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Une première description des situations concernées en France 46

Chapitre 1 – L’accueil chez un proche 25

2   La protection de l’enfance et l’accueil chez un proche 39

2.4   Une première description des situations concernées en France 46

Catherine Sellenet, professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Nantes a travaillé avec l’association Recherche, Éducation, Territoires, Interventions, Sociabilités (RETIS, Haute-Savoie) dirigée par Mohamed L’Houssni. L’un des services de cette association est consacré au suivi des placements chez un tiers digne de confiance. Ce service, unique au sein de la protection de l’enfance, accompagne spécifiquement les tiers dignes de confiance.

Catherine Sellenet et Mohamed L’Houssni prennent le parti de parler d’« aidant » pour esquiver l’ambiguïté de l’expression « tiers digne de confiance ». Ils choisissent ce terme par analogie à d’autres situations de solidarités familiales s’exerçant en particulier à l’égard des personnes âgées.

Avant de résumer l’étude, il faut préciser que les départements de cette enquête et de notre propre recherche sont différents par bien des aspects. Le contexte socio-économique des familles suivies par l’association RETIS peut se distinguer de celui auquel les familles du Nord sont confrontées. De plus, la population des jeunes de moins de vingt ans du département de Haute-Savoie est 3 à 4 fois moins nombreuse que celle du département du Nord. Également, la fréquence du recours à l’aide sociale à l’enfance est moindre. Le département de Haute-Savoie est peu touché par les placements et les mesures éducatives si l’on se rapporte à l’estimation de la population des moins de dix-huit ans : 1,16 % de la population de moins de dix-huit ans pour ce département, contre 3,71 % dans le département du Nord. Par ailleurs, signalons dans ce département une faible proportion de placements familiaux par rapport à l’ensemble des placements (34 % contre environ 50 % sur l’ensemble du territoire). Malgré toutes ces différences, il n’en reste pas moins que cette étude est la seule réalisée dans le contexte de protection de l’enfance française et qu’elle pourra être confrontée à notre travail doctoral. Cette étude est appréhendée comme un point de comparaison possible, en particulier sur le poids que représente la prise en charge de l’enfant et l’attitude des différents acteurs à l’égard des aidants. Les principaux résultats que nous retenons de cette étude concernent en premier lieu les profils des familles16.

Dans cette étude, les aidants sont parfois des couples (3/20), mais plus souvent une personne, avec une place plus accentuée pour les femmes (11/20) que pour les hommes (6/20) ; il s’agit le plus souvent des grands-parents (11/20) et la lignée maternelle (14/20) est davantage représentée que la lignée paternelle (5/20). Tous les aidants sont apparentés à l’exception de trois d’entre eux, qui sont les ancien-ne-s compagnon-e-s du parent de l’enfant. Trois fois sur quatre de nationalité française, ces aidants ont une situation sociale modeste, étant employés, ouvriers ou retraités. La moitié possède son logement. Présents de longue date dans la vie de l’enfant, ils ont plus d’un an de présence pour 17 d’entre eux. Si l’on tient compte du nombre important d’enfants uniques dans l’étude (6/20), la place de l’enfant dans la fratrie n’est pas

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L’étude concerne 20 aidants qui accueillent un enfant placé chez un tiers au cours de l’année 2013. 78 enfants sont dans ce cas pour l’année 2013.

significativement déterminée : 8 aînés, 4 seconds, 2 troisièmes. Toutefois, la taille des fratries n’est pas précisée. Les âges des enfants se répartissent sur les différentes tranches d’âge avec un pic pour les douze-quinze ans (9 d’entre eux)17.

