• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : Introduction générale

2. Déterminants des pratiques de diversification dans les pays industrialisés

2.4. Pratiques de soins, d’alimentation, déterminants culturels et psychologiques

2.4.2. Pratiques de soins à l’enfant

a. Sources d’informations utilisées pour prodiguer les soins à l’enfant

Un des éléments pouvant influencer les attitudes et croyances concernant les soins à

donner à l’enfant sont les sources d’information utilisées par les mères.

Quatre types principaux de sources d’informations sont notés dans la littérature :

l’expérience personnelle de la mère, liée ou non à son expérience professionnelle, l’avis de

l’entourage, en particulier la famille (grand-mères, conjoints), les médias (presse écrite,

télévisuelle, et plus récemment internet) et enfin les professionnels de santé (sage-femme,

médecin, professionnel de crèche).

Dans l’UKFS (McAndrew et al. 2012), 30% des mères disaient se fonder sur leur

expérience personnelle pour prendre la décision de commencer la diversification, et 27% se

fonder sur un avis de professionnel de santé. Les mères qui introduisaient plus tard la

diversification avaient plus souvent basé leur décision suite à une source d’information

formelle (professionnel de santé, source écrite).

Alder et al. (Alder et al. 2004) mettaient en évidence qu’un âge de diversification

précoce était lié à « l’opinion de la grand-mère maternelle, au désaccord personnel de la mère

avec le fait qu’il convient de diversifier après 4 mois, un manque d’encouragement de la part

109

des amis pour attendre mais également au fait de recevoir des échantillons gratuits d’aliments

tout prêts, ainsi qu’aux perceptions maternelles des besoins de l’enfant ».

b. Place du père pour les soins à l’enfant

Nous avons précédemment évoqué l’influence possible des caractéristiques

démographiques, socio-économiques et de santé du père sur les pratiques de nourrissage de

son enfant. Le père est un acteur-clé du soutien de la femme allaitante. Il a été montré que sa

perception ou ses préférences en matière d’allaitement ne sont pas sans effet sur l’initiation

(Kersuzan et al. 2014) et la durée d’allaitement (Salanave et al. 2014, Wagner et al. 2015).

Ainsi, l’étude EPIFANE a montré qu’une vision négative de l’allaitement par le conjoint

mène à une durée d’allaitement plus courte (Salanave et al. 2014). Alors que les

caractéristiques socio-économiques et culturelles du père n’ont été que très rarement prises en

compte, l’étude ELFE a permis de mettre en évidence des associations entre la durée de

l’allaitement et de nombreuses caractéristiques du père (âge, situation professionnelle, niveau

études, catégorie socioprofessionnelle, pays de naissance, présence à l’accouchement)

(Kersuzan et al. 2014, Wagner et al. 2015). La présence à l’accouchement est certainement un

marqueur de la place du père en tant que soutien de la mère et de son souhait de s’impliquer

dans les décisions concernant les soins à donner à l’enfant.

Dans l’étude de cohorte finlandaise STEP Study comprenant 1797 dyades

mères-enfant, la qualité du régime alimentaire paternel était associée à la durée de l’allaitement

maternel et à l’AD. (Vaarno et al. 2015).

Globalement, peu d’études ont porté sur les associations entre les caractéristiques

paternelles et l’AD (Gross et al. 2010, Betoko et al. 2013, Camara et al. 2015). Plus

généralement, très peu d’études se sont intéressées à l’influence des caractéristiques

paternelles sur l’alimentation de leurs enfants. Par exemple dans la revue de Rasmussen et al.

(Rasmussen et al. 2006) concernant les déterminants d’ingestion de fruits et de légumes chez

des enfants et adolescents, seuls 11 sur 90 articles inclus étudiaient des facteurs paternels. De

même la revue de Wang et al. (Wang et al. 2011) sur les similarités entre les régimes

alimentaires des enfants et de leurs parents retrouvait seulement 6 études sur 24 incluant des

analyses spécifiques sur les données paternelles. Ces études montrent que les schémas

alimentaires des parents, y compris, ceux du père sont des déterminants des schémas

alimentaires des enfants. Or les schémas alimentaires sont sous l’influence de déterminants

tels que l’âge, le niveau d’études, la position socio-économique, le pays d’origine. Parmi les

110

rares études ayant évalué les déterminants paternels de l’alimentation de l’enfant, une seule

(Melbourne InFANT) a décrit l’influence paternelle sur l’alimentation du nourrisson.

