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4.2 Opérationnalisation des intérêts économiques chinois et des limites politiques

4.2.1 Opérationnalisation des intérêts économiques de la Chine au Soudan

4.2.1.3 La présence d‘infrastructures au Soudan : routes, voies ferrées, hôpitaux,

Selon une intéressante étude D‘Aboville et Sun (2010), la Chine, suivant le concept d‘une coopération gagnant-gagnant avec l‘Afrique, met l‘accent sur le développement de ce pays (Alden et Hughes, 2009, 563-564; Tourré, 2012, 88-98). En ce sens la Chine a développé une politique d‘aide qui se fait sous trois formes.

A. Les projets d’entreprise à capitaux mixtes

Les projets d‘entreprises à capitaux mixtes sino-africains peuvent être classifiés comme étant une forme de coopération interentreprises très avantageuse pour les deux parties (Berlew, 1984; Chan, 1995; Datta, 1988; Finnerty, Owers et Rogers, 1986; Poisson, 1997, 59) mais qui n‘est pas exempte de certains défis managériaux (Fernandez et Noël, 1994; Nigam, Su, Elaidaoui et Karuranga, 2009; Poisson, 1997; Serapio et Cascio, 1996; Su, 1998; Welch, 1992;). Cette forme de coopération est partie intégrante d‘une précise stratégie d‘internationalisation chinoise (Abdoulkadre et Su, 2012). En générale, comme Poisson et Su (1998) le soulignent, « Par stratégie d‘internationalisation, nous entendons l‘ensemble des manœuvres des entreprises, des actions coordonnées pour pénétrer les marchés outre- frontière ou pour bénéficier des diverses ressources en provenance des marches internationaux. » (Poisson et Su, 1998, 2). Il s‘agit notamment, dans le cas de la coopération interentreprises sino-africaine, d‘une alliance stratégique qui permet le développement d‘infrastructures visant à renforcer l‘indépendance énergétique de la Chine (Abdoulkadre et Su, 2012, 343). En particulier, étant donné l‘intérêt chinois pour les ressources naturelles africaines, la tendance générale des contrats miniers, pétroliers et portuaires chinois apparaît être une espèce de « troc » (Youmbi Fasseu, 2012, 3). Comme l‘étude menée par Youmbi Fasseu l‘explique, « la Chine apporte le savoir-faire en matière de travaux publics et de technologies nouvelles pour la construction dans les pays en développement et en échange, ces derniers lui permettent d‘exploiter leurs richesses minières et pétrolières. » (Youmbi Fasseu, 2012, 4). Donc, les figures contractuelles qui encadrent ces relations économiques sont souvent représentées par les entreprises à capitaux mixtes ou joint-ventures, entre les sociétés nationales et les sociétés chinoises. Cependant, une partie de la littérature (Abdoulkadre et Su, 2012) souligne que : « short-term entry modes such as joint-ventures or private enterprises were not popular as means of internationalization toward African

countries (Chuan & Orr, 2009), rather China prefers to have greenfield investments through large state-owned enterprises that are more convenient in sustaining its strategic advantage in Africa (Kaplinsky & Morris, 2009) » (In Abdoulkadre et Su, 2012, 350). Encore, Cheru et Obi (2011) soutiennent qu‘il est difficile à ce stade d‘encadrer les relations économiques sino-africaines dans une dynamique générale sud-sud (Bansal, 2011). La joint-venture est, « une entreprise à responsabilité limitée et à capitaux mixtes; il s‘agit d‘une entreprise par action; elle est personne morale en Chine »59. La joint-venture ou coentreprise consiste donc

en une entité résultante de la collaboration entre deux sociétés préexistantes (Chan, 1995; Chrysostome et Su, 2002; Datta, 1988; Forrest, 1990; Karuranga, 2001; Poisson et Su, 1998; Poulin, Su et Chrysostome, 1998; Su, 1998). De plus, comme Youmbi Fasseu l‘explique :

