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CHAPITRE 1 : Introduction générale

2. Déterminants des pratiques de diversification dans les pays industrialisés

2.1. Caractéristiques socio-économiques et démographiques de la famille

2.1.1. Age des parents

a. Age de la mère

La majorité des études retrouve un lien entre le jeune âge maternel et des pratiques non

conformes aux recommandations. Ainsi, de manière assez concordante, les mères les plus

jeunes allaitent moins souvent et moins longtemps (Yngve et al. 2001, Callen et al. 2004,

Kersuzan et al. 2014, Wagner et al. 2015). En France, les mères jeunes (< 25 ans) utilisent

moins souvent les préparations dites de croissance après l’âge de 1 an que les mères de de

plus de 30 ans (Bocquet et al. 2015).

De même, un lien positif entre l’âge maternel et l’âge d’introduction de la

diversification est fréquemment observé : toutes choses étant égales par ailleurs, plus la mère

prend de l’âge, plus l’AD recule. Dans la revue de Wijndaele et al. (Wijndaele et al. 2009), la

moitié des études sélectionnées avait considéré l’AD en continu, l’autre comme variable

catégorielle, et 30 définissaient un AD trop précoce comme ayant lieu avant 4 mois, 4 entre 4

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et 6 mois et seule une le définissait comme une introduction des solides avant 6 mois. Les

auteurs ont retrouvé 29 études ayant analysé l’association entre l’âge de la mère et l’AD.

Vingt études montraient une association positive entre age maternel et AD ; seules 9 études,

non représentatives, ne retrouvaient pas de lien. Les auteurs montraient également que le

jeune âge maternel était également un déterminant, moins fort, de l’introduction de lait de

vache avant l’âge recommandé.

Plus récemment, l’étude britannique UKFS de 2010 (McAndrew et al. 2012) retrouvait

également ce lien avec l’AD : 19% des mères de plus de 35 ans contre 57% des mères de

moins de 20 ans avaient diversifié l’alimentation de leur bébé à 4 mois. A 5 mois, seules 37%

des mères de plus de 35 ans, contre 85% des mères de moins de 20 ans avaient introduit la

diversification. Dans l’étude Generation R aux Pays-Bas, impliquant plus de 3500 dyades

mères-enfant, l’âge maternel était un facteur de diversification plus précoce, ici définie entre 3

et 6 mois contre une diversification à 6 mois ou après (Tromp et al. 2013).

En France, les études disponibles montrent que l’âge maternel est associé à l’âge de

début de la diversification : dans l’enquête Nutri-Bébé, la proportion de mères âgées de moins

de 25 ans était plus importante parmi celles qui avaient débuté la diversification avant 4 mois,

mais également à partir de 8 mois (ou plus tard) par rapport à celles qui la débutaient entre 4

et 6 mois (Bocquet et al. 2015).

Dans l’enquête EPIFANE, Boudet-Berquier et al. (Boudet-Berquier et al. 2017a) ont

construit un score d’adéquation aux âges d’introduction des aliments de diversification, dont

certains pouvaient être introduits plus tard que l’âge de 6 mois (comme par exemple le lait de

vache qui ne devrait pas être donné avant l’âge d’un an). Le premier tertile du score était

caractérisé par une introduction plus fréquente des aliments avant l’âge recommandé que dans

les 2

ème

et 3

ème

tertiles. Les mères du 2

ème

tertile introduisaient moins fréquemment les œufs et

ajoutaient moins souvent des MG avant l’âge d’un an. Comparées aux mères de 30-34 ans, les

mères de 18 à 29 ans avaient plus de risque d’appartenir au 1

er

tertile du score

(Boudet-Berquier et al. 2017a).

En ce qui concerne le sucre, sel ou MG ajoutés, très peu d’études se sont intéressées

spécifiquement à leur utilisation, et encore moins à leurs déterminants. Il n’y a donc pas de

données concernant l’influence de l’âge maternel sur leur utilisation, en dehors du fait que le

jeune âge maternel est plutôt lié à des pratiques de nourrissage non recommandées.

Une étude américaine a pu observer que le jeune âge maternel était lié à des pratiques

d’alimentation défavorables telles que proposer des frites à un nourrisson (Karp et al. 2011) ;

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dans cette étude, les auteurs suggéraient que ces pratiques étaient liées à la corpulence des

mères car plus de la moitié des jeunes mères était en surpoids et 27% avaient un IMC

supérieur à 30 kg/m².

