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CHAPITRE 3 Méthodologie

3.3 Les outils d’analyses

3.3.1 Le discours collectif et ses artéfacts

Comme nous considérons que les deux prémisses à la coélaboration de connaissances sont les questions posées et les idées des élèves (Scardamalia, 2002), nous avons orienté l’analyse du discours écrit selon les questions et la nature des idées des élèves dans le discours sur le KF afin de décrire le processus d’amélioration des idées soutenu par l’outil IPROM. Ainsi, la présente étude se concentre sur les contributions des élèves et des enseignants sur le KF qui contiennent des questions et des idées (opinions, faits, inférences explications complètes, synthèses et contenu métacognitif), nous avons exclu les commentaires ayant un contenu affectif (encouragements, félicitations, etc.).

Les contributions constituent l’unité de sens de l’analyse du discours écrit dans le KF. Ces unités se distinguent sur le plan physiconumérique (Krippendorff, 2004) au sens ou les élèves créent les contributions sous forme de notes dans le forum. Il en est de même pour les idées prometteuses, extraites des contributions, qui sont également distinctes sur le plan physiconumérique et qui ont fait l’objet d’une sélection de la part des élèves. Ce sont des unités d’analyse qui peuvent aisément être distinguées et catégorisées (Krippendorff, 2004). Ces notes sont souvent courtes et renferment habituellement une seule idée lorsque nous travaillons avec des élèves du primaire (Hamel, 2007), par exemple dans le cas qui nous occupe nous retrouvons une moyenne de 28 de mots par notes. De plus, si la division de la contribution en fonction des phrases réduirait l’essence de la contribution en un ensemble d’opinions, de faits, d’inférences ou d’explications trop distinctes les unes des autres. Cela ne tiendrait pas compte des synthèses, qui sont par le fait même des ensembles d’explications, inférences, faits ou opinions présents dans le discours.

Après avoir extrait les contributions du KF, nous les avons analysées à l’aide du logiciel d’analyse qualitative (TAMS Analyzer). Nous avons tenu en compte des caractéristiques suivantes pour coder l’ensemble des contributions :

• l’auteur de la contribution (enseignant ou élève),

• Pour une contribution avec question : le type de question posée (questions d’ordre métacognitif, questions requérant une réponse à développement long ou questions requérant une réponse à développement court) (Hmelo-Silver & Barrows, 2008) • Pour une contribution contenant des idées : La nature des idées des élèves

(opinions, faits, inférences, explications complètes, synthèses, contenu métacognitif) (adapté de Lee, Chan, & Van Aalst, 2006; Hakkarainen, 2003; Laferrière & Lamon, 2010)

Afin de mieux distinguer l’apport potentiel de l’outil IPROM, nous avons également analysé deux activités réalisées dans le KF par les mêmes classes, dans lesquelles l’outil IPROM n’a pas été utilisé. Nous avons par la suite comparé les résultats obtenus en fonction des mêmes codages effectués pour les contributions.

3.3.1.1 Nature des questions

La nature des questions posées dans le processus de coélaboration de connaissances est un des déterminants de l’avancement du discours collectif (Hmelo-Silver & Barrows, 2008). Nous avons déjà abordé l’importance du questionnement dans le processus d’amélioration des idées et de coélaboration de connaissances (Hmelo-Silver & Barrows, 2008 ; Scardamalia & Bereiter, 2002 ; Scardamalia, 2003). Nous pourrions résumer en disant que les questions complexes font progresser le discours en suscitant des contributions diversifiées.

Tableau 3

Les questions posées selon la grille de Hmelo-Silver et Barrows (2008)

Catégories Description Exemples

Questions requérant une réponse à développement court

Questions de choix de réponses, oui ou non, quantitative et qualitative. (Est-ce que, quoi, où, qui, quand)

Est-ce que les enfants portaient des armures en bois?

Questions requérant une réponse à développement long

Questions de descriptions, exemples, cause, effet, jugement, explication

Nous commençons un projet sur le thème du Moyen Âge. Avant de commencer, nous aimerions savoir ce que tu sais de cette époque.

Questions d'ordre

métacognitif Demande de clarification, orientation de l'investigation, concernant le processus, les sources utilisées, etc.

Il faudrait vérifier si les chevaliers se faisaient vraiment donner leur cheval. Dans un texte informatif, il faut utiliser des informations réelles.

