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Première partie : L’avènement d’une réalité ouvrière [1800-1914]

Carte 10 : forges du montmorillonais :

1. Potiers, faïenciers et porcelainiers

Les sites de Poitiers, Melle, Vouvant687 et Maillezais regroupent une grande partie des potiers du Poitou au Moyen Age. Ces fabriques de céramiques sont qualifiées de rustiques et semblent principalement pourvoir à la demande locale. Au XVIe siècle, les faïences fines et délicates dites « de Henri II » font la renommée des fabriques d’Oiron, près de Thouars, et de Saint-Porchaire dans le bressuirais688. Plus tard, on cherche aussi à imiter, comme ailleurs en France, la façon de faire imaginée par le céramiste Bernard Palissy689.

685 Source usinenouvelle.com.

686 BOISSONNADE (M.), Essai sur l’organisation du travail en Poitou depuis le XIe siècle jusqu’à la

Révolution, op. cit., p.11.

687 Vouvant se situe près de la forêt de Mervent dans l’actuel département de la Vendée. 688 Les sources diffèrent quant à l’origine des faïences « Henri II ».

Néanmoins, l’essor véritable de la faïence en France survient un siècle après sa mort quand Louis XIV impose par ses édits et ordonnances pris à partir de 1689690 la fonte du mobilier et de la vaisselle d’or et d’argent pour financer l’effort de guerre du royaume691.

Il y a dans le Poitou une demi-douzaine de fabriques de faïences au XVIIIe siècle692. L’une d’entre-elles, à Rigné près d’Oiron et de Thouars, voit son fonctionnement interrompu à de nombreuses reprises au cours du siècle. Saint-porchaire a deux faïenceries jugées « d’une

grande utilité pour la province » car elles évitent l’achat de vaisselle étrangère. Un autre établissement de ce type est créé à Chef-Boutonne en 1778. Des artisans de la ville de Poitiers élaborent également des faïences émaillées. Le couvent des Robinières, dans la forêt de Mervent, produit pareillement de la céramique fine. Enfin, l’ancienne fabrique de l’Ile-d’Elle, implantée jusqu’alors dans le marais de la Sèvre niortaise, s’installe à Marans en 1740 avant d’être définitivement transférée à La Rochelle entre 1755 et 1760.

Les faïenceries poitevines déclinent après la Révolution. Seule celle de Saint- Porchaire693 continue de produire des céramiques destinées à un usage domestique. Elle est vendue comme bien national le 2 messidor an VII à un médecin rochelais qui la cède à son tour en 1802 à un marchand de Saumur694. En 1804 cinq fabriques y sont dénombrées, dix quatre ans plus tard695 en même temps que 23 fours. En 1840, le sous-préfet de Bressuire

affirme que la fabrique de poterie de Saint-Porchaire est toujours d’une prospérité satisfaisante696. Elle comprend une vingtaine d’ateliers et autant de fours et donne du travail à plus de vingt familles697. En 1887, Saint-Porchaire et Airvault sont réputées pour leur travail de la de poterie698.Les propriétaires se succèdent mais ne peuvent empêcher le déclin du site. En 1900, seulement 9 fours sont encore en activité contre 14 en 1830. Néanmoins la céramique ne disparaît définitivement de Saint-Porchaire qu’en 1962.

690 Ordonnance du 14 décembre 1689.

691 « Tout ce qu’il y a de grand et de considérable se mit en huit jour à la faïence. Ils en épuisèrent les boutiques

et mirent le feu à cette marchandise, tandis que tout le médiocre continua à se servir de son argenterie » in

Mémoires de Saint-Simon.

692 FILLON (Benjamin), L’art de la terre chez les poitevins suivi d’une étude sur l’ancienneté de la fabrication

du verre en Poitou, Niort, 1864, p.160 et s.

693 Saint-Porchaire est un petit bourg localisé à quatre kilomètres à l’est de Bressuire.

694 Un certain Etienne Chevalier, cf. MERLE (Charles), Le centre potier de Saint-Porchaire, BSSHDS, 1971, t.4,

p.121.

695 ADDS 10M17.1. Statistiques industrielles et commerciales [1804 ; 1889]. 696 ADDS 4M6.12. Chouannerie ; rapports divers [1836 ; 1837].

697 MERLE (Charles), Le centre potier de Saint-Porchaire, op. cit., p.118.

698 Situation industrielle des Deux-Sèvres au 1er trimestre 1887, ADDS 10M17.1. Statistiques industrielles et

Le secteur de la céramique regagne de la vitalité dans le dernier quart du XIXe siècle grâce aux faïenciers de Parthenay699, alors qu’un nouveau centre céramique est apparu dans le département de la Vienne, du côté de Chauvigny.