On distingue deux types de joint-ventures: la joint-venture visant la création d‘une société commune et la joint-venture contractuelle. Une joint-venture visant la création d‘une société commune génère une nouvelle entité juridique sous la forme d‘une société soumise au droit des sociétés. La joint-venture contractuelle ne crée pas forcément une troisième société mais organise seulement la coopération entre deux sociétés déjà existantes. La tendance se penche de préférence vers la joint-venture générant une troisième société pour éviter la double imposition fiscale. (Youmbi Fasseu, 2012, 4)

Dans le cas des entreprises à capitaux mixtes sino-étrangères de nature coopérative, les deux parties travaillent ensemble selon un contrat définissant les droits et les devoirs de chaque partie. Dans la plupart de cas, « on peut créer une entreprise commune disposant de plein droit du statut de personne morale chinoise. Mais il peut s‘agir aussi des projets de coopération fixés par contrat les deux parties; elle peut, selon la Loi, être personne morale en Chine. »60. De plus, dans le contexte africain, la coentreprise permet une importante

collaboration avec des entreprises disposant surtout de savoir-faire, d‘une technologie qualifiée pour la recherche, l‘exploitation des ressources et le développement (Youmbi Fasseu, 2012, 4). À ce sujet, Chrysostome et Su (Chrysostome et Su, 2002) avaient déjà souligné, dans leur recherche sur les coentreprises Nord-Sud en Afrique subsaharienne, que la coentreprise offre des opportunités d‘un apprentissage réciproque entre les partenaires. De plus, dans le contexte de ces alliances stratégiques sino-africaines, Wang Yingying a déclaré

59 Définition disponible à l‘adresse internet : http://china1.free.fr/ECE.htm 60 Définition disponible à l‘adresse internet : http://china1.free.fr/ECE.htm

pendant son discours lors du séminaire sino-français sur l‘aide à l‘Afrique (octobre 2007)61 que:

Actuellement, nous avons signé des accords d‘aide avec une vingtaine de pays africains, et avons signé des accords-cadres sur les prêts concessionnels avec 5 pays africains. Les 3 milliards de dollars de prêt concessionnel accordé par la Chine seront utilisés principalement à la construction des infrastructures, à la fourniture des équipements électromécaniques et à l‘établissement des entreprises productives, afin de stimuler les coopérations à capitaux mixtes entre les entreprises des deux parties. Jusqu‘à présent, la Chine a signé des accords de protection des investissements avec 28 pays africains et a signé des accords pour éviter la double imposition avec 8 pays africains.

Un exemple pertinent d‘entreprise à capitaux mixtes, dans le cadre de notre étude, est représenté par la joint-venture dans le domaine pétrolier tel que la joint-venture sino- soudanaise Khartoum Refinery Company (KRC)62 entre la CNPC et le ministère de l‘Énergie

et des Mines du Soudan. L‘Afrique, dans les dernières années, essaie de créer un climat juridique favorable pour la constitution des coentreprises. Comme plusieurs études le soulignent, le même modèle d‘investissements directs étrangers a largement profité à la Chine (Askouri, 2011; Yaw Baah et Jauch, 2011; Youmbi Fasseu, 2012, 4).

Nous examinerons plus dans les détails ce type d‘alliance stratégique sino-africaine plus loin au paragraphe qui traite de la stratégie chinoise de pénétration du marché étranger.

