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Première partie – Quand l’aggiornamento divise l’institution ecclésiale : engagement politique et social, et soutien aux militaires des clercs

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 35-40)

catholiques (1952-1972)

l’engagement social (1952-1963)

Chapitre 2. La question agraire dans le coup d’État militaire : rallier l’Église et étouffer les mobilisations pour la terre (1964-1969)

Chapitre 3. Le conflit Église/Église : politisation des nouveaux mouvements chrétiens pour la réforme agraire (1969-1972)

« L’Église, et à travers elle chacun de ses membres, possède le “monopole légitime des biens de salut”. La délégation en ce cas, c’est l’acte par lequel l’Église (et non les simples fidèles) délègue au ministre le pouvoir d’agir à sa place. »

Pierre Bourdieu

L’enjeu et l’objectif de cette première partie de notre travail sont d’éclairer au mieux la situation religieuse du Brésil face à d’autres phénomènes présentés par la période de l’après-guerre. Ce qui mène l’institution catholique à prendre des décisions peu religieuses, c’est le contexte social et politique du pays. L’Église n’est pas une institution protégée des problèmes sociaux puisqu’elle se trouve insérée dans le monde. Marcio Moreira Alves, ancien exilé politique en France, a développé une thèse à propos de l’Église et de la politique au Brésil. Alves, en fait, était un député de l’opposition au régime militaire et il perd son mandat dès que le pouvoir est pris en 1964. La thèse de Yann Raison du Cleuziou, par exemple, consacre un chapitre important à la subversion des dominicains en France et à la prise de parole des jeunes étudiants religieux. Entre les dominicains français et les dominicains brésiliens, nous avons trouvé des similitudes presque à la même époque.

Dans le premier chapitre, nous verrons que la décision d’organiser la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) est en fait une question d’organisation intérieure. Jusqu’alors, l’institution catholique développait un travail philanthropique d’assistanat. Le contexte social et politique d’injustice joue en faveur d’un changement et les responsables de l’Église catholique au Brésil se montrent, sous l’effet de divers événements, de plus en plus préoccupés par la pauvreté et l’exploitation des paysans. Dans ce cadre, l’idéologie marxisante se montre dans le paysannat comme étant le remède contre le sous-emploi.

Cette restructuration de l’institution catholique constitue simultanément une façon d’affronter le marxisme, mais aussi, à un moindre degré, le pentecôtisme et les religions afro-brésiliennes. En élargissant le Mouvement d’éducation de base (MEB) et d’alphabétisation radiophonique, l’institution catholique s’intéresse à nouveau au problème foncier et à la misère agraire, ce qui porte l’épiscopat vers un travail plus politique que religieux. L’institution catholique se transforme et commence à entrer dans une sorte de concurrence politique avec d’autres organisations paysannes.

Dans la décennie qui suit, l’Église connaît des transformations subites au niveau de la direction de la CNBB qui bascule vers le conservatisme. Les représentants de l’institution catholique bénissent désormais l’arrivée des militaires au pouvoir, pour avoir sauvé le pays de la tentation communiste.

Le deuxième chapitre analyse, à cet effet, comment le coup d’État des militaires en 1964 se répercute sur l’institution ecclésiale et comment il démobilise sous la contrainte les groupes organisés de paysans et certaines fractions progressistes du clergé. Le symbole de cette transformation est la création de la jurisprudence appelée Statut de la terre. Désormais, les paysans et l’Église progressiste sont empêchés d’agir. Certains tentent néanmoins de renverser la situation, comme les militants du Parti communiste du Brésil (PCdoB) qui, dans un village au nord du pays, cherchent à installer une démocratie populaire communiste à partir de la campagne. La répression qui a suivi l’arrivée au pouvoir des militaires est simultanément le moment de l’apparition des mouvements radicaux et des guérillas. Le combat politique se voit criminalisé et se radicalise. Ce processus conduit également à une résistance « religieuse » contre les organes de répression. Si l’Église catholique officielle a accordé son soutien aux militaires, on assiste conjointement à la montée en force d’une Église progressiste bénéficiant d’un ancrage local avec les communautés ecclésiales de base, ainsi qu’à un renouvellement

épiscopal de l’Église latino-américaine qui discute des moyens de lutte contre le sous- développement et la misère. L’aggiornamento de l’institution catholique se fait donc à un double niveau : tout d’abord dans la lutte et la résistance politique et sociale avec les pastorales politisées des communautés ecclésiales de base, mais aussi avec l’appui donné aux militaires par le haut clergé de l’Église catholique. L’entrée en « rébellion » de l’« Église populaire » se fonde sur le soutien des communautés, mais ne peut s’analyser sans prendre en compte les alliances tissées entre le haut clergé et les militaires

Les pastorales de base ainsi que les évêques qui se sont faits les porte-parole des miséreux sont persécutés, contraints au silence ou déplacés par les autorités militaires.

