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Les constituants des « villes intelligentes »

3. Une économie centrée sur l’innovation

4.2. Exemples français

Partenariats villes-Universités dans les villes intelligentes françaises

Plusieurs villes françaises ont associé des partenaires scientifiques locaux dans leurs démarches de « ville intelligente ». C’est le cas notamment à Nice, Grenoble, Rennes, Brest, Saint-Etienne, Montpellier, Plaine Commune… qui ont effectivement développé des projets de collaboration avec plusieurs équipes de recherche de leurs universités, tant pour la conception de nouveaux aménagements urbains, que pour mener une réflexion sur la ville intelligente, ses enjeux, ses modèles économiques, la mise en débat et en circulation des idées, des modèles économiques, voire pour endosser un rôle d’interprète des attentes sociales et dans l’intermédiation entre la collectivité, les acteurs économiques et les habitants.

En 2015 Nice a souhaité consolider sa politique de « ville intelligente » en inaugurant, en collaboration avec l'Université Nice Sophia-Antipolis et, en particulier l’Institut Méditerranéen du Risque de l’Environnement et du Développement Durable (IMREDD) le « Smart City Innovation Center » et ceci au cœur de la technopole urbaine Nice Méridia et de l'Eco-Valley : « Véritable plateforme collaborative unique en France, il est chargé de réunir dans un même lieu les acteurs de la recherche, de l’enseignement et des entreprises leaders de la ville intelligente. Il s'agit d'un show-room de 300 m², installé à l’IMREDD qui permet concrètement au monde de l’Université et de la recherche de travailler en synergie avec des industriels leaders en matière d’innovation et de ville intelligente (Veolia, IBM, m2ocity, Orange, etc.) »99.

Il s’agit d’une plateforme technologique qui sert de base à une « Smart City simulation » que le site de l’IMREDD présente comme unique en France et devant permettre « de matérialiser, à l'échelle industrielle, différents concepts et technologies clés pour les Domaines d'Activités Stratégiques

97 Idem, p. 469.

98 http://magazine.ouishare.net/fr/2016/11/la-fab-city-cest-bien-plus-quune-ville-remplie-de-fab-lab 99 http://www.webtimemedias.com/article/villes-intelligentes-nice-lance-son-smart-city-innovation-center-

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identifiés, véritable lieu d'expérimentation, de formation et de démonstration pour la SMART CITY du futur »100.

A Lyon, ce partenariat s’est formalisé autour des rencontres académiques métropolitaines qui sont organisées à raison d’un événement par trimestre. « On demande à deux chercheurs de présenter leurs recherches et à deux chefs de projets de la métropole de présenter des projets, et on tente à chaque fois de trouver des synergies, des financements européens (…), on est très à l’écoute des besoins en données de la part des chercheurs »101.

Une telle démarche est d’autant plus cohérente à Lyon que la métropole bénéficie de la présence d’une communauté scientifique particulièrement dynamique sur la recherche en études urbaines et par ailleurs rassemblée dans le cadre du Labex « Intelligences des Mondes Urbains »102.

L’exemple de Plaine Commune est un autre cas, fort différent, mais dans lequel l’agglomération a développé en partenariat avec l’université Paris 8 le centre de prospective numérique territoriale TerriNum pour travailler sur les enjeux et les démarches de la ville intelligente et faciliter le positionnement de la collectivité.

TerriNum (Centre de prospective numérique territorial - Créateur de liens numériques) a tout d’abord établi un état des lieux du numérique à l’échelle du territoire de Plaine Commune. Cet état des lieux a été réalisé à partir de nombreux entretiens auprès des acteurs locaux. En parallèle, TerriNum a mis en place une veille internationale sur les initiatives de « ville intelligente ». Le diagnostic territorial et la veille menée ont permis d’émettre des propositions qui tiennent compte des identités locales, des attentes exprimées et des stratégies de l’Etablissement Public Territorial Plaine Commune. TerriNum se présente, en définitive, comme un dispositif de veille et de médiation au profit de Plaine Commune dans le cadre de sa stratégie numérique et de développement durable.

