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4. ANALYSE

4.2 Les usages des produits de santé naturels

4.2.5 Améliorer la qualité de vie ou maximiser ses capacités

4.2.5.1 L’amélioration de l’apparence physique

Pour certains participants, l’apparence physique constitue un barème pour mesurer leur état de santé. Si l’extérieur du corps – son apparence – est « en santé », alors l’intérieur l’est aussi. Et si ça ne fonctionne pas bien à l’intérieur du corps, alors l’apparence extérieure va le faire savoir en lançant des signaux d’alarme (acné, peau terme, teint inégal, cheveux ternes, etc.) pour indiquer qu’il y a des problèmes internes qui sont apparus et qu’il faut s’en occuper.

[Les] Nutricap, c’est pour les cheveux […], pousser les cheveux plus en santé, pis plus rapidement […] parce que j’ai des cheveux […] très maigrichous ou très plats […]. Ça peut faire paraître mes cheveux plus en santé. […] J’considère pas les cheveux c’est un facteur important de la santé général… Mais oui, dans l’fond là, c’est quand même un facteur. (Véronique, 26 ans)

J’ai des baromètres, des indices de santé auxquels je me fie et qui ne sont pas forcément reliés à des choses qu’on peut mesurer comme la température, comme la pression, des choses comme ça. C’est plutôt des références qui sont reliées à des médecines asiatiques, ayurvédiques, chinoises et qui sont reliées notamment aux selles, à la peau. C’est surtout à l’œil […], des choses qu’on peut voir très rapidement en fait […]. L’haleine aussi est un critère. […] Quand je mangeais mal, […] tsé, tu pars 4 jours et tu ne peux pas forcément manger correctement, t’es à Toronto, puis […] difficile de bien manger. Avec des amis, avec la belle-famille et tu manges de la poutine, haricots, sirop d’érable […]. Je remarquais à quel point j’étais plus sensible, en fait. Quand je respectais pas ma routine, ça se ressent […] et ça se traduit simplement. […] La peau qui est toute grasse, plus grasse, avec des boutons qui poussent, […] un peu rouge. Aussi des selles qui ne sont pas comme d’habitude […], une haleine beaucoup moins agréable au réveil, forte au réveil. (Thomas, 29 ans)

L’apparence physique étant un baromètre pour mesurer l’état de santé, prendre soin de sa santé implique ainsi de prendre soin de son apparence physique. Et vice versa, prendre soin de son apparence physique, c’est prendre soin de sa santé.

Dans la médecine chinoise, le visage est désigné comme le « miroir de la santé ». Il est comme une « carte » de l’intérieur du corps. Les différentes zones du visage (front, nez, bouche, menton, joue, etc.) représentent les différentes parties et systèmes du corps (cœur, poumon, estomac, foie, intestins, vessie, système reproducteur, système hormonal, etc.). De plus, les différents organes sont associés à des émotions (tristesse, colère, envie, jalousie, impatience, anxiété, peur, etc.). Quant à l’acné, il représente en fait la localisation d’où un problème de santé

s’est manifesté à l’intérieur du corps, tant au niveau biophysiologique qu’émotionnel. Par exemple, l’acné sur le haut du front peut donner un indice que les intestins grêles ont de la difficulté à fonctionner normalement et un excès d’impatience, de colère ou d’intolérance envers autrui ou soi-même, alors que l’acné en bas du menton indiquerait un débalancement hormonal ou un problème au niveau du système reproducteur et accompagné d’un excès d’inquiétude, d’anxiété ou de manque de confiance ou d’estime de soi. L’acné devient ainsi un outil pour localiser un problème sur le plan biophysiologique et pour identifier le type de problème sur le plan mental et émotionnel.

Concernant la question de l’apparence physique et la santé, la question du poids est celle qui préoccupe le plus les participants. Le poids, ou plutôt la minceur, est associé à une apparence physique en santé. Ceci nous rappelle Adrien Gagnon, qui a fait circuler l’association des PSN avec l’apparence physique au Québec à partir des années 1940 avec ses produits de mises en forme et de diètes alimentaires.

En faisant un examen des nouvelles médiatiques (journaux, magazines, télévision, radio, sites Internet médiatiques et autres sur la plateforme d’Eureka.cc) sur les PSN au Québec de janvier 2004 à décembre 2014, nous avons constaté que la couverture médiatique des PSN pendant cette décennie renforce encore cette association des PSN avec la perte de poids et, par ce fait, encourage d’une certaine façon le développement des connotations négatives à l’égard des PSN chez les Québécois.

