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CHAPITRE 1 : Introduction générale

2. Déterminants des pratiques de diversification dans les pays industrialisés

2.1. Caractéristiques socio-économiques et démographiques de la famille

2.1.3. Position socio-économique

Comme le jeune âge maternel, et le niveau d’études parental plus faible, un statut

socio-économique bas est lié à un écart aux recommandations : âge de diversification plus

précoce (Wijndaele et al. 2009), utilisation de lait de vache trop précoce (Wijndaele et al.

2009), excès de consommation de produits sucrés….

Il peut être difficile de définir la position socio-économique d’un individu, notamment

car les paramètres utilisés pour la définir changent selon les études considérées. Le niveau

d’études peut, par exemple, être considéré comme un « proxy » pour cette position

socio-économique, notamment car il est corrélé, en partie du moins, aux revenus du foyer, à la

catégorie-professionnelle, mais également à certains paramètres de santé (qualité de vie,

espérance de vie) ou démographiques (âge, nombre d’enfant, lieu de naissance). Toutefois,

ces deux paramètres, certes liés, pourraient ne pas avoir les mêmes effets et ne pas agir par les

mêmes voies pour moduler les pratiques alimentaires. Par exemple, il a été observé que les

revenus sont liés aux schémas alimentaires des individus (Si Hassen et al. 2016), et que le

niveau d’études pouvait en moduler l’effet. Il est donc important d’essayer d’en dégager les

influences respectives.

a. Statut vis-à-vis du travail, Catégorie Socio-professionnelle

Plusieurs travaux ont porté sur l’influence de l’emploi maternel sur les pratiques

d’alimentation. Le statut des parents vis-à-vis de l’emploi peut être caractérisé de plusieurs

façons : type de profession ou catégorie socio-professionnelle (CSP), quotité de travail, être

employé ou indépendant, bénéficier ou non d’un congé maternité, etc.

Wijndaele et al. ne mettaient pas en évidence de lien concluant entre l’emploi maternel et

l’AD notamment car les études citées ayant porté sur ce facteur étaient en majorité non

représentatives de la population générale. On peut toutefois noter que ces études retrouvaient

soit une absence de lien, soit un lien positif entre le fait que la mère travaille et l’AD : les

mères qui travaillent auraient tendance à diversifier plus tard.

La UKFS de 2010 (McAndrew et al. 2012) montrait des différences selon le type de

profession de la mère : les mères cadres ou intermédiaires introduisaient moins souvent

l’alimentation solide à 4 mois que les mères ouvrières ou n’ayant jamais travaillé. Toutefois il

existait probablement une interaction avec l’origine ethnique des mères, car les mères n’ayant

jamais travaillé sont plus fréquemment issues de minorités ethniques du RU, et ces mères

diversifiaient en général plus tard que les mères non issues des minorités. De ce fait à 6 mois

les mères n’ayant jamais travaillé avaient moins souvent introduit la diversification que les

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mères ouvrières (McAndrew et al. 2012). Par ailleurs, parmi les mères qui travaillaient et qui

retournaient au travail après 4 mois, plus elles retournaient tôt au travail, plus elles

diversifiaient tôt. Si les mères retournaient au travail avant l’âge de 4 mois aucune différence

d’AD n’était observée selon leur moment de retour au travail (de quelques jours après

l’accouchement ou juste avant les quatre mois de l’enfant). Dans cette étude la nature des

aliments proposés variait en fonction de la profession de la mère : les mères de profession

cadre ou intermédiaire proposaient plus régulièrement des légumes, des aliments frais, des

fruits, des céréales de petit déjeuner, du pain, des produits laitiers, du riz ou des pâtes, donc

des aliments « plus sains » comparé aux mères n’ayant jamais travaillé. Les mères « cadres »,

par rapport à celles n’ayant jamais travaillé, proposaient moins d’aliments du commerce pour

bébé, moins de desserts sucrés, de biscuits, de chocolat ainsi que moins de produits à base de

pomme de terre, de tofu, et d’œufs. Les mères n’ayant jamais travaillé avaient en outre 4 fois

plus de risque de rajouter du sel (24% vs. 6%) que les mères « cadres ».

En France, l’étude Nutri-Bébé de 2013 (Bocquet et al. 2015) montrait que les mères de

CSP plus élevées commençaient la diversification plus volontiers par des fruits et des

légumes, tandis que les mères de CSP moins élevées démarraient plus par des céréales

infantiles. Par ailleurs les mères de CSP plus élevée introduisaient moins fréquemment la

diversification à 8 mois ou plus et plus fréquemment à 6 mois (conformes aux

recommandations de l’OMS). Dans EPIFANE, les auteurs se sont intéressés au statut

d’emploi de la mère. Le fait d’être sans emploi avant la grossesse, que les mères travaillent ou

non après l’accouchement, était associé à une plus grande probabilité d’être dans le premier

tertile (introduction plus précoce des aliments) que le fait de travailler avant la grossesse et de

reprendre le travail entre 4 et 6 mois après l’accouchement (Boudet-Berquier et al. 2017a).

