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L’Église des opprimés en quête de libération : les antécédents de la théologie de la libération

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 167-171)

théologie qui dérange (1972-1984)

4.2 La perspective historique de la théologie de la libération

4.2.1 L’Église des opprimés en quête de libération : les antécédents de la théologie de la libération

socialisme, ainsi que la théologie de la libération, sont suivis depuis sa naissance par le Vatican. Le secrétaire pour la Doctrine de la foi, Joseph Ratzinger, stigmatise cette théologie à cause du marxisme. Pour Ratzinger, elle est au bord du schisme religieux (4.2.4).

4.2.1 L’Église des opprimés en quête de libération : les antécédents de la

théologie de la libération

La théologie de la libération y était encore en gestation, pensée comme une sorte de théologie de la révolution qui donnerait accès à la libération. D’autres thèmes y ont vu le jour, comme la philosophie, la sociologie et la praxis historique du christianisme. Les théologiens latino- américains s’inspiraient des premiers textes de Gustavo Gutierrez (Pérou), Hugo Assmann, Leonardo Boff, Clodovis Boff, Ruben Alves, frère Betto et Carlos Mesters (Brésil), Segundo Galilea, Ronaldo Muñoz et Pablo Richard (Chili, Costa Rica), José Miguez Bonino, Juan Carlos Scannone, Ruben Dri (Argentine), Enrique Dussel (Argentine, Mexique), Juan- Luis Segundo (Uruguay), Samuel Silva Gotay (Porto Rico), Luis Segundo (Chile).

Sur les antécédents de la théologie de la libération, José Comblin note que cette théologie considère d’abord le passé historique de l’Amérique latine jusqu’à en arriver à sa lutte contre le colonialisme et à la situation d’injustice sociale. Tout de même, Comblin reste conscient que cette théologie n’est pas acceptée dans tous les milieux, et qu’elle considère la lutte du prêtre colombien Camilo Torres contre les injustices sociale, économique et politique. Cette théologie fait le choix d’une révolution par amour de son prochain. Pour Camilo Torres, il fallait lutter contre le sous-développement. Le 2 mai 1965, dans son discours d’inauguration du séminaire

régional du Nord-Est destiné à la formation des futurs prêtres, Helder Camara assurait que le centre a été créé pour former des « prêtres pour le développement » : il parlait de la recherche d’un nouveau socialisme et prêchait contre les seigneurs ruraux. Ce séminaire, par manque de candidats, sera supprimé trois ans plus tard.

Le contexte de la théorie du développement était provoqué par la comparaison du niveau de vie entre les nations pauvres et les nations riches. Nous pouvons arriver à la conclusion que la dynamique de l’économie mondiale conduit simultanément à la création de plus de richesses pour les nantis et à plus de pauvreté pour ceux qui ont le moins, et que l’idée de développement, apparue presque en même temps que l’Alliance pour le progrès, émane de la problématique de l’homme nouveau de la société communiste. Dans cette conception, d’après un texte de jeunesse de Marx, l’homme se définit non par son avoir mais par son être :

« C’est pour cela que l’abolition positive de la propriété privée ne doit pas être comprise seulement au sens d’une jouissance immédiate, exclusive, seulement au sens de la possession, de l’avoir. L’homme s’approprie son être universel de manière universelle, c’est-à-dire comme un homme total. »

Pour Gutierrez, l’idée de développement est simplement devenue synonyme d’échange et de modernisation, c’est-à-dire de mesures limitées, timides et inefficaces à long terme, quand elles ne sont pas erronées et finalement contre-indiquées pour parvenir à une véritable transformation de la société. Les pays pauvres prennent conscience de manière toujours plus claire que leur sous-développement n’est pas autre chose que le sous-produit du développement d’autres pays, étant donné le type de relations que ces derniers leur imposent. La politique orientée vers le « développement » provient d’une théorie du développement d’influence extérieure. Se développer signifie se tourner vers le modèle qui se construit à partir des sociétés les plus développées. Dans cette perspective, les pays sous-développés apparaissent comme des pays en retard, qui se trouvent à une étape antérieure.

Mais Helder Camara soutient que le problème entre les pays développés et sous-développés n’est pas seulement d’aide, mais de justice, et que les encycliques papales axées vers la misère du tiers monde ont été perçues comme un grand souffle et un moteur pour les pauvres à la recherche d’une meilleure distribution paritaire. Il plaide pour un développement intégral de

l’homme en reprenant les mots de Paul VI sur la propriété privée, qui lui-même fait référence au document publié par Léon XIII, en 1891, sur la condition des ouvriers. Lors de la parution de Rerum Novarum, les socialistes européens en ont profité pour accentuer leur demande de la suppression de la propriété privée. Un siècle après cette encyclique, Alain Thomasset analyse le début du discours social moderne de l’Église comme le tremplin d’une réflexion sur l’éthique socio-économique et ses rapports avec la politique.