B. L’aide sans contrepartie

Cette forme d‘aide est incarnée par des réalisations chinoises d‘envergure, souvent qualifiées d‘ « éléphants blancs » (par exemple le stade du Mozambique, les centres de conférences de prestige au Gabon et le barrage hydroélectrique du Merowé/Hamadab au Soudan, qui a une puissance estimée à 1 250 mégawatts). Il s‘agit de projets qui entraînent des coûts de maintenance colossaux et qui deviennent ainsi plus coûteux que bénéfiques (D‘Aboville et Sun, 2010, 91). Cette aide se matérialise aussi par des annulations périodiques de dettes (Yin

61 Ressource en ligne à l‘adresse de l‘Agence française de développement:

www.afd.fr/.../CHINE/WANG_Yingying%20OK.d...

et Vaschetto, 2011). Le gouvernement chinois investit aussi massivement dans les infrastructures (routes, rails, ports, aéroports, télécommunications), notamment à travers le Beijing Urban Construction Group63. À titre d‘illustration des retombées de ces initiatives

chinoises, nous pouvons souligner qu‘en 2000, la China Petroleum & Chemical Corporation (SINOPEC) a obtenu les droits d‘exploitation d‘un champ pétrolier soudanais, alors que la China Exim Bank China (Export-Import Bank) a ouvert à Khartoum sa première filiale en Afrique, soutenant des entreprises chinoises actives pour la construction de routes, de raffineries ou de centrales hydrauliques. Cela dit, outre la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques, l‘autre enjeu majeur pour la Chine est de supplanter les Occidentaux sur le continent africain. Il est intéressant de constater l‘approche différente entre Pékin et Washington (Abdoulkadre et Su, 2012, 352). Les États-Unis privilégient la réforme alors que la République populaire de Chine met l‘accent sur la stabilité du continent. Les entreprises chinoises ont à ce titre des liens étroits avec l‘État et elles se basent sur des stratégies à long terme. Alors que Washington estime qu‘il n‘est pas profitable d‘investir dans de vastes projets (pétroliers, infrastructures, etc.) non rentables à court terme, Pékin y investit dans des régions où la rentabilité à court terme n‘est pas vérifiée, mais où l‘accroissement de l‘influence chinoise à long terme est davantage prometteuse. Deux exemples de projets d‘infrastructures illustrent particulièrement bien, à notre avis, l‘ampleur de la stratégie chinoise, soit le barrage du Merowé/Hamadab et le barrage de Kajbar.

Le barrage hydroélectrique du Merowé/Hamadab (cf. Figure 8) est un projet de grande ampleur en amont de la quatrième cataracte du Nil, à 350 km de Khartoum64. Le projet a été

financé par la China Exim Bank et des institutions arabes, mais il a été réalisé par des sociétés chinoises et soudanaises avec l‘implication de l‘allemande Lahmeyer International, de la française Alstom et de la suisse ABB (Mbabia, 2012, 86). Selon Askouri (2011, p. 139), le coût total de ce projet n‘est pas connu, mais la contribution de la Chine s‘élèverait environ à 520 milliards de dollars américains. De plus, deux entreprises chinoises, la China International Water and Electrical Corporation (CWE) et la China National Water Resource and Hydropower Engineering Corporation (CWHEC ou Sinohydro) ont remporté des contrats de réalisation. De plus, selon certains auteurs (Askouri, 2011, 139; Mbabia, 2012, 86) le

63 Caussieu, A., Demailly, Detilleux, Depoire, Peigné, Crise du Darfour : indice révélateur de la politique

d’accroissement de puissance de la Chine en Afrique, travaux sous la direction de Christian Harboulot, Ecole de

guerre économique, décembre 2007.

barrage, complété en 2011, aurait entrainé des problèmes écologiques, mais également – et surtout – le déplacement dans des zones désertiques d‘environ 50 000 personnes, notamment des communautés de Hamadab, Amri et Manasir.

