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L’institution catholique condamne la politique cléricale de la théologie de la libération

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 193-197)

4.3.4 L’institution catholique impose ses « vérités »

4.3.5 L’institution catholique condamne la politique cléricale de la théologie de la libération

La disparition successive de trois papes considérés comme des progressistes avait laissé l’Église abasourdie. Aucun mandat papal ne peut être identique et, selon les sociologues de la religion, un pape ne continue pas le travail de l’autre. Karol Wojtyla, devenu Jean-Paul II, venait d’un pays qui avait connu le régime communiste et le haïssait. L’Amérique latine était alors sous l’emprise d’une misère effrayante, écrasée par les coups d’État et la guerre froide. Sans s’efforcer de comprendre la situation sociale réelle, Jean-Paul II chercha à étouffer le désir d’un pays, soutenu par les chrétiens, de parvenir au socialisme. Comme Pie XII sanctionna l’expérience des prêtres-ouvriers français créée en 1943, Jean-Paul II allait aussi sanctionner les CEB. Mais Pie XII était contre les réformes ecclésiastiques demandées par les chrétiens et certains membres du haut clergé. Ce pape, selon Louis Saurel, vivait isolé, loin de la foule, très autoritaire, et l’Église était inerte. Wladimir d’Ormesson parla même d’une dictature absolue. Cette dictature était sans rigueur et par le « vide », selon les mots de François Leprieur, car il était adepte de la procrastination. Paul VI avait défendu la cause des prêtres-ouvriers et fut obligé par la hiérarchie vaticane de poursuivre l’œuvre de son antécesseur et il mourut comme s’il était l’homme qui avait conclu la modernisation du Vatican II. Jean-Paul I n’a pas eu le temps de gouverner. En revanche, Jean-Paul II a imprimé la marque du conservatisme en combattant le marxisme et les tendances progressistes de l’Église. La papauté de Jean-Paul II fut longue, avec beaucoup de changements, mais n’a pas empêché la fuite des catholiques, surtout au Brésil, vers les Églises pentecôtistes.

commença ses bases politiques dans la pastorale de la jeunesse :

« Actuellement, nous avons un processus de fermeture de la structure officielle de l’Église à toutes les organisations de gauche du Brésil. Bien sûr que nous sommes un peuple catholique, car la majorité de la base du MST est catholique et cela fait encore partie de l’“être brésilien”, quoique la proportion d’évangéliques et de protestants ait poussé dans les dernières années. La conjoncture est que l’Église officielle au Brésil se comporte comme une alliée du capitalisme ; elle a perdu son esprit prophétique d’engagement auprès des pauvres de façon générale. Nos évêques plus âgés qui ont servi de référence sont morts ou retraités, comme dom Helder Camara et dom Pedro Casaldaliga. »

Le Monde diplomatique a qualifié Jean-Paul II de pape conservateur et moderne à la fois. Élu théoriquement à vie, un souverain pontife peut néanmoins démissionner – l’hypothèse est prévue par le droit canon envisagé par Paul VI en 1965. Sur le droit de démission, Casaldaliga dit que le pape n’est pas obligé de continuer :

« Oui, oui. Il devrait renoncer comme renoncent aussi les évêques. Il pourrait continuer à travailler, mais non plus en tant que pape. Le pape est l’évêque de Rome. Parfois on critique le pape, mais le problème n’est pas là puisque la faute en revient à sa papauté. Le pape est le chef de l’État du Vatican. C’est cela la première faute. La deuxième faute, c’est que c’est pratiquement la seule monarchie absolue dans le monde. Personne ne juge le pape. Il y a des documents de quelques évêques dans lesquels ils citent plus le pape que la Bible. Je crois dans le ministère de Pierre, en sa mise au service, mais non au papisme idolâtre. Cela nuit à l’œcuménisme. »

Pour François Houtart, directeur du Centre tricontinental et de la revue Alternatives Sud, à Louvain-la-Neuve, en Belgique, Karol Wojtyla a participé en tant que membre actif au Vatican II, il était partisan d’une modernisation de l’image de l’Église catholique et il a appuyé bien des réformes adoptées par l’assemblée des évêques. François Houtart relève que le pape Jean-Paul

II a opéré un revirement vers le conservatisme après être devenu très proche de l’Opus Dei. Le Jean-Paul II d’avant 1980 a favorisé les rénovations ecclésiales et a approuvé même la théologie de la libération, mais, après l’attentat de Rome du 13 mai 1981, il a changé. De plus, son passé catholique polonais était trop simpliste dans son contenu, vigoureux dans sa spiritualité marquée par le culte rendu à la Vierge Marie, rigide dans sa morale, culturellement hégémonique dans sa société et âme de la résistance au communisme. Et encore, ajoute Houtart, sur le plan doctrinal, il utilisa l’autorité ecclésiastique pour contrôler les aspirations de la chrétienté, mais fut trop laxiste dans les canonisations.