Le deuxième résultat concerne certaines caractéristiques du placement. La durée du placement chez le tiers n’est pas précisée. Ce point est en lien avec la création récente de l’association qui a ouvert ses portes en 2011, ce qui ne permet pas un recul suffisant sur la durée des mesures. Les auteurs soulignent que la place prise par les aidants est souvent liée à l’absence d’un ou des parents ou à des motifs d’intervention « parmi les plus lourds que nous rencontrons en protection de l’enfance » (Sellenet et al., p.34). Cet état de fait s’accompagne du constat que « la présence, actuelle, même épisodique de l’un ou l’autre des parents dans la vie de l’enfant, n’excède pas 25 % » (ibid., p. 35). Aussi, la place de l’enfant auprès de l’aidant apparaît le plus souvent comme pérenne (18/20).

Ensuite, cette étude s’intéresse aux différentes perceptions des acteurs familiaux et des professionnels. Le sentiment d’obligation guide souvent les aidants, tandis que les travailleurs sociaux suspectent la décision d’accueillir l’enfant. Ils y voient soit une manière de se racheter auprès des parents, soit un risque de captation de l’enfant par les aidants. Quel que soit l’accord entre les parents et l’aidant, il est d’abord remis en question par les travailleurs sociaux.

Enfin, l’étude s’intéresse aux problèmes que rencontrent les aidants, et qui recouvrent trois dimensions : financière, statutaire et juridique. Tout d’abord les problèmes sont d’ordre financiers, puisque l’allocation d’entretien pouvant être perçue n’est pas systématisée. En effet, cette allocation doit être demandée par les aidants, ce qui suppose qu’ils doivent être au courant de son existence. Ensuite, cette allocation attribuée par les départements, peu élevée, équivaut à l’indemnité d’entretien que touchent les assistants familiaux. Dans cette perspective, les auteurs soulignent une problématique liée à la place d’aidant, assimilé à la fois à un assistant familial et à un parent. L’aidant touche une indemnité d’entretien comme les assistants familiaux, mais n’a ni la formation, ni les conditions de travail (contrat, congés, etc.). L’aidant peut aussi percevoir les allocations familiales, comme un parent. Les

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problèmes sont aussi juridiques et concernent notamment la question de l’autorité parentale, détenue exclusivement par les parents sauf en cas de délégation (partielle ou totale).

L’apport principal de cette étude concerne les profils des familles ainsi que les conditions d’accueil. Elle est en effet la première à caractériser les acteurs familiaux concernés par ces situations d’accueil. C’est aussi la première recherche à questionner le faible recours à la parenté et à ce type de placement au sein de la protection de l’enfance. Elle permet de réfléchir au placement de l’enfant dans un contexte d’élargissement du cercle de la parentalité. C’est dans cette perspective que s’inscrit notre objet de recherche.

Cette première étude française, soutenue par le Défenseur des droits, marque peut-être un changement de pensée au sein de la protection de l’enfance. En effet, une nouvelle loi relative à la protection de l’enfance vise notamment à sécuriser les parcours des enfants en protection de l’enfance, en créant notamment une nouvelle forme d’accueil. « Lorsqu'un enfant est pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur un autre fondement que l'assistance éducative, le président du Conseil Départemental peut décider, si tel est l'intérêt de l'enfant et après évaluation de la situation, de le confier à un tiers, dans le cadre d'un accueil durable et bénévole. Sans préjudice de la responsabilité du président du Conseil Départemental, le service de l'aide sociale à l'enfance informe, accompagne et contrôle le tiers à qui il confie l'enfant » 18. L’article 13 de cette loi instaure ainsi le statut de « tiers administratif » qui peut faire penser au pendant administratif de l’accueil chez un proche ordonné par un juge. Néanmoins, cette loi ne donne aucun détail sur les modalités d’accueil associées à ce statut. Il est seulement stipulé qu’il s’instaure dans un cadre d’accueil « durable et bénévole » et qu’il « pourrait être institué comme mode de prise en charge principal de l'enfant par des adultes provenant de son entourage élargi » (ONPE, 2016, p.6), comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Pour explorer cette question de l’accueil chez un proche, nous nous sommes tournées vers la littérature étrangère.

3 Deux approches différentes de l’accueil chez un proche en