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Le Conseil de sécurité des Nations Unies et la Cour pénale internationale : une première coopération difficile dans le processus de paix au Darfour

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Texte intégral

(1)

Le Conseil de sécurité des Nations Unies et la

Cour pénale internationale: une première

coopération difficile dans le processus de paix

au Darfour

Mémoire

Monica Fornari

Maîtrise en Études internationales

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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(3)

Résumé

Cette recherche traite de la coopération entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et la Cour pénale internationale. Il s‘agit d‘un mécanisme nouveau dans le contexte de la justice pénale internationale, du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ce mécanisme appliqué à des situations de crise politique se charge de contribuer à rétablir la paix en poursuivant l‘objectif de la lutte à l‘impunité. Notre étude, dans sa première partie, analyse l‘application du mécanisme de coopération au conflit du Darfour où, depuis 2003 jusqu‘à nos jours, ont été perpétrés de graves crimes contre la population civile par le gouvernement de Khartoum et ses milices. Dans une deuxième partie, nous évaluons l‘efficacité de la coopération appliquée à notre cas d‘étude. La troisième partie examine l‘efficacité de la coopération en opérationnalisant l‘influence des facteurs politiques, juridiques et économiques qui caractérisent la complexe situation géopolitique de cette région du Soudan.

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(5)

Abstract

This thesis examines cooperation between the United Nations Security Council and the International Criminal Court. This is a new mechanism which plays a crucial role in global criminal justice and the maintenance of international peace and security. This is notably a mechanism that acts when crises occur to contribute to the reestablishment of peace by fighting against impunity. In its first part, this research analyzes the first occasion on which this cooperation occurred, the Darfur conflict, where from 2003 to present, the Khartoum government and the Janjaweed militias have committed serious crimes against civilians. The second part examines the effectiveness of this cooperation mechanism with reference to the ongoing conflict in Darfur. In its third part, the thesis evaluates the effectiveness of the cooperation in contributing to the resolution of this conflict by measuring the influence of political, economic and legal factors characterizing this difficult geopolitical situation in Sudan.

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(7)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Liste des abréviations et des sigles ... xv

Remerciements ... xix

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE I ... 1

LA COOPÉRATION ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS

UNIES ET LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE ... 1

1.1 Objet de la recherche ... 1

1.2 Précisions sur le contexte ... 2

1.3 L‘intérêt de cette étude par rapport à la recherche antérieure ... 3

1.4 Les objectifs spécifiques ... 4

1.5 Annonce de la structure du document ... 5

1.5.1 Anticipation de la question de recherche et de la méthodologie de recherche

employée ... 5

CHAPITRE II ... 7

LA PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE ... 7

2.1 Question générale de recherche ... 9

2.2 Recension des écrits ... 9

2.2.1 La définition de l‘Organisation des Nations Unies (ONU) ... 9

2.2.2 La Charte de L‘ONU définit les buts et les principes de l‘Organisation ... 10

2.2.3 Le CDS dans le cadre du système de l‘ONU ... 11

2.2.4 Le concept de justice universelle à la base de la CPI : sa genèse et son

évolution ... 14

2.2.5 La définition de la Cour pénale internationale (CPI) ... 18

2.2.6 La structure et les compétences à la base du fonctionnement de la Cour

pénale internationale ... 21

2.2.7 L‘état de la recherche concernant la coopération entre l‘ONU et la CPI ... 25

2.2.8 Le renvoi à la Cour pénale internationale, l‘article 13 b) du Statut de Rome 31

2.3 Question spécifique de recherche ... 33

CHAPITRE III ... 35

LA PRÉSENTATION DU CADRE THÉORIQUE ... 35

3.1 Développement du modèle conceptuel ... 35

3.1.1 Propositions ... 35

3.2 Approche théorique. Les théories en études internationales ... 36

3.2.1 Introduction à la théorie réaliste ... 36

(8)

3.2.3 Le paradigme de la théorie réaliste et les relations parmi les États :

application de la théorie à notre recherche ... 38

3.2.4 Principaux liens entre la théorie réaliste et notre question de recherche.

Justification du choix théorique. ... 39

3.2.4.1 La souveraineté étatique ... 40

3.2.4.2 L‘intérêt national ... 40

3.2.5 Les fondements de la théorie de la transition de puissance ... 46

3.2.6 Principaux liens entre la théorie de la transition de puissance et notre question

de recherche. Justification du choix théorique. ... 48

3.2.6.1 Le concept de l‘intérêt économique chinois ... 48

3.3 Introduction du concept d‘efficacité de la mesure de coopération ... 55

3.4 Les propositions de notre étude ... 57

3.4.1 Première proposition (P1) ... 58

3.4.2 Deuxième proposition (P2) ... 58

3.4.3 Troisième proposition (P3) ... 59

3.4.4 Quatrième proposition (P4) ... 59

3.5 Le rapport propositions-théories en études internationales ... 60

3.5.1 La théorie réaliste/néoréaliste et les propositions de recherche P1, P2 et P3 . 60

3.5.2 La théorie de la transition de puissance et la proposition de recherche P4 .... 61

3.6 Le rapport propositions-variables de notre recherche ... 62

3.6.1 Les variables ... 62

3.6.2 Conclusion sur le lien entre les théories et le rapport avec les variables ... 63

3.6.2.1 Comprendre et étudier les limites à l‘efficacité de la mesure de

coopération entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et la Cour pénale

internationale ... 64

CHAPITRE IV ... 65

LE CADRE OPÉRATOIRE... 65

4.1 Les indicateurs de recherche ... 65

4.1.1 L‘efficacité du mécanisme de coopération entre le CDS et la CPI et ses

indicateurs ... 65

4.1.1.1 La cessation et la prévention des actes de violence contre la population

civile : opérationnalisation de l‘objectif 1 ... 65

4.1.1.2 La lutte contre l‘impunité : opérationnalisation de l‘objectif 2 ... 76

4.1.1.3 Le maintien de la paix et de la sécurité internationales :

opérationnalisation de l‘objectif 3 ... 80

4.1.1.4 Bilan sur l‘opérationnalisation de l‘efficacité de la mesure de

coopération entre le CDS et la CPI ... 83

4.1.1.5 Synthèse ... 84

4.2 Opérationnalisation des intérêts économiques chinois et des limites politiques

émanant des États-Unis (pressions politico-diplomatiques et impératifs liés à la

souveraineté étatique) et leurs indicateurs ... 85

4.2.1 Opérationnalisation des intérêts économiques de la Chine au Soudan ... 87

4.2.1.1 Les importations chinoises de pétrole soudanais ... 90

4.2.1.2 Évolution des échanges commerciaux Chine-Afrique ... 93

4.2.1.3 La présence d‘infrastructures au Soudan : routes, voies ferrées, hôpitaux,

écoles, oléoducs et barrages ... 94

(9)

