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La mobilisation politique et diplomatique après Cuba : l’Alliance pour le progrès (1961-1963) pour la réforme agraire

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 74-78)

cité, p 126 SAR, SORPE, ULTAB

I.2.5 La mobilisation politique et diplomatique après Cuba : l’Alliance pour le progrès (1961-1963) pour la réforme agraire

L’Église catholique était devenue populaire par son intérêt à aider le pouvoir public à contenir la vague gauchiste après les événements de Cuba, et à trouver des solutions pour les graves problèmes sociaux. Autrement dit, le continent sud-américain préoccupait les États-Unis en raison de sa proximité avec Cuba et d’autres dirigeants politiques comme Jacobo Arbenz. Le président John Kennedy lance son plan économique et de réforme agraire pour aider à développer et à moderniser l’Amérique latine avec l’Alliance pour le progrès. Pour Yves Dézalay et Bryant Garth, « cet épisode particulier est assez révélateur de la stratégie et des

enjeux politiques de cette initiative ». La théorie keynésienne avait été déjà transportée, quelques années auparavant, contre la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine).

L’impression que l’on a de cet événement, c’est que la bonne volonté américaine allait changer le décor social radicalement, car l’Alliance pour le progrès souhaitait réaliser la réforme agraire et éliminer l’analphabétisme. Nous doutons de la sûreté de l’objectif américain, puisque son but n’était pas celui de sauver la démocratie mais de garantir ses affaires. La suite de cet événement fut la croissance d’un esprit anti-impérialiste et

« Une campagne de déstabilisation orchestrée par les milieux d’affaires et les élites politiques conservatrices pour fragiliser le gouvernement du président João Goulart. »

Pendant la conférence de l’Organisation des États américains (OEA), à Punta del Leste, en Uruguay, le climat est devenu très tendu entre le Brésil et les États-Unis, car le Brésil venait de rétablir des relations diplomatiques avec l’Union soviétique et avait autorisé le déblocage des sanctions contre Cuba. Lors de cette conférence, Cuba a été expulsé de l’OEA, sans le vote brésilien. Mais les Américains avaient voté une loi qui suspendait l’aide aux pays qui auraient dépouillé les biens de ses conpatriotes à l’étranger sans indemnisation. L’encadré avec la lettre du président Kennedy à João Goulart explique la tension de cette période.

Encadré n° 1.5 : Lettre du président John Kennedy à João Goulart

« Mon cher Seigneur Président :

Nous affrontons la nécessité et l’opportunité, dans ce monde, de déterminer, par notre action ensemble dans les prochains jours, ce qui peut être tout le futur de l’humanité sur cette terre. Monsieur aura l’opportunité de constater par ma déclaration au peuple nord-américain la nature de la grave menace à l’hémisphère occidental que le régime actuel à Cuba a permis à la Russie de s’établir en territoire cubain. Cependant, cela ne va pas dire une menace militaire seulement aux États-Unis. (…). De plus, la Russie va faire de violations plus serieuses sur les exigences de paix internationale et de la liberté. (C’est le spectre de la guerre froide des

Nous devons prendre une décision aujourd’hui ; car le monde tout entier nous regarde. J’espère que dans ces circonstances votre pays puisse s’unir au notre. (…). J’espère aussi que vous, Monsieur Goulart, serez d’accord avec moi dans le besoin de convoquer une réunion immédiate sur le Pacte de Rio de Janeiro. Notre pays, les EUA, va proposer l’adoption d’une résolution pour traiter efficacement cette nouvelle. C’est clair que l’installation d’armes offensives de capacité nucléaire à Cuba met en danger la paix et la sécurité du Continent.

(Le lendemain, après la réception de cette lettre, dans une réponse rendue à l’ambassadeur Lincoln Gordon, Goulart s’est mis à la disposition des États-Unis pour servir en tant que négociateur et médiateur entre Cuba et les Américains. Et, à la demande de Gordon, Goulart a envoyé un général lié à son gouvernement à Cuba. Il faut dire aussi que les États-Unis avaient connaissance de l’opposition des mouvements étudiants qui disaient dans leurs slogans : « Yankees, ne touchez pas à Cuba »).

J’espère que vous, Monsieur Goulart, puisse donner des instructions à votre représentant à New York pour travailler activement avec nous et avec le programme de l’ONU. Je souhaite que vos autorités militaires puissent en parler avec mes militaires sur la possibilité de participation dans une base appropriée avec les États-Unis. (…). Nous devons lutter contre l’installation et la domination d’un communisme international. (…). Les menaces à la paix mondiale viennent de la Russie et de Cuba. Nous souhaitons reprendre les négociations pacifiques ». (Comme la diplomatie du gouvernement brésilien n’arrivera pas à contourner la situation cubaine comme le souhaitaient les États-Unis, alors le Brésil de ce gouvernement soupçonné d’être gauchiste sera surveillé, car la vague du socialisme et de la révolution est dans l’esprit des mécontents).

Washington, 22 octobre 1962, secret, traduction informelle de l’anglais vers le portugais probablement élaborée par l’ambassade des États-Unis.

À la fin de cette conférence qui suivait le fiasco de l’intervention américaine à Cuba, la charte de Punta del Leste a été rédigée pour établir un compromis. Elle mettait en place l’Alliance pour le progrès, présentée par le président Kennedy comme l’instrument de nouveaux rapports fondés sur une coopération plus efficace entre les États-Unis et les pays latino-américains, qui prônaient :

«Une distribution équitable du revenu national, la réalisation d’un programme de réforme agraire et même l’éradication de l’analphabétisme. »

Comme l’expliquent Yves Dézalay et Bryant Garth, à partir de ce moment, les fondations philanthropiques américaines, en particulier la Ford et l’USAID (Agence pour le développement international), s’impliquent fortement dans la professionnalisation de l’économie. Pour ces auteurs, à la Fondation Ford, il s’agit de s’investir dans la formation pour mieux arriver au développement. Comme le remarque Sergio Miceli, la Fondation Ford a apporté une contribution décisive à la mise en place, au Brésil, d’un véritable champ des sciences sociales, sans oublier pourtant que la Fondation Ford était au début financée par la CIA et qu’elle prit ses distances par rapport à son gestionnaire parce qu’elle n’était pas d’accord avec ses méthodes. Tout comme Dézalay et Garth, nous sommes à peu près sûrs que l’Amérique du Sud, surtout le Brésil, a servi de laboratoire pour l’application de l’impérialisme dans tous les domaines. En ce qui concerne l’économie, Maria Rita Loureiro a fourni un important travail à propos de l’ascension des économistes au Brésil dans les années 1960, qui s’accentue avec l’arrivée de la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine). Loureiro, tout comme Dézalay et Garth, remarquent que les membres de la CEPAL étaient issus des écoles de droit, d’économie ou de sciences sociales. Enfin, la crise économique brésilienne se complique après la démission du président Janio Quadros, qui était resté huit mois au pouvoir. João Goulart, le vice-président, assume le contrôle du pays sous tension et il ne va pas trop loin. Sur la volonté américaine dans le continent, Helder Camara reprend :

« Dieu nous garde de juger les intentions, surtout d’un homme de la stature morale de John Kennedy. Mais aujourd’hui, à côté de Dieu, il doit être le premier à reconnaître que l’Alliance pour le progrès a été, dés son origine, un instrument bien en-deçà de ses rêves et, surtout, il doit voir comment a été dévié, défiguré, son geste habile et généreux d’homme d’état intelligent et bon. »

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 74-78)

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