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CHAPITRE 5 Discussion

5.1 L’utilisation de l’outil IPROM comme support à l’élaboration d’un discours

5.1.1 Pour l’orientation du discours collectif

Il ressort de nos données que l’outil IPROM aurait incité les élèves à sélectionner des idées perçues comme étant prometteuses dans leur discours collectif. Deux formes de cet effet ont été mises au jour : le repérage des idées prometteuses et la création de nouveaux espaces de travail.

5.1.1.1 Le repérage des idées prometteuses

Les enseignantes ont perçu l’outil comme étant efficace quant au repérage des idées prometteuses par les élèves. Ainsi, les élèves ont été en mesure de sélectionner différentes idées dans les contributions de leurs pairs. Certains élèves ont choisi des idées dans le but de faire avancer le discours collectif selon leurs intérêts personnels, d’autres en mettant en lumière des idées intéressantes pour eux et pour le groupe, d’autres encore se sont concentrés sur ce qu’ils croyaient être important dans les contributions de leurs pairs. Des élèves auraient exercé leur jugement en prenant position devant les idées de leurs pairs afin d’y sélectionner des idées prometteuses. De plus, dans 60 % des cas, les élèves ont sélectionné des « Théories » comme étant des idées prometteuses. Cependant, une proportion élevée des idées sélectionnées était de l’ordre des « Faits », ce qui représente 37 % des idées prometteuses sélectionnées. Les questions représentent peu d’idées prometteuses sélectionnées par les élèves (3 %), ce qui pourrait nous indiquer que les

questions de départ ou encore les questions posées durant le discours collectif ne sont pas en soi perçues par les élèves comme étant des idées intéressantes qui peuvent amener plus loin. Selon l’étude de Chen et al. (2012 b), qui portait sur l’utilisation de l’outil IPROM chez des élèves du 2e cycle et du 3e cycle du primaire en milieu anglophone favorisé14, les élèves ont également considéré davantage les « Théories » (63,9 %) comme étant des idées prometteuses. Ils ont également observé qu’une proportion non négligeable des idées prometteuses était des « Faits » (22, 9 %). Nous sommes peut-être ici en présence d’un

pattern, à savoir que les faits étant si présents dans le discours et le travail scolaire, les

élèves baseraient leur sélection des idées prometteuses sur la vraisemblance des informations et des faits apportés dans les contributions de leurs pairs. Cependant, contrairement à la démarche scientifique en sciences et en sciences humaines, les faits, soutenus par une source d’autorité, sont moins susceptibles d’amener quelque chose de nouveau dans le discours ou d’être perçus comme pouvant amener le discours plus loin et peuvent le faire stagner au sens où, lorsque le fait reconnu est dit, l’améliorer devient difficile. Par exemple, « Dans le Moyen Âge, il y avait des petits villages dotés de plein de maisons, de fermes, et généralement d'un château. Les châteaux appartenaient aux nobles comme les rois et reines ». Un tel énoncé a tendance à être perçu comme une « vérité », comme la « bonne » réponse qu’on ne peut négocier. Or, si les élèves ont sélectionné des « Faits » comme ayant un potentiel prometteur c’est qu’ils considéraient que ledit fait pouvait aider à répondre au problème posé ou à accomplir la tâche. Ils se situeraient encore dans le « belief mode » en se concentrant sur des savoirs reconnus afin de répondre au problème posé.

5.1.1.2 Le choix de nouvelles perspectives visant l’amélioration des idées

Les enseignantes ont utilisé l’outil IPROM et sa liste hiérarchisée des idées prometteuses afin de réorienter, lors de discussions avec les élèves, le discours collectif par la création de nouvelles perspectives, c’est-à-dire l’ouverture de nouveaux espaces de travail collaboratif sur le KF en lien avec les thèmes identifiés par les enseignantes et les élèves afin de

14 Les classes impliquées dans la présente étude ne se situent pas dans des milieux socioéconomiques très

favorisés. En effet, d’après le Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (2012), l’école des enseignantes A et C a un indice de défavorisation de 1. Les écoles des enseignantes C et D ont des indices plus élevés avec des taux respectif de 3 et 5.