4.2.1.4 La stratégie chinoise de pénétration du marché étranger : les

investissements pétroliers et les joint-ventures chinois en Afrique ... 100

4.2.1.5 Discours du ministre des Affaires étrangères chinois sur la diplomatie du

pétrole comme volet de la diplomatie chinoise et sommets Chine-Afrique ... 105

4.2.2 Opérationnalisation des limites politiques potentielles : Les pressions

politico-diplomatiques et les intérêts politiques (souveraineté étatique) des

États-Unis ... 109

4.2.2.1 Les motifs et la portée de l‘abstention des États-Unis lors du vote de la

Résolution 1593 (2005) ... 110

4.2.2.2 Les discours pendant la Conférence diplomatique de Rome instituant la

CPI et l‘opposition des États-Unis à la compétence de la CPI ... 112

4.2.2.3 L‘American Service-Membrers‘ Protection Act (ASPA) et les accords

bilatéraux d‘immunité stipulés par les États-Unis (BIAs) ... 117

4.3 Opérationnalisation des limites juridiques endogènes à la Cour pénale

internationale et leurs indicateurs ... 120

4.3.1 Les solutions de compromis adoptées lors de la Conférence diplomatique de

Rome instituant la CPI ... 120

4.3.2 La possibilité de négocier des accords bilatéraux d‘immunité (article 98 de

Statut de Rome) ... 126

4.3.3 La présence de l‘article 16 du Statut de Rome (blocage de la CPI) dans la

Résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité ... 126

4.4 Schéma « variables indépendantes-indicateurs » ... 129

CHAPITRE V ... 133

LA MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ... 133

5.1 Le choix de la stratégie de vérification et la présentation de la démarche concrète

de vérification de l‘information ... 133

5.2 Le choix de la technique de collecte de l‘information ... 134

5.2.1 La définition de la population à l‘étude ... 134

5.2.2 La technique d‘échantillonnage ... 135

5.3 Le choix de la technique d‘analyse de l‘information ... 140

5.4 Résultats escomptés et limites de la méthode d‘analyse choisie ... 141

5.4.1 Résultats escomptés ... 141

5.4.2 Limites ... 143

5.4.2.1 Limites imputables au choix de la méthode d‘analyse et justification .. 143

CHAPITRE VI ... 145

Partie I : LE DARFOUR ... 145

6.1 L‘état des lieux ... 145

6.1.1 Le Darfour : un aperçu sociopolitique du territoire ... 145

6.1.2 Le conflit au Darfour ... 146

Partie II : PRÉSENTATIONS ET DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 155

6.2 Analyse et vérification des propositions ... 155

6.2.1 P1: Les limites juridiques endogènes à la CPI influencent l‘efficacité de la

coopération entre le CDS et la CPI. ... 155

(10)

6.2.2 P2: Les pressions politico-diplomatiques des États-Unis influencent

l‘efficacité de la coopération entre le CDS et la CPI. ... 156

6.2.3 P3: Les intérêts politiques des États-Unis (souveraineté étatique) influencent

l‘efficacité de la coopération entre le CDS et la CPI. ... 158

6.2.4 P4: Les intérêts économiques de la Chine influencent l‘efficacité de la

coopération entre le CDS et la CPI. ... 159

6.3 Ajustement du cadre théorique : L‘interdépendance des variables et leur influence

sur la variable dépendante ... 162

6.3.1 Schéma du modèle conceptuel amendé ... 163

Partie III : CONCLUSIONS ... 165

6.4 Rappel de la question de recherche ... 165

6.5 Synthèse des résultats obtenus ... 165

6.5.1 L‘efficacité de la coopération entre le Conseil de sécurité des Nations Unies

et la Cour pénale internationale dans la résolution du conflit au Darfour : un bilan

et perspectives ... 165

6.6 Limites de la recherche effectuée et nouvelles pistes de recherche ... 167

BIBLIOGRAPHIE ... 171

ANNEXE I ... 199

ANNEXE II ... 203

(11)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Les spécificités de la CPI par rapport aux juridictions antérieures (TPI) 20

Tableau 2 : Les rouages de la Cour pénale internationale ... 23

Tableau 3 : Schéma propositions-théories ... 61

Tableau 4 : Schéma propositions-variables ... 63

Tableau 5 : Nombre de morts au Darfour et au Tchad (mars 2003-janvier 2005) ... 69

Tableau 6 : Évaluation du nombre de morts civils pendant les attaques

gouvernementales – one sided violence gouvernement-civils ... 71

Tableau 7 : Évaluation du nombre de morts civils pendant les attaques

gouvernementales – one sided violence Janjawids-civils ... 73

Tableau 8 : Nombre de morts civils pendant les attaques des groupes rebelles

(2003-2006) ... 74

Tableau 9 : Évaluation du nombre de victimes pendant les attaques unilatérales de

Khartoum et des Janjawids ... 75

Tableau 10 : Dénonciation des attaques à l‘encontre de la population civile et de la

MINUAD de la part du président du CDS (2006-2013) ... 80

Tableau 11 : Évolution du nombre de personnes déplacées au Soudan (2005-2011) . 82

Tableau 12 : Schéma « variable dépendante-indicateurs » ... 85

Tableau 13 : Les importations chinoises de pétrole* soudanais (2005-2011)

exprimées en milliards de dollars américains ... 91

Tableau 14 : Les importations chinoises de pétrole soudanais (2005-2011) exprimées

en pourcentage ... 92

Tableau 15 : Évolution des échanges commerciaux Chine-Afrique ... 93

Tableau 16 : Les discours des dirigeants chinois au FOCAC ... 108

Tableau 17 : La législation américaine contre la CPI ... 119

Tableau 18 : Les négociations à la Conférence diplomatique de Rome − Les trois

blocs de pays aux idées divergentes ... 123

Tableau 19 : Schéma variables indépendantes-indicateurs ... 130

Tableau 20 : Le thesaurus ... 136

Tableau 21 : Liste des catégories de sous thématiques ... 137

Tableau 22 : Le journal de recherche ... 138

(12)
(13)

Liste des figures

Figure 1 : Schéma du mécanisme de coopération entre le CDS et la CPI ... 27

Figure 2 : Les zones d‘influence géostratégique des États-Unis et de la Chine sur le

continent africain ... 53

Figure 3 : Schéma du modèle conceptuel ... 64

Figure 4 : Nombre de morts au Darfour et au Tchad (mars 2003-janvier 2005) ... 69

Figure 5 : Les routes du pétrole ... 88

Figure 6 : La présence de la Chine au Soudan ... 90

Figure 7 : Augmentation des importations chinoises de pétrole soudanais (2005-2011)

... 92

Figure 8 : Les projets de barrages hydroélectriques au Soudan ... 99

Figure 9 : Darfour, la chronique d‘un « génocide ambigu » ... 102

Figure 10 : Les gisements de pétrole et les sociétés pétrolières au Soudan ... 105

Figure 11 : L‘application du processus interactif de Miles et Huberman ... 141

Figure 12 : Darfour, un conflit qui déborde sur les pays voisins ... 147

Figure 13 : Comprendre et étudier les limites à l‘efficacité de la mesure de

coopération entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et la Cour pénale

internationale ... 163

(14)
(15)

Liste des abréviations et des sigles

Abréviations français/anglais

ACNUR/ UNHCR Agence des Nations Unies pour les réfugiés/ United Nations High Commissioner for Refugees

AGNU/UNGA Assemblée générale des Nations Unies/ United Nations General Assembly

AMICC American Non-Governmental Organizations Coalition for the International Criminal Court

AMISOM Mission de l‘Union Africaine en Somalie/ African Union Mission in Somalia

ASPA American Service-Members‘ Protection Act

BIA Bilateral Immunity Agreement

BdP/OTP Bureau du Procureur/ Office of the Prosecutor CDI Commission de droit international

CDS/UNSC Conseil de sécurité des Nations Unies/ United Nations Security Council

CNOOC China National Offshore Oil Corporation CNPC China National Petroleum Corporation

CNUCED/UNCTAD Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le développement/ United Nations Conference on Trade and Development

CPI/ICC Cour pénale internationale/International Criminal Court CWE China International Water and Electrical Corporation

CWHEC China National Water Resource and Hydropower Engineering Corporation

Exim Bank – China Export-Import Bank of China

FMI/IMF Fonds monétaire international/ International Monetary Fund FCSA/FOCAC Forum sur la coopération sino-africaine/ Forum on China Africa

