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Des problématiques parentales qui se cumulent 120

Chapitre 3 – Enquêter auprès de familles suivies dans le cadre de la

2   Synthèse des 30 situations familiales prises en charge par le service 115

2.4   Des problématiques parentales qui se cumulent 120

Concernant l’emploi des parents, l’information a été renseignée pour 27 mères contre 19 pères54. Il faut cependant noter la part d’approximation dans les réponses recueillies auprès des travailleuses sociales : il a été mentionné si le parent travaillait ou non, mais sans avoir toujours de précision sur le type d’emploi ou la stabilité de celui-ci. Ainsi, la majorité des parents sont déclarés comme sans emploi au moment de l’entretien. Il faut cependant noter la grande disparité entre les hommes et les femmes : 21 mères sur 30 sont décrites comme n’exerçant pas d’emploi ou n’en ayant jamais exercé, contre 11 pères sur les 25 connus55. Les 6 mères, qui travaillent selon les travailleuses sociales, exercent des emplois de service à la personne ou de la vente. Une des mères est décrite comme une « femme de patron » par la travailleuse sociale. Sur les 11 pères qui sont décrits comme exerçant ou ayant exercé un emploi, la grande majorité compte des ouvriers, souvent intérimaires. Deux pères se détachent du reste : un est ingénieur, l’autre responsable de magasin.

En ce qui concerne le logement, seuls deux couples parentaux sont ou ont été propriétaires de leur logement. Pour la grande majorité, l’information recueillie n’apparaît pas clairement ou n’est pas évoquée.

Que ce soit vis-à-vis du logement ou de l’emploi, il faut souligner que la situation sociale des parents a souvent été mentionnée avec plus de détails pour les situations désignées comme « exceptionnelles ». L’exception renvoie d’abord à un public qui n’est pas décrit comme « habituel dans la protection de l’enfance ». Les exemples qui nous sont donnés sont pour des parents ayant « un bon boulot » ou une « bonne situation », décrits comme « socialement favorisés ». Mais le détail des situations sociales est aussi fait, à l’inverse, dans des situations décrites comme « marginales » ou « précarisées ». Ces descriptions ne précisent que très peu la situation sociale des parents, à la différence des « difficultés parentales » exposées par les travailleuses sociales lors des entretiens.

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Soit 46 parents sur les 60 potentiels. Sur la différence entre les mères et les pères, il faut noter que pour 5 situations, le père est déclaré comme « inconnu », c’est-à-dire que la filiation paternelle n’a pas été établie.

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Sur les 21 mères décrites comme sans emploi, 9 ont une information complémentaire concernant soit les ressources (au chômage, au RSA), le niveau d’études (fin des études au collège) ou le secteur de formation (une formation d’agent polytechnique). Pour les 12 autres mères, aucune information complémentaire n’a été donnée, ce qui aurait permis d’affiner les profils des situations.

La mise en place d’une mesure d’AEMO implique que les familles suivies soient souvent confrontées à des difficultés multiples. Nous avons identifié certaines caractéristiques de la situation parentale qui semblent influencer la mise en place de l’AEMO et du placement. Les problématiques parentales relevées à partir des entretiens auprès des travailleurs sociaux en charge de l’AEMO sont :

-­‐ Conflit entre l’enfant/adolescent et les parents (3 cas) -­‐ Rupture conflictuelle ou violence conjugale (8 cas)

-­‐ Handicap maternel ou maladie mentale de la mère (6 cas) ou du père (1 cas) -­‐ Départ ou décès maternel (8 cas)

-­‐ Addiction(s) (10 cas) -­‐ Inceste (1 cas)

-­‐ Grossesse à l’adolescence (2 cas)

Nous avons aussi relevé que dans la moitié des situations familiales, aucun des parents n’a un emploi. Nous pouvons faire l’hypothèse que les parents peuvent faire face à des difficultés économiques. Cependant, lors de la présentation à mi-parcours du rapport ONPE, les travailleuses sociales nous ont demandé d’isoler ce point plutôt que de le faire apparaître parmi les problématiques rencontrées. De ce fait, il nous semble que les difficultés économiques des parents ne sont pas considérées comme une cause de placement par les travailleuses sociales, ou du moins ne doivent pas apparaître comme telles. Cette remarque nous renvoie aussi au peu d’informations recueillies auprès des travailleuses sociales concernant l’appartenance sociale des acteurs familiaux.

