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Canevas du chapitre 1 Introduction

Section 1 : Etat de l’art sur la culture organisationnelle

2. La « spirale » de la culture située

2.3. Culture et cohésion sociale

2.3.1. Conformisme versus déviationnisme

Le conformisme se traduit par la présence, ou l’émergence, de normes et de modèles collectifs spécifiques. Au fur et à mesure qu’une culture organisationnelle s’établie entre plusieurs personnes, apparaissent aussi certaines uniformité dans leurs conduites, leurs opinions, leurs

sentiments, leurs langage même [Maisonneuve, 1969]. Ces modèles prennent la forme de coutumes auxquelles les nouveaux venus doivent se soumettre plus ou moins spontanément pour s’intégrer dans l’organisation. Ainsi, le conformisme est définit par Fischer [2010, p. 37] comme « la modification d’un comportement par laquelle l’individu répond aux pressions d’un groupe, en cherchant à se mettre en accord par l’adoption des normes qui lui sont proposées ou imposées ». Les sujets qui se plient à la décision du groupe le font par peur de déviance. Ils ont l’impression s’ils annoncent leur position, différente de celle des membres du groupe, qu’ils vont être exclus de ce groupe. Cette peur est le moteur de la conformité au jugement d’autrui [Fischer, 2010].

Quant au déviationnisme, il désigne toute conduite qui s’écarte des normes et transgressant les règles [Perseil & Pesqueux, 2014 ; Bangbola, 2014 ; Babeau & Chanlat, 2008 ; Alter, 2000, 2006]. La résistance aux déviations constitue ainsi le corollaire du conformisme.

L’influence déviationniste dépend très largement de la situation [Maisonneuve, 1969]. Seule une transformation suffisante de celle-ci « peut compromettre la position conformiste et provoquer une décristallisation des normes » [ibid., p. 31]. Autrement dit, le déviant positif n’est pas seulement un précurseur imaginatif, mais un sujet d’une culture différente des autres, un sujet plus sensible que les autres à certaines urgences latentes de changement. En ce sens, il se définit davantage par sa culture et par son rôle social que par ses qualités de leader.

La dialectique se poursuit : ce déviant ne peut réussir sans mouvement de partisans qui adhèrent assez fanatiquement à ses projets, lesquels se répandent alors en se normalisant et engendrent ainsi un nouveau conformisme.

Conduites conformistes/déviationnistes, ne sont pas statiquement polaires, mais en complémentarisation dynamique. Ces conduites sont inscrites dans un processus d’influence sociale dont le résultat est d'imposer une nouvelle culture par des normes dominantes en matière de croyance, d'attitude et de comportement

Doise [1982] définit l’influence sociale comme « un ensemble de processus qui modifient les perceptions, jugements, attitudes et comportements d’un individu à partir de sa connaissance des perceptions, jugements, attitudes des autres ». La normalisation, comme on vient de le voir est un processus majeur d’influence sociale [Doise, 1982]. Qu’en est-il alors de cette normalisation et quelle est son rôle dans l’appréhension de la culture organisationnelle ?

2.3.2. La normalisation

La normalisation est le processus par lequel un groupe d’individus élabore des normes communes en l’absence de normes préétablies. Sherif [1965] est le premier à avoir étudié de façon systématique l’élaboration des normes. D’après Fischer [2010], une norme peut être définie comme « une règle explicite ou implicite, qui impose de façon plus ou moins prégnante un mode organisé de conduite sociale ; elle se présente comme un ensemble de valeurs largement dominant et suivi dans une société donnée ; elle sollicite une adhésion et implique des sanctions dans un champ d’interactions complexes ». Pour Maisonneuve [1973], ce sont des règles et des schèmes de conduite très largement suivis dans une société ou un groupe donnés, dont la non-observance entraîne généralement des sanctions diffuses ou explicites et auxquelles la plupart des membres accordent une valeur dans le cadre d’une micro-culture (ex : une entreprise Y) ou d’une macro-culture (ex : un pays). La notion de norme se réfère donc à ce qui paraît socialement désirable, convenable dans tel ou tel groupe particulier. Elle traduit les valeurs dominantes dans ce groupe. Maisonneuve [1973] avance qu’il existe deux types de normes :

- « des normes communes » à tous les membres d’un groupe se référant aux cadres généraux de la vie et des communications quotidiennes et aux systèmes de représentation, de croyances, de valeurs partagées par les membres du groupe ;

- « des normes de rôle » qui dictent les conduites inhérentes à la position d’un individu dans un système social particulier.