Cooperation

(16)

MIAS/AMIS Mission de l‘Union africaine au Soudan/ African Mission in Sudan MINUAD/UNAMID Opération hybride de l‘Union africaine et des Nations Unies au

Darfour/ African Union United Nations Hybrid Operation in Darfur MINUAR/UNAMIR Mission des Nations Unies pour l‘assistance au Rwanda/ United

Nations Assistance Mission for Rwanda

MINUBH/UNMIBH Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine/ United Nations Mission in Bosnia and Herzegovina

MJE/JEM Mouvement pour la Justice et l‘égalité/ Justice and Equality Movement

MNA Mouvement des pays non alignés

OTAN/NATO Organisation du traité de l‘Atlantique nord/ North Atlantic Treaty Organization

ONG/NGO Organisation non gouvernementale/ Non Governmental Organization

ONU/UNO Organisation des Nations Unies/ United Nations Organization NU/UN Nations Unies/ United Nations

Rés./Res. Résolution/ Resolution

SDN Société des Nations

SINOPEC China Petroleum & Chemical Corporation SLA- Abdelwahid Sudan Liberation Army – Abdelwahid Nour SLM/A Sudan Liberation Movement/ Army

SLM/A-MM Sudan Liberation Movement/ Army – Minni Minawi faction SPLM/A Sudan People‘s Liberation Movement/ Army

TPI Tribunaux pénaux internationaux UA/AU Union africaine/ African Union UCDP Uppsala Conflict Data Program UE/EU Union européenne/ European Union UNMIS United Nations Mission in Sudan

(17)

À toutes les victimes d’actes de

violence dans le monde entier.

(18)
(19)

Remerciements

Ce travail de recherche n‘est pas simplement un point d‘arrivée académique, mais également le résultat d‘un long processus de maturation autant professionnel que personnel. C‘est pour cette raison que je suis reconnaissante à toutes les personnes qui, avec moi, ont partagé les beaux et les mauvais moments pendant toutes les phases de l‘élaboration de cette intéressante étude. Je dois tout particulièrement remercier Madame Anessa L. Kimball, ma directrice de recherche, pour sa disponibilité, sa patience et sa contribution à la réussite de ce projet par ses conseils toujours très utiles et pertinents. Son aide a été d‘une importance cruciale, notamment dans les circonstances les plus difficiles auxquelles j‘ai dû faire face au cours de ces dernières années. Elle a accompli avec rigueur sa tâche de guide contribuant souvent à démêler l‘écheveau de mes réflexions. Mes remerciements vont aussi à Monsieur Raymond Poisson, mon codirecteur de recherche, qui a dû abandonner prématurément notre équipe, mais dont les conseils ont été précieux jusqu‘à l‘aboutissement de notre travail. Je tiens ensuite à adresser mes remerciements les plus affectueux à Madame Christine Lachance pour sa confiance absolue en mes capacités intellectuelles et ses précieuses indications professionnelles. Je remercie aussi tous mes amis canadiens pour leur appui et surtout mon amie Carole-Anne Tanguay, dont l‘apport a été indispensable dans les phases de révision linguistique de ce travail. Enfin, je suis reconnaissante à l‘Institut québécois des Hautes études internationales pour m‘avoir fourni l‘appui nécessaire pour la réussite de mes études au Canada.

(20)
(21)

INTRODUCTION

CHAPITRE I

LA COOPÉRATION ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS

UNIES ET LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

1.1 Objet de la recherche

Ce mémoire porte sur la coopération entre le Conseil de sécurité des Nations Unies (ci-après appelé le CDS ou le Conseil de sécurité) et la Cour pénale internationale (ci-après appelée la CPI ou la Cour)1. Nous examinerons la première application de cette coopération dans le

contexte du conflit au Darfour, partie occidentale du Soudan2. Ce sujet revêt un intérêt

particulier dans le cadre de la recherche, et ce, tant dans le domaine de la justice universelle que dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Par conséquent, il s‘inscrit bien dans le cadre d‘une recherche interdisciplinaire.

La coopération entre la CPI et le CDS représente une étape positive et innovatrice de la démarche de résolution des conflits mise en place par l‘ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le CDS, dans sa démarche de résolution du conflit intra étatique au Darfour, utilise pour la première fois le mécanisme de coopération entre le CDS et la CPI. Comme le Conseil de sécurité l‘avait plusieurs fois déclaré, cette situation menace la paix et la sécurité internationales. De plus, les travaux de la Commission d‘enquête, dont nous parlerons au cours de notre étude, avaient confirmé que : « […] toutes les parties continuaient de commettre des violations graves des instruments internationaux relatifs aux droits de l‘homme et du droit international humanitaire » (Rapport de la Commission d‘enquête S/2005/60, p. 6). C‘est pour cette raison que les objectifs principaux du mécanisme de coopération visaient surtout à traduire devant la Cour les personnes présumées responsables des crimes les plus graves commis au Darfour pour contribuer au rétablissement de la paix dans la région.

1 Conformément à l‘article 2 du Statut de Rome, le 4 octobre 2004, le Secrétaire général de l‘ONU et le président de la Cour pénale internationale, Kofi Annan et Philippe Kirsch, ont signé un accord qui apporte une structure à la relation entre les deux Organisations internationales. Cet accord discipline les relations institutionnelles, l‘assistance judiciaire, la coopération entre le CDS et la CPI et la coopération entre les Nations Unies et le Bureau du Procureur de la CPI.

(22)

Notre travail de recherche prend en considération une période d‘analyse qui débute avec l‘éclatement de la guerre civile au Darfour en 2003, ensuite marquée, en 2005, par la coopération entre la CPI et le CDS et s‘étendant enfin jusqu‘à aujourd‘hui, avec ses conséquences sur la résolution du conflit. De plus, nous traiterons en profondeur la période de la planification et de la mise en œuvre du mécanisme de coopération entre la CPI et le CDS et son efficacité, c‘est-à-dire notre objet d‘étude.

1.2 Précisions sur le contexte

L‘intérêt d‘étudier la coopération entre ces deux organisations internationales découle du fait qu‘elle a été établie et mise en place au Darfour nonobstant la présence de plusieurs obstacles ou limites. Ces obstacles, selon nos observations, font en sorte que l‘efficacité de la coopération pourrait être limitée a priori surtout en raison de l‘opposition des États-Unis et de la Chine à la CPI et à sa coopération avec le CDS au Darfour.

Notre recherche permet donc d‘étudier le rôle politique joué par les États-Unis et la Chine au sein du CDS pour la résolution de ce conflit ainsi que le rôle joué par leurs intérêts étatiques et économiques au Darfour. Les États-Unis et la Chine devraient, dans un esprit de sécurité et de paix internationale, appuyer la mesure de coopération décidée par le CDS, mais ils lui donnent dans les faits très peu de support. Ainsi, les pressions politico-diplomatiques au sein du CDS lors de l‘adoption de cette mesure de coopération nous amènent à croire que le processus de paix au Darfour est retardé en raison des limites à la coopération posées par les intérêts nationaux de ces pays.

Nous allons étudier ces limites, à savoir le rôle-clé que jouent les États-Unis et la Chine au sein du CDS pour la résolution de la crise au Darfour et les raisons de leurs balancements entre l‘intérêt national et l‘intérêt de la communauté internationale. Plus précisément, nous analyserons la nature de leurs intérêts nationaux, c‘est-à-dire les intérêts économiques chinois et la souveraineté étatique américaine qui, selon nous, influencent l‘efficacité de la coopération entre le CDS et la CPI.