Tableau 3 – Problématiques cumulées des parents

Ainsi, le manque d’informations sociales a été un frein dans notre collecte des données. Les informations sociales concernant les familles sont souvent partielles. Nous n’avons pas toujours eu accès aux informations permettant de situer socialement les personnes enquêtées comme, par exemple, le niveau d’études, l’emploi, les ressources financières, les conditions

Nombre de problématiques

(à l’exclusion de la précarité économique)

Nombre de cas Une 14 Deux 12 Trois 3 Quatre 1 Total 30

de logement, etc. Même l’âge et la composition familiale sont des informations qui ne sont pas systématiquement prises en compte et connues des travailleuses sociales. De ce fait, ces éléments n’apparaissent pas dans les constructions de données statistiques du département de l’enquête. Dans le cadre de l’étude ONPE, nous avons souligné que « pour ce qui concerne les données de la protection de l’enfance, les données administratives présentent l’avantage d’être exhaustives, mais elles sont recueillies à des fins de gestion et constituent un matériau pauvre d’un point de vue sociologique. Ainsi, elles ne disent rien du statut socio-économique des familles, du statut matrimonial des parents » (Tillard et Mosca, 2016, p.41). L’origine sociale des enfants placés reste très mal documentée. Il est, par exemple, difficile de trouver dans le dossier d’enfant placé des informations concernant leurs conditions matérielles d’existence (les revenus des parents, les prestations sociales dont ils bénéficient, etc.). À ce titre, Émilie Potin souligne qu’« il convient d’interroger l’absence d’éléments contextuels sur le milieu d’origine. Souvent présenté en termes de carence, de défaillance, le milieu d’origine est bien évalué et jugé en fonction d’écarts à une norme sociale, et ces écarts se construisent non seulement sur le plan éducatif mais également sur le plan culturel, économique. Il va de soi que les intervenants sociaux connaissent ces situations, elles font l’objet d’enquêtes et de visites à domicile, elles sont discutées en réunion d’équipe. Pour autant, elles ne s’écrivent pas » (Potin, 2012, p.57). Ces données absentes dans les dossiers rendent la pauvreté peu visible (ibid.). Dans ce sens, Émilie Potin met en avant l’idée que « l’évitement d’une forme de discrimination sociale qui associerait maltraitance et pauvreté invite les travailleurs sociaux à occulter la pauvreté et à porter leur attention vers d’autres problématiques » (Potin, 2012, p.56). Néanmoins, ne pas parler de classes sociales au sein de la protection de l’enfance revient à occulter une question centrale, souvent rendue invisible au sein de l’intervention sociale, qui est celle des conditions de vie, des ressources quotidiennes pour élever des enfants, mais aussi des rapports de domination sociale, particulièrement visibles au travers des normes éducatives prescrites.

À retenir

• Autant d’enfants confiés à la lignée maternelle qu’à la lignée paternelle. • 40 enfants concernés, ayant majoritairement moins de dix ans.

• Des placements longs, ¼ qui durent depuis au moins six ans. • La majorité des proches accueillants sont des grands-parents.

• La majorité des couples parentaux sont séparés, mais vivent de nouveau en couple. • Une majorité de parent est sans emploi.

• Peu de données sociales dans les entretiens avec les travailleuses sociales : avec des proches qui sont perçus comme étant mieux dotés socialement que les parents.

3 Réflexions autour de l’appartenance sociale des familles