Si les facteurs maternels semblent prédominants comme déterminants des pratiques

alimentaires du nourrisson, il est probable que l’influence du père, peut-être moins directe que

celle de la mère dans les choix qui sont effectués, doive être prise en compte. Connaitre les

déterminants paternels des pratiques de nourrissage permettrait de mieux cibler les

interventions visant à améliorer les pratiques parentales en rendant les deux parents acteurs de

ces choix. Or, un manque de données concernant les déterminants paternels est observé.

L’étude ELFE offre une opportunité intéressante de les prendre en compte, en raison du

nombre important d’enfants inclus, et de la variété des caractéristiques maternelles et

paternelles investiguées.

c. Mode de garde

Le choix du mode de garde peut être lié à des facteurs propres aux parents, aux

ressources financières, à leur statut d’emploi, mais peut également dépendre des différentes

solutions de garde qui s’offrent aux parents dans des pays différents. Le lien entre mode de

garde et pratiques de diversification peut donc différer d’une étude à l’autre en raison de tous

ces facteurs. La durée d’allaitement est en général d’autant plus courte que l’enfant est gardé

par une autre personne que sa mère (Callen et al. 2004, Victora et al. 2016). En revanche, le

lien entre mode de garde et pratiques de diversification est à ce jour encore discuté. Wijndaele

ne concluait pas sur le lien possible entre mode de garde et âge de diversification (Wijndaele

et al. 2009). Dans OPALINE, les fruits, les légumes et la viande étaient introduits plus

tardivement chez les enfants gardés à l’extérieur que chez ceux gardés par un des parents

(Lange et al. 2013). Cela pourrait s’expliquer en partie par le fait que la population suivie

dans OPALINE avait un niveau socio-économique plus favorisé et que le fait que les enfants

soient gardés indiquait un taux d’emploi des mères élevé, en lien avec un niveau d’études plus

élevé, et donc une plus grande compliance aux recommandations. Une autre explication

possible est également la diffusion des recommandations nutritionnelles par les professionnels

de la petite enfance (crèche ou assistantes maternelles). De ce fait, les parents qui gardent leur

enfant eux-mêmes pourraient avoir moins accès aux informations nutritionnelles. Toutefois,

ce lien n’est pas toujours observé, comme par exemple dans l’étude EDEN, qui ne montrait

pas de lien entre le mode de garde et les composantes de l’alimentation précoce du nourrisson

(Betoko et al. 2013).

111

Les déterminants des pratiques d’alimentation de la première année sont donc

nombreux, et très souvent ont des influences réciproques les uns sur les autres. Certains sont

certainement plus accessibles à des interventions individuelles (attitudes, modes

d’alimentation lactée) que d’autres (lieu de vie, ethnie), et d’autres pourraient faire l’objet de

politiques publiques (accès à l’éducation, au système de santé, aux informations

nutritionnelles ) La figure 22 illustre la complexité des relations entre certains de ces

déterminants, certains étant prédicteurs, et d’autres médiateurs des pratiques d’alimentation

précoce du nourrisson ayant des conséquences sur sa santé future. Dans cette figure, sont

reportés en rouge les pratiques de diversification considérées comme des variables expliquées

(outcome) au cours de cette thèse, et en vert les déterminants sur lesquels notre travail a porté.

Si certains liens entre ces déterminants et les pratiques de diversification sont bien

connus, ce n’est pas le cas pour tous, et notamment en France. Tous ne seront pas explorés

dans ce travail de thèse, mais la cohorte ELFE offre la possibilité, grâce à une base de

données de grande envergure, de pouvoir en évaluer la multi-dimensionnalité.