De fait, nous examinerons le lien entre le besoin de sécurité énergétique (intérêt économique national) de la Chine et son choix de politique internationale de ne pas soutenir la coopération avec la CPI au sein du CDS de l‘ONU. Dans ce but, nous analyserons l‘exploitation du

(23)

marché pétrolier soudanais par les firmes chinoises afin d‘étudier les intérêts économiques de la Chine au Soudan et leur influence sur la mesure de coopération entre le Conseil et la Cour. En effet, les changements politiques qui ont eu lieu pendant la période visée par notre travail ont eu des conséquences sur les choix de politique étrangère dans le secteur économique et donc, sur le rôle joué par les entreprises chinoises (Askouri, 2011; Broadman, 2007; Gonzalez-Vicente, 2011; Mbabia, 2012). Nous prendrons en considération l‘extraordinaire effervescence économique de la Chine, son besoin croissant d‘énergie (Abdoulkadre et Su, 2012, 351 ; Inkpen et Moffet, 2011, 42), sa pénétration des marchés étrangers comme faisant partie de sa politique étrangère et sa compétition avec les États-Unis pour les zones d‘importance géoéconomique (Harbulot et al., 2007; Zafar, 2007; Reyna, 2009, 309). C‘est dans ce contexte que nous analyserons la présence des entreprises chinoises en Afrique et plus précisément au Soudan. En outre, le cas du Darfour nous aide à faire le lien entre les intérêts économiques, la concrétisation sur le terrain de ces intérêts par le biais des compagnies pétrolières (Larçon, 2009) et l‘influence des choix politico-diplomatiques chinois au sein du Conseil de sécurité sur la coopération entre le CDS et la CPI (Rodman, 2006; Stoett, 2010, 2).

1.3 L’intérêt de cette étude par rapport à la recherche antérieure

L‘importance d‘étudier ce sujet découle des constatations que nous venons de souligner, mais aussi des coûts générés par le phénomène à l‘étude, à savoir les pertes de vies humaines et la menace à la sécurité internationale. De plus, la coopération entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, instaurée pour la première fois pour contribuer à régler la crise au Darfour, revêt un intérêt particulier, car elle constitue une mesure novatrice dans les domaines des relations internationales, de la sécurité collective et du droit pénal international3. Ce mécanisme prometteur de coopération pourrait potentiellement représenter

une évolution dans la démarche classique des opérations de maintien de la paix de l‘ONU et inscrire la justice pénale internationale dans le processus de paix. Il s‘agit donc d‘une recherche captivante pour les chercheurs et les décideurs politiques œuvrant à la résolution de ce conflit, car elle pourrait soit ouvrir des nouvelles pistes de recherche, soit montrer les faiblesses de la coopération face aux enjeux politiques et économiques du conflit. Ainsi, ce

3 À ce jour, le Conseil de sécurité des Nations Unies a déféré à la Cour pénale internationale la situation du

(24)

mécanisme de coopération de la Cour avec le Conseil appliqué à la situation au Darfour peut être considéré un vrai banc d‘essai pour la CPI même. The Oxford Analytica Daily Brief Service (6 août 2008, 1) soutient à ce titre :

As the Darfur situation was referred to the ICC by the UNSC − the first such referral in the Court's history − the prosecutor will lobby the Council to help enforce the warrant. If such support is not forthcoming, the prosecutor will argue that the Office of the Prosecutor (OTP) has done its job as effectively as possible but suffered from a lack of political will in the UNSC. This is a probable outcome, as China and Russia are unlikely to support cooperation between the ICC and UNAMID. While Washington remains opposed to the existence of the ICC, it may cautiously support such a move, given the importance of the Darfur situation for US domestic constituencies. The US abstained from the July 31 renewal of UNAMID's mandate, in protest against the inclusion in the resolution of a paragraph noting the OTP's move and the concerns of some UNSC members. (The Oxford Analytica Daily Brief Service, 2008, 1)

1.4 Les objectifs spécifiques

Comme nous le voyons, plusieurs raisons sont réunies pour motiver l‘étude de la coopération entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et la Cour pénale internationale. Il est aussi tout indiqué de chercher à identifier les principaux facteurs susceptibles de mener à l‘établissement d‘une paix politique et à la cessation des violences envers la population civile au Darfour.

Rappelons que le but de cette recherche est d‘analyser, d‘une part, les limites à l‘efficacité de la coopération entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale et, d‘autre part, de formuler des suggestions relatives à l‘avancement du processus de résolution de ce conflit. En outre, nous poursuivons les objectifs spécifiques suivants :

Faire ressortir les entraves à l‘efficacité de la coopération entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale.

Identifier le rôle joué par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans le cadre de la coopération.

(25)

Identifier des pistes de recherche pour une meilleure compréhension des enjeux politiques du conflit dans le but d‘adopter par la suite des mesures plus efficaces pour atteindre une paix politique.

1.5 Annonce de la structure du document

Notre travail de recherche sera structuré en six chapitres. Le premier présente l‘objectif de notre recherche, à savoir l‘évaluation de l‘efficacité de la coopération entre le CDS et la CPI, et de souligner l‘importance d‘étudier ce phénomène. Le deuxième chapitre annonce notre problématique de recherche. Nous nous employons dans cette section à bien cerner notre étude par le biais de notre question générale de recherche et de notre question spécifique de recherche. Ensuite, le lecteur pourra prendre connaissance de la problématique générale à travers la recension des écrits. Dans le troisième chapitre, nous exposerons la construction et la présentation du cadre théorique que nous illustrons aussi à l‘aide d‘un schéma. Dans le quatrième chapitre, nous étudierons les indicateurs que nous avons retenus et jugés explicatifs de nos variables de recherche. Le lecteur trouvera ici aussi un schéma synthétisant les liens entre les variables et leurs indicateurs. Le cinquième chapitre a été conçu de façon à expliquer la méthodologie de recherche que nous avons adoptée pour conduire notre étude. Le sixième chapitre conclut notre recherche et il est présenté en trois parties. La première partie montre l‘état des lieux du cas à l‘étude, à savoir le conflit au Darfour, alors que la deuxième partie concerne la vérification des propositions et la discussion des résultats. Enfin, dans la troisième partie, nous ferons une synthèse des résultats obtenus et nous nous proposons aussi de souligner quelques limites que nous avons rencontrées au cours de cette étude. En conclusion, nous avançons une tentative de contribution aux recherches futures en faisant quelques brèves réflexions finales.

1.5.1 Anticipation de la question de recherche et de la méthodologie de recherche

employée

Nous nous proposons donc, tout au long de notre travail de recherche, d‘étudier les limites à l‘efficacité de la coopération entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité des Nations Unies, cette coopération étant entendue comme une mesure de prévention des violences et de résolution des conflits en cours. Le travail visera, de façon plus spécifique, à

(26)

analyser si le mécanisme de coopération entre la CPI et le CDS est efficace d‘un point de vue préventif et s‘il peut s‘inscrire dans le processus onusien du maintien de la paix. De plus, dans le but de poursuivre nos objectifs de recherche, nous avons employé la méthodologie de recherche qualitative avec une étude de cas simple, c‘est-à-dire le conflit au Darfour. En outre, la méthode d‘analyse utilisée pour recueillir et examiner les données, afin de bien analyser le phénomène à l‘étude, a suivi le modèle interactif proposé par Miles et Huberman (Miles et Huberman, 1984, cité par Lessard-Hébert, Goyette et Boutin, 1990, 103).

Dans le deuxième chapitre, la question générale et la question spécifique de recherche seront dûment expliquées.