Comme dans l’étude EDEN (Betoko et al. 2013), le temps de retour au travail après

l’accouchement ne semblait pas en France influencer l’âge d’introduction des aliments,

contrairement au statut d’emploi maternel avant la grossesse.

A notre connaissance aucune étude n’a décrit les liens entre emploi paternel et

pratiques de diversification.

b. Revenus

Dans la population adulte une association positive est observée entre les revenus et la

consommation de fruits et légumes (Mejean et al. 2016). D’une façon générale, de faibles

revenus sont plutôt associés à des pratiques moins favorables à la santé (moins de fruits et

légumes, plus de viande rouge et de crème…) (Mejean et al. 2016, Si Hassen et al. 2016). En

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ce qui concerne les pratiques d’alimentation précoce, l’étude ELFE a montré que les mères

avec des revenus plus faibles allaitaient moins longtemps que les autres (Wagner et al. 2015).

Toutefois il s’agissait d’une analyse bivariée, avec les revenus considérés pour le foyer, sans

prise en compte du nombre de personnes (unités de consommation) présentes au sein du

foyer.

Concernant la diversification, Tromp et al. (Tromp et al. 2013) montraient que des

revenus du foyer supérieurs à 2200 euros étaient liés à une diminution de la probabilité d’une

diversification avant 3 mois par rapport à une diversification à 6 mois ou plus, mais que ce

lien disparaissait en analyse multivariée. Plus récemment, Helle et al. retrouvaient qu’en

Norvège en 2016, les mères qui introduisaient la diversification avant 4 mois avaient plus de

difficultés financières (caractérisées par des difficultés à faire face à une dépense imprévue,

ou à payer le loyer, l’alimentation ou les transports sur les six mois précédents l’enquête),

mais ce paramètre n’était plus significatif après ajustement sur des variables maternelles telles

que l’âge ou le tabagisme (Helle et al. 2018). Le lien entre revenus et AD reste donc encore

controversé.

Comme montré précédemment, dans l’UKFS de 2010, il était observé que les mères

« cadres » proposaient des régimes alimentaires plus sains à leur bébé que les mères n’ayant

jamais travaillé : il est possible que cela ait un rapport avec les revenus des familles, plus

faibles dans le cas où les mères n’ont jamais travaillé (McAndrew et al. 2012). Un résultat

similaire était observé dans la cohorte EDEN, où des revenus du foyer plus élevés étaient

associés au pattern de diversification associant diversification tardive et utilisation d’aliments

du commerce pour bébé (Betoko et al. 2013).

Il semble donc que comme pour les adultes, de faibles revenus soient associés à des

pratiques de d’alimentation du nourrisson moins conformes aux recommandations, voire plus

défavorables à la santé. Toutefois, la multiplicité des façons de considérer le revenu, le faible

nombre d’études, et sa corrélation avec d’autres paramètres économiques ne permettent pas

d’en tirer des conclusions définitives. Il est possible que le lien ne soit pas direct et que ces

revenus soient plus un marqueur de position sociale. Par exemple, en France les femmes aux

faibles revenus allaitent moins alors que c’est un moyen plus économique de nourrir un enfant

que les préparations pour nourrissons (WHO 2003). De plus, peu d’études ont tenu compte la

composition du foyer lorsque les revenus étaient étudiés. Enfin, c’est une information qu’il

peut être difficile de recueillir, car le sujet est sensible.

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c. Famille monoparentale

Le fait pour la mère de vivre seule ou non est à la fois un marqueur économique et

démographique. Il est aussi un témoin indirect de l’influence paternelle sur les pratiques de

soins à l’enfant. L’influence de cette caractéristique sur l’âge de diversification est débattue.

La revue de Wijndaele montrait que la monoparentalité (bien qu’il ne soit pas précisé si elle

était maternelle ou paternelle) était un facteur de diversification précoce, avec un niveau de

preuve modéré, et ne permettait pas de conclure quant à son lien avec l’utilisation trop

précoce de lait de vache. Ce lien entre mère vivant seule et AD plus précoce était également

retrouvé dans l’étude de Tromp et al. (Tromp et al. 2013).

Cependant plusieurs études, en Australie (Scott et al. 2009), au Danemark (Kronborg

et al. 2014), ou encore en France (Boudet-Berquier et al. 2017a) ne confirmaient pas ce lien. Il

est possible que le statut marital des parents ne soit pas un facteur indépendant des pratiques

de diversification, mais plutôt un élément modulateur des caractéristiques maternelles.

L’influence maternelle, d’après les données de la littérature, parait prédominante par rapport

aux facteurs paternels. De ce fait, il pourrait exister des interactions entre le fait d’être parent

célibataire et d’autres facteurs comme le niveau d’études, la profession, ou encore l’âge

maternel, et qui expliquerait que selon la population étudiée, le lien entre AD précoce et

monoparentalité ne soit pas constant.