Figure 22. Schéma conceptuel illustrant les liens entre des déterminants prédicteurs et

médiateurs des pratiques d’alimentation du nourrisson et les conséquences pour la santé de

l’enfant

En rouge : pratiques de diversification étudiées en tant qu’évènements d’intérêts au cours de

cette thèse, en vert : possibles déterminants étudiés

112

Au total, cette revue de la littérature montre que des pratiques de diversification

proches des recommandations (par exemple un AD après 4 mois révolus, l’introduction des

différents aliments au bon moment, l’éviction du sucre ou sel ajoutés), et donc plus favorables

à la santé sont préférentiellement observées dans les familles de statut socio-économique (au

sens large) favorisé. Les déterminants maternels, notamment socio-économiques sont les

mieux explorés. Ainsi les mères qui allaitent leur enfant, sont plus âgées, ne fument pas,

vivent en couple, ont un poids normal, un niveau d'études supérieur ainsi qu’un niveau

socio-économique plus élevé (Rebhan et al. 2009, Scott et al. 2009, Wijndaele et al. 2009, Schiess et

al. 2010a, Kronborg et al. 2014, Wen et al. 2014) ont des pratiques de nourrissage

(alimentation lactée et diversification) de la première année plus favorables à la santé. Les

déterminants psychosociaux, paternels ont été moins étudiés. Or il est important de pouvoir

caractériser au mieux les déterminants des pratiques les moins favorables à la santé afin de

pouvoir personnaliser les interventions visant à améliorer les comportements de santé.

Par ailleurs, si nous disposons en France de deux études représentatives de la population

des nourrissons français de 0 à 1 an de vie, qui ont fourni des données récentes sur les

pratiques de diversification en France, le nombre d’enfants impliqués restait relativement peu

élevé : environ 3 500 pour EPIFANE et environ 1 200 pour Nutri-Bébé SFAE 2013. En outre,

les designs de ces deux études, certes différents, ne permettent pas d’explorer le lien entre ces

pratiques et le devenir à moyen et long terme de ces enfants. En effet, l’étude Nutri-Bébé était

une étude transversale et si EPIFANE a fait l’objet d’un recueil longitudinal des pratiques

d’alimentation de la première année de vie, le suivi ne se poursuit pas au-delà. Il était donc

important de disposer d’une étude de cohorte à l’échelle nationale, avec un nombre suffisant

de participants pour pouvoir prendre en compte la multi dimensionnalité des pratiques

d’alimentation dans la première année de vie et pouvoir également en dégager des

déterminants de façon extrêmement détaillée. C’est ici que l’étude ELFE a toute son

importance. La proximité temporelle de ces trois études permet de valider un certain nombre

de données observées dans les trois études, mais la puissance de l’étude ELFE permet de

prendre en compte un plus grand nombre de paramètres. De plus le suivi longitudinal prévu

permettra d’évaluer les conséquences à moyen et long terme des pratiques observées, et

fournira ainsi une base scientifique pour la formulation de repères nutritionnels fondés sur des

données solides.

113

Nous avons souhaité, outre la description de l’âge d’introduction de la diversification et de

l’âge d’introduction des groupes d’aliments, apporter un éclairage original sur des pratiques

jusque-là peu voire pas décrites que sont l’utilisation de sucre, sel et matières grasses ajoutés.

En effet, les craintes concernant les conséquences sur la santé liées à ces différents aliments

ont entraîné certaines recommandations. Il est important de savoir si ces recommandations ont

été intégrées par la population, si elles sont suivies ou non, et de tenter d’en dégager les

déterminants.

Enfin, un des paramètres pouvant potentiellement influencer les comportements autour

de l’alimentation de l’enfant est sa croissance ainsi que la perception de sa corpulence par les

personnes qui s’occupent de cet enfant. Ce paramètre reste à ce jour peu étudié, et quasiment

jamais dans des études d’envergure nationale. Il nous paraissait donc important de pouvoir en

étudier l’influence sur les pratiques d’alimentation précitées.