Par ailleurs, Cazals-Ferré & Rossi [2004] distinguent trois fonctions de la norme :

Une première fonction de la norme serait la réduction de l’incertitude. En effet, placé devant l’impossibilité de donner une réponse certaine, le sujet se trouve en situation d’insécurité. La réalité physique est ambigüe, faute d’un moyen de mesure à disposition. Ce sentiment, lors de l’élaboration d’une norme collective, et donc d’une réalité sociale non ambigüe, disparait. Cette confrontation à autrui, par la réassurance qu’elle permet, rend possible la maîtrise de la réalité physique.

Une deuxième fonction serait, pour Moscovici [1972], d’éviter les conflits. En effet, les jugements donnés par chacun peuvent être très variés. Ils empêchent la conclusion d’un accord. Cette diversité de jugements fait que ces derniers entrent dans une compétition qui entraine des

tensions et la possibilité d’apparition d’un conflit. La constitution d’une norme de groupe résulte du fait que les sujets acceptent et intériorisent des estimations divergentes afin d’éviter un conflit. Les concessions réciproques permettent d’aboutir à cette norme collective, par un jeu de négociation.

La troisième fonction de la norme, aussi celle qui intéresse le plus notre recherche, serait la socialisation qui désigne le processus par lequel les individus intègrent les normes et les valeurs de l’organisation. C’est l’immersion des individus dans le monde « vécu », à la fois univers symbolique et culturel. Pour J. Piaget [1947], la socialisation est le produit d’un double processus d’assimilation-accommodation. L’assimilation est l’intégration par l’individu des normes et des valeurs du groupe d’appartenance ; l’accommodation, étant à l’inverse, représente la façon dont les caractères propres de l’individu le façonnent et réagissent à son environnement. Ainsi, l’assimilation nous renvoie à la notion de conformisme, quant à l’accommodation, elle nous revoie à celle de déviationnisme.

Par ailleurs, l’intérêt d’une « culture organisationnelle positive » réside dans les représentations, les formes de pensée susceptibles de générer des comportements performants chez les employés. Sa mise en place se traduit par une sorte de « socialisation » des membres de l’organisation aboutissant à l’intériorisation d’un ensemble de valeurs, de croyances et de normes de comportement orientées vers la réalisation des objectifs de l’organisation. La plupart des auteurs s’entendent pour attribuer à la culture d’entreprise deux fonctions fondamentales, à savoir une fonction d’intégration interne et une fonction d’adaptation externe. Alors que la fonction d’intégration interne vise la création d’un sentiment d’unité par l’obtention collective de résultats, la fonction d’adaptation externe a pour principal objectif l’établissement d’un large consensus relativement au positionnement de l’entreprise sur l’échiquier des forces du marché. Plus spécifiquement, la fonction d’intégration interne englobe la détermination des méthodes communicationnelles (la signification attribuée aux termes techniques), des critères d’appartenance à la communauté d’accueil (l’insertion et l’exclusion des membres), des normes régissant l’attribution du statut de chacun des membres (l’acquisition, la conservation et la suppression du pouvoir), des règles structurant les relations sociales (le degré de familiarité permis entre les membres) et des comportements désirables et indésirables (le système de récompenses et de sanctions). Quant à la fonction d’adaptation externe, elle comporte les éléments suivants : la mission ainsi que la stratégie sélectionnée pour remplir cette mission, les

objectifs établis, les moyens opérationnels requis pour atteindre les objectifs, les indicateurs de performance et les mesures correctives en cas de dérapage [Scheïn, 1991].

Au vu de ce qui a été avancé, nous constatons que la culture organisationnelle est inscrite dans une dynamique de cohésion et de décohésion sociale se manifestant par l’interaction entre conformisme et déviationnisme, entre formel et informel avec une forte réflexivité. Nous pouvons ainsi présenter la spirale de la culture située comme suit (figure 8) :

Figure 8-La spirale de la culture située

Conclusion

Notre approche cognitive et située de la culture a permis de traiter cette notion d’un angle non précédemment abordé dans la littérature des sciences des organisations. Cette approche nous a orientés vers la redéfinition de la culture. Aussi, elle nous a permis de montrer le fort impact de la compétence distribuée et du processus mental réflexif dans l’émergence de ladite culture située. Enfin, elle nous a permis de comprendre le développement et le processus de conversion de cette culture en situation représenté dans la spirale de la culture.

« L’éducation développe les facultés mais ne les crée pas » Voltaire

Chapitre 2 - Dialectique « culture-compétence » :

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