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Canevas du chapitre 1 Introduction

Section 1 : Etat de l’art sur la culture organisationnelle

2. La « spirale » de la culture située

2.1. Présentation des travaux de Dalton et de Reynaud

L’objectif de ce qui suit étant d’éclairer d’un regard nouveau la notion de la culture au travers du rapport entre le formel et l’informel. Face à la polysémie de la notion de culture, la dichotomie ou la non-dichotomie entre les deux aspects formel et informel de l’organisation s’avère une tâche délicate. En nous basant sur des travaux en sociologie, nous allons définir ces deux notions, étudier les éventuelles interactions entre elles et surtout examiner le rapport avec la culture.

Les travaux de Dalton et de Reynaud serviront de canevas théoriques à l’étude de la culture comme mode de développement informel des compétences implicites au sein de l’organisation. L’idée véhiculée dans le cadre de ce qui suit est de présenter de la manière la plus claire possible

les contours de la culture comme facteur développant les compétences à la lumière de deux concepts primordiaux : le formel et l’informel.

Le couple « formel informel » dans l’organisation n’est ni à la mode ni une nouvelle question. L’intérêt pour l’étude des aspects formel et informel dans l’organisation a débuté en 1938 avec la théorie de Barnard [Dalton, 1959]. L’approche de Dalton s’écarte de la dichotomie classique entre les actions formelles et les actions informelles. Plutôt que de parler d’actions formelles et informelles, il conviendrait de parler d’interrelation entre ces deux types d’actions. Dalton soutient l’idée que l’analyse est plus pertinente quand les deux types d’actions formelles et informelles ne sont pas dissociés. L’auteur évoque les possibilités dont disposent les actions informelles pour pallier aux défaillances de certaines actions formelles. Les actions informelles facilitent l’atteinte des «buts non officiels sans soulever de discussions ». A terme, ces actions informelles peuvent se transformer et prendre la forme d’un objet officiel et formel.

L’auteur distingue sept éléments qui relient l’action formelle à l’action informelle à savoir : les réunions officielles, l’action non officielle ordonnée par le supérieur, les requêtes informelles des subordonnées pour l’engagement dans des actions non officielles, les rôles de transition, le recours aux justifications toutes faites, l’emploi d’agents de liaison et finalement l’adoption par le formel de pratiques non officielles, pratiques adoptées car reconnues comme efficaces. Chaque élément cité traduit une certaine transgression des règles [Perseil & Pesqueux, 2014 ; Bangbola, 2014 ; Babeau & Chanlat, 2008 ; Alter, 2000, 2006] émanant d’une certaine culture déviationniste en cas d’inadaptation patente des modèles coutumiers aux situations actuelles : carence ou usure des normes face à une transformation de l’environnement et des exigences nouvelles.

« La déviance est relative à la capacité ou aux tendances individuelles à prendre le pli culturel ou à réagir sur la culture ainsi qu’aux qualités intrinsèques du système culturel lui-même, en particulier le degré de cohérence dans l’agencement des modèles qui le constituent. L’étude de la déviance permet entre autres de mesurer le rôle des refus et des conflits dans la création de changements culturels » [Zghal, 1994, pp. 61-62].

Cependant, nous pensons que la culture peut jouer un rôle comme un huitième mécanisme qui relie les actions formelles aux actions informelles, au sens de Dalton.

Par ailleurs, La distinction entre le système formel et le système informel a été parfaitement représentée notamment en sociologie à travers les travaux de J.D. Reynaud.

Reynaud, quant à lui, explique dans un premier temps qu’en apparence, la distinction entre le formel et l’informel est simple. Le premier aspect a trait aux règles et procédures écrites tandis que le second aspect consiste en leur mise en pratique en termes de relations et le vrai travail d’un chercheur serait d’étudier les interactions entre ces deux systèmes. En effet, il ne s’agit point d’écarter l’un ou l’autre, le recours à l’un ou à l’autre est tributaire de la situation en question. Dans ce sens, Reynaud précise que « Les règles de la promotion au mérite s’appliquent peut être mal, mais elles sont bien invoquées et utilisées pour décider une promotion […] mais les décisions réelles varient d’un cas à l’autre » [Reynaud, 1995, p. 103]. Dans un second temps, l’auteur présente le point de vue de Roethlisberger & Dickson [1939] quant à l’opposition du formel à l’informel de par leur fondement. Dans le même ordre d’idée, Reynaud cite l’exemple des opérateurs qui contrôlent leur production pour ne pas voir le temps de travail révisé, phénomène qu’il explique par la contradiction entre les règles ou objectifs prescrits d’un côté et les objectifs sociaux du groupe des opérateurs de l’autre côté. Formulé autrement, l’auteur explique que le système informel est mené par une logique sociale tandis que « la logique qui mène le système formel est celle du coût et de l’efficacité, logique économique et technologique ». En revanche, l’auteur préconise que les adeptes du système formel (en général la direction) n’excluent pas « la logique humaine » qui fonde le système informel.

De fait, ces deux logiques sont différentes mais faciles à concilier. Reynaud soutient l’idée que ces deux logiques sont à la fois opposées et non opposées : opposées de par le côté des injonctions contradictoires et ne le sont pas de la part du résultat de chacune d’elle. En reprenant les hypothèses de John Woodward, l’auteur indique que la logique formelle est un moyen pour l’organisation de limiter « les surprises » qui peuvent se produire. Reynaud propose finalement les notions de régulations de contrôle et de régulation autonome au lieu de système formel et système informel. La première est liée à l’établissement des règles par le haut (la direction) tandis que la deuxième est plutôt liée à leur remontée d’en bas (les acteurs). Reynaud dit que la distinction entre la direction et les ouvriers explique l’opposition entre les deux systèmes ou encore les deux types de régulations, que la régulation de contrôle n’est toujours pas synonyme d’efficacité et que « l’organisation informelle de la production la tire souvent des impasses où l’avait mise la manie de contrôle du management » [ibid., p. 52].

L’approche de Jean-Daniel Reynaud postule que le travail réel est le résultat d’un compromis entre les deux formes de régulations (autrement entre les deux aspects formel et informel), compromis présenté par l’auteur sous l’appellation de régulation conjointe. Elle est « le produit d’une négociation explicite ou implicite et s’inscrit dans un accord » [ibid., p. 67].

Les deux approches, celle de Reynaud et celle de Dalton ne s’opposent pas. Toutes deux visent une articulation assez cohérente entre le système formel et le système informel. En revanche, l’approche de Reynaud s’avère plus nuancée quant à l’articulation entre les deux systèmes. Toutefois, les travaux de Dalton et de Reynaud présentent sans doute des hypothèses intéressantes qui expliquent le fonctionnement des organisations. Ils permettent en outre de s’écarter de la vision classique de l’opposition entre les actions formelles et les actions informelles. En effet, les travaux de Dalton nous ont permis de mettre en exergue le rôle de la culture comme « ciment social » par l’intermédiaire des interconnexions entre les actions formelles et les actions informelles.

Nous essayons dans ce qui suit d’examiner la notion de la culture à la croisée de ces deux approches. Cependant, quand et où pourrait-on placer la culture ?

Pour répondre à cette question nous empruntons à Nonaka & Takeuchi [1995] leur modèle de création de connaissances.

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