• Aucun résultat trouvé

Premiers pas vers une phénoménologie génétique du langage

Dans le document Le langage comme habitus chez Husserl (Page 96-114)

7.1 – Introduction de l’intentionnalité au niveau de la sensation

Le problème qui ressort du traitement de la sensation dans la phénoménologie statique est que la « hylè » (le contenu sensoriel) y est traitée comme un matériau informe non-intentionnel qu‘un acte doit appréhender afin de constituer un véritable objet. Husserl donne à cette appréhension active la presqu‘entière responsabilité de la constitution de l‘objet.185

Comment peut-on se départir d‘un tel point de vue? La première façon est de demander comment la couche antéprédicative parvient à produire (d‘elle-même) des objets unifiés186. Une telle « unité »,

précédant les actes spontanés et libres de la conscience active, permettrait par exemple de rendre compte de phénomènes tels que ceux donnés en exemple dans la section précédente, et qui restaient « à dire » (la blancheur de la neige, le reflet du soleil sur une pierre, l‘odeur d‘un chemin, etc.)187.

Nous avons vu, en effet, que le parallèle parfait postulé par Husserl, dans les Idées, entre la couche antéprédicative et la couche expressive pose problème.

Or, de façon étonnante, on retrouve dès les Recherches logiques les bases d‘une analyse d‘une « constitution » d‘objets qui serait perceptuelle, et dont l’unité ne serait pas redevable à celle de

l’unité de l’acte de visée de la conscience par le biais d‘une signification. Dans une telle optique,

bien qu‘on n‘ait pas fait de la sensation quelque chose d‘intentionnel, on a au moins dissocié l‘unité perceptuelle de l‘unité significative188. La perception est ainsi envisagée comme le lieu d‘une « constitution » (entendre d‘une « unification ») qui peut préparer la visée active par le biais d‘une intention de signification, sans d’emblée se ramener à celle-ci.

Il peut paraître étrange de rattacher à des développements des Recherches logiques un « premier pas » vers la phénoménologie génétique. Nous avions déjà mentionné, en introduction, que la division de l‘œuvre husserlienne n‘était pas d‘abord et avant tout chronologique. La division est

185 Cf. supra, 6.1 et 6.2

186 La seconde manière serait de se défaire, plus radicalement, de la conception selon laquelle les objectités

données à la conscience se divisent en « couches » indépendantes les unes des autres, dont l‘une ne serait pas intentionnelle.

187 Cf. supra, 6.2

188 Cette dissociation ne donnera pas lieu à une démarcation claire entre les deux types d‘unité, comme on

davantage d‘ordre méthodologique. La phénoménologie statique désigne un ensemble de méthodes d‘analyse phénoménologique et de buts particuliers pour cette science. Les Idées I en sont le point culminant, mais cela n‘empêche nullement que des passages particuliers des Recherches logiques contiennent des analyses précieuses pour le dépassement de cette première « orientation » de la phénoménologie. De même, beaucoup d‘ouvrages sont selon nous « à cheval » entre les deux méthodes189. C‘est pourquoi il vaut mieux, pour comprendre l‘évolution vers une phénoménologie

qui permet de prendre acte des questions liées à la genèse temporelle et à l‘histoire, se pencher sur différents thèmes d‘analyse précis qui sont introduits tout au long de l‘œuvre de Husserl.

7.1.1. – La synthèse de fusion dans les Recherches logiques

La genèse d‘« un » objet alors même que les contenus sensoriels varient constitue l‘un des premiers problèmes de phénoménologie génétique, et il apparaît dans la VIe Recherche au § 47. Husserl y

avance l‘idée d‘une « unité de fusion » des actes partiels de perception d‘un seul et même objet, unité qui naîtrait au sein du flux temporel de la conscience. Avant même qu‘une intention de signification n‘appréhende les contenus sensoriels, ceux-ci fusionneraient en tant qu’aspects d’une

seule et même chose, au sein d‘une synthèse perceptuelle « passive ». Le caractère passif de cette

synthèse est ce qui rend l‘unité de fusion intéressante. Les différentes faces successivement perçues d‘un « même » objet matériel (que l‘on verrait ou que l‘on toucherait, par exemple), ou encore les différentes tonalités sonores successivement entendues d‘une « même » série de sons, fusionnent dans le flux temporel du vécu, pour ainsi dire « d‘elles-mêmes ». Cette unité de fusion est particulière, et il faut la distinguer de l‘unité de l‘intention de signification.