Le barrage de Kajbar (cf. Figure 8) est un projet hydroélectrique du gouvernement soudanais dans la région du même nom située dans le nord du Soudan, au niveau de la troisième cataracte du Nil. Le barrage du Kajbar couvrira 110 km2 et produira 360 mégawatts d‘électricité. La Chine s‘est montrée intéressée par ce projet dès 1997 et, en 2007, les ingénieurs chinois ont conduit les premières études de faisabilité. L‘entreprise chinoise Sinohydro aurait remporté un contrat de construction à hauteur de 705 millions de dollars américains et elle contrôlerait environ 60 % de tout le marché international relatif au barrage65. Le projet est à ce jour encore dans sa phase initiale de réalisation. Toutefois, on

estime que ce projet engendrera le déplacement d‘environ 10 000 personnes et qu‘il submergera environ 500 sites d‘intérêt archéologique. D‘ailleurs, à partir de 2007 des protestations de la population locale contre la réalisation de ce projet ont été à l‘origine d‘affrontements avec les forces de sécurité. En outre, il paraît que ces affrontements auraient été réprimés trop durement par Khartoum66. Enfin, pour donner une idée des autres projets de barrage contrôlés par la Chine (cf. Figure 8), nous citons ici les propos de Peter Bosshard67,

qui affirme que : « [i]n April 2010, it awarded a $838 million contract for the Upper Atbara Project, an irrigation and hydropower complex in Eastern Sudan, to a Chinese consortium. Two months later, China‘s Gezhouba Corporation got a contract to build the Shereik Dam, a 420 megawatt project on the Nile, at a cost of $711 million. The Shereik Dam in particular would create a big reservoir and affect a large number of people » (International Rivers, 20 janvier 2011).

65 Plus d‘informations au sujet du barrage du Kajbar peuvent être consultées à l‘adresse :

http://www.banktrack.org/show/dodgydeals/kajbar_dam#tab_dodgydeals_update.

66 International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de

l'Homme, Rapport annuel 2007 - Soudan, 19 June 2008, disponible à l‘adresse: http://www.refworld.org/docid/486e051ac.html

67 International Rivers est disponible à la page : http://www.internationalrivers.org/blogs/227/new-chinese-dam-

Figure 8 : Les projets de barrages hydroélectriques au Soudan

Source : http://www.internationalrivers.org/resources/major-dam-projects-in-sudan-4580

C. Le prêt bonifié préférentiel

Cette stratégie est déjà pratiquée en Angola. Malgré une mise en garde de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), les investisseurs chinois y ont prêté cinq millions de dollars américains. En ce sens, l‘aide à l‘Afrique se révélerait être le cheval de Troie par lequel la Chine tente de pénétrer le marché africain (Coussy, 1999, 55). Or, comme Delcourt l‘affirme (2011, 14) : « [l]‘aide chinoise est fortement adossée à d‘autres types de flux (échanges commerciaux, investissements, etc.), au point qu‘il est difficile de démêler ce qui relève de l‘aide au développement strictu sensu, de la coopération économique ou encore de simples intérêts privés. » (Delcourt, 2011, 4). Comme nous l‘expliquerons aussi dans les prochains paragraphes, la stratégie chinoise de pénétration du marché, l‘aide au développement et les prêts bonifiés préférentiels demeurent strictement liés. En effet, comme

Brautigam (In Bruno Hellendorff, 2010) le souligne : « [l]a Chine lie aide et affaires de manière innovante en promouvant ses intérêts nationaux au travers de partenariats mutuellement bénéfiques mis en œuvre par un large spectre d‘acteurs et d‘instruments. De cette façon, l‘aide au développement chinoise n‘est pas vue comme un enjeu moral, mais comme un outil de persuasion politique et une manière d‘adoucir l‘entrée d‘opérateurs économiques chinois sur le continent » (Hellendorff, 2010, 9).