poursuivre le travail. L’outil IPROM a permis de mettre en lumière les idées qui avaient été le plus souvent sélectionnées, et jugées comme étant prometteuses. Les enseignantes se sont inspirées de ces idées, considérées prometteuses par les élèves, afin de créer de nouvelles sous-perspectives, autant pour l’activité sur le Moyen Âge (voir Figure 25) que pour celle sur les balles et les rampes, en partant des idées les plus souvent sélectionnées par leurs élèves. L’ouverture de ces nouvelles perspectives a permis de pousser le travail en lien avec le questionnement initial en pointant sur des idées que les élèves souhaitaient faire avancer. C’est dire que les idées prometteuses sélectionnées pour l’activité du Moyen Âge auraient mené les élèves vers une investigation plus approfondie de certains thèmes qui leur apparaissaient essentiels afin de mieux connaître la vie de cette époque. Pour l’activité sur les balles et les rampes, l’utilisation de l’outil IPROM a permis aux élèves de développer de nouvelles perspectives portant sur certaines caractéristiques qu’ils considéraient importantes pour la construction de leur balle. Ces thèmes et caractéristiques n’auraient donc pas été mis de l’avant par les enseignantes, mais bien par les élèves avec le support de l’outil IPROM. Cette plus grande participation à l’orientation du discours collectif, par rapport aux activités sans l’utilisation de l’outil IPROM, peut être associée à la notion d’étayage (voir Bruner, 1987; Pea, 2004) ou encore à la notion d’affordance (Allaire, 2005, 2010).

De plus, le choix de nouvelles perspectives à partir des idées prometteuses sélectionnées, qu’elles soient des faits ou des théories, aurait incité les élèves à améliorer certaines de ces idées. En effet, un travail plus approfondi s’est poursuivi sur celles-ci dans les sous- perspectives créées partant des idées mises en évidence au moyen de l’outil IPROM. Le fait de se centrer sur certaines idées, devenues des thèmes, par exemple « Les Châteaux » pour l’activité sur le Moyen Âge et « Matériel » pour l’activité sur les balles et les rampes, aurait permis aux élèves d’améliorer les idées déjà présentes dans la première perspective en apportant de nouvelles idées ou des faits nouveaux sur ce thème, ce qui a eu pour effet d’enrichir la discussion des élèves.

5.1.1.3. L’usage de l’outil IPROM à des fins individuelles et collectives?

Les élèves ont d’abord perçu l’outil IPROM comme support à leur activité individuelle, au sens où les élèves choisissaient des idées d’abord pour leur propre compréhension, plutôt que pour faire avancer le discours collectif. Ainsi, plusieurs définissaient les idées prometteuses comme des mots clés ou des informations importantes, lesquelles leur apportaient de l’aide individuelle. Pourtant, certains élèves décrivaient les idées prometteuses comme des idées au service du collectif, qui pouvaient orienter leur travail et qui pouvaient également éviter la répétition d’idées dans le discours. Ils décrivaient aussi les idées prometteuses comme au service du collectif et les voyaient comme des idées intéressantes et des idées leur permettant d’aller plus loin. C’est dire que les élèves avaient des compréhensions différenciées du concept d’idée prometteuse qui n’allaient pas nécessairement de pair avec les usages faits de l’outil, par exemple, les élèves qui ont décrit les idées prometteuses davantage comme des informations importantes ont surtout sélectionné des « Faits ». Pourtant, certains qui décrivaient les idées prometteuses comme des idées intéressantes ont également sélectionné des « Faits ». De plus, on remarque que la plupart des élèves voient l’outil IPROM comme un outil de lecture et d’écriture individuel, dans le but de faire avancer leur propre compréhension, ce qui a pu influencer l’avancement du discours collectif, mais d’abord centré sur leurs tâches individuelles. Il y a donc un décalage entre la conception que les élèves ont d’une idée prometteuse et l’usage qu’ils en font réellement dans leur apprentissage.

Dans les deux activités vécues avec l’utilisation de l’outil IPROM, les élèves devaient élaborer un discours collectif, par contre, celui-ci était orienté sur une tâche à accomplir de façon individuelle, soit la rédaction d’un texte informatif sur le Moyen Âge et la construction individuelle de la « meilleure » balle. Les tâches à accomplir en fin d’activité ayant une nature individuelle, cela a pu contribuer à faire en sorte que les élèves aient utilisé l’outil IPROM dans le but de s’aider à accomplir la tâche plutôt qu’à faire avancer l’état de leurs connaissances collectives. Les travaux de recherche en apprentissage coopératif ou collaboratif (Brown & Campione 1991; 1994; Brown, 1994; Scardamalia, 2002; Scardamalia & Bereiter, 2003) mettent en évidence l’importance d’un produit collectif.