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Interpréter les actions individuelles et organisationnelles par l’interactionnisme symbolique

2.2 à l’intuitionnisme bergsonien

4. L’action et l’acteur entre déterminisme et volontarisme

2.3. Interpréter les actions individuelles et organisationnelles par l’interactionnisme symbolique

Lorsqu’on évoque l’intérêt porté à la situation dans l’organisation de l’action, on fait souvent référence à Goffman, selon qui « on ne peut traiter de la situation comme d’une cousine de province ». [Goffman, 1959, p. 18].

Sans quitter le cadre de l’individualisme méthodologique, nous nous inscrivons dans le cadre d’une approche interactionniste symbolique. L’individu est spontanément acteur dans « un univers de conventions et d’artifices qu’il a profondément intériorisés, qui sont entrés dans la fibre même de sa personnalité » [Simon, 1991, p. 636]. Il n’est pas question, soulignons-le de nier la liberté individuelle ou de mettre de côté l’idée d’un individu calculateur, nous pensons que les deux approches sont complémentaires : l’acteur est à la fois rationnel, calculateur et profondément influencé par les rôles sociaux qu’il doit jouer pour tenir sa place en société. L’interactionnisme symbolique prend le contre-pied de la conception durkheimienne de l’acteur. Durkheim, s’il reconnait la capacité qu’a l’acteur de décrire les faits sociaux qui l’entourent, considère que ces descriptions sont trop vagues et trop ambiguës pour que le chercheur puisse en faire un usage scientifique, ces manifestations subjectives ne relevant d’ailleurs pas du domaine de la sociologie. A l’inverse, l’interactionnisme symbolique soutient que la conception que les acteurs se font du monde social constitue, en dernière analyse, l’objet essentiel de la recherche sociologique.

Les critiques méthodologiques des interactionnistes sont radicales. Ils rejettent le modèle de l’enquête quantitative et ses conséquences sur la conception de la rigueur et de la causalité dans les sciences sociales. Une connaissance sociologique adéquate ne saurait être élaborée par une méthodologie qui cherche à extraire des données de leur contexte afin de les rendre objectives.

L’utilisation des questionnaires, des échelles d’attitude, des calculs, des tables statistiques, etc., tout cela crée de la distance, éloigne le chercheur, au nom même de l’objectivité du monde social qu’il veut étudier.

L’expression interactionnisme symbolique fut introduite en 1937 par Herbert Blumer, sociologue de l’Ecole de Chicago. Blumer a été fortement influencé par l’un des thèmes de prédilection de Georges H. Mead qu’il a développé au début du XXème siècle : l’individu construit ses comportements et forge son identité en relation avec ce que les autres pensent de lui et ce qu’il pense que les autres pensent de lui. Il y a sans cesse des interactions entre les individus sur les interprétations à donner des situations et des comportements de chacun. La signification des faits sociaux ne tient pas à une réalité objective, mais dépend du sens qu’on leur donne en situation. Ainsi, l’action se fonde à partir du sens, ce dernier émerge à travers les interactions interpersonnelles situationnelles grâce à une réalité intersubjective reposant sur des symboles langagiers partagés.

L’authentique connaissance est alors livrée dans l’expérience immédiate, dans les interactions de tous les jours. « Il faut d’abord prendre en compte le point de vue des acteurs, quel que soit l’objet d’étude, puisque c’est à travers le sens qu’ils assignent aux objets, aux gens, aux symboles qui les entourent, que les acteurs fabriquent leur monde social » [Coulon, 1987, p. 11].

Le langage et les représentations que l’on peut qualifier de « symbolique » jouent un grand rôle dans ces interactions, d’où le terme « interactionnisme symbolique ».

Blumer explicitera les trois postulats suivants :

- L’individu agit à l’égard des choses non en fonction de ce qu’ils sont mais de ce qu’il pense d’eux, du sens que les choses ont pour lui.

- Ce sens est dérivé ou provient des interactions de chacun avec autrui.

- C’est dans un processus « herméneutique » d’interprétation mis en œuvre par chacun dans le traitement des objets rencontrés que ce sens est manipulé et modifié. C’est ainsi ce processus d’interprétation qui crée un sens nouveau pour chaque individu transformant sans cesse les significations des objets et constituant, pour le sujet, la base de la construction interactionniste. L’interactionnisme s’intéresse avant tout aux formes de communication et aux représentations en jeu dans les relations interindividuelles.

« Sous cet angle la société et les relations sociales ne correspondent pas à des données, des réalités préétablies, elles sont sans cesse reconstruites, renégociées et réinterprétées dans l’interaction et l’échange quotidiens » [Dortier, 2008, p. 364]. L’intérêt de l’interactionnisme symbolique pour notre entreprise est considérable, non seulement en ce qu’il insiste sur le rôle créatif joué par les acteurs dans la construction de leur vie quotidienne, mais aussi pour son attention aux détails de cette construction.

 Notre positionnement quant à la nature de la société est ainsi explicité. Individualisme méthodologique complexe et interactionnisme symbolique forment sans aucun doute deux facettes d’une même médaille : la sociologie de la régulation (voir Figure 13).

Figure 13-Positionnement de la recherche par rapport à la nature de la société

Conclusion

:

positionnement

paradigmatique

interprétatif

La vision pour laquelle nous optons est au cœur d’une approche interprétative. En effet, notre recherche se caractérise par une souscription au paradigme interprétatif, dont le but est de rendre compte de la culture des individus étudiés afin d’accéder au monde conceptuel dans lequel ils vivent.

L’explication interprétative porte son attention « sur ce que les institutions, les actions, les images, les déclarations, les événements, les usages et tous les objets habituels d’intérêt socio- scientifique, veulent dire pour ceux dont ils sont les institutions les actions, les usages, etc. » [Geertz, 1999, p. 30].

Toutefois, cela ne va pas sans dire que la typologie de Burrell et Morgan a donné lieu à des critiques multiples [Alvesson & Deetz, 1996 ; Koenig, 2006 ; Rouleau, 2007], notamment par rapport à l’incommensurabilité des paradigmes. Giddens [1987, p. 50] nous l’a déjà clarifié : « les pensées fonctionnaliste et structuraliste font primer la structure (dans tous les sens divergents que prend le concept dans ces traditions de pensée) sur l’action et accordent une grande importance à la dimension contraignante de la structure ».

Par ailleurs, nous avons explicité notre préférence épistémologique constructiviste. Cependant, il est à noter que le clivage positivisme / constructivisme connaît des essais de dépassement [Bernstein, 1983 ; Lee, 1991] et des réflexions sur les modalités concrètes d’aller au-delà de cette antinomie [Huault & Charreire, 2001]. David [1999] propose, pour dépasser ce débat, un renoncement au positivisme avec un rejet de toute vision « trop » radicalement constructiviste. Nous allons dans le chapitre suivant expliciter les implications méthodologiques de ce positionnement épistémologique.

« On ne peut se passer d’une méthode pour se mettre en quête de la vérité des choses » René Descartes Discours de la méthode

Chapitre 4 - La démarche empirique du projet, ses

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