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La centralisation de la pensée catholique

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 183-186)

théologie qui dérange (1972-1984)

4.3 Le pape et la centralisation de la pensée politico-religieuse : l’efficacité de la théologie de la libération mise en doute et réfutée

4.3.1 La centralisation de la pensée catholique

Le Sacré Collège, sorte de sénat qui choisit le pape par élection, fut établi en 1586. Mais les papes qui n’ont pas suivi les normes de la majorité épiscopale furent éliminés. Le pape Marcel II (1555) tenta de faire reconnaître les anciennes erreurs de Rome. Après 21 jours de pontificat, il mourut empoisonné. Léon XI (1605) décéda 26 jours après son intronisation, car il avait dénoncé un grand nombre de forfaits commis par divers représentants de l’Église.

Si le pape Jean-Paul II a échoué en Italie contre le pouvoir politique quand il a voulu s’exprimer par rapport au référendum sur l’avortement, la classe politique italienne l’a menacé de revoir les accords de Latran s’il persistait à se mêler de politique intérieure. Ce n’est pas le cas en Amérique latine. Selon Leonardo Boff, l’Église romano-catholique est un corps religieux transnational, dont le gouvernement se situe au Vatican, où sont définies les stratégies d’unité et de cohésion. Or, le catholicisme romain vit avec de profondes contradictions. En premier lieu, le Vatican veut centraliser la religion sans prendre en compte le processus culturel de chaque pays et de chaque continent. Le pape, qui symbolise la curie romaine située au Vatican, cherche à élaborer une seule vision doctrinaire. Néanmoins, cela implique le non-respect des cultures déjà établies, de la même façon que le firent les conquistadores face aux Incas. Peut-on imposer le modèle catholique romain aux Tibétains, aux Japonais, aux Chinois, aux Latino-Américains sans avoir compris leurs habitudes, leurs besoins et les contextes sociaux spécifiques ?

Pour Boff, le retour à la centralisation vaticane est le signe du retard ecclésial. Selon lui, à la fin de la papauté de Paul VI, les forces conservatrices de l’appareil ecclésiastique romain étaient désunies, surtout à cause du concile Vatican II. Celles-ci se sont installées au Vatican en liaison avec les groupes conservateurs (les intégristes français, l’Opus Dei et la TFP – Tradition, famille et propriété), et elles n’ont jamais accepté les changements proposés après 1965. En fait, si l’Église montre un semblant d’ouverture avec l’œcuménisme, elle insiste sur le fait que personne ne peut être sauvé en dehors d’elle. Ce qui signifie que sa pastorale « ouverte » vers le monde et vers les autres religions, même si elle se souhaite compréhensive, reste dogmatique et autoritaire. Le concile de Trente et celui de Vatican I ont été doctrinaires et Vatican II doit être interprété dans la même optique. Le cardinal Ratzinger a exigé un catéchisme unique, valable pour tous, pour signifier qu’il n’y a qu’une seule vérité et une seule religion capable de sauver les hommes. Ceux qui n’entrent pas dans les normes catholiques ne peuvent en aucune façon

participer du haut clergé. L’Église ne veut plus d’engagement laïque et ne souhaite pas instaurer de proximité entre les prêtres et la communauté ; ce qui peut sembler paradoxal puisque le prêtre sert une communauté paroissienne. Prenons pour exemple les séminaires ITER (Institut de théologie de Recife) et SERENE II, à Recife, qui formaient les presbytères d’engagement populaire depuis 1970 et que Jean-Paul II a fermés sous prétexte qu’ils ne formaient pas des prêtres adéquats à la centralisation romaine.

En Amérique latine, le pape Jean-Paul II avait exprimé le souhait d’un changement social qui abolirait l’injustice, réduirait les inégalités et il s’était prononcé comme étant favorable à une réforme agraire au Brésil. Mais son discours était plutôt moraliste, à tel point que la politique vaticane antirévolutionnaire et anticommuniste finit également par être ressentie comme antipopulaire. Or, « l’ITER a fait une option claire pour la théologie et la pédagogie qui ont surgi en Amérique latine à partir de Medellín et qu’on a coutume de désigner comme libératrices ». Nous pouvons dire que l’épiscopat, depuis la création de la CNBB et du CELAM, a pris ses décisions en s’appuyant sur une réalité inconnue du Vatican. Jusqu’alors, la hiérarchie vaticane avait toujours approuvé le résultat des discussions des évêques, surtout parce que le pape Paul VI était présent en Colombie. Il n’y a rien d’étrange à cela : il se trouve qu’un pape continue rarement le travail de son prédécesseur, peut-être par jalousie ou par le besoin d’imposer sa marque. Les prêtres qui étaient formés dans ce séminaire majeur avaient une vision sociale plus large de la société. Ils ont eux-mêmes pris la décision de poursuivre leur formation engagée sur le milieu paysan et dans les favelas.

L’étude de Charles Suaud est certes importante, mais elle demeure très éloignée de la réalité brésilienne, car les vocations dans l’ITER ne sont pas celles d’enfants soumis qui acceptent les normes inflexibles de l’autoritarisme. Cet institut pour la formation sacerdotale ne courait aucun risque de former des prêtres « embourgeoisés », car ils étaient engagés dans la pauvreté et avait connaissance des discussions de Medellín et du choix de Puebla. Alors, pourquoi Jean-Paul II a-t-il décidé de tout changer, surtout dans le diocèse de Recife ? Cette conjoncture de misère extrême explique sans doute l’envie persistante d’améliorer la qualité de vie de leurs ouailles par l’évangélisation libératrice.

L’évangélisation libératrice était partie d’une Église populaire. Le langage utilisé, comme l’évoque l’historien français Richard Marin, était aussi libérateur, le point fort étant que « la théologie de la libération, à la différence de toutes celles qui l’ont précédée, s’est développée en

étroite relation avec la pastorale ».

Enfin, les discussions à propos de l’usage de l’idéologie marxiste dans le christianisme suscitent les débats entre les murs du Vatican. Et Joseph Ratzinger prépare son rapport.

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 183-186)

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