Pendant son pontificat, la doctrine sociale resta un lieu privilégié de son attention. Houtart déclare que le pape polonais fut dur contre le socialisme dans l’encyclique Centesimus annus, stigmatisa le capitalisme sauvage pour ses pratiques, et non dans sa logique, car il observa que les mêmes agents économiques de ce modèle adoptèrent des pratiques sauvages en Amérique du Sud et en d’autres pays. Le Vatican prit la décision, comme les États-Unis, de financer les dictateurs, « la banque Ambrosiano finançait, entre autres, le régime du dictateur Anastacio Somoza, au Nicaragua ». Peut-être les liens entre le Vatican et les États-Unis ont-ils dû se renforcer à cette époque, quand le président Ronald Reagan envoya une grosse somme en dollars aux opposants de Daniel Ortega. Et encore, ajoute Houtart, en 2000, la commission Justice et paix instaurée par Vatican II nomma comme conseiller Michel Camdessus, ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), cela suffit à faire douter qu’elle puisse être le porte-parole des pauvres.

François Houtart soutient que la lumière spirituelle et morale dont le pape se voulait le porteur a fait place à une instance politique. Le pire, selon lui, c’est que le gouvernement central de l’Église, qui devait être un service du « peuple de Dieu », devint un appareil réactionnaire, allié de facto aux pouvoirs oppresseurs. Son appel à la justice et à la paix, au lieu de prendre la dimension prophétique qu’appelle l’immense exploitation, plus que jamais mondialisée, s’est mu en une critique raisonnable. Il s’appuya, non sur la force du symbole, mais sur celle de l’autorité.

François Leprieur parle d’une obédience aveugle, de soumission ou d’obéissance. Le clergé est interdit d’être critique, comme les membres de l’Opus Dei en son sein.

« Une telle lecture, que conforte le recours à l’hymne aux Philippiens exaltant l’abaissement du Christ jusqu’à en mourir, conduit dans la pratique à identifier le couple subordonné-supérieur à celui du père et de son fils. Dans cet échange, l’autorité de l’un et l’obéissance de l’autre sont d’un commerce qui se renforce au point de gommer les exigences et les limites qui venaient d’être formellement reconnues. »

La sévère discipline des petits séminaires démontre une obéissance à la lettre. J. R. Chotard, cité par Suaud, parle d’une discipline autoritaire, intolérable et draconienne.

« On n’obéit pas pour se mortifier… on obéit d’abord, je veux dire immédiatement, pour se soumettre aux exigences impératives du bien commun. »

L’obéissance au pape est de règle, et il n’est pas question que ses paroles puissent être dénaturées ou interprétées.

Certes, pour François Houtart, Jean-Paul II a restauré l’Église, mais quelle Église ? Certes, il a renforcé la place de cette dernière dans la société, mais quelle place ? La manière polonaise d’être chrétien n’était pas la même qu’en Italie. Jean-Paul II n’a pas été nonce apostolique, il n’a pas été ambassadeur, ce qui lui aurait permis de comprendre quelques enjeux politiques importants. Le Vatican de Pie XI a signé des accords avec Mussolini pour les bénéfices fiscaux de Latran. Ainsi, l’enseignement religieux fut un acquis, comme les privilèges économiques et juridiques des institutions ecclésiastiques exonérées de taxes. Jean-Paul II est comme ça : « Avant que nous ayons parlé, il a déjà une idée sur le sujet et il n’accepte guère de la reconsidérer. Il nous faut des arguments d’acier pour le faire changer d’avis ou même moduler son opinion. » Pour cela, selon ces auteurs, les fonctionnaires du Vatican dénoncent l’emprise néfaste des conseillers polonais.

Au début de sa papauté, en Amérique latine où il a fait son premier voyage, il devait mieux comprendre la misère et la soumission du peuple, ainsi que la majorité de l’épiscopat, aux dictateurs, à l’exception de Mgr Oscar Romero, de Salvador, assassiné en pleine messe, de Mgr Helder Camara et de quelques autres. Jean-Paul II est contre toute manifestation religieuse qui fût politique et il n’a dit mot sur le fait que l’épiscopat brésilien ait joué un rôle important dans le

retour de la démocratie. Néanmoins, Jean-Paul II aurait conseillé les dirigeants de Solidarnosc pour le changement de régime en Pologne. En revanche, il n’a pas voulu écouter Mgr Helder Camara, qui l’implorait de descendre parmi les « pauvres » et les « démunis ». La hiérarchie de l’institution catholique au Vatican exerce son pouvoir d’interdiction dans le monde chrétien. La théologie de la libération dérange la politique du Vatican. Condamnée à disparaître, cette théologie vit-elle encore ?

Dans le document L'église s'engage dans la politique (Page 193-197)

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