Partenariat entre acteurs économiques et monde de la recherche ouvert aux sciences sociales

Le partenariat entre les équipes de recherche-appliquée travaillant en informatique, en robotique ou dans l’ensemble des sciences de l’ingénieur n’est pas ici en question. Il est important depuis très longtemps et l’interconnaissance entre mondes industriels et mondes scientifiques sur ces enjeux est déjà très avancée. Ce qui est plus rare, et pourtant selon nous très important compte tenu de l’évolution des enjeux, c’est la prise en compte, dans des partenariats ambitieux entre acteurs privés et monde de la recherche, du domaine des sciences sociales. Or, puisqu’il convient désormais de s’intéresser aux modes de vie, aux types de consommations, aux différentes stratégies que peuvent avoir les individus pour nouer des relations sociales, pour se mouvoir dans l’espace urbain… c’est bien du côté des sciences sociales qu’il s’agirait d’aller.

100 http://univ-cotedazur.fr/fr/idex-uca-jedi/centres-reference/plateformes/smart-city-innovation-center 101 Entretiens avec Nathalie Vernus-Prost, le 5 janvier 2018.

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C’est en particulier ce que savent particulièrement bien faire les grands laboratoires rattachés au MIT de Boston, c’est aussi un type de configurations que l’on retrouve aisément en Grande- Bretagne (à Oxford, au CASA de Michael Batty…). S’y mélangent à peu près toutes les disciplines qui ont à voir avec la ville, de la physique de l’atmosphère jusqu’au “design” des objets urbains, et ces laboratoires travaillent de façon très systématique et très étroite avec de grands acteurs industriels. Rien de tel n’existe dans le monde de la recherche en France même si des efforts bien réels commencent à exister autour par exemple des structures comme les Labex “Futur Urbain”103 de l’université Paris Est et “Intelligence des Mondes

Urbains”104 de l’université de Lyon. On peut également évoquer l’initiative plus modeste de

l’Institut De la Ville105, à Toulouse, qui réunit l’ensemble des scientifiques concernés par la

ville sur le site toulousain.

On peut aussi observer que si l’initiative ne vient pas du monde de la recherche, il peut venir de celui des acteurs économiques, à l’instar du Laboratoire Phosphore du Groupe Eiffage. Il y a dix ans, Eiffage a rassemblé dans ce laboratoire interne toutes les compétences du Groupe en matière d’urbanisme, de façon à repenser la ville à horizon 2030. Il s’agissait de repenser le modèle urbain sous la pression des contraintes en matière de climat, d’énergie, il fallait penser la rupture technologique, anticiper sur les défis… L’idée qui fut adoptée a été de travailler sur la ville avec une approche de type “Recherche & Développement” qui remettait l’homme au cœur de la réflexion.

“Depuis plus de six ans, des ingénieurs d'Eiffage issus de toutes les branches du Groupe, construction, travaux publics, pôle énergie, pôle métal et concessions, travaillent ainsi aux côtés d'experts de la ville, du climat et des sciences sociales, afin d’imaginer et de concevoir des solutions innovantes et durables à tous égards en matière de mobilité, d'habitat et d’aménagement des espaces”106.

Le principe et les avantages de l’interdisciplinarité sont en fait bien connus par les acteurs de la recherche, en particulier pour tout ce qui touche la ville, pensée comme objet complexe. Ce constat vaut également pour les prescripteurs de la recherche qui, dans la plupart des appels d’offres, incitent les chercheurs à établir des collaborations entre équipes de disciplines très diverses.

Si la réelle prise en compte de l’interdisciplinarité tarde encore, c’est toutefois davantage en raison des modalités encore très disciplinaires de l’évaluation de la recherche et du recrutement des chercheurs, sans compter que les chercheurs eux-mêmes, pour beaucoup d’entre eux, restent attachés à la défense d’un champ disciplinaire.