(27)

CHAPITRE II

LA PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

Les organisations internationales vouées à assurer la paix et la sécurité internationales sont aujourd‘hui confrontées à une politique réaliste des États (Kissinger, 1994, 137)4 encore

dominante. Dans un monde où le concept de sécurité internationale change en raison de la présence de conflits identitaires et de guerres civiles de plus en plus nombreux (David, 2006, 132; Kaldor, 2007; Reyna, 2009), les Nations Unies sont confrontées à des situations de crise régionale pouvant menacer la paix et la sécurité internationales. Le conflit au Darfour, au point de vue international, est un cas d‘étude intéressant, car il s‘agit à la fois d‘un conflit intra étatique et d‘une crise humanitaire lesquels pourraient aussi aboutir en une crise régionale et en un génocide5 (Cryer, 2009). La crise au Darfour, même si elle existait depuis 1956 (Barltrop, 2011; Flint et De Wall, 2008; Fontrier, 2009; Grawert, 2008; Morumbasi, 2010), date de l‘indépendance du Soudan, a pris plus d‘ampleur en 2003. La situation actuelle de ce pays s‘avère surtout difficile en raison des graves violations des droits de l‘homme perpétrées par des groupes rebelles et par la milice arabe (Janjawid6) engagée par le

gouvernement central de Khartoum (Flint et De Waal, 2008, 33; Hagan et Rymond-Richmond, 2009). Dans cet ordre d‘idées, le Bureau du Représentant spécial adjoint du

4 Le mot allemand Realpolitik peut être traduit en français par « politique réaliste ». Selon Henry Kissinger la

Realpolitik désigne : « la politique étrangère fondée sur le calcul des forces et l‘intérêt national ».

5 La Commission internationale d‘enquête établie par l‘ancien Secrétaire général de l‘ONU, M. Kofi Annan, en

application de la résolution 1564 du Conseil de sécurité a émis un rapport (S/2005/60) présenté à l‘ONU en janvier 2005. Le rapport indique qu‘il y avait des raisons de croire que des crimes contre l‘humanité et des crimes de guerre avaient été commis au Darfour, et a recommandé le renvoi de la situation à la Cour pénale internationale (CPI). Ce rapport excluait, donc, que le crime de génocide avait été commis au Darfour. Par conséquent, le Procureur de la Cour et la Chambre préliminaire ont délivré le 4 mars 2009 un mandat d‘arrêt contre le président Omar Al-Bashir pour des crimes de guerre et des crimes contre l‘humanité. Le 6 juillet 2009, le Procureur a interjeté appel contre la décision en ce que celle-ci ne délivrait pas le mandat d‘arrêt à raison de la charge de crime de génocide. Ainsi, le 12 juillet 2010, la Chambre préliminaire et le Procureur ont émis un deuxième mandat d‘arrêt contre le président du Soudan, M. Omar Al-Bashir, énumérant trois chefs de génocide. Le président Omar Al-Bashir est actuellement en fuite.

6 Janjawid est un terme générique pour désigner les miliciens du Darfour. Selon les Nations Unies, les Janjawids

sont des criminels se revendiquant comme Arabes. Le nom de Janjawid a le sens de hordes en arabe; sans certitude on établit une étymologie avec djinn (esprit) ou jawad (cheval). Selon la BBC, les Janjawids sont les successeurs des premières milices tribales arabes, les Miurahilin. Ils étaient primitivement constitués d‘Abbala, des chameliers, ils sont aussi renforcés de bergers Baggara depuis 2004. Les Janjawid n‘ont pas de « mouvements » ou d‘unités organisées. Ce sont soit des bandes, soit des auxiliaires rattachés à des unités de l‘armée régulière soudanaise.

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Secrétaire général pour le Soudan et le Coordonnateur résident et humanitaire des Nations Unies relèvent ce qui suit :

La population totale touchée par le conflit au Darfour est estimée à 2 270 000 personnes, soit le tiers de la population avant le conflit, estimée à 6,3 millions. On estime à 1 650 000 personnes le nombre total des déplacés au Darfour, le nombre de résidents touchés par le conflit et secourus par les organismes humanitaires étant d‘environ 627 000. […] Les chiffres sont plus élevés au Darfour-Ouest où au total 833 036 personnes sont touchées, dont 652 509 déplacés, soit la moitié de la population avant le conflit, estimée à 1,6 million de personnes. Au Darfour-Sud, on dénombre 761 030 personnes touchées par le conflit, dont 595 594 déplacés. Au Darfour-Nord, où les chiffres sont les moins élevés des trois États du Darfour, on [en] dénombre environ 685 200, dont 403 000 déplacés. (Darfur Humanitarian Profile, 2004, 8)7.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies s‘est donc chargé de la question, conscient de l‘importance pour toute la communauté internationale de régler cette crise, puisqu‘elle représente une menace à la paix et à la sécurité internationales. C‘est pour cette raison que l‘ONU est d‘abord intervenue sous la pression politique de l‘Union européenne (UE) et des États-Unis, pour chercher à limiter les actes de violence et pour cheminer vers un accord de paix et de cessez-le-feu entre les parties rebelles et le gouvernement de Khartoum. Ainsi, le CDS a adopté une série de résolutions prévoyant plusieurs mesures, à savoir les sanctions économiques et l‘embargo. Cependant, dans le cadre de ce difficile processus de résolution du conflit, les mesures adoptées ont eu comme seul résultat de laisser se perpétuer les actes de violence. C‘est toujours dans le but d‘aboutir à une paix politique et d‘arrêter les violences que le Conseil a enfin décidé d‘instituer une Commission internationale d‘enquête et de coopérer avec la Cour pénale internationale. La Commission internationale d‘enquête a rédigé un rapport− plus connu sous le nom de « rapport Cassese » − qui, entre autres, fonde la saisine de la Cour pénale internationale sur la menace à la paix et à la sécurité internationales et où l‘on souligne l‘impératif pour la communauté internationale de lutter contre l‘impunité. De même, le rapport Cassese (S/2005/60) soutient que : « Pour améliorer la situation des droits de l‘homme au Darfour, il faut que revienne la paix et que cessent les exactions. Il s‘est malheureusement avéré que les institutions judiciaires soudanaises n‘avaient pas la capacité ou la volonté de rechercher et poursuivre les responsables des crimes contre l‘humanité commis au Darfour. Il est indispensable que les responsables de ces crimes soient traduits

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devant une juridiction pénale internationale compétente et crédible […]. » (Rapport de la Commission d‘enquête, S/2005/60, 182).

2.1 Question générale de recherche

Nous avons vu que la difficile résolution du conflit au Darfour a suscité le malaise de la communauté internationale, lequel malaise demeure dans le contexte des atroces violences auxquelles la population civile est encore soumise. En outre, nous avons souligné que le processus de paix au Darfour est caractérisé par l‘intervention de l‘ONU et de la Cour pénale internationale. Ces deux organisations indépendantes agissent conjointement dans le but d‘aboutir à une paix politique, et ce, en faisant usage pour la première fois de moyens juridiques qui s‘ajoutent aux traditionnels moyens politiques.De plus, la problématique de la justice au service de la paix, notamment sous l‘angle du cadre de la coopération complexe entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité de l‘ONU dans le cadre d‘un conflit en cours, a fait l‘objet de nombreux débats au sein de la communauté internationale. Cela nous conduit donc à approfondir l‘étude de ces débats dans la littérature la plus pertinente. Notre analyse visera donc à répondre à la question générale concernant les limites à l‘efficacité de la coopération entre la CPI et le CDS, entendue comme une mesure de prévention des violences et de résolution des conflits en cours.