Au-delà des constats faits sur ce lien entre jeune âge et diversification précoce ou

pratiques inappropriées, nous disposons de peu d’éléments expliquant ce lien : ces mères

seraient-elles trop jeunes pour s’intéresser de près aux « bonne pratiques de diversification »?

Ou ces mères seraient-elles plus pressées que des mères plus âgées de dépasser le « stade

bébé », le passage à une alimentation diversifiée étant un marqueur d’atteinte d’une étape de

développement du nourrisson les valorisant comme bonnes mères ? Il est possible également

que les plus jeunes mères soient plus sensibles que les plus âgées aux avis de leurs pairs ou de

leur famille. Walsh et al. montraient que dans une population de mères primipares, bien que

ces mères se dissent informées des recommandations concernant l’AD optimal, la décision

d’introduire la diversification était surtout en lien avec leurs perceptions des bénéfices et

inconvénients de cette diversification (avis de leurs pairs, perception que l’enfant était prêt,

sentiment que le sommeil et la croissance seraient améliorés avec une alimentation

diversifiée, etc.) (Walsh et al. 2015a). On pourrait supposer que dans cette étude les mères

étaient plutôt jeunes, car primipares mais l’âge maternel n’était pas décrit. Ce lien entre jeune

âge et diversification précoce pourrait également être le marqueur d’un statut social plus

fragile. Cependant, toutes choses étant égales par ailleurs, le jeune âge maternel reste un

déterminant d’une diversification précoce, suggérant que son influence n’est pas uniquement

en lien avec le statut économique ou le rang de l’enfant.

b. Age du père

Quelques éléments indiquent que le jeune âge du père, comme celui de la mère

pourrait être un facteur d’écart aux recommandations nutritionnelles du nourrisson. Ainsi dans

ELFE un lien est retrouvé entre le jeune âge du père et des plus faibles taux et durée de

l’allaitement maternel (Kersuzan et al. 2014, Wagner et al. 2015), et parmi les enfants allaités

en maternité, l’allaitement maternel est d’autant plus mixte que l’âge du père augmente. Pour

mémoire, plus l’âge de la mère augmente, plus fréquemment elle initie un allaitement

maternel exclusif (et moins souvent mixte). Ces résultats sont des résultats bivariés, ne

prenant pas en compte les autres caractéristiques démographiques ou socio-économiques des

couples qui pourraient confondre ces résultats. Toutefois, cela indique que les effets des âges

maternel et paternel pourraient ne pas être similaires, y compris en ce qui concerne les

pratiques de diversification.

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A notre connaissance, aucune étude n’a spécifiquement porté sur l’influence de l’âge

du père sur l’âge d’introduction de la diversification.

Walsh et al. (Walsh et al. 2015b) rapportent les liens entre le régime alimentaire de

317 pères et celui de leur enfant de 20 mois au sein du programme Melbourne Infant Feeding

Activity and Nutrition Trial (InFANT) Program. Ils montrent par exemple une association

positive entre la consommation de légumes chez les enfants et la consommation chez les

pères, lorsque les pères sont âgés de plus de 35 ans, alors que ce lien n’est pas présent parmi

les pères plus jeunes. Une association positive est aussi retrouvée entre la consommation de

fruits chez le père et la consommation de fruits chez son enfant, mais là quel que soit l’âge du

père, et à l’inverse avec un lien plus fort chez les pères plus jeunes. L’effet pourrait être

différent entre fruits et légumes, car ces derniers seraient considérés plutôt comme des

aliments « sains », et donc préférentiellement consommés en tant que tel par des pères plus

âgés et de ce fait plus attentifs au lien entre nutrition et santé, alors que les fruits auraient,

outre une valeur « santé », une valeur « hédonique » et consommés par les pères peu importe

leur âge. Dans cette étude, il est donc suggéré que certaines pratiques alimentaires paternelles

influencent les pratiques alimentaires du nourrisson, comme la consommation de snacks, que

cette relation est modulée par certains facteurs comme l’âge paternel, mais elle ne conclut pas

sur un éventuel lien entre jeune âge paternel et pratiques d’alimentation du nourrisson

défavorables.