Pour Zilda Marcia Gricoli Iokoi, le Brésil présente le terrain social et politique le plus important pour lutter contre cette situation d’« apartheid social », ce qui définit la théologie de la libération. Zilda Iokoi met en évidence le contexte chrétien partagé entre conservateurs et progressistes dans un pays majoritairement catholique à la recherche d’une Église capable de « libérer » son peuple. Zilda Iokoi a développé son travail sur l’Église populaire et les paysans au Brésil et au Pérou. Elle, Iokoi, met en évidence les similitudes de la théologie de la libération dans ces deux pays, en partant de la région amazonienne brésilienne qui fait frontière avec le Pérou. Pour Iokoi, la théologie de la libération a trouvé sa place dans les couches populaires, dans les régions rurales du Centre-Ouest, Nord et Nordeste, où elle (la théologie) s’est vue engagée chez les paysans. Pour les conservateurs, il fallait libérer le peuple de la tentation, du péché, de l’immoralité, des idéologies de gauche. Pour les progressistes, la libération était tournée vers l’aspect social, économique et politique. L’Église progressiste condamnait l’aliénation de l’institution catholique face au capitalisme libéral, et affirmait qu’il fallait lutter pour la libération intégrale de l’homme. Zilda Iokoi a bien noté que les mots utilisés par l’Église progressiste à partir de la parution de Popularum progressio n’était pas habituels dans le monde ecclésial, ce qui a déclenché les contestations à l’intérieur même du monde catholique brésilien. Pour Iokoi, l’Église était « dénudée » de ses pompes, mais engagée, embrassée, côtoyée par les pauvres, les paysans et les Indiens. Nous supposons que le contexte social où naît la théologie de la libération est très vaste et qu’il faut resserrer l’axe de cette théologie qui se veut libératrice. Il est certain que l’Église catholique, comme le remarque Zilda Iokoi, s’intitule « Église des pauvres », « peuple de Dieu », mais comment mieux préciser la théologie de la libération dans l’effervescence politique du sous-développement ?

Nous ne sommes pas sûrs que l’Église de la libération ait réussi à s’imposer comme « libératrice » sans le militantisme étudiant contre la répression. Zilda Iokoi explique que les

tensions sociales jouent un rôle dans l’option de cette Église militante qui se redécouvre comme prophétique, celle qui annonce et dénonce la pauvreté. Pour Gustavo Gutierrez, pour que cette situation puisse évoluer vers un changement, il fallait tout d’abord une prise de conscience de la situation aliénante. Gutierrez constate que, cruellement, l’Église est, d’une façon ou d’une autre, liée à ceux qui détiennent le pouvoir politique et économique. Qu’elle appartienne aux responsables de l’opulence ou de l’oppression, ou qu’elle appartienne aux pauvres, l’Église – ou, pour le moins, la majorité de sa hiérarchie – est liée aux classes exploitantes.

Michael Löwy essaie une définition pour ce christianisme de la libération à partir des communautés ecclésiales de base (CEB) et de son recours à l’instrument marxiste. En fait, la rencontre épiscopale de Medellín est signalée comme étant le lieu où les évêques progressistes ont conçu que la pauvreté était causée par la dépendance économique. Et quoique l’institution catholique reste conservatrice ou modérée, pour Löwy, son impact est encore très important, au Brésil surtout.

Encadré n° 4.1 : Quand l’Église latino-américaine à Medellín fait son aggiornamento pour la « libération »

Cette conférence a eu lieu du 20 août au 6 septembre 1968, en Colombie, et a été organisée par le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM). L’épiscopat a pris conscience des problèmes du continent, a remarqué les insuffisances socio-économiques, le manque de moyens pour l’évangélisation. Les travaux ont été divisés en : 1 – promotion humaine ; 2 – expérience de la foi ; 3 – structures de l’Église. Les prélats ont décidé que la tyrannie ne pouvait pas être acceptée. Ils ont proposé la réalisation de marches, la lutte pour la justice et la grève comme option pour la libération. Les conférenciers ont décidé de s’ouvrir aux Églises pentecôtistes comme forme de tolérance, les laïques et les prêtres pouvaient maintenant être invités à ce genre d’événement dû à l’expérience des CEB comme un processus de continuité de l’Église populaire. Comment expliquer ce virage de l’Église catholique vers une radicalisation ? La conférence passe du langage du développement à la libération par Gustavo Gutierrez. Les conclusions de Medellín demandait la libération de l’homme entier, y compris matériel, et pas seulement spirituel. C’est un support de plus pour la théologie de la libération.

partir du moment où les évêques ont assumé le mot « libération » à Medellín, on peut dire que le doute sociologique et économique a rejoint la critique marxiste. Hugo Assmann a une formation sociologique et théologique, ce qui permet parfois de comprendre qu’il utilise la foi pour confirmer ses options sociales. Donc, en accord avec Assmann, la théologie a été monopolisée par l’Europe :

« Il y a une conviction commune à tous les théologiens de la libération, exprimée souvent avec une sorte de triomphalisme naïf, c’est d’avoir trouvé une formulation neuve du vieux thème du salut. Libération est le salut. La théologie, monopolisée jusqu’à ce jour par des centres cléricaux européens, qui, pénétrés par la vision d’un christianisme bourgeois, l’ont pétrie dans des formules abstraites sans rapport avec les conditions réelles des hommes de notre temps. »

Cette conviction chez les théologiens progressistes provoque en quelque sorte l’agressivité religieuse des groupes opposés à la voie prise par la théologie de la révolution ou de la « libération ». L’effet Medellín est positif pour l’Église catholique progressiste et négatif pour les conservateurs. Pour Eduardo Ibarra, c’est à partir de Medellín que le terme « libération » prend une importance majeure, puisque l’épiscopat de tous les pays d’Amérique latine et centrale était représenté. Au Brésil, les communautés ecclésiales de base (CEB) avaient signifié le début, parmi d’autres actions comme le Mouvement d’éducation de base (MEB), d’un changement radical au sein de l’Église catholique.

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