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Pour conclure, quelques questions de départ 59

Chapitre 1 – L’accueil chez un proche 25

4   Pour conclure, quelques questions de départ 59

Le premier constat à retenir porte sur la rareté des recherches françaises sur ce sujet, à la différence de l’Angleterre et de l’Espagne où les recherches sont plus développées. Néanmoins ces travaux sont réalisés dans une perspective d’évaluation des dispositifs et restent très imprégnés de psychologie. L’approche sociologique y est peu présente, il est en de même pour la France, où l’accueil n’est pas envisagé sous l’angle des interactions entre les différents acteurs du placement. La seule étude française réalisée à ce jour a pour intérêt principal de caractériser les familles concernées (parents, enfants et proches) et d’évaluer les besoins en termes d’accompagnement des proches.

Notre thèse a pour objectif de compléter cette description des familles concernées par ce type d’accueil. Quelles sont les familles concernées ? Qui sont les enfants, les parents et les proches concernées ? Quelles sont les caractéristiques de l’accueil ? Quelle est sa durée ? Quelles modalités d'intervention accompagnent cette mesure ? Mais le cœur de notre approche se focalise sur les relations entre les différents acteurs du placement.

Si un certain nombre d’enfants peut être accueilli par un proche de manière informelle, nous donnerons, pour des raisons d’accès au terrain, la priorité aux accueils formalisés par l’officialisation de la garde attribuée au proche. Cette recherche a pour objectif d'aborder la place des institutions (travail social, justice) au sein de la famille. Il s'agit ainsi d'interroger une intervention institutionnelle dans un contexte familial spécifique. En effet la décision judiciaire, quand elle est accompagnée d'une mesure d'aide éducative, fait entrer des professionnels du travail social dans une famille d’accueil. Ce professionnel vient alors non seulement s’assurer de la mise en place de la mesure, de la qualité des liens maintenus avec les parents d’origine, mais également de la qualité de l’éducation reçue dans le cadre de cet accueil.

Dans le cas de l’enfant placé chez un proche, il semble pertinent d’interroger ces proches accueillants sur leur adaptation et sur leurs besoins pour faire face à l’éducation de l’enfant. Quel est le point de vue des proches accueillants sur l’intervention des travailleurs sociaux ? Les parents et les proches ont-ils le sentiment d’être soutenus ? Quelles seraient leurs éventuelles attentes en termes d’accompagnement social ? Dans cette optique, il s'agira également d'analyser le regard de professionnels du travail social et de la justice sur des familles. Ces questionnements renvoient à la conception d'un « bon parent » dans notre société. Cette représentation est mise à l'épreuve dans les relations entretenues entre l'institution et le proche ayant la garde de l'enfant. Dans ce contexte, notre intérêt porte aussi sur les répercussions de cette institutionnalisation sur les liens familiaux. Le passage devant le magistrat marque une nouvelle étape dans la répartition des rôles familiaux, puisque la prise en charge quotidienne de l’enfant est confiée au proche. Ce constat permet également de souligner que le placement chez un proche met en exergue ce qui est considéré comme relevant des devoirs ordinaires de la famille à l’égard de l’enfant. De la sorte, être un proche des parents et/ou de l’enfant suppose une solidarité familiale, et notamment une gratuité du travail parental accompli.

Cette remarque renvoie à la prise en charge d’un problème public par des aidants désignés comme « naturels ». La question du placement de l’enfant peut être envisagée comme le relais ou le transfert d’une prise en charge publique à une prise en charge privée, familiale. Dans cette perspective, nous nous intéresserons au parcours au sein de la protection de l’enfance avant le placement de l’enfant chez un proche. L’enfant accueilli a-t-il été placé avant ? Dans

un autre lieu ? Était-il concerné par des mesures d’intervention sociale ? Si, oui, les intervenants du travail social avaient-ils connaissance de l’entourage élargi de l’enfant ? Les proches sont-ils présents auprès de l’enfant avant l’institutionnalisation de l’accueil ? Plus largement, il s’agira de savoir comment le placement chez un proche a été proposé et décidé. Mais il s’agira aussi de comprendre la place de l’accueil de l’enfant au sein de l’entourage de l’enfant. Quelles sont les relations entretenues entre les proches accueillants et l’enfant, mais aussi avec ses parents ? Pouvons-nous parler d’entraide, de solidarités familiales pour ce qui concerne ce type d’accueil ? Que produit l’accueil sur les relations entre les différents acteurs impliqués (parents, proches, enfants) ?

Florence Weber évoque « la force du quotidien » pour ce qui concerne la prise en charge de l’enfance et du vieillissement (Weber, 2003, 2005, 2013). Dans la même lignée, Agnès Martial montre dans son étude sur les familles recomposées que le quotidien partagé et la co- résidence sont des éléments créateurs de liens entre le beau-parent et l'enfant (Martial, 2000). De même, Anne Cadoret observe la création de liens nouveaux dans les situations de placement en famille d’accueil (Cadoret, 1995). Dans le cas des enfants confiés chez un proche, comment les liens existant sont-ils transformés ? Quels liens se créent à travers le partage du quotidien ? L'évolution éventuelle des liens avec les parents biologiques est également interrogée, d'autant plus que la demande de placement peut émaner des proches accueillants. Il s'agit alors de questionner la représentation du parent en tant que tel. Dans cette perspective, la thèse questionne la nature des liens créés entre le proche accueillant et l'enfant accueilli, mais aussi entre le proche accueillant et l'institution, le proche accueillant et les parents biologiques.

Ces premières questions de départ ont structuré les points d’ancrage de notre thèse qui sont le champ du travail social, celui des solidarités familiales et, enfin celui de la parentalité. La notion de parentalité reste le fil directeur de notre thèse, puisqu’il s’agit d’appréhender son partage dans les situations de placement au sein de la parenté, et ce dans un contexte d’intervention des travailleurs sociaux. Comment la parentalité est-elle appréhendée dans le champ du travail social ? Pouvons-nous parler de parentalité à contrôler ? De parentalité contrôlée ? Qu’en est-il lorsque nous croisons le prisme des solidarités familiales avec celui de la pratique de la parentalité ? Pouvons-nous parler de parentalité déplacée dans les situations d’accueil chez un proche ? Ce type de placement peut-il être pensé en termes d’un partage de parentalité ? Dans ce cas, quelles places accorder aux « parents en plus » (Fine,

1998) ? Notre thèse propose de croiser le champ de la parentalité avec celui de la protection de l’enfance sous l’angle du partage de la parentalité et non plus seulement de son contrôle ou de son soutien.