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2. Déterminants de l’âge d’introduction des groupes d’aliments

2.2. Méthodologie spécifique de l’étude « 2 »

2.4.4. Des facteurs liés à une introduction après 6 mois des groupes d’aliments

La durée de l’allaitement maternel était associée positivement à la probabilité

d’introduction après 6 mois des groupes d’aliments céréales infantiles, légumes, fruits,

pommes de terre, autres boissons sucrées, jus de fruits, produits laitiers et protéines animales,

ce qui est concordant avec des observations précédentes, puisqu’en France, les mères qui

allaitent plus longtemps introduisent la diversification plus tard (Bigot-Chantepie et al. 2005,

Betoko et al. 2013, Bournez et al. 2018). En outre, un allaitement maternel plus long est

associé à des pratiques d’alimentation plus « saines » (donc plus recommandées) (Betoko et

al. 2013). D’ailleurs, la durée d’allaitement maternel était négativement liée à la probabilité

d’introduction de ces mêmes groupes avant 4 mois. Ce serait également cohérent avec le

schéma déjà décrit pour les mères nées en France », qui semblent associer l’introduction des

aliments de diversification avec la fin de l’allaitement maternel (cf. paragraphe 1.4.9. de ce

chapitre) Le fait d’allaiter pourrait être un marqueur de l’importance accordée aux notions

nutritionnelles dans les soins à donner à l’enfant, tout comme la participation aux cours de

préparation à la naissance. On aurait donc pu s’attendre à ce que ces facteurs ne fussent pas

associés à une introduction des aliments après 6 mois plus probable que entre 4 et 6 mois, ce

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qui aurait été conforme aux recommandations françaises en vigueur en 2011. (PNNS 2005,

Fewtrell et al. 2017). Or participer à des cours de préparation à la naissance augmentait la

probabilité d’introduction après 6 mois des groupes protéines animales, pain/pâtes, œufs qui

sont des groupes pour lesquels il était antérieurement recommandé de les introduire après 6

mois. La coexistence de plusieurs recommandations, dont celle de l’OMS, pourrait expliquer

que ces parents introduisent les groupes d’aliments plus souvent après 6 mois même leur

introduction était conseillée entre 4 et 6 mois par le PNNS ou l’ESPGHAN (PNNS 2005,

Fewtrell et al. 2017).

2.5. Conclusion

Au total, il existe des caractéristiques familiales d’introduction trop précoce de

certains groupes d’aliments, notamment les mères jeunes, fumeuses, en surpoids ou obèses,

n’allaitant pas ou peu de temps, nées à l’étranger. Identifier ces caractéristiques pourrait

permettre de personnaliser et de cibler les messages nutritionnels aux populations les plus « à

risque » en vue de les accompagner au mieux dans la conduite de la diversification

alimentaire.

Le fait que les céréales infantiles soient plus souvent données à partir de 6 mois

lorsque au moins un des deux parents est né à l’étranger, et qu’elles soient relativement peu

utilisées jusqu’ à 10 mois comparativement à d’autres groupes d’aliments incite à penser qu’il

faudrait interroger les familles sur leurs pratiques culinaires et leurs éventuelles craintes, qui

sont probablement différentes selon leurs caractéristiques socio-économiques et

démographiques. Les céréales infantiles semblent être évitées par certains parents soucieux de

ne pas donner de « mauvaises habitudes » à leur enfant, et sont souvent réputées riches en

sucre, donc à éviter, comme je peux l’entendre au cours de mes consultations de pédiatre de

crèche. D’un autre côté elles peuvent être utilisées/préconisées pour leurs vertus rassasiantes.

Le fait est que leur bénéfice nutritionnel éventuel (apports de glucides lents par exemple)

n’est que rarement rapporté par les parents au cours de ces mêmes consultations. Elles sont

par ailleurs peut-être plus facilement utilisées par les parents d’origine étrangère car ces

mêmes parents associent plus facilement allaitement et diversification.

Participer aux cours de préparation à la naissance est un facteur lié à la diminution de

l’introduction des aliments avant 4 mois, suggérant que promouvoir la participation à ces

cours pourrait être un vecteur permettant d’améliorer les pratiques des futures mères (et

pères). Même si actuellement, il n’y pas d’information spécifique concernant l’alimentation

du jeune enfant dispensée au cours de ces séances, la grossesse est une période favorable pour

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impliquer les futurs parents afin qu’ils puissent adapter leurs pratiques ultérieures. Toutefois il

serait important de travailler sur la qualité des informations retranscrites aux parents. En effet,

cette participation était également liée à une introduction après 6 mois d’aliments qui étaient

antérieurement recommandés comme à introduire plus tard (pain/pâtes, viande, œuf) alors

qu’il n’y a à ce jour aucune justification scientifique pour retarder leur introduction après 6

mois. Même si il est probable qu’aucune information nutritionnelle ne soit délivrée pendant

ces cours, il est possible que ces cours soient des lieux d’échanges entre parents qui se

transmettraient leurs connaissances de recommandations antérieures, ou encore

s’échangeraient leurs sources d’informations….peut-être pas toujours actualisées.

De plus la durée d’allaitement maternel plus longue est clairement liée à des âges

d’introduction de la diversification en général et de quasiment tous les groupes d’aliments

(sauf les groupes pommes de terre, pain/pâtes, lait de vache et œufs) en particulier plus

tardifs. Ce facteur est clairement liée à la diminution d’une diversification trop précoce, et la

promotion de l’allaitement maternel, outre ses bénéfices directs sur le bien-être

materno-infantile (WHO 2002), permettrait également d’améliorer les pratiques liées à l’alimentation

diversifiée. En revanche, le fait que l’introduction de tous les groupes d’aliments soit retardée

après 6 mois chez ces enfants pourrait être problématique. Il semble en effet que l’on observe

dans les pays industrialisés une diminution du risque allergique lorsque les aliments, quels

que soient les groupes sont introduits entre 4 et 6 mois par rapport à une introduction après 6

mois. Il serait donc intéressant de d’insister en France sur la possibilité d’associer allaitement

maternel et diversification de l’alimentation du nourrisson, comme ce qui est observé chez les

mères nées à l’étranger, tout en distinguant les groupes ayant un intérêt nutritionnel entre 4 et

6 mois (céréales/féculents, légumes, fruits, protéines animales, œuf) tout en limitant ceux dont

l’intérêt est limité (voire absent) la première année (boissons sucrées, jus de fruits, lait de

vache…).

Ainsi, des schémas d’alimentation précoce associant de manières différentes plusieurs

types de pratiques peuvent se voir au cours de la diversification (Siega-Riz et al. 2010,

Northstone 2012, Betoko et al. 2013, Lioret et al. 2015). C’est pourquoi, outre les âges

d’introduction de la diversification et des groupes d’aliments, nous souhaitions décrire plus

globalement les pratiques d’alimentation précoce au cours de la période de diversification

(entre 3 et 10 mois de vie), ce que nous présentons dans le Chapitre 4.

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CHAPITRE 4 : Déterminants des composantes d’alimentation