4.2.1.4 La stratégie chinoise de pénétration du marché étranger : les investissements

pétroliers et les joint-ventures chinois en Afrique

Comme on l‘a déjà souligné plus haut, la Chine poursuit une politique d‘internationalisation et de sécurisation des accès au pétrole, élargie aussi à d‘autres matières premières essentielles à la croissance chinoise telles que le cuivre, le fer et la bauxite. Nous avons aussi fait remarquer que la stratégie d‘internationalisation la plus adoptée par les entreprises chinoises en Afrique est la coopération interentreprises ou joint-venture mais aussi les investissements directs étrangers (Abdoulkadre et Su, 2012, 351). En effet, comme Poisson (1997) l‘affirme, « Dans le contexte actuel de mondialisation des marchés, la coentreprise est un type d‘alliance stratégique fort prisé par les entreprises qui désirent pénétrer sur des marchés étrangers (Chan, 1995) » (Poisson, 1997, 58). Ainsi, de 1994 à 1996, les compagnies pétrolières chinoises ainsi que certaines institutions financières ont été restructurées afin de faciliter leur développement international (Delannoy, 2012 ; Jaffrelot, 2008, 209-219). La Chinese National Petroleum Corporation (CNPC), la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et la SINOPEC, sociétés d‘exploration pétrolière (cf. Figure 9), deviennent les instruments principaux de cette volonté chinoise d‘acquérir les droits d‘exploration et d‘exploitation des champs pétroliers (Delannoy, 2012, 64; Koen, 1994; Pegg, 2012), tandis que la China Exim Bank et le gouvernement chinois viennent soutenir la dimension financière de ces opérations (Alden et Hughes, 2009, 573-575; Inkpen et Moffet, 2011, 61-62). Un grand nombre d‘auteurs (Broadman, 2007, 213; Moalla et Triki, 2011, 184; Pegg, 2012) constatent que les entreprises chinoises créent des partenariats sous la forme de coentreprise ou filiale commune surtout dans le secteur des ressources énergétiques (Holslag, 2008; Inkpen et Moffet, 2011). Comme Daniel Guérin (2008) l‘explique, la Chine tend à négocier des contrats de troc (package deals) d‘État à État combinant investissements publics, semi-publics et privés, aides directes et dons et soutien aux entreprises africaines et chinoises. Dans les pays africains riches en ressources naturelles on parle désormais du modèle angolais

pour caractériser ce type de relation. À titre d‘exemple, le fonctionnement du package deal négocié avec la République démocratique du Congo est expliqué comme suit par Daniel Guérin (2008, 109) :

[…] les fonds ne sont pas directement prêtés au gouvernement africain, mais le gouvernement chinois mandate une entreprise publique chinoise de construction – recevant généralement le soutien de l‘EximBank (Banque chinoise d‘investissement et d‘import-export) – pour réaliser des projets d‘infrastructures avec l‘accord du gouvernement africain concerné. Ensuite, en contrepartie de la provision de ces infrastructures, le gouvernement africain accorde à des entreprises chinoises (privées la plupart du temps), le droit d‘extraire des ressources naturelles (pétrole, minerais, etc.), à travers l‘acquisition de parts dans une entreprise nationale et de licences. Le package deal s‘accompagne aussi de dons consacrés à la construction d‘écoles, d‘hôpitaux, ou de bâtiments (palais présidentiels ou stades de foot) par des entreprises chinoises.

Comme une partie de la littérature le souligne, la Chine, à cause de son besoin croissant en ressources énergétiques, déploie une stratégie de pénétration de marché à plusieurs niveaux. Cette stratégie est mise en place à l‘extérieur du pays notamment par ses multinationales à participation étatique (Deng, 2009, 76; Feng et Mu, 2010, 7254) dans le domaine de l‘exploitation et de l‘extraction de ressources énergétiques (pétrole et gaz). Nous faisons référence surtout aux compagnies pétrolières CNPC, CNOOC et SINOPEC (Holslag, 2008; Inkpen et Moffet, 2011; Pegg, 2012). Comme on peut le voir (cf. Figure 9) les multinationales chinoises ont signé plusieurs contrats avec le Soudan pour l‘exploration et l‘extraction du pétrole. Les zones colorées violet, sur la carte, indiquent les concessions pétrolières accordées à la Chine.