La table visée comme telle est « une » en tant qu’elle est une table : le sens qui lui est donné ne peut pas être séparé de son unité, de son identité comme objet pour la conscience, et donc d‘une visée de signification active. Au niveau de la pure perception, pourtant, la signification conférée à l‘objet ne peut être la « source » de l‘unité de la chose.190 Il faut donc expliquer comment une perception

partielle d‘un objet (comme la face vue à l‘instant présent) peut être perception de la « même » chose qui était vue l‘instant d‘avant, et qui sera vue l‘instant d‘après. Toutes ces facettes sont facette

189C‘est le cas de Logique formelle et logique transcendantale (1929) et d‘Expérience et jugement (1939).

Nous reprenons ici la classification exposée par Donn Welton dans The Origins of Meaning, p. 175.

de l’objet, mais l‘unité de ce dernier ne peut pas être celle que produit l‘acte qu‘est l‘intention de

signification. Comment caractériser cette unité? D‘où provient-elle?

Husserl se voit forcé de postuler un autre type d‘unité, qu‘il appelle « unité d‘identification », par opposition à celle qui serait due aux actes spontanés, libres et actifs de la conscience.

Mais unité d’identification – et l‘on ne peut éviter de faire cette distinction – ne signifie pas la même chose qu’unité d’un ACTE d’identification. Un acte vise quelque chose, l‘acte d‘identification vise une identité, il nous la représente. Or, dans notre cas, une identification est bien réalisée, mais aucune identité n‘est visée.191

Dans le cas de la connaissance, active et spontanée, l‘identité de l‘objet est visée comme telle : la chaise est prise en vue, non pas simplement comme objet de la perception, mais comme ce qu’elle

est, et son identité à soi se rattache au sens qui lui est donné. Dans le cas de la synthèse de fusion,

une identité « se forme », on a « un seul et même objet », mais son ipséité n‘est pas encore autre chose que l‘unité de fusion des actes partiels le visant : on peut parler dans un tel cas d‘une « mêmeté », qu‘on distinguera d‘une identité au sens strict192.

Il faut voir que la structure de l‘« en tant que » qui est propre au sens expérientiel diffère de la structure de l‘« en tant que » qui est caractéristique de la signification linguistique. Sans doute, le chemin que Husserl a choisi l‘éloigne de cette voie. Il est d‘autant plus étonnant que la possibilité de s‘engager dans une telle voie s‘annonce dans un passage remarquable des Recherches logiques. On peut y voir un signe de la richesse exceptionnelle de cet ouvrage.193

Il est important de voir que dans la description de Husserl de l‘unité de fusion, chaque acte partiel

est intentionnel, même si la « visée » diffère alors qualitativement de celle d‘un acte

d‘identification. Husserl reconnaît certes, dans les Idées, qu‘un acte perceptif peut avoir lieu, c‘est- à-dire que la « couche » perceptive produit des objets unifiés. Mais dans les Recherches logiques l‘unité de ces objets est distincte de l‘unité de l‘acte d‘identification. On a là une clef intéressante pour penser la distance ou l‘écart entre le domaine de l‘anté-prédicatif et celui du conceptuel. De plus, Tengelyi indique que la « voie » qui se dessinait alors pour la phénoménologie n‘a pas été suivie par la suite, ce qui justifie au moins partiellement le fait que nous identifiions ce passage comme étant un premier pas vers la phénoménologie génétique.

191 Recherche logique VI, § 47, p. 183 [150].

192 Nous suivons ici la suggestion de TENGELYI, László, « L‘expérience et l‘expression catégoriale », pp.

15-16.

