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4.3 Opérationnalisation des limites juridiques endogènes à la Cour pénale

4.3.3 La présence de l‘article 16 du Statut de Rome (blocage de la CPI) dans la

Nous nous proposons d‘analyser l‘application de l‘article 13 b) et de comprendre si, dans la réalité, cette disposition peut servir d‘instrument politique utilisé par le Conseil de sécurité pour gérer un conflit en cours. Le Conseil de sécurité, en appliquant l‘article 16 du Statut de Rome à travers une résolution contraignante, pourrait bloquer le pouvoir de poursuite donné à la Cour par le biais de l‘article 13 b). En ces termes la Cour pénale internationale pourrait être facilement empêchée ou limitée dans son travail. La tâche de la CPI n‘est déjà pas facile et la complexité même d‘une coopération avec le CDS la complique davantage. En outre, la CPI est une institution très jeune et elle ne dispose que de trop peu d‘expérience pouvant lui servir de cadre de référence. Cependant, ces difficultés constituent en même temps l‘originalité de notre recherche. Tout d‘abord, à la lecture des débats entourant les négociations relatives au Statut de Rome, nous avons constaté que les États membres

87 S/RES/1422(2002) 88 S/RES/1487(2003)

permanents du Conseil de sécurité voulaient que le Conseil jouisse d‘un rôle prédominant et qu‘il agisse à titre de filtre pour toutes les situations qui pouvaient être renvoyées à la Cour ou faire l‘objet d‘un blocage selon l‘article 16 du Statut de Rome (Kirch et Robinson, 1999, 136), ce qui se traduit comme suit dans ledit article :

SURSIS À ENQUÊTER OU À POURSUIVRE

Aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies; la demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions. (Article 16 du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale).

Cela dit, la littérature n‘est pas unanime sur les impacts que l‘usage du blocage par le CDS peut avoir sur la mesure de coopération avec la Cour. En effet, comme Xavier (2006) l‘affirme dans son étude sur les limites juridiques et politiques auxquelles la Cour pénale internationale peut se trouver à faire face : « The attitude of the international community must not be overestimated either. Behind the official consensus that international criminals should be brought to trial, realpolitik resurfaces and the situation is viewed differently. The power granted to the UN Security Council to refer a matter to the Court serves as an example » (Xavier, 2006, 395). Encore, dans son étude sur les interactions entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité, Blaise (2011) définit l‘article 16 de « pilier négatif ». En effet, Blaise souligne que l‘usage de l‘article 16 permet de geler l‘action de la Cour bien qu‘il existe cependant une réserve, dite compromis de Singapour, qui permet à la CPI de vérifier la légalité de la résolution du CDS (Blaise, 2011, 430). De plus, le gel de l‘activité de la CPI serait temporaire et il ne constituerait pas un blocage définitif, de telle sorte que, «cette faculté du Conseil de Sécurité n‘implique donc pas l‘impunité des acteurs concernés » (Blaise, 2011, 431). Dans le même esprit, Politi (1999, 841), dans sa réflexion sur l‘effet négatif potentiel de l‘article 16, soutient que cette disposition ne serait utilisée que dans des circonstances exceptionnelles. De plus, une telle décision ne serait pas réitérée, puisque dans le cas contraire, le CDS pourrait être âprement critiqué par l‘opinion publique mondiale. En outre, dans l‘analyse qu‘ils font de la résolution 1593 (2005) par laquelle le CDS défère la situation du Darfour à la CPI, Condorelli et Ciampi (2005) affirment que le paragraphe 2 du Préambule de la résolution, qui prévoie l‘usage de l‘article 16 par le CDS, doit être étudié

parallèlement au paragraphe 6 du même Préambule, bien que la décision du paragraphe 6 reste problématique (Condorelli et Ciampi, 2005, 596). Les paragraphes 2 et 6 du Préambule de la résolution 1593 (2005) reportent ce qui suit :

Rappelant l‘article 16 du Statut de Rome, selon lequel aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées par la Cour pénale internationale pendant les 12 mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens, (Paragraphe 2 de la Rés.1593) […]

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, [le Conseil de sécurité des Nations Unies]

Décide de déférer au Procureur de la Cour pénale internationale la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002;

Décide que le Gouvernement soudanais et toutes les autres parties au conflit du Darfour doivent coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute l‘assistance nécessaire conformément à la présente résolution et, tout en reconnaissant que le Statut de Rome n‘impose aucune obligation aux États qui n‘y sont pas parties, demande instamment à tous les États et à toutes les organisations régionales et internationales concernées de coopérer pleinement; (Paragraphe 6 de la Rés. 1593).

Quoi qu‘il en soit ces auteurs affirment que la mesure de blocage peut être interprétée comme une mesure qui peut contribuer à rétablir la paix et la sécurité internationale. Ainsi, il en résulterait que le rapport de pouvoir entre le Conseil et la Cour serait débalancé en faveur du CDS et, donc, constituerait une limite juridique a priori, ou endogène (Condorelli et Ciampi, 2005, 596). Ainsi Rodman soutien à ce sujet que l‘action de la Cour doit être arrêtée par le biais de l‘article 16 quand cette action interfère ou limite le maintien et le rétablissement de la paix. Il affirme en effet que :

This could involve: the prosecutor exercising his discretion and maintaining a low profile during the negotiations and post conflict stabilization process, restrictions on the UN peacekeeping mandate regarding the arrest of those under indictment, or invocation by the Security Council of Article 16 of the Rome Statute, which allows it to suspend an ICC investigation for renewable twelve month periods if it interferes with its mandate to maintain or restore international peace and security. (Rodman, 2008, 557)

De plus, nous réputons pertinent dans l‘opérationnalisation des limites endogènes de faire noter aux lecteurs que le Conseil de sécurité des Nations Unies a déjà fait usage de l‘article 16 dans le cadre d‘autres situations, soit le cas de la résolution 1422 (2002), de la résolution 1487 (2003) et de la résolution 1497 (2003) sur le déploiement d‘une force multinationale au Libéria, lequel cas du Libéria étant celui le plus proche du cas du Darfour pour en qui concerne le langage employé dans la résolution au sujet du blocage (Blaise, 2011; Condorelli et Ciampi, 2005; Murphy, 2004). Ces résolutions visent à exclure la compétence de la Cour, de l‘État où se produit l‘infraction et, enfin, de l‘État dont la victime serait ressortissante en indiquant que, « les ressortissants […] d‘un État contributeur qui n‘est pas partie au Statut de Rome de la CPI sont soumis à la compétence exclusive dudit État […] » (Blaise, 2011, 434).

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