Le troisième chapitre restitue ces tensions entre le clergé et le régime militaire, en s’intéressant par exemple au sort fait à Helder Camara qui se voit transféré de l’archevêché de Rio de Janeiro vers Olinda, au Pernambouco, une province reculée, pour affaiblir sa parole, c’est-à-dire son poids politique. Du fait d’une proximité nouvelle et accrue à l’égard des plus pauvres, ces déplacements forcés de certains cadres de l’Église, qui étaient destinés à les réduire au silence, peuvent paradoxalement expliquer une partie de leur propre radicalisation. Cette dernière est alors elle-même vécue subjectivement sous la forme d’une véritable « conversion morale et religieuse au mouvement de libération des pauvres ». Les communautés ecclésiales de base (CEB) inaugurent l’Église populaire.

Chapitre 1. De l’aggiornamento de l’institution épiscopale à l’engagement

social (1952-1963)

I.1 Dépérissement du monde clérical et naissance de l’Église progressiste

I.1.1 Crise de vocation du clergé et déclin de l’institution catholique

I.1.2 Conservateurs, réformistes et progressistes : l’institution épiscopale s’engage pour la réforme agraire

I.1.3 L’assistanat de l’institution catholique rallie les paysans et la SUDENE échoue : les migrations de main-d’œuvre paysanne

I.2 L’institution catholique face aux communistes

I.2.1 Le problème foncier et ses enjeux politiques

I.2.2 Les ligues paysannes et la formation socialiste (1955/1959)

I.2.3 L’entrée en syndicalisme du clergé : la concurrence renouvelée dans la représentation syndicale des paysans

I.2.4 La mobilisation sociale de l’Église catholique – le MEB (1961)

I.2.5 La mobilisation politique et diplomatique après Cuba : l’Alliance pour le progrès (1961-1963)

I.2.6 Fin de la période civile : la déposition de Goulart

Dans quelles circonstances s’est constituée ce que l’on peut désigner comme une « Église progressiste » au début des années 1950 au Brésil ? Après la fondation de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) en 1952, par l’évêque Helder Camara et ses collègues d’épiscopat, les liens entre les communautés religieuses et la question sociale se resserrent, en particulier dans la région Nordeste.

Mais l’intérêt des évêques pour les problèmes sociaux qui touchent la vie des citoyens pauvres et en situation de misère ne peut se comprendre pleinement sans prendre la mesure de la crise de vocation que subit, à la même époque, l’institution catholique. L’entreprise de rénovation de

l’Église se mène conjointement avec un travail de recrutement de candidats au sacerdoce et passe par le développement de nouvelles institutions, telles que la Conférence des religieux du Brésil (CRB) en 1954 et le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) en 1955. L’Eglise catholique vit le dépérissement et la crise de vocations (I.1).

La misère paysanne oblige l’institution épiscopale et le clergé à intensifier un travail d’assistance aux paysans par craintre d’une montée de l’idéologie dans les cercles catholiques. L’institution catholique ne peut pas se faire d’elle-même, alors elle compte sur le soutien du gouvernement et des institutions (SAR - Service d’assistance rurale -, SORPE - Service d’orientation rurale de Pernambouco -, l’IBAD - Institut brésilien d’action démocratique - et l’IPES - Institut de recherches et d’études sociales).

Mais en même temps, l’Église se confronte alors aux communistes, très bien organisés par les ligues paysannes et prêts à la révolution. L’Église cherche à concurrencer l’organisation des paysans en créant ses propres syndicats dans une orientation anticommuniste. C’est l’influence marxiste qui, maintenant, fait peur à l’institution catholique, la guerre froide sème le doute et qui l’amène à rechercher un accord avec l’institution catholique (I.2).

La pastorale catholique visait la politique. L’Église catholique sort alors de sa réserve, elle s’engage en politique, traitant de l’organisation sociale des richesses. Elle sort aussi du commentaire des écritures et de la parabole. L’épiscopat forme les jeunes de la Jeunesse universitaire catholique (JUC), mais quelques années plus tard, en 1966, l’Église est conduite à les exclure face à leur radicalisation marxisante. Dépassées en quelque sorte par le mouvement de contestation politique qu’elle a elle-même contribué à alimenter pour lutter contre la crise sociale et agraire, les instances dirigeantes de l’institution catholique dénoncent ces jeunes catholiques « protestataires », qui rejettent désormais à la « vérité de l’institution ».

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