Figure 9 : Darfour, la chronique d’un « génocide ambigu »

Source : Philippe Rekacewicz, dans Le Monde diplomatique, mars 2007. www.monde- diplomatique.fr/cartes/darfour

L‘Afrique représente la troisième zone d‘internationalisation68 des compagnies pétrolières

chinoises, tout particulièrement au Soudan, en Angola et au Nigéria. En effet, la qualité des pétroles à faible teneur en sulfure disponibles dans cette zone est plus adaptée aux raffineries chinoises (Furfari, 2007, 182). De plus, les entreprises chinoises tendent initialement à se développer dans des pays où les « majors » occidentaux ne sont pas en position prédominante et dans des pays en conflit (le Soudan et l‘Angola) ou en butte à des critiques internationales (Nigéria). En effet, Inkpen et Moffet affirment que:

68 L‘Asie centrale et la Sibérie russe sont les autres deux zones d‘internationalisation. Dès 1995 la Chine a décidé

de réduire les importations provenant du Moyen-Orient, du fait de l‘influence prépondérante des États-Unis dans cette région.

[b]ecause of the imbalance between China‘s oil needs and domestic production, Chinese firms have been expanding aggressively outside China in recent years through acquisitions and partnerships. Chinese firms operate in upstream activities in many countries and regions, including Sudan, Iran, Indonesia, Canada, Brazil, Gulf of Mexico, Middle East, and Central Asia. China‘s NOC access to international projects often starts with the diplomacy by China‘s government and could be tied to other infrastructure projects and foreign aid. In that respect, Chinese NOC operate very differently from their IOC competitors. Unlike huge energy importers like the United States, Japan, and Germany, the Chinese government appears unwilling to trust markets for its energy supplies. (Inkpen et Moffet, 2011, 60)

La Chine tend donc à combler le vide créé par le retrait des puissances occidentales des zones à risques ou des pays marginalisés. Cette stratégie a notamment été utilisée au Soudan après le retrait de la compagnie pétrolière américaine Chevron à la suite de la reprise de la guerre civile. Les entreprises chinoises sont donc dans une logique de multiplication de contrats de production. En outre, l‘intensification des relations commerciales entre la Chine et les pays pétroliers sub-sahariens est le corollaire des investissements massifs réalisés par les compagnies pétrolières chinoises, particulièrement au Soudan, en Angola, au Nigéria et en Algérie. Il est à noter que l‘entreprise pétrolière CNPC est celle qui compte le plus d‘investissements sur le continent. Elle est présente en Afrique avec une position stratégique au Soudan (cf. Figure 10), où elle est majoritaire dans les principaux champs pétrolifères du pays (Muglad et Melut). C‘est également le cas du groupe SINOPEC qui a conclu d‘importants accords d‘exploitation et de production dans six pays africains, dont le Soudan. En effet, le cas du Soudan montre bien comment les firmes multinationales chinoises œuvrent de plus en plus avec des pays où l‘influence des entreprises américaines est très forte (Inkpen et Moffet, 2011, 60). La figure 10, en effet, montre très bien les zones d‘exploration des ressources naturelles en concession aux multinationales chinoises. Comme on peut le voir (cf. Figure 10), les contrats stipulés entre la Chine et le Soudan sont surtout des coentreprises. En 1997, en pleine guerre civile entre le Nord et le Sud, la CNPC obtient, au sein d‘une joint- venture avec le gouvernement soudanais, le droit d‘exploitation et d‘exploration de deux champs pétroliers. En outre, la CNPC a investi près d‘un milliard de dollars américains pour l‘exploitation d‘un gisement dans le bassin de Muglad (cf. Figure 10). La compagnie chinoise amène au Soudan 2 000 ouvriers pour construire l‘oléoduc de 1 610 kilomètres reliant la zone d‘exploitation à Port Soudan, sur la mer Rouge (cf. Figure 9 et 10). Cet investissement au Soudan, qui n‘est pas rentable à court terme, souligne la volonté de Pékin de poursuivre son

objectif économico-politique, c‘est-à-dire la réduction de sa dépendance énergétique. À ce titre, comme Pegg le souligne: « [i]t is also important to note that China‘s oil investments in

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