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CHAPITRE 2 Cadre conceptuel

2.1 L’environnement d’apprentissage

2.1.1 La communauté d'apprentissage et d'élaboration de connaissances

2.1.1.1 La communauté d'apprenants

La communauté d'apprenants (Community of learners, Brown & Campione, 1990, 1994) est un concept étroitement lié à l’apprentissage contextualisé et en profondeur, qui permet à l’élève de tenir le rôle de petit « chercheur » au sein d’une communauté « scientifique » qu’est la classe (Brown, 1994). Ann Brown, chercheure en éducation, a développé le concept de communauté d’apprenants lorsqu’elle a constaté que les élèves avaient de la difficulté à identifier des stratégies leur permettant d’apprendre de façon efficace. C’est ainsi qu’elle commença une série d’études sur l’enseignement réciproque (Reciprocal

teaching, Palinscar & Brown, 1984) dans le cadre d’une analyse portant sur la

compréhension de textes. L’enseignement réciproque est au centre du concept de communauté d’apprenants, car celui-ci s’appuie sur les interactions des élèves et leur participation à la communauté pour l’acquisition et la mise à l’épreuve de nouvelles stratégies d’apprentissages plus adaptées. L’enseignement réciproque a été développé au départ comme étant une méthode pour guider un groupe de lecture en classe. Les séminaires permettaient à tous de discuter à propos des textes lus et ainsi négocier les différentes compréhensions des participants. Les élèves ayant diverses habiletés de raisonnements et de lectures partagent leurs compréhensions, mais aussi leurs difficultés. Ainsi, l’élève « enseignant » serait plus près6 de la réalité de ses pairs et est donc plus à même de comprendre leurs problèmes (Lai & Law, 2006). Ces difficultés représentent les zones proximales de développement (Zones of proximal development, Vygotsky, 1978). Une telle zone représente la distance entre le niveau de développement actuel de l'enfant et

6 De plus, selon Piaget (1928, cité dans Lai & Law, 2006), le statut inégal de l’enseignant adulte versus

le niveau de développement qu’il peut atteindre en étant assisté par l'adulte ou par un pair. Si l’on intervient en dehors de cette zone, il n'y a pas d'apprentissage ou de consolidation des acquis : la zone proximale de développement (ZPD) se situe entre la zone du non appris et celle du déjà-appris. (Vygotsky, 1978).

Le concept d’étayage (Scaffolding, Wood, Bruner, & Ross, 1976) fait explicitement référence au concept de zone de développement proximal en introduisant un individu plus expérimenté dans le processus afin de faciliter la résolution de problème. Traditionnellement, l’individu le plus expérimenté dans la classe était l’enseignant. Cependant, l’étayage n’est pas réservé à l’interaction entre un enseignant et un élève, mais peut également s’appliquer lors d’interaction entre les élèves (Lai & Law, 2006). L’étayage est en fait l’interaction d’un enseignant ou d’un pair ayant une plus grande expérience, avec un pair « moins » expert afin que ce dernier progresse (Mugny & Doise, 1978, p.182).

Les élèves progressant dans une classe communauté d’apprenants et amorçant un processus de coélaboration de connaissances négocient et partagent afin de faire avancer leurs connaissances collectives sur un sujet. Pour Piaget (1928), l’interaction entre pairs qui amène différentes idées et perspectives sur un sujet peut créer un conflit cognitif susceptible d’entraîner la construction d’une nouvelle structure conceptuelle, un apprentissage. Dans une classe communauté d’apprenants, la contribution de l’enseignant au discours collectif peut donc être transformée puisque l’enseignant n’est plus considéré comme le seul « expert » de la classe, mais devient plutôt le membre le plus « expert » dont les rétroactions, commentaires et modélisations orientent les apprenants lorsque ceux-ci se retrouvent dans la ZPD de l’apprenant. L’étayage de l’enseignant est déterminant dans l’avancement des connaissances des élèves et est au cœur de la négociation de sens dans le discours collectif de la classe. De surcroît, selon Brown (1994), la négociation de sens qui a lieu entre les participants d’une communauté d’apprenants afin de discuter de leur conception d’un problème, concept, etc. favorise l’apprentissage de l’ensemble de la communauté.

Group cooperation, where everyone is trying to arrive at consensus concerning meaning, relevance, and importance, helps ensure that understanding occurs, even if some members of the group are not yet capable of full participation. Because

thinking is externalized in the form of discussion, beginners can learn from the contributions of those more expert than they. (Brown, 1994, p.7)

La classe communauté d’apprenants laisse place à l'élève en tant qu'individu unique qui a des besoins, des buts qui lui sont propres, mais qu'il peut partager avec la collectivité et avancer avec elle quand il en a l’occasion. Comme le suggèrent les jalons de la communauté d’apprenants, tels qu’énoncés par (IsCol, 2001) – environnement démocratique, diversité des connaissances et compétences individuelles, problèmes authentiques, développement professionnel, communauté cohésive, mais ouverte, but d’apprentissage commun, dialogue progressif – la communauté est très ouverte et mise sur l’interaction entre ses membres pour réaliser un apprentissage. Les jalons de la communauté d’apprenants permettent de voir ce qui doit être mis en place dans une classe, un groupe pour qu’il devienne une véritable petite communauté qui engage le dialogue, la négociation entre les apprenants. C’est dire que la démocratisation des savoirs ainsi que la démocratisation de la classe laissent de plus en plus de place à l’élève dans ses apprentissages. Il est donc fortement encouragé à y prendre part et à partager, entreprendre et construire avec les autres. L’élève s’engage dans la tâche. Le lien social dans la classe se tisse, par la voie de la démocratisation de la parole et la place plus grande laissée à l'élève et à ses initiatives. Autrement dit, la participation est un processus fortement encouragé.