À partir de 2004, la couverture médiatique tourne surtout autour de l’homologation des PSN au Canada par Santé Canada, des mises en garde contre les produits qui ne possèdent pas un numéro NPN (Numéro de Produit Naturel ou, l’équivalent en anglais, Natural Product Number) et, déjà immédiatement, des nouvelles concernant des produits amaigrissants. Suite à cela, il s’agit d’une croisade contre les PSN, son industrie, ses fabricants, les naturopathes et les pharmacies qui vendent des PSN, tout cela en faisant appel à toutes sortes d’experts médicaux, scientifiques et de chercheurs universitaires pour appuyer l’inefficacité et les risques avec des produits naturels. Des années 2010 à 2014, la couverture médiatique des produits amaigrissants arrive en vagues d’une année après l’autre. Les opinions des experts du poids et de la santé ont été fortement mises en valeur pour mettre la population en garde contre les produits amaigrissants, qui sont par ailleurs des produits naturels.

On devrait carrément les interdire! Aucun produit – pharmaceutique ou naturel – n’est capable d’entraîner une grande perte de poids. Plusieurs sont risqués. Pourquoi Santé Canada aide-t-elle l’industrie à vendre des choses insensées à la population? Il encourage un comportement prédateur! (La Presse, 14 février 2014, propos d'Yoni Freedhoff, médecin spécialiste de l’obésité, professeur à l’Université d’Ottawa et auteur du blogue Weighty Matters)

Les signaux d'alarme ont beau se multiplier à l'égard des produits « amaigrissants », Santé Canada en homologue de plus en plus. La Presse a appris qu'entre janvier 2013 et janvier dernier, le Ministère a donné sa bénédiction à 261 nouveaux produits naturels destinés à la « gestion du poids ». Soit exactement autant, en une seule année, qu'au cours des neuf années précédentes. (La Presse, 14 février 2014)

Pourtant, malgré les nombreuses mises en garde pendant ces dix ans, les produits naturels pour la perte de poids n’ont pas vu leur popularité décliner dans la population jusqu’à aujourd’hui. Une des raisons qui explique la popularité constante de ces produits est probablement les pressions sociales de la minceur qui sont exercées sur les gens ou ce sont des personnes qui ont décidé de faire de la perte de poids leur objectif personnel.

Les infusions de cannelle et de gingembre […] pour la perte de poids, réguler le sucre dans le sang […]. J’aimerais perdre une trentaine de livres pour l’été. C’est comme ça que je vais me sentir vraiment bien. […] Mais c’est pas… problématique… tsé. Mais c’est quand même assez central. (Samantha, 29 ans) Y a aucune femme qui se trouve parfaite. Toutes les femmes y aimeraient ça changer quelque chose. Moi, c’est sûr, j’aimerais ça peser 5-10 livres en moins. […] J’avoue que je pourrais faire plus d’efforts. (Karine, 29 ans)

J’ai essayé de gagner du poids. […] Je voulais gagner de la masse. Célibataire à l’époque évidemment, « J’vais êt’beau, je veux paraître mieux, j’vais pogner plus », blablabla. […] On peut gagner du poids, pis ça va êt’bien pis j’vais pogner plus avec les madames. […] Visiblement, j’ai un discours très critique de la performance, mais moi-même j’suis tombé dans le panneau. (Oscar, 32 ans)

Le contenu des médias, et maintenant Internet et les réseaux sociaux, visait visiblement à décourager l’utilisation des PSN pour la perte du poids, mais a eu pour effet paradoxal d’avoir contribué à exacerber le poids de la question de la perte de poids. De plus, l’intensification de l’association des PSN à des produits pour la perte de poids contribue à générer la confusion entre les PSN avec les produits amaigrissants, même lorsque ces deniers ne le sont pas.

Pour ce qui est d’perdre du poids, […] j’ai essayé beaucoup de choses […]. Je peux pas nier […]. J’étais pas imperméable à cette pression-là là […] pour atteindre des standards de beauté que je sais que j’pourrais pas les maintenir. […] Les produits naturels pour perdre du poids, j’essaie de pas trop y penser […], de recherche de l’atteinte d’une perfection qui finalement se traduit par des résultats inverses […]. En c’moment, j’essaie de focuser sur un état réaliste […], quitte à ne pas fiter dans les critères de beauté ou de minceur idéaux, comme j’voulais avant […]. Quand t’as un peu d’la pression d’l’extérieure pour bien paraître, on s’met sur les épaules […]. J’suis pas imperméable. […] Je sais que j’suis pas immune à ça là. […] Selon mon docteur, j’pense que j’dois perdre encore un peu, mais… […] C’est sûr que qu’il y a aucune fille au monde qui va être malheureuse de ça. Je pense pas […]. Si je perds encore un peu, tant mieux. J’ai déjà vu une fois sur un site Internet, un réseau social, une cousine qui montrait un truc SlimFast. Je sais pas si c’est naturel ou pas, par contre. […] Bon, tu peux voir aussi là des publicités pour telles tisanes qui semblent avoir des effets antiballotements ou quelque chose comme ça. Tsé souvent, si j’le vois, « Ah tiens, OK. Elle est là-d’dans ». P’t’êt’ quand c’est les affaires comme les tisanes, j’me dis « Ah, p’t’êt’ j’vais essayer ». (Adélie, 24 ans)