Une évolution possible est celle qui passerait par la participation d’équipes françaises de recherches de disciplines très diverses dans des projets de coopération internationale autour de démarches de type ville intelligente. Le partenariat avec la ou les collectivités locales, avec les acteurs économiques français et autres, et avec leurs homologues scientifiques étrangers, pourrait avoir un effet de stimulation tout à fait intéressant.

103 http://www.futurs-urbains.fr

104 http://imu.universite-lyon.fr/qui-sommes-nous/projet 105 http://www.institutdelaville.com

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Le partenariat « eAtlas francophone de l’Afrique de l’Ouest »

Le réseau eAtlas Francophone de l’Afrique de l’Ouest a été créé en 2006 à Dakar, entre des universitaires français (le Centre Interdisciplinaire d’Etudes Urbaines de l’Université de Toulouse) et leurs homologues sénégalais de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, de l’Ecole Nationale d’Economie Appliquée (ENEA), également à Dakar, et de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, auxquelles il faut rajouter l’ONG Enda Tiers Monde.

A l’époque le projet avait essentiellement été soutenu par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF). L’idée de départ était alors d’établir des partenariats entre équipes de recherche et acteurs publics territoriaux pour assurer le développement de « sociétés locales de l’information », autrement dit de faciliter l’appropriation raisonnée des technologies numériques dans les territoires.

En 2006, le projet a évolué dans le cadre d’un partenariat avec la Délégation à l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales (DAECT) du Ministère des Affaires étrangères. A l’occasion des Rencontres « régionales » organisées à Bamako cette année 2006, il s’agit désormais de s’appuyer résolument sur la coopération décentralisée française. A ce partenariat s’ajoute, côté français, l’association « Villes Internet ». Le fonctionnement est assez simple et robuste : les universitaires collaborent autour de projets de recherches, plusieurs thèses doctorales sont lancées et alimentées au sein du réseau, des étudiants de Masters toulousains comme des universités africaines suivent des stages en relation avec ces problématiques de recherche ; l’association « Villes Internet » valorise la coopération décentralisée sur les problématiques du numérique auprès de ses membres et travaille parfois à l’instruction de projets avec certains d’entre eux. Equipes de recherches et associations participent ensemble aux évaluations des projets déposés par les collectivités à l’appel d’offres de la DAECT…. Lors des Rencontres, censées se tenir tous les deux ou trois ans, il s’agissait de mettre en débat tous les travaux et tous les projets développés et de participer ainsi, à ce qu’il est possible d’appeler l’amorce d’une communauté épistémique. C’est ce modèle qui fut exploré à Bamako puis reproduit ensuite à deux reprises : lors des rencontres régionales de Cotonou, en 2011, puis lors des rencontres de Ouagadougou, en 2013.

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Cérémonie d’ouverture des 3èmes Rencontres à Cotonou, 2011 (de gauche à droite) : O. Sagna, Isabelle Edet, Eugène Azatassou, Biram Owens Ndiaye, Abdoulaye Salifou

Le caractère original de ce type de réseau tient au fait que soient traités sur le même plan travaux de recherche (pour autant que ces recherches soient plutôt orientées vers des applications sociales), des initiatives, expérimentations ou demandes émanant des collectivités locales françaises et/ou africaines, des analyses, de l’expertise voire de l’ingénierie, proposés par des ONG, des associations…

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Le principe de l’organisation des 5èmes Rencontres d’eAtlas francophone Afrique de l’Ouest,

prévues pour Dakar, est en réflexion depuis plusieurs années. Normalement prévu pour 2016, elles ont été différées jusqu’ici parce que le collectif qui a été à l’initiative de ce réseau est fortement investi dans la réflexion autour du présent rapport. Avant d’organiser les 5èmes

Rencontres à Dakar, ce collectif avait en effet besoin de participer à une réflexion sur les évolutions souhaitables de la Coopération Décentralisée et sur la place que pouvait y prendre la thématique numérique.

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