3.3.1.1.1 Répartition des questions des élèves dans le discours (IRIF)

La structure traditionnelle de la prise de parole en classe débute généralement par une question de l’enseignant (I), à laquelle un élève répond (R) et l’enseignant évalue cette réponse (E). Nous avons déjà abordé le fait que des études se sont déjà penchées sur les changements dans le discours de la classe à l’aide du KF (Laferrière & Lamon, 2010). Afin de voir si la structure du discours de la classe change dans la présente étude, nous avons analysé les séquences IRIF en considérant les auteurs (enseignant ou élèves) des questions posées dans les notes initiales ainsi que dans les autres notes de l’enfilade, et le niveau d’enfilade où elles apparaissent. Ainsi, le premier niveau d’enfilade est considéré comme étant la question initiative de l’investigation (I), le deuxième niveau d’enfilade est la réponse à la question (R), qui peut être également une question, et le troisième niveau d’enfilade et les suivants sont considérés comme étant des contributions qui poussent plus loin l’investigation (investigation future, IF).

3.3.1.2 La nature des idées des élèves

La nature des idées des élèves, adaptée des niveaux de complexité de l’explication (Lee, Chan, & Van Aalst, 2006; Hakkarainen, 2003; Laferrière & Lamon, 2010), est reconnue comme un des indicateurs du processus de coélaboration de connaissances au sens où différentes idées sont présentes dans un discours collectif. La présence d’idées de plus en plus complètes ou approfondies met en lumière le processus d’amélioration des idées des élèves. À la grille de Laferrière et Lamon (2010), nous avons ajouté une catégorie qui concerne les contributions et les annotations qui ont un contenu métacognitif, c’est-à-dire à des affirmations portant sur la tâche (Hmelo-Silver & Barrows, 2008).

Tableau 4

Grille sur la nature des idées adaptée des niveaux de complexité de l’explication de Lee, Chan, et Van Aalst (2006), Hakkarainen (2003), Laferrière et Lamon (2010)

Niveau Description Exemple 1 Exemple 2

Opinions Donne son avis sans fait, preuve ou élaboration. Dresse une liste d'énoncés (énumération)

Cotte en maille et armure en acier. Ma balle sera la meilleure

Faits Organise très brièvement les faits (descriptifs) sans lien trop profond avec la question). Le copier-coller peut être utilisé.

Comme vassaux il y a : les commerçants, les paysans, les artisans et les vavasseurs. Comme nobles et roi il y a : : : le seigneur, le suzerain vassaux, le souverain et le roi est un suzerain. Où je les ai pris mes informations:

curiosphere.ca,histoiredefrancealecole.e-mo...et wikimini

Je pensais que ma balle roulait mieux, mais à la fin de la roulade elle a changé de trajectoire.

Inférences Fait des liens entre deux faits ou encore des inférences supportées par des faits. Explique

partiellement (explication limitée ou construction partiellement articulée). Au-delà de la simple description ou de l'information. Possible réponse pertinente à la question posée.

Je pense que les rois et les reines dirigeaient tout le village (je crois qu'il n'y avait pas de maire comme aujourd'hui, c’était plutôt le roi et la reine qui décidaient tout)

Moi ma balle est pourtant faite de caoutchouc, mais elle ne rebondit pas

Explications complètes Fait des affirmations étayées par des explications, des preuves ou/et des exemples pertinents. Construction claire, articulée, basée sur une explication intuitive ou qui introduit une explication scientifique. Des connecteurs sont utilisés pour mettre en évidence les liens de cause, effet, etc.

Ce que je pense c'est que les châteaux étaient faits en bois, mais à cause de la guerre ils ont décidé de les faire en pierres pour que les châteaux de combat ne se fassent plus détruire. Aussi ils se déplaçaient à dos d'ânes et beaucoup à pied.