2.2 Recension des écrits

Le sujet que nous nous proposons d‘étudier convoque de façon transversale de nombreuses disciplines. Dans cette section, nous proposons au lecteur des clés de compréhension pour mieux saisir le phénomène à l‘étude. À toutes fins pratiques, nous mettons ici en exergue la définition de l‘Organisation des Nations Unies et de la Cour pénale internationale et nous montrerons l‘état de la recherche concernant ces deux organisations.

2.2.1 La définition de l’Organisation des Nations Unies (ONU)

L‘Organisation des Nations Unies est une organisation internationale à vocation universelle et à compétence générale (Maury, 2004). Elle a été créée dans le contexte inhérent au

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lendemain de la Deuxième Guerre mondiale par les États vainqueurs dans l‘intention d‘éviter un autre conflit mondial et d‘établir une paix perpétuelle (Bertrand, 2004). L‘ambition de chercher à stabiliser la paix par la création d‘une institution mondiale existe depuis la fin du XIXe siècle et se concrétise lors de la convocation des Conférences de la paix de La Haye en

1899 et en 1907 (Bertrand, 2004, 11). La Société des Nations (SDN) est quant à elle créée par le traité de Versailles de 1919 à la suite de la Première Guerre mondiale, et ce, dans le but de conserver la paix et de créer un ordre international. La SDN remporte quelques succès qui font espérer la réussite de la sécurité collective au milieu des années 1920. Toutefois, de tels succès sont limités à des affaires mineures concernant les petits États et, à partir des années trente, la SDN expérimente des échecs permanents, surtout dans les affaires se rapportant aux grandes puissances. En effet, comme Jean-François Muracciole (2006) le souligne : « L‘échec de la SDN est d‘abord celui des États qui la composaient (ou qui refusaient d‘y siéger). L‘expérience des années 1930 montrait que la sécurité collective ne pouvait réussir, quels que soient les rouages de l‘institution internationale chargée de la faire respecter, que si les États en acceptaient le principe » (Muracciole, 2006, 15).

Cependant, la Société des Nations peut être considérée comme le précurseur de l‘Organisation des Nations Unies, le fruit d‘un processus entamé entre 1942 et 1945. Les premières bases des Nations Unies furent posées lors de l'élaboration de la Déclaration des Nations Unies, qui fut signée le 1er janvier 1942 à Washington DC. Mais c'est avec la Conférence de Dumbarton Oaks et la Conférence de San Francisco en 1945 que le système onusien fut défini. Le texte fondateur de l'ONU est la Charte des Nations Unies et elle fut signée à la fin de la Conférence de San Francisco. L‘ONU naquit officiellement le 24 octobre 1945 avec 51 États membres8, lors de la ratification par la majorité des pays signataires de la

Charte.

2.2.2 La Charte de L’ONU définit les buts et les principes de l’Organisation

La Charte est l‘acte constitutif de l‘Organisation des Nations Unies. Elle comporte 111 articles, regroupés en chapitres, auxquels s‘ajoute le Statut de la Cour internationale de Justice. Un préambule au ton déclamatoire ouvre la Charte, laquelle précise, dès le Chapitre I,

8 À la suite de la Conférence de San Francisco, la Charte des Nations Unies fut signée par les représentants des 50

États fondateurs le 26 juin 1945. La Pologne, qui n'avait pas été représentée à la Conférence de San Francisco, la signa plus tard, mais elle fait néanmoins partie des 51 États membres originels, parce que son gouvernement en exil avait précédemment signé la Déclaration des Nations Unies.

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les buts de l‘ONU, qui sont de « maintenir la paix et la sécurité internationales […] » (article 1, alinéa 1 de la Charte ONU); de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l‘égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d‘eux-mêmes […] » (article 2, alinéa 2 de la Charte ONU); de « réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d‘ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire […] » (article 1, alinéa 3 de la Charte ONU); « [d‘]être un centre verse lequel s‘harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes » (article 1, alinéa 4 de la Charte ONU). L'Organisation des Nations Unies a donc comme objectifs primordiaux de maintenir la paix et la sécurité internationales en plus que de promouvoir la liberté et le développement (Bernard et al., 1995). À cette fin l‘ONU doit « prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d‘écarter les menaces à la paix […], et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, […] le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix » (article 1, alinéa 1 de la Charte ONU). Pour illustrer l‘action des Nations Unies conformément à ces obligations, le département de l‘information de l‘ONU relève ce qui suit :

Au fil des ans, l‘ONU a contribué de façon non négligeable à désamorcer des crises internationales et à régler des conflits qui n‘avaient que trop duré. Elle a mené des opérations complexes, notamment en matière de rétablissement ou de maintien de la paix et d‘assistance humanitaire. Elle s‘est aussi employée à prévenir des conflits. Au lendemain d‘un conflit, elle tente de plus en plus de s‘attaquer aux causes profondes de la guerre et de jeter les fondements d‘une paix durable. (Département de l‘information de l‘ONU, 2010).9

2.2.3 Le CDS dans le cadre du système de l’ONU

L‘Organisation des Nations Unies se compose de quatre organes principaux, à savoir l‘Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social et la Cour internationale de Justice. Toutefois, dans notre travail nous nous pencherons surtout sur le rôle du Conseil de sécurité étant donnée sa participation au mécanisme de coopération avec la Cour pénale internationale.

9 Département de l‘information de l‘Organisation des Nations Unies, 2010 (en ligne) http://www.un.org/french/aboutun/uninbrief/peace.shtml (consulté le 17 juillet 2010).

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Le CDS, dont les décisions doivent être mises en œuvre par les membres de l'Organisation des Nations Unies, a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales10. À cet effet, cet organe dispose de pouvoirs spécifiques, définis notamment

aux Chapitres VI et VII de la Charte. Le Chapitre VII de la Charte traite de l'action du CDS face à une atteinte grave à la paix et à la sécurité internationales. Sur la base de ce chapitre, le Conseil de sécurité constate l'existence d'une situation de menace à la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression. Par ailleurs, selon l‘article 23 de la Charte, le CDS se compose de quinze membres de l‘ONU :

La République de Chine, la France, l'Union des républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et les États-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique équitable11. (Charte de l‘ONU, article 23,

alinéa 1)

Toute décision du Conseil de sécurité doit être promulguée par un texte voté selon un quorum précis. On nomme ces textes votés des résolutions. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix. De plus, les résolutions du Conseil de sécurité sont des décisions à portée obligatoire. En effet, l'article 25 de la Charte stipule, « Les Membres de l'Organisation [ONU] conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte.» (Charte de l‘ONU, article 25)

Il y a deux types de résolutions, à savoir celles portant sur des questions de procédure et les décisions sur toutes autres questions. Chacune a un quorum différent : « Les décisions [...] sur des questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres. » (Charte de l‘ONU, article 27, alinéa 2). « Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, étant entendu [qu'] une partie à un différend s'abstient de voter. » (Charte de l‘ONU, article 27, alinéa 3).

