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Les acteurs familiaux et professionnels de l’accueil 52

Chapitre 1 – L’accueil chez un proche 25

3   Deux approches différentes de l’accueil chez un proche en Europe : les

3.2   Les acteurs familiaux et professionnels de l’accueil 52

Dans les travaux espagnols et anglais apparaissent des caractéristiques communes chez les proches accueillants. La majorité des accueillants se trouvent être des grands-parents. Les recherches anglaises s’accordent sur un ordre de fréquence impliquant en premier les grands- parents maternels (30 %), puis un oncle ou une tante maternels (22 %), les grands-parents paternels (15 %), un oncle ou une tante paternels (10 %), un frère ou une sœur plus âgée (3 %) ou un cousin (1 %). Il faut noter que 18 % des proches accueillants ne sont pas apparentés à l’enfant (Farmer et Moyers, 2008). Au total, la famille maternelle est plus fréquemment mobilisée (2 fois sur trois). Pour l’Espagne, 60 % des accueillants sont des grands-parents, un tiers des oncles et tantes, le reste se répartissant entre les frères et sœurs et d’autres personnes de l’entourage (Del Valle et al., 2008, p.151). Comme dans les recherches anglaises, les accueillants proviennent davantage de la lignée maternelle que paternelle. Del Valle souligne que la famille maternelle est deux fois plus présente que la famille paternelle. Ce résultat concorde avec les autres études espagnoles et internationales. La comparaison avec le groupe des enfants placés hors de leur parenté montre que les placements chez un proche sont plus fréquemment des placements auprès d’une personne vivant seule, et parmi celles-ci, les travaux s’accordent sur la part importante de grands-mères. Ces dernières se retrouvent ainsi seules dans l’éducation des enfants (ibid., p.152). De ce fait, l’âge des

proches accueillants est supérieur à celui des accueillants des familles non-apparentées. Les proches apparentés ont davantage de problèmes de santé (en lien avec l’âge des grands- parents) que les accueillants non-apparentés. De même, le logement de proche apparenté est souvent plus surpeuplé que celui des accueillants non-apparentés. Les conditions de vie, dont l’équilibre financier est constitutif, sont plus précaires chez les proches apparentés que chez les accueillants non-apparentés à l’enfant.

La majorité des proches accueillants vit dans une situation sociale précaire. Les proches ont un niveau scolaire bas ainsi que des revenus annuels faibles. Dans la moitié des situations concernées, les proches ont un revenu annuel compris entre 6 000 et 12 000 euros, 28 % perçoivent moins de 6 000 euros par an et 29 % sont retraités (ibid., p.151). En comparaison, 40 % des accueillants non-apparentés ont un revenu annuel supérieur à 24 000 euros. Ces éléments confirment les données des études britanniques sur les proches accueillants. Ils vivent plus souvent dans une situation de carence économique, spécialement lorsqu’ils sont grands-parents et vivent seuls. Les recherches espagnoles concordent sur le profil des accueillants et mettent en avant les difficultés liées à leur situation familiale quand il s’agit de réfléchir aux besoins de ces familles.

Ce constat vaut aussi en ce qui concerne les parents des enfants accueillis. Les problématiques familiales se retrouvent : addictions, incarcération, problèmes de santé (en particulier psychologique), etc. Dans les diverses formes d’accueil, les parents sont dans des situations économiques et sociales précaires.

