• Aucun résultat trouvé

La présence d’acteurs étrangers dans les expérimentations françaises Lyon-Confluence, démonstrateur pour Toshiba

Choix politiques et stratégiques

4. Quid du ou des modèle(s) français ?

4.3. La présence d’acteurs étrangers dans les expérimentations françaises Lyon-Confluence, démonstrateur pour Toshiba

Les travaux de Raphaël Languillon-Aussel, Nicolas Leprêtre and Benoit Granier, qui développent des recherches sur les “Smart Cities” en Asie (Japon et Chine essentiellement) sont d’autant plus intéressants qu’ils donnent une perspective “vue de loin” de ce qui se passe en France. Il y a, au Japon, une réelle stratégie gouvernementale autour de la “Smart City” et qui repose sur la mise en place de groupes de recherche incluant des industriels japonais et des universitaires, avec pour mission de s’entendre sur les technologies-clés qu’il s’agit de favoriser. Le Gouvernement appuie par ailleurs des expérimentations locales et des investissements à l’étranger, notamment via le NEDO (New Energy and Industrial Technology Development Organization).

Raphaël Languillon et ses coauteurs rappellent que, pour le Japon, “ Le NEDO a (...) soutenu le développement de six démonstrateurs principaux, parallèles à l’établissement de nombreuses initiatives privées : Hawaii, Java en Indonésie, Los Alamos (Nouveau Mexique, USA), Manchester, Malaga, Lyon. Ces projets s’appuient sur les investissements lourds de compagnies japonaises : Toshiba, Mitsubishi Electric, Mitsubishi Motors”190.

Pour le Gouvernement japonais, cette politique d’internationalisation a pour objet à la fois d’exporter des savoir-faire technologiques japonais sur des marchés extérieurs, mais il s’agit aussi de prendre part à des expérimentations ambitieuses en cours dans d’autres pays pour réimporter au Japon les leçons de ces expérimentations. Dans cette perspective, c’est le Groupe Toshiba qui est le plus avancé avec une présence dans 35 projets répartis dans le monde. Toutefois, comme le notaient nos auteurs, tous ces sites ne se valent pas :

“Pour l’heure, Toshiba n’a pas encore développé de ville entièrement « smart ». L’entreprise teste dans des espaces pilotes des aspects partiels qui, mis bout-à-bout, explorent les différents aspects d’une hypothétique « smart city ». Deux projets sont particulièrement aboutis et importants : celui de Yokohama au Japon et celui de Lyon Confluence en France, dont la forme technologique est quasi-identique – un CEMS [Community Energy Management System] reliés à des bâtiments et des systèmes de transport nouvelle génération”191.

Pour Etienne Vignali, Chargé de mission Développement Durable à la Société Publique Locale Confluence, la collaboration avec Toshiba a permis en particulier à la collectivité française d’apprendre à travailler sur les données énergétiques à l’échelle du quartier : « On a commencé à travailler avec le Japon sur les données énergétiques et avec une mini plateforme de données à l’échelle du quartier [Confluence]. Ce fut très formateur sur plein d’aspects ». E. Vignali ajoute d’ailleurs que cet apprentissage a pu être remobilisé par la Métropole de Lyon et lui a permis d’évoluer avec d’autres villes européennes pour déposer puis remporter le projet européen « Smarter togheter ».

190 Raphaël Languillon-Aussel, Nicolas Leprêtre et Benoit Granier, « La stratégie de la « smart city » au Japon :

expérimentations nationales et circulations globales », EchoGéo, 36, 2016, p. 10.

128

IBM à Nice

La ville de Nice est celle qu’a choisi la firme I.B.M. en 2011 pour déployer ses solutions “Smart City” en France. Nice est d’ailleurs la seule ville française à faire partie du programme “Smarter Cities” d’I.B.M. et à pouvoir s'enorgueillir de figurer en bonne place dans quelques palmarès mondiaux de la “Smart City”. L’arrivée de la firme états-unienne a d’ailleurs permis le réel démarrage de la technopole Méridia.