10 La Charte des Nations Unies, art. 24, alinéa 1.

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La différence entre le premier et le deuxième cas sur le « vote affirmatif [...] de tous les membres permanents » consiste en l‘existence d‘un droit de veto. Le droit de veto est le droit d'invalider un texte adopté. En français, on pourrait plus justement nommer cela « droit de blocage », puisque le mécanisme, passif, permet d'empêcher a priori l'adoption du texte. Cependant, le veto constitue aussi une source de problème puisque le vote affirmatif de tous les membres permanents empêche régulièrement l'adoption de résolutions répondant pourtant aux critères exposés dans les Chapitres VI et VII de la Charte (Sur, 2004). En effet, il peut s‘avérer qu'un ou plusieurs membres permanents désirent, pour des raisons diverses (Merle, 1995), que les questions posées ne soient pas réglées au niveau du Conseil de sécurité, notamment quand ces résolutions proposent des mécanismes coercitifs (embargos, blocus) ou des interventions directes de forces sous mandat de l'ONU (Ambrosetti et Cathelin, 2007). Les États ont ainsi fait usage du droit de veto12 surtout dans la première décennie après la

création de l'ONU et dans la décennie 1976-1985, soit 143 fois au total. Toutefois, seulement durant les années 1956-65, soit la première partie de la guerre froide, le CDS a été bloqué par 31 veto. Ensuite, dans les années 1996-2006 le veto fut utilisé 13 fois seulement. En effet, l'activité du Conseil de sécurité a notablement augmenté depuis la fin de la guerre froide (Malone, 2000). Le CDS s'était réuni 2 903 fois entre 1946 et 1989, soit moins d'une quinzaine de fois par an, adoptant 646 résolutions, alors que pour la seule décennie 1990-2000, il s‘est réuni 1 183 fois, soit environ 64 par an, adoptant 638 résolutions13. Dans le

cadre de notre recherche, il nous semble intéressant de souligner l‘aspect novateur de décisions du CDS relatives à un certain nombre de crises internes, c'est-à-dire la préoccupation pour la situation humanitaire des victimes civiles des conflits et pour les droits de l‘homme. En effet, selon l‘étude conduite par Malone, « [l]e Conseil des années 90 restera dans les mémoires en partie pour sa contribution à de profondes innovations dans le droit pénal international » (Malone, 2000, 412).

12 Parmi ces veto, un bon nombre (59) furent des refus d'admission de nouveaux membres, et ce, particulièrement

au cours des deux premières décennies (membres généralement admis ultérieurement) et surtout par l'URSS.

13 The UN Security Council and the Rule of Law. Final Report and Recommendations from the Austrian

Initiative, 2004-2008 [archive], 2008, p. 11 (en ligne)

http://www.bmeia.gv.at/fileadmin/user_upload/bmeia/media/Vertretungsbehoerden/OV_New_York/FINAL_Repo rt_-_The_UN_Security_Council_and_the_Rule_of_Law.pdf.

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2.2.4 Le concept de justice universelle à la base de la CPI : sa genèse et son

évolution

Il nous semble opportun de donner au lecteur un aperçu du concept de justice universelle et de son évolution, afin qu‘il puisse mieux saisir notre problématique de recherche. À cet égard, nous étudierons dans cette section la définition de la justice universelle, pour ensuite analyser brièvement son évolution, jusqu‘à la création de la Cour pénale internationale. Le principe d‘universalité, qui est à la base de la notion de justice universelle, permet en théorie aux tribunaux d‘un État d‘exercer leur juridiction sur des personnes et des faits en l‘absence de tout lien avec leur propre système juridique (O‘Keefe, 2004; Zappalà, 2007, 91). À cet égard, une intéressante étude menée par Marc Henzelin (Henzelin, 2000) définit le principe d‘universalité en droit pénal international. Cependant, le principe d‘universalité demeure ardu à définir, car il recouvre des faits et des logiques juridiques très différents14.

Nous avons dès lors renoncé dans notre étude à examiner en détail le principe de l‘universalité unilatérale et le principe de l‘universalité déléguée (Henzelin, 2000), pour concentrer notre analyse sur le principe de l‘universalité absolue.

Le principe de l‘universalité absolue s‘affirme au cours du XXe siècle alors que un certain

nombre d‘États profitent de la dynamique nouvelle créée par les tribunaux ad hoc mis sur pied par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour introduire des dispositions pénales en cas de violation du droit international matériel et pour réfléchir à l‘actualisation du principe de l‘universalité pour juger les infractions de droit international. En effet, l‘un des grands espoirs de la doctrine universaliste absolue était la création de la Cour pénale internationale. L‘affirmation du concept de justice universelle ou de justice pénale supranationale est considérée par de nombreux auteurs comme l‘un des grands événements politiques de la seconde partie du XXe siècle (Bourdon, 2003; Cottereau, 2002; Garapon, 1999; Gattini, 2004;

Ruiz Fabri, 2000). Cependant, force est de souligner que pour certains autres auteurs, le concept de justice absolue se révèle être « illusoire et nuisible » et bien distinct du concept de paix publique (Todorov, 2004, 714-715). Toutefois ces importantes réserves sont mitigées par la reconnaissance du fait que la justice est nécessaire à l‘humanité. Il doit s‘agir d‘une justice qui n‘est pas imposée. En ce sens, Torodov, dans son étude (Torodov, 2004) affirme que : « Dreaming of absolute justice is both illusory and injurious. Human existence is an ―imperfect garden‖, as Montagne once wrote, and we should not forget it: moralistic drifting

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can prove dangerous. However, a life without justice is less than human. We would do well to avoid the two extremes: there is no shame in choosing the middle ground » (Torodov, 2004, 715). L‘affirmation d‘une justice pénale universelle se fait donc de manière lente et hésitante (Bourdon, 2003, 189). En effet, l‘idée de constituer une juridiction universelle pour juger les crimes les plus graves à l‘encontre de l‘humanité, c‘est-à-dire ceux qui seront progressivement qualifiés comme crimes internationaux en droit international public ou crimes de nature universelle, est « une vieille lune » (Bourdon, 2000, 13). Le premier à en avoir évoqué la perspective, en 1872, est Gustave Moynier, l‘un des fondateurs de la Croix-Rouge. Une première tentative d‘établir une juridiction internationale va résulter de la constitution, en 1919, d‘une commission d‘enquête sur la responsabilité des auteurs des crimes commis au cours de la Première Guerre mondiale. Trois articles du Traité de Versailles du 28 juin 1919, soit les articles 227, 228, et 229, prévoyaient l‘instauration d‘une justice pénale internationale destinée à juger l‘ancien Kaiser d‘Allemagne, Guillaume II, pour « offense suprême contre la morale internationale et l‘autorité sacrée des traités ». Ce tribunal ne verra jamais le jour, les Pays-Bas ayant refusé de livrer Guillaume II qui avait trouvé refuge sur leur territoire. Toutefois, il est important de souligner que cette disposition affirmait l‘existence d‘une morale internationale, première allusion à l‘existence d‘une norme de nature universelle transcendant les frontières et les souverainetés (Bourdon, 2000; Gattini, 2004; Zappalà, 2007). Dès cette époque s‘amorce l‘ébauche d‘une codification de l‘un des trois crimes de nature universelle figurant dans le Statut de la Cour pénale internationale, soit les crimes de guerre (Levi et Hagan, 2008).

En 1920, la Société des Nations désigne un comité consultatif des juristes pour préparer un projet de Cour permanente de justice internationale. Ce comité d‘experts devait élaborer deux projets de convention, l‘un relatif à la prévention et à la répression du terrorisme, l‘autre relatif à la création d‘une Cour pénale internationale en vue de juger des individus auteurs de crimes de terrorisme. Les deux conventions issues de ces propositions furent signées le 16 novembre 1937, mais elles ne sont jamais entrées en vigueur, faute de ratification nécessaire. Les atrocités des exactions commises pendant la Deuxième Guerre mondiale ont ensuite amené les Nations Unies à établir la Commission des crimes de guerre des Nations Unies. Il s‘agit alors d‘un nouveau pas vers une justice internationale. Seuls les crimes de guerre étaient visés, puisque ce n‘est qu‘à partir de 1944 que s‘imposa la nécessité de conceptualiser une autre catégorie de crimes, soit les crimes contre l‘humanité. Avec l‘institution du

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Tribunal militaire international de Nuremberg (Accord de Londres du 8 août 1945)15 et du Tribunal militaire international pour l‘Extrême-Orient ou Tribunal de Tokyo (19 janvier 1946)16 pour juger les criminels nazis, les travaux de la Commission de droit international et

le développement des doctrines des droits de l‘homme, la doctrine de l‘universalité absolue défendue par certains pénalistes du siècle précédent allait naturellement trouver une nouvelle jeunesse.