Prenons un exemple qui permettra d‘illustrer la différence entre les deux types d‘unité. Pensons à ce qui se produit lorsqu‘on écoute quelqu‘un parler dans une langue qu‘on ne maîtrise pas encore parfaitement. La parole de l‘autre apparaît à certains moments comme un flot de bruits, les séquences de sons s‘assemblant plus ou moins arbitrairement pour celui qui écoute. Cela produit en quelque sorte un « chant » inintelligible qu‘on peine à diviser en unités qui fassent sens. Tout à coup, on comprend tel ou tel mot, et à partir de lui on ré-appréhende la séquence de sons, qui se présente sous un angle nouveau : on découpe à rebours les séquences du flot, dont les « unités » étaient floues et indistinctes, en unités clairement distinctes, qui se lient d‘une manière entièrement nouvelle. On vise alors l‘ensemble de signes sonores en accordant à chacun de ses moments le sens qui lui revient, et l‘unité qui échoit à chaque mot dans cette visée est distincte de l‘unité que la fusion initiale des sons produisait.194

L‘unité d‘identification « se produit » et ce, passivement. Certes, il est encore possible de séparer, ici, le matériau sensoriel (les data) et de dire qu‘il est vécu et doit être appréhendé par des actes qui fusionnent : le problème du statut de la sensation n‘est donc pas entièrement réglé. Mais déjà, dans ces analyses, Husserl esquisse l‘introduction de la passivité au sein de l‘intentionnalité. Avec l‘idée d‘une « mêmeté » qui précéderait l‘identité de la chose, la table est mise pour une remise en question sérieuse de la position adoptée par Husserl sur le langage dans les Idées I. Si les deux types d‘unité (unité d‘identification et unité d‘un acte d‘identification) ne sont pas la même chose, comment parler d‘une couche expressive qui ne serait que le « reflet » fidèle de la couche antéprédicative? N‘a-t-on pas introduit deux types d‘unités se répondant l‘une l‘autre? N‘a-t-on pas saisi un écart entre la mêmeté et l‘identité, qui serait la distance permettant à ces deux types de sens (le « sens » purement sensoriel et la signification conceptuelle) de se nourrir et se dépasser l‘un l‘autre? Nous croyons en effet que s‘annonce ici pour une première fois le mécanisme sous-tendant quelque chose comme un appel du phénomène à être « dit », et la « réponse » de la conscience qui tente d‘en saisir et d‘en fixer l‘essence.

194 Cet exemple, qu‘on emploie ici pour ce qu‘il a d‘instructif quant à la différence entre les deux types

d‘unité, serait néanmoins potentiellement problématique si l‘on voulait défendre la conception d‘une couche expressive qui n‘est que le « reflet en miroir » de la couche anté-prédicative. Comme nous l‘avons annoncé à quelques reprises déjà, cette analyse de la conscience en « couches » intentionnelles en est une que la phénoménologie génétique devrait pouvoir permettre de dépasser.

On peut déjà noter, ici, que l‘exemple précédent illustre bien qu‘une habitude quelconque à appréhender tel ou tel type de contenu sensoriel (ici, la parole de quelqu‘un) modifie la manière dont cette unité d‘identification se déroule, avant même l‘appréhension consciente et active de la conscience.195 Il faudra rendre compte de cette possibilité pour un habitus d‘avoir une influence sur

la perception : les outils conceptuels que nous avons présentés jusqu‘à maintenant ne le permettent pas tout à fait.

Nous avons déjà annoncé que le thème de la chair permettra de mieux décrire l‘intentionnalité impliquée dans toute sensation. Il faudra également, pour rendre compte de manière encore plus satisfaisante de cette synthèse passive, parler des « kinesthèses », pour faire voir que toute perception est un jeu entre une activité (un « je peux ») et une constitution passive répondant à cette activité. Le rapport entre la conscience et le monde est, même au niveau de la sensation, une réponse entre une « ouverture à… » et ce qui fait encontre au sein de cette ouverture. Activité et passivité se répondent toujours essentiellement au sein de ce rapport. Séparer la hylè de toute intentionnalité est le fruit d‘une abstraction : toute perception se joue dans un champ pré-structuré par les potentialités du corps, celles-ci pouvant être modifiées par les habitus du Je.196

7.2 – Le jugement prédicatif et l’« ex-plicitation »

Nous venons de mettre en lumière comment le problème du rapport entre la perception et la signification langagière permet d‘esquisser un dépassement de la phénoménologie statique et de la conception du langage qui s‘y rattache. Passons maintenant à un thème voisin, qui constitue quant à lui une avancée vers la prise en compte de quelque chose comme une « histoire » de la conscience.