Dès 2012, I.B.M. présente à la ville qui les adopte ses neuf recommandations pour devenir une “Smart city”. La mesure essentielle a été à cette époque l’installation d’un Centre d’Excellence (Centrex), qui se veut l’organe de gouvernance de la “Smart city”. Le Centrex rassemble élus, fonctionnaires et partenaires publics et privés et met en œuvre des projets innovants. Plusieurs projets concrets sont venus au fil du temps donner corps à cette “Smart city” :

Plusieurs autres projets sont venus enrichir cette collaboration exemplaire :

- un programme de Recherche & Développement de 3 ans entre I.B.M. et la Métropole Nice Côte d’Azur autour de la plateforme de données et d’hypervision urbaine qui permet à la métropole de créer son propre entrepôt de données, de développer ses nouveaux services et de diffuser des solutions numériques pour améliorer la gestion du territoire,

- le “Smart City Innovation Center” qui est la plateforme technologique du centre de Référence Territoire intelligent, prévention et gestion des risques et qui sera le socle pour la création d'une « Smart City Simulation » dont il est écrit qu’elle sera unique en France,

- le Smart Lab, qui est la plateforme collaborative de recherche du “Smart City Innovation Center”. Il s’agit d’un espace ouvert et collaboratif de 150 m² sous forme de Plateforme technique permettant l’interopérabilité et l’accessibilité des données numériques disponibles dans l’entrepôt de données de la Métropole Nice Côte d’Azur. Il s’agit d’un espace de travail partagé, pouvant accueillir une quinzaine d’ingénieurs,

- des formations innovantes en partenariat avec l’Université de Nice Sophia-Antipolis, - la création d’entreprises innovantes.

Au-delà de cette collaboration, Philippe Sajhau, vice-président Smarter Cities chez IBM précisait le rôle que l’entreprise avait acquis sur le marché des services urbains de la

métropole :

“ A Nice, nous avons contribué à mettre en place un système de ramassage des déchets avec des points de décharge équipés de capteurs qui remontent des informations sur le taux de remplissage du container, la température des déchets... Les services ont pu optimiser les tournées des camions qui vident les containers. Ils ont croisé ces données avec d'autres informations sur le trafic routier, le calendrier culturel des quartiers... Seize services ont travaillé ensemble sur ce projet, ce qui n'était jamais arrivé auparavant. Plusieurs centaines

129

de milliers d'euros sont économisés chaque année à travers ces interventions programmées au bon moment”192.

La langue anglaise (ou plutôt le “globish”) comme acteur discret mais puissant !

Evidemment, il ne s’agit pas un seul instant pour nous, dans le cadre de ce rapport, de défendre l’idée que le modèle français de la “ville intelligente” devrait se comporter comme un très fameux “village gaulois” : se fermer à toute influence extérieure, refuser tout échange. Mais il est difficile de prétendre défendre un modèle français qui serait dépouillé du véhicule linguistique qui contribue bien évidemment à lui donner de l’épaisseur… et ceci encore moins s’il s’agit de défendre l’idée que tout cela est ancré dans l’histoire, dans des processus qui s’inscrivent dans des généalogies complexes. Il ne s’agit pas de se prémunir contre toute influence, tout échange, mais de requalifier ces échanges.

Sur de nombreux projets, sous couvert d’innovation, de créativité, il est tout simplement question d’imiter, de répliquer ce qui vient d’un ailleurs d’autant plus fantasmatique qu’il se présente avec le langage de la modernité. Mais, en régime de concurrence, une réplique vaut rarement l’original…

Sans aucunement s’isoler du reste du monde, au travers de la promotion d’un modèle français, il s’agirait aussi de redonner du souffle à une imagination qui serait moins polarisée par ce qui se trame au sud de San Francisco.

Documents relatifs