L’élève est invité à participer activement dans sa classe communauté d’apprenants où s’atteindront des buts d’apprentissage, à la fois communs et individuels. Il aura à échanger, à construire avec ses pairs et avec les autres membres de la communauté plus ou moins experts que lui. La communauté d’apprenants met l’accent sur la participation de l’élève et son engagement dans son apprentissage. Cependant, elle laisse aussi place à la métaphore de l’acquisition de connaissances qui variera selon les contextes et les contenus au programme (Sfard, 1998). Pour Paalova, Lipponen et Hakkarainen (2004), la métaphore de la participation, aussi évoquée par Sfard (1998), met l’accent davantage sur le processus « apprendre » que sur le produit « connaissances ». Cette façon de comprendre l’apprentissage mettrait la communauté et la participation de ses membres au centre du processus par lequel on apprend. La métaphore de la création de connaissances (Bereiter, 2002; Paavola et al., 2004) se veut plus complexe et précise que l’élève peut participer à la

création de connaissances individuelles et collectives. La création de connaissances renvoie ici au fait que les élèves peuvent conceptualiser, organiser, structurer, créer de la connaissance nouvelle pour leur communauté (Bereiter & Scardamalia, 2010). À cet égard, Bereiter et Scardamalia distinguent la présence de deux modes d’apprentissage en classe. Le « belief mode » réfère au travail en classe à partir d’éléments « connus » et reconnus. Les faits sont présentés comme étant tels et l’élève n’a pas alors à découvrir le sens du concept qu’il étudie. En ce sens, le « belief mode » se rattache davantage à l’enseignement traditionnel en référant à des éléments reconnus comme étant « vrais ». L’enseignement ne fait donc pas appel à la créativité et à la capacité d’innovation de l’enfant. Le « design

mode » renvoie, quant à lui, à la théorie de la construction sociale des connaissances. La

création/coélaboration de connaissances vise d'abord la construction de connaissances nouvelles par la communauté d’apprenants qui travaille alors sur des problèmes authentiques et qui s’engage dans un processus d’amélioration des idées émises par les participants. Le rôle de l’enseignant s’en trouve donc changé. Bereiter est également à l’origine du concept d’enseignement explicite comme de celui de classe communauté de création/coélaboration de connaissances (Laferrière, communication personnelle). Les notions de coélaboration de connaissances et de « design mode » mettent également en lumière les concepts d'apprentissage intentionnel (Bereiter & Scardamalia, 1989) dont la mise en application s’exécute par l'élaboration de questions authentiques de la part des apprenants combinée à la construction sociale de connaissances dans un environnement collaboratif. L’essence de ce processus, que le « design mode » supporte, est l’amélioration des idées, dans le but de faire avancer la connaissance de la communauté sur une question ou un problème donné (Bereiter & Scardamalia, 2003). Ainsi, la métaphore de la création de connaissances et le « design mode » sont directement en lien avec le concept de coélaboration de connaissances que nous abordons dans la section suivante.

2.1.1.2 La communauté de coélaboration de connaissances

La communauté est considérée comme étant inséparable de toute élaboration d'un discours collectif, ce discours par lequel les élèves non seulement participent, mais aussi s'investissent de façon cognitive dans la coélaboration de connaissances (Bereiter & Scardamalia, 2003). La communauté de coélaboration de connaissances est un système

d’interactions entre apprenants axé sur des buts collectifs de coconstruction/création par la voie d’un processus collectif d’amélioration des idées (Zhang, Chen, Sun, & Reid, 2004; Zhang & Sun 2005). Cette communauté émerge donc d’un processus qui engage tous les participants dans une « interaction complexe et imprévisible » (Sawyer, 2003, p.19). L’équipe TACT7 (Université Laval), a d’abord retenu de miser sur l’organisation d’une

classe de type communauté d’apprentissage où l'élève peut interagir, se remettre en question, négocier des concepts dans le cadre d'une activité d'apprentissage ou d'un projet. L’équipe place ensuite progressivement les bases de la communauté de coélaboration qui peut être vue comme le plus haut niveau de collaboration à atteindre par une communauté d’apprenants. Le discours de coélaboration de connaissances (Scardamalia, 1994) se distingue par trois principes, à savoir qu’il doit se pencher sur un problème authentique et l’approfondissement de connaissances, il doit être décentralisé et ouvert afin de se centrer sur les connaissances collectives et il doit être le produit d’interactions de la communauté. La coélaboration de connaissances met ainsi l’accent sur l’importance de la responsabilité cognitive collective et sur l’effort de la communauté afin d’améliorer les idées et, par ce fait, faire avancer l’approfondissement des connaissances de la collectivité sur une question ou un problème donné (Bereiter & Scardamalia, 2003; Lai & Law, 2006). En ce sens, l’équipe TACT, tout comme l’ÉER, met en réseau des classes communautés d’apprenants appelées à pratiquer la coélaboration de connaissances.