1.1. La faïence à Parthenay

Ce type de production n’est pas une nouveauté en Gâtine. Des natifs de la région sont à l’origine des verreries de la forêt de Mervent et des faïenceries et fabriques d’émaux de l’Ile-d’Elle.

En 1764, un notaire de Parthenay, François Bon, crée en périphérie de la ville un atelier de faïencerie et de poterie où il embauche deux ouvriers nivernais. On y modèle des plats et des assiettes vendus à Niort et ses environs. L’établissement est saccagé plusieurs fois pendant les guerres de Vendée, les chouans reprochant au sieur Bon ses accointances avec le maire de Parthenay attaché aux idées révolutionnaires. A la même époque, Mathurin Favien, un céramiste de Saint-Porchaire, trouve refuge dans la capitale de la Gâtine où il tente de fonder une petite fabrique de faïences700. Il échoue malgré son savoir-faire et décide en 1803 de regagner le bressuirais où il exploitera la faïencerie du sieur Chevalier.

En réalité, l’art de la terre atteint son apogée à Parthenay près de 75 ans plus tard avec Prosper Jouneau701. Ce sculpteur, diplômé des Beaux-Arts de Poitiers et de Paris, devient céramiste après un passage à la Manufacture nationale de Sèvres. De retour dans sa ville natale il y construit ses ateliers et ses fours tout en rêvant de faire revivre les célèbres faïences d’Oiron. L’établissement ouvre ses portes en 1882 et n’occupe alors que cinq ouvriers. On y façonne des faïences d’art, bien loin d’une production à grande échelle, qui ne tardent pas à acquérir une réelle renommée702, si bien qu’un richissime britannique lui offre un pont d’or pour qu’il s’installe sur l’autre rive de la Manche. Le céramiste des Deux-Sèvres refuse l’offre. Mal lui en prend car un désaccord l’oppose ensuite à son associé et principal commanditaire, le sieur Amirault703, qui va lui ôter la direction de la faïencerie de

699 Sur la faïence à Parthenay voir POIGNAT (Maurice), Les faïences et faïenciers de Parthenay, RBP, 1972,

t.83, pp 357-373 & 444-457.

700 TURPIN, Une manufacture de poterie à Parthenay sous la Révolution, BSHSDS, 1906, t.2, pp 383-385. 701 Voir POIGNAT (Maurice), Le plus célèbre faïencier de Parthenay, Prosper Jouneau, BSHAAAP, 1972, n°21,

pp 8-17.

702 Il reçoit une médaille d’or à l’Exposition internationale d’Anvers en 1885. L’Exposition des arts décoratifs de

Paris de 1887 le couvre de récompenses. On lui confie le privilège de réaliser un des plafonds de l’exposition parisienne de 1889.

703 Henri Amirault (1834-1914), originaire de Loudun, s’est illustré comme lieutenant de vaisseau dans la

campagne de Cochinchine. Amateur d’art et dessinateur, il s’associe au projet de Jouneau en 1883. Cf. POIGNAT (Maurice), Les faïences et faïenciers de Parthenay, RBP, 1972, t.83, pp 444-447

Parthenay704. La faïencerie poursuit son existence sans son créateur et sans s’adapter aux nouveaux goûts du public. Ses fourneaux s’éteignent alors que le premier conflit mondial embrase déjà l’Europe.

Si l’artisanat de la faïence des arrondissements du nord des Deux-Sèvres s’inscrit dans une relative continuité historique, l’activité céramique de Chauvigny semble, elle, éclore d’un terreau moins fertile705.

1.2. La céramique et la porcelaine chauvinoise

C’est en 1826 qu’est fondée une manufacture de céramique dans les environs de Chauvigny qui vers 1830 prend l’appellation de maison Deshouillières706, par l’association du premier créateur, Jean Bozier, avec son gendre, Louis Deshouillières. On souhaite tirer profit de la force motrice du cours d’eau local et de la vitalité commerciale de la ville. Ses foires mensuelles sont réputées et attirent entre quatre et cinq milles personnes. Mais avant tout, Chauvigny se situe à proximité des deux pôles porcelainiers du Centre-Ouest que sont le Limousin707 et le Berry.

Des poteries grossières, du verre, du grès, de la faïence mais aussi de la porcelaine sortent des ateliers chauvinois dont l’organisation reste archaïque pendant tout le