195 Dans les Idées II, Husserl reprend l‘idée d‘une synthèse de fusion, qu‘il nomme alors « synthèse

esthésique », et qui se distingue de l‘unité d‘un acte de visée : « l‘unité de l‘objet ne présuppose pas nécessairement ni partout une synthèse catégoriale, donc ne l‘inclut pas non plus dans son sens. Ainsi toute perception pure et simple de chose (je veux dire: une conscience donatrice originaire de l‘existence d‘une chose au présent) nous ramène en arrière en ce qui concerne l‘intentionnalité, elle requiert de nous des considérations singulières, des parcours singuliers, des passages à des séries perceptives qui, certes, sont englobées dans l‘unité d‘une thèse continue, mais cela manifestement de telle sorte que la pluralité des thèses singulières n‘est nullement unifiée sous forme d‘une synthèse catégoriale. » [Idées II, § 9, p. 43 [19]].

196 Sans aller plus loin pour l‘instant, mentionnons déjà, à titre d‘exemple, le fait que les autres « sens » se

développent davantage chez ceux qui perdent l‘usage de la vue. La capacité de faire des distinctions plus fines, d‘organiser et discriminer davantage le « contenu » sensible du monde, montre qu‘il s‘agit toujours, avec la perception, d‘un « pouvoir » de la chair ouverte au monde, et non pas simplement d‘un « affect » purement passif que l‘entendement reprendrait après coup pour l‘in-former.

Husserl s‘intéresse, dans Logique formelle et transcendantale (1929) et Expérience et jugement (1939 – posthume), à la genèse du jugement, aux conditions de possibilité de celle-ci. Ces deux ouvrages peuvent être considérés comme un « entre-deux », qui fait le pont entre la phénoménologie statique et une phénoménologie génétique radicale. Nous nous appuierons donc sur eux (ainsi que sur les Méditations cartésiennes (1929)) pour montrer comment la question de la genèse du sens est introduite dans les analyses husserliennes. Lorsqu‘il pose la question de la « genèse » du jugement, Husserl considère l‘expérience sensible (anté-prédicative) du monde comme la « source » ou la « racine » de ceux-ci. De fait, si la conscience est en mesure de porter des jugements sur des objets, il faut bien que ces objets lui soient d‘abord donnés d‘une certaine manière. Cette première donation est, selon lui, ce sur quoi s’édifie après coup la connaissance. C‘est pourquoi il fait de l‘expérience sensible le lieu de la « pré-donation » des choses, la couche où les objets sont préconstitués, présentés dans une première forme à la conscience qui pourra ensuite poser des jugements, décrire et expliciter ce qu‘elle trouve « en » eux. La phénoménologie commence à devenir génétique lorsqu‘elle interroge le domaine de l‘expérience vécue qui est encore « passive », qui précède la réflexion et la compréhension active de ce qui se présente du monde. L‘analyse phénoménologique portera dorénavant sur le

domaine de ce qui est pré-donné, selon une donnée passive, c‘est-à-dire qui n‘exige pour être toujours déjà là aucune participation active du sujet, aucune orientation du regard de saisie, aucun éveil de l‘intérêt. Toute activité de connaissance, toute orientation vers un objet singulier en vue de le saisir présupposent ce domaine préalable de donnée passive […]197

Ces objets « pré-donnés », c‘est-à-dire qui sont présents « sans plus » et qui s‘offrent pour une première fois à la conscience, peuvent ensuite être l‘objet d‘une investigation active. Cette observation, cette connaissance active des objets passivement constitués (les objets prédonnés) deviendra « l‘ex-plication »198. La conscience, lorsqu‘elle explore activement les objets du monde

passivement prédonnés afin de les connaître, ne fait qu‘extraire le sens qui se trouve déjà