Les proches accueillants étant majoritairement apparentés à l’enfant, les chercheurs anglais et espagnols s’accordent à souligner que ce type de placement favorise le maintien des relations entre les enfants et les parents. La poursuite des relations avec la famille d’origine repose sur les relations antérieures existantes. Elle est souvent associée à une proximité géographique qui permet un éventuel maintien des liens familiaux, mais également d’autres liens sociaux avec le voisinage et l’école. Cependant, les auteurs anglais remarquent que seulement une partie des liens familiaux persiste parfois, selon la place généalogique du proche choisi (famille maternelle ou paternelle). Il est important de retenir que la place du tiers au sein de son réseau familial entraîne un renforcement des liens avec la lignée maternelle ou paternelle selon la position qu’il occupe. De plus, Joan Hunt relève que les conflits entre les proches accueillants et les parents sont trois fois plus fréquents dans les situations de placement au

sein de la famille élargie, que dans les placements hors de la parenté (Hunt, 2009, p.108). De même, Farmer et Moyers soulignent que si les enfants et adolescents sont satisfaits des relations entretenues avec leur famille élargie, les contacts maintenus avec leurs parents sont moins harmonieux, notamment quand ces derniers n’acceptent pas la décision. Les parents déploient alors différentes stratégies pour miner les relations : usage abusif du téléphone, fausses allégations, violence à l’égard du proche (Farmer et Moyers, 2008, p.186). Dans les situations de conflits et de ruptures, Joan Hunt évoque, de son côté, la nécessité d’une intervention sociale pour réduire ces conflits. Dans cette optique, une partie des travaux anglais s’intéresse aux points de vue des travailleurs sociaux.

Malgré un avis assez favorable de la part des travailleurs sociaux sur le placement dans la parenté, Joan Hunt souligne l’ambiguïté de ces derniers à l’égard des proches et des parents. Ceux-ci reconnaissent, selon des critères de bien-être de l’enfant et de continuité de l’accueil, les résultats meilleurs des placements chez les proches par rapport à ceux auprès d’étrangers à la famille. Cependant, ils restent suspicieux à l’égard du proche, surtout lorsqu’il s’agit d’un grand-parent. La suspicion naît de l’idée que les problèmes des parents sont pour une large part attribuable aux carences de l’éducation qu’ils ont eux-mêmes reçue, selon l’idée commune énoncée dans le proverbe : The apple does not fall far from the tree (Hunt, 2009, p.104-105) D’autre part, ils disent leur moins grande habitude à travailler avec les proches qu’avec les autres familles d’accueil. Ils témoignent aussi d’une plus grande difficulté à superviser ce type de placement en raison du flou qui existe sur les fonctions respectives des travailleurs sociaux et du tiers (ibid., p.108). Enfin, dans quelques rares cas, les travailleurs sociaux font face à un front commun entre les proches et les parents pour tenir à l’écart le service de protection de l’enfance.

À la différence des études anglaises, peu de travaux espagnols se sont attachés aux points de vue des travailleurs sociaux. Seule Carme Montserrat a réalisé une étude sur les points de vue des familles (proches et enfants) et des professionnels dans des situations d’accueil chez un proche (Montserrat, 2006). Son étude, menée à Barcelone, s’attache à décrire les différentes perceptions et niveaux de satisfaction du placement entre les proches accueillants, les enfants et les travailleurs sociaux. Une fois de plus, cette étude, basée sur des critères de bien-être et de satisfaction, ne cherche qu’à évaluer la qualité de ce type d’accueil. Cette approche laisse de côté ce qui concerne les enjeux entre acteurs (familiaux et professionnels), les conditions d’accueil et d’accompagnement, les ressources familiales disponibles, etc. Le principal

résultat met en avant la satisfaction des trois groupes d’acteurs (ibid., p.214), sans analyser les rapports de force pouvant exister entre eux. Toujours est-il que ce résultat vient nuancer l’idée d’une suspicion à l’égard des familles présente chez les professionnels, au sein des travaux anglais. Dans cette étude, les travailleurs sociaux ont néanmoins le sentiment que le soutien proposé par leurs services ne correspond pas aux besoins des proches. Ce point souligne la nécessité de prendre en compte les besoins des proches afin d’améliorer leur accompagnement. La recherche de perfectionnement de ce type d’accueil, commun aux deux pays, amène les études à comparer les formes d’accueil coexistantes.