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CHAPITRE 5 Discussion

5.1 L’utilisation de l’outil IPROM comme support à l’élaboration d’un discours

5.1.2 Pour une investigation plus complexe du problème

L’utilisation de l’outil IPROM et la sélection des idées prometteuses parmi les conceptions initiales et les premières idées par rapport à un problème auraient incité les élèves à formuler des questionnements plus pointus en vue de faire avancer leur discours. Les nouvelles perspectives ne débutent généralement pas par une question, puisque les idées prometteuses qui ont permis leur création deviennent des contributions, sous forme de notes, à partir desquelles les élèves peuvent poursuivre leur travail. Les idées prometteuses et la création de nouvelles perspectives encouragent les élèves à faire des contributions plus pointues sur les sujets donnés. Ainsi, c’est un questionnement implicite qui se manifeste dans les nouvelles perspectives, par exemple, la nouvelle perspective sous le thème des « Châteaux » amène les élèves à apporter de nouvelles idées, mais aussi à raffiner les idées prometteuses qui ont mené à la création de ce thème, sans qu’une question de départ ne soit posée dans cette nouvelle perspective. La sélection des idées prometteuses et les questionnements plus pointus par rapport à un thème ont pu mener les élèves à élaborer davantage des questions complexes. De plus, ces questions complexes ont pu inciter les élèves à élaborer des contributions explicatives de plus haut niveau.

5.1.2.1 L’appropriation d’un questionnement collectif

Nous avons observé que, lors de l’activité avec l’utilisation de l’outil IPROM, les élèves des différentes classes ont posé davantage de questions, et celles-ci étaient des questions de types différents que lors de l’activité sans l’utilisation de l’outil IPROM. Nous suggérons que le fait de poser davantage de questions et de les diversifier manifeste une certaine appropriation du questionnement collectif lors des activités intégrant l’utilisation de l’outil IPROM. En effet, plusieurs études soutiennent que le questionnement est un aspect important du processus de coélaboration de connaissances (Burbules, 1993; Hmelo-Silver & Barrows, 2008; Laferrière & Lamon, 2010).

Ainsi, pendant l’activité sans l’utilisation de l’outil IPROM, les enseignantes A et B ont élaboré la question de départ à laquelle les élèves devaient répondre, davantage sous le

l’outil IPROM, ce sont les élèves qui ont posé le plus de questions (IRIF). Selon l’étude de Laferrière et Lamon (2010), le fait que la majorité des questions soient posées par les élèves est l’un des premiers indicateurs de changement dans la structure du discours en classe. Avec l’utilisation de l’outil IPROM, les élèves ont pris plus de place dans l’élaboration du discours collectif en posant des questions de différents types à leurs pairs. Ainsi, les « Questions requérant une réponse à développement long » et les « Questions d’ordre métacognitif » ont été les plus souvent posées par les élèves. Poser davantage de questions ou des questions plus complexes signifie, pour nous, qu’ils se sont davantage impliqués dans l’élaboration du discours collectif avec l’utilisation de l’outil IPROM. En effet, ils devaient lire attentivement les contributions des autres, ils avaient une intention de lecture différente. Des élèves ont affirmé, lors des entretiens, que l’outil IPROM leur permettait une lecture plus attentive des contributions de leurs pairs en vue de sélectionner des idées prometteuses, mais aussi de faire des contributions pertinentes au discours. Plusieurs élèves ont soutenu que les idées de leurs pairs les ont aidés à contribuer à leur tour au discours. Cette lecture plus attentive et engageante a pu les amener à se poser davantage de questions quant aux contributions de leurs pairs. L’élaboration de questions authentiques de la part des élèves peut signifier un premier pas en matière de coélaboration de connaissances. Les questions permettent aux idées de se raffiner et sont l’un des moteurs du processus d’amélioration de celles-ci.

5.1.2.2 Les questions des élèves se complexifient

Nous avons observé que les élèves, autant ceux des classes des enseignantes A et B que ceux des classes des enseignantes C et D, ont posé davantage de questions complexes, soit des questions qui demandaient des réponses complètes, mais qui pouvaient se différencier les unes des autres. Nous avons aussi observé la présence d’explications de plus haut niveau, ce qui a représenté 33 % des contributions explicatives formulées par les classes des enseignantes A et B et 35 % pour les classes des enseignantes C et D. Lorsque nous avons comparé ces explications aux explications formulées lors de l’activité sans l’utilisation de l’outil IPROM, nous avons constaté qu’elles étaient alors présentes dans 10 % des contributions des élèves des classes des enseignantes A et B et dans 1 % des contributions des élèves des enseignantes C et D. Sur le plan des questions posées, les

élèves des classes des enseignantes C et D ont diversifié et complexifié les types de questions posées lors du travail avec l’outil IPROM. Bien qu’on observe une baisse de la proportion des questions posées entre l’activité sans l’utilisation de l’outil IPROM (12 %) et l’activité avec l’utilisation de l’outil IPROM (4 %), on observe également un changement dans les proportions des types de questions posées. Ainsi, lors de l’utilisation de l’outil IPROM les élèves ont posé moins de « Questions requérant une réponse à développement court » (de 27 % à 12 % pour les classes des enseignantes C et D) et significativement plus de questions de types « Questions requérant une réponse à développement long » (de 9 % à 59 % pour les classes des enseignantes C et D)15. Il serait

ainsi survenu une complexification de la nature des questions posées lors de l’utilisation de l’outil IPROM. Selon Hmelo-Silver et Barrows (2008), les différents types de questions amènent différents types de raisonnements. Bâtissant sur ces auteurs et partant de nos propres résultats, nous suggérons que des questions complexes entrainent des explications elles-mêmes plus complexes alors que les élèves cherchent à répondre à de telles questions. Ainsi, la complexification des questions aurait entrainé des réponses, des idées et des explications qui se sont avérées elles aussi plus complexes lors de l’utilisation de l’outil IPROM. En appui, mentionnons que les élèves ont élaboré davantage d’« Inférences » et d’« Explications complexes » lors de l’activité avec l’utilisation de l’outil IPROM. Ainsi, l’utilisation de cet outil permettrait aux élèves de complexifier leur questionnement en se centrant davantage « le comment et le pourquoi » par l’utilisation des « Questions requérant une réponse à développement long » que sur le « quoi » qui amène plus souvent des réponses courtes et qui ne demande pas d’explication complexe. La complexification des questions posées jouerait un rôle important, comme l’ont aussi observé Hmelo-Silver et Barrows (2008) et Scardamalia (2002), dans l’élaboration d’un discours transformatif, c’est-à-dire un discours de classe au cours duquel la compréhension collective des élèves sur un sujet donné se transforme, se raffine, s’approfondit.

15 Les élèves des classes des enseignantes A et B n’ont pas fait de contribution contenant des questions lors

du premier projet sur les inventions, le nombre de questions posées a donc augmenté pour tous les types de questions lors du projet sur le Moyen Âge avec l’utilisation d’IPROM.

5.1.2.3 Les explications des élèves s’enrichissent

La perception des enseignantes qui indiquait que la compréhension des élèves s’était complexifiée lors de l’activité avec l’utilisation de l’outil IPROM s’est manifestée dans les contributions des élèves. En effet, les contributions au discours collectif contenant des explications de la part des élèves se sont complexifiées lors du travail avec l’outil IPROM. Les élèves des classes des enseignantes C et D ont introduit davantage d’« Inférences » et d’« Explications complètes » dans leur contribution au discours lors de l’activité comportant l’utilisation de l’outil IPROM alors qu’elles étaient presque absentes lors de l’activité sans l’utilisation de l’outil IPROM. Les élèves des classes A et B ont eux aussi atteint des niveaux plus complexes d’explication et ils ont même rédigé davantage de « Synthèses » lors de l’utilisation de l’outil IPROM. La diversification et, par le fait même, l’augmentation des proportions de niveaux complexes d’explication nous amènent à penser que l’utilisation de l’outil IPROM peut avoir joué un rôle quant à l’amélioration des idées. Ainsi, les « Opinions » et les « Faits » présents, autant lors des activités qui n’introduisaient pas l’utilisation de l’outil IPROM et dans celles où les élèves ont utilisé pour la première fois l’outil, sont semblables. Cependant, lors de l’utilisation de l’outil IPROM les « Faits » et les « Opinions » semblent avoir été améliorés et avoir servi à l’élaboration d’« Inférences », d’« Explications complètes » et de « Synthèses », ce qui n’avait pas été le cas pour les activités sans l’utilisation de l’outil IPROM. La complexification des questions posées a pu encourager l’élaboration de contributions ayant des niveaux d’explication complexe. De plus, la lecture plus attentive des contributions de leurs pairs a pu permettre aux élèves de complexifier leurs propres contributions. En effet, plusieurs élèves ont affirmé lors des entretiens que la lecture des contributions des autres élèves les a inspirés dans leurs contributions au discours. Cette lecture a donc pu les amener à formuler des explications de plus haut niveau en s’appuyant sur les contributions de leurs pairs et les idées prometteuses qu’elles contenaient.