197 Expérience et jugement, § 7, pp. 33-34 [24].

198 L‘explication est une activité de la conscience qui peut avoir lieu au niveau purement perceptuel, et n‘est

pas propre à l‘activité de connaissance logique ou prédicative. Il est en effet possible d‘imaginer une situation où l‘on observe, touche, sent, écoute et goûte un objet sans penser quoi que ce soit à son sujet. L‘objet resterait « un » seul et même substrat, dont des déterminations toujours plus nombreuses seraient découvertes et retenues dans le flux de la conscience comme lui appartenant. Cette synthèse des déterminations sensibles de l‘objet diffère en ce que l‘objet n‘est alors pas reconnu comme ceci ou cela, aucune signification générale, aucun type ne lui est accordé qui permette de viser son identité.

implicitement en eux. Lorsqu‘un jugement portant sur l‘objet est effectué, c‘est-à-dire lorsqu‘on

accorde au substrat initial (le sujet du jugement) un sens déterminé (on prédique quelque chose), on ne fait qu‘ex-pliquer le sens de l‘objet. Les différents prédicats accordés à l‘objet sont ses ex-plicats logiques.

[Pour] que le substrat de l‘ex-plication devienne sujet et les ex-plicats prédicats, il faut que le regard se retourne sur l‘unité qui est d‘une certaine manière cachée, étant pré-constituée passivement à l‘intérieur de l‘activité réceptive dans le processus d‘ex-plication. S’orienter vers cette unité pour la saisir, cela veut dire répéter le processus en changeant d’attitude, d‘une synthèse passive faire une synthèse active.199

Dans ces textes des années vingt et trente, le parallélisme entre la couche expressive et la couche inférieure prend donc une nouvelle forme, même s‘il reste problématique pour les mêmes raisons qu‘à l‘époque des Idées I. Le domaine du passif contient de manière inchoative ce que le jugement « ex-plique » de l‘objet. D‘un point de vue scientifique, on peut comprendre pourquoi Husserl cherche dans l‘expérience anté-prédicative le contenu conceptuel des jugements portant sur le monde. Il faut en effet que ce qu‘on dit du monde vienne de lui, et non de l‘arbitraire d‘une conscience qui fantasmerait ses objets! Pour que le jugement décrive fidèlement le monde, tout en dépassant l‘immédiat sensible, il doit « puiser » en lui le sens prédicatif. Husserl identifie pour cette raison la source du sens dans l‘expérience qui est pour lui la plus immédiatement celle du réel, soit celle de la sensation. Pour notre part, nous ne croyons pas que l‘abstraction du sensoriel par rapport à toute in-formation catégoriale soit une manière fidèle de décrire quelque chose comme une « origine » de la signification. Le « jeu » décrit plus haut entre mêmeté et identité nous paraît être une voie plus prometteuse pour expliquer comment le réel « sauvage »200, la réalité non-dite, et la

signification langagière se répondent l‘un l‘autre.

Les premiers pas vers la phénoménologie génétique s‘appuient donc largement sur les acquis de la phénoménologie statique. La manière dont Husserl emploie la métaphore archéologique est symptomatique de cette influence. Dans la phénoménologie statique, la conscience est la plupart du temps abstraitement divisée en « strates » ou en « couches » : on isole par exemple l‘aspect visuel des choses pour catégoriser et analyser tout ce qu‘il est possible d‘attribuer au champ visuel dans la

199 Expérience et jugement, § 50, p. 250 [245].

200 Nous reprenons l‘expression de TENGELYI, László, L’histoire d’une vie et sa région sauvage, p. 67, où il

est question d‘une « différence diacritique entre le sens sauvage et la signification sédimentée ». L‘expression de sens « sauvage » est reprise de Merleau-Ponty : cf. Le visible et l’invisible, pp. 10; 11; 201.

constitution de l‘objet. Mais seule l‘abstraction nécessaire pour l‘analyse de ces couches justifie d‘en faire des moments « indépendants » de la vie de conscience : leur indépendance en est une de

principe, et non de fait. C‘est pourquoi il est permis de douter que les questions de « genèse » et

Dans le document Le langage comme habitus chez Husserl (Page 96-114)