Quelques auteurs se réfèrent ainsi à la seule qualité « internationale » de certaines infractions afin qu‘elles puissent être jugées selon le principe de l‘universalité. Selon cette doctrine, il suffit que des crimes soient reconnus comme étant des crimes de portée internationale, à savoir qu‘ils deviennent un sujet de préoccupation pour la communauté internationale, afin que tout État puisse poursuivre et juger leurs auteurs (Meron, 1995, 576; Reyadms, 1996, 23). Cette école de pensée fut notamment représentée dans l‘immédiat après-guerre par des auteurs comme Glaser, Pella ou Saldana. La doctrine de l‘universalité absolue a enfin trouvé une nouvelle justification avec le principe de jus cogens établi par l‘article 64 du Traité de Vienne sur le droit des Traités (23 mai 1969) combiné avec la notion d‘obligation erga omnes développée par la Cour internationale de Justice. En effet, selon Bassiouni, il y a un lien direct entre les crimes de droit international qui relèvent de jus cogens et leur répression universelle erga omnes. Pour Bassiouni et Wise, par exemple (en Heinzelin, 2000) : « Le fait de reconnaitre certains crimes internationaux comme relevant du jus cogens entraîne le devoir de poursuivre ou d‘extrader […] et l‘universalité de la compétence sur ces crimes, quel que soit le lieu où ils ont été commis. […] [L]e fait de reconnaitre un crime comme jus

cogens impose aux États une obligation erga omnes de ne pas accorder l‘impunité aux

auteurs de tels crimes » (Bassiouni, Wise en Henzelin, 2000, 402).

En 1947, l‘Assemblée générale des Nations Unies (ci-après désignée AGNU ou l‘Assemblée générale) amorce l‘élaboration d‘un « code de crimes contre la paix et la sécurité de l‘humanité ». De plus, en 1948, l‘Assemblée générale a invité la Commission de droit international (ci- après appelée CDI) à examiner l‘opportunité de créer un organe judiciaire pénal, soit « une chambre pénale de la Cour internationale de Justice » (Document officiel AGNU A/Rés. 260 (III) B). En effet, une juridiction internationale était prévue aussi à

15 La Charte de Londres du Tribunal militaire international fait l‘objet de l‘accord de Londres. Elle a été conçue

pour le Procès de Nuremberg.

16 Le 19 janvier 1946 la Charte du Tribunal militaire international pour l‘Extrême-Orient est promulguée par le

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l‘article VI de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide (10 décembre 1948). Toutefois, la guerre froide et les rapports de force existant au sein du Conseil de sécurité ont retardé le cheminement d‘un tel projet. En 1954, l‘Assemblée générale des Nations Unies décide de mettre à jour la question d‘une cour pénale internationale. Sa création sera liée au projet d‘un code des crimes contre la paix et la sécurité de l‘humanité et à la définition de l‘agression. Pendant vingt ans, ce projet restera lettre morte. En 1973, le projet refait surface à l‘occasion de l‘adoption, par l‘Assemblée générale, d‘une Convention sur l‘élimination et la répression du crime d‘apartheid prévoyant à l‘article V la possibilité de déférer les personnes accusées d‘un tel crime devant un tribunal pénal international. Les travaux de la Commission de droit international reprennent en 1980, mais c‘est seulement en 1994 qu‘elle approuvera un projet de statut et recommandera à l‘Assemblée générale la tenue d‘une conférence internationale pour conclure une convention relative à la création d‘une cour pénale internationale. En effet, l‘Assemblée décida, en 1995, de créer une commission préparatoire pour la rédaction d‘un texte de synthèse pour l‘adoption de la convention internationale. La forte accélération des travaux découle de la création par le Conseil de sécurité d‘un tribunal international ad hoc (Levi et Schoenfeld, 2008) pour juger les personnes responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l‘ex-Yougoslavie depuis 199117. En outre, à la

suite des massacres commis au Rwanda, le CDS créait un autre tribunal international ad hoc chargé de juger uniquement les personnes présumées responsables des actes de génocide ou d‘autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda18. Le contexte international, c‘est-à-dire la fin de la guerre froide et le nouveau

consensus politique au sein du CDS, de même que les violences contre les populations civiles constatées sur le territoire de l‘ex-Yougoslavie et au Rwanda permettront la constitution de ces deux tribunaux ad hoc ainsi que la reprise des travaux pour établir une juridiction internationale permanente (Zolo, 2004). Ainsi, de 1996 à 1998, six comités préparatoires se sont tenus à New York. Enfin, la Conférence internationale a pu s‘ouvrir le 15 juin 1998 à

17 Résolution 827 (1993) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 3217e séance, le 25 mai 1993. [sur la

création du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie]. S/RES/827 (1993).

18 Résolution 955 (1994) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 3453e séance, le 8 novembre 1994. [sur la

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Rome où, le 17 juillet suivant, les États adoptaient le Statut instituant la Cour pénale internationale, connu sous le nom de Statut de Rome19.

2.2.5 La définition de la Cour pénale internationale (CPI)

La Cour pénale internationale est la première cour pénale internationale permanente créée par traité dans le but de ne pas laisser impunis les auteurs des crimes les plus graves (core

crimes) qui touchent la communauté internationale, à savoir les crimes de guerre, les crimes

contre l‘humanité, le génocide et le crime d‘agression. L‘article 1 du Statut de Rome, qui régit les normes et le fonctionnement de la CPI, énonce ce qui suit : « Il est créé une Cour pénale internationale (« la Cour ») en tant qu‘institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l‘égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales. Sa compétence et son fonctionnement sont régis par les dispositions du présent Statut » (Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 1998, 2).

En outre, la CPI est une organisation internationale indépendante et, en ce sens, elle ne fait pas partie du système des Nations Unies, mais elle coopère avec l‘ONU. Selon l‘énoncé de l‘article 2 du Statut, la Cour est liée aux Nations Unies par le biais d‘un accord qui a d‘abord été approuvé par les États parties au Statut de Rome et ensuite par le président de la Cour20.

L‘institution de la CPI est le résultat d‘un long processus qui s‘est déroulé tout au cours du XXe siècle et ayant convoqué toute la communauté internationale (Zappalà, 2007). La

création de la Cour est aussi une étape importante dans la construction d‘un ordre international nouveau qui s‘impose de plus en plus aux États, limitant leur souveraineté, et aux individus, quand ils commettent de très graves crimes, même si, au moment de la commission de ces crimes, ils sont de hauts responsables d‘un État souverain (Ruiz-Fabri, 2000, 660-668). Comme il a déjà été souligné, les procès de Nuremberg et de Tokyo (Maupas, 2007) sont les premiers à juger les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre la paix et de crimes contre l'humanité commis pendant la Deuxième Guerre mondiale. Dans les

19 Le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale est consultable en ligne à l‘adresse suivante :

http://www.icc-cpi.int.

20 L‘accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l'Organisation des Nations Unies

Figure

Tableau  1  : Les spécificités de la  CPI par rapport aux juridictions antérieures  (TPI)
Tableau 2 : Les rouages de la Cour pénale internationale
Figure 1 : Schéma du mécanisme de coopération entre le CDS et la CPI
Figure 2 : Les zones d’influence géostratégique des États-Unis et de la Chine sur  le continent africain
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Références

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