Je crois que la meilleure balle devrait être fabriquée en caoutchouc parce qu'elle rebondirait plus haut et roulerait plus vite, d'après l'expérience du 15 février 2012

Synthèses Met en évidence les concepts principaux et fait ressortir d'autres aspects de la discussion. Fait la synthèse des opinions et faits mentionnés (Élever le propos)

Dans le Moyen Âge, chacun avait sa place : : les rois et les nobles en premier et les paysans qui travaillaient pour la terre et les vassaux tout en bas. La plupart des nobles sont des chevaliers. Toutes les terres appartiennent au roi sauf l'église, mais il contrôle tout quand même. Tous les paysans travaillent sur les terres d'un chevalier et devaient lui payer un loyer. Ils payaient soit en ressources naturelles (récoltes) ou en argent s'ils en avaient. Ils lui devaient aussi fidélité. En retour, les chevaliers s'engageaient à les protéger lors d'une attaque ennemie. Ce n'était pas tous les chevaliers qui en possédaient, car il n'y en avait pas assez. Il était interdit aux paysans de quitter la terre d'un chevalier et d'aller travailler pour un autre chevalier. Les chevaliers avaient aussi le pouvoir d'annuler un mariage si le paysan travaille pour un chevalier qui ne l'approuve pas!

Nous croyons que les balles pleines, qui ont quelque chose à l'intérieur, rebondissent plus que les balles vides.

Propos d’ordre

3.3.1.3 Les types d’idées sélectionnées et les façons de contribuer au discours

Nous avons construit une grille d’analyse en nous inspirant des travaux de Chuy et al. (2010) et Chen et al. (2011; 2012 b) pour comprendre quelles sont les façons de contribuer au discours qui sont le plus souvent associées à des idées prometteuses par les élèves. Nous distinguons les « Faits », les « Théories » et les « Questions ». Selon Chuy et al. (2010), les « Faits » représentent les preuves, affirmations et faits provenant de l’expérience des élèves ou encore de sources d’autorité. Les « Théories » sont les idées des élèves qui sont amenées dans le discours afin de mieux comprendre un phénomène (Chuy et al., 2010). Nous avons adapté la grille de Chuy et al. (2010) qui comptait plusieurs catégories et sous-catégories en nous basant sur la grille utilisée par Chen et al. (2012b) contenant les trois principales catégories (Théories, Faits, Questions) auxquelles nous avons ajouté des sous-catégories permettant d’aller plus en profondeur quant à la façon de contribuer au discours. Nous avons aussi ajouté les différents types (questions requérant une réponse à développement court, questions requérant une réponse à développement long et questions d’ordre métacognitif) proposés par Hmelo-Silver et Barrows (2008). Puisque nous nous intéressons au jugement prometteur et qu’il se concentre sur les idées qui ont le potentiel de faire avancer le discours collectif, il importe de voir quelles sont les façons de contribuer au discours collectif sélectionnées comme étant des idées prometteuses.

Tableau 5

Les différentes façons de contribuer au discours inspiré de Chuy et al. (2010), Chen et al. (2011; 2012 b)

Types d’idées Façons de contribuer au discours Faits Apporte un nouveau fait

Répète un fait

Remet en question un fait Supporte un fait

Théories Apporte une nouvelle théorie Supporte une théorie

Remet en question une théorie

Synthétise des théories présentes dans le discours Questions Développement court

3.3.1.4 L’accord interjuge et la fiabilité de l’analyse de contenu

Les deux temps de la collecte de données ont généré au total 959 contributions, incluant 656 notes et 303 annotations réparties dans deux perspectives principales et 15 sous- perspectives. Les élèves ont sélectionné 118 idées prometteuses différentes (727 sélections au total). Nous avons analysé l’ensemble de ces contributions ainsi que les idées prometteuses qu’elles contenaient. Deux analystes différents ont utilisé les grilles présentées ci-dessus pour le codage des contributions des élèves (niveaux de questionnement et nature des idées des élèves) et des idées prometteuses sélectionnées (types des idées sélectionnées en fonction des façons de contribuer au discours). Afin de mesurer de la compréhension mutuelle des catégories pour une même unité de sens, nous avons utilisé le coefficient d’accord interjuge alpha de Krippendorff13 (2004) sur 37 % des

données concernant les contributions des élèves et 16 % des idées prometteuses sélectionnées. Pour ce qui est des contributions sur le KF (contributions contenant des idées et de nouvelles questions posées), l’accord entre les analystes est α = 0,8880, celui de l’analyse des idées prometteuses est de α = 0,8455. Nous pouvons donc constater que les analystes ont un niveau d’accord plus élevé que la norme minimale qui est de 0,80 dans l’utilisation des grilles d’analyses servant à cette étude.