie pour signifier au médecin que le patient n’a aucunement l’intention de se moquer de lui ou de lui être impertinent. Dans le contexte de la consultation médicale, le mensonge et la dissimulation sont des instruments de la préservation de l’harmonie du patient envers son médecin, pour préserver les bonnes relations (hiérarchiques) avec lui. Dans le cas des consultations MAC, les relations hiérarchiques entre le soignant et le soigné ne sont pas mises de l’avant, car les MAC préconisent une relation de collaboration entre l’un et l’autre, où le soignant est avant tout un guide et un mentor pour le soigné (Snyderman et Weil, 2002).

Jusque-là, nous avons vu qu’à cause de la montée des nouvelles valeurs en santé (santéisation), l’individu a été amené à devoir modifier ses pratiques corporelles et comportements pour les correspondre aux normes de la santé (biosocialisation), afin de pouvoir intégrer dans la société dans laquelle il vit, et de devenir autonome face à sa santé (autocontrôle). Ceci a pour effet de faire apparaître de nouveaux besoins et de nouvelles attentes en matière de santé et de bien-être auxquels la biomédecine éprouve de la difficulté à répondre de façon satisfaisante, amenant à l’insatisfaction en général de la médecine conventionnelle.

La désuétude du système de soins conventionnels ne pouvant répondre adéquatement aux nouveaux besoins, les individus se tournent vers les médecines traditionnelles alternatives, qui font émerger des nouvelles représentations de la santé, de la maladie et de la thérapie et qui nourrissent la popularité croissante des MAC.

Tenant compte de ceci, notre enquête recherche vise à connaître quels sont ces nouveaux besoins et ces nouvelles représentations de la santé et de la maladie derrière la thérapie des PSN, mais chez des individus jeunes. Les jeunes, qui sont habituellement une population plus en santé que les autres tranches d’âge, ne constituent pas, à priori, une population dont on s’attend à ce qu’elle consomme des médicaments. Et pourtant, leur consommation de médicament va en grandissant, ce qui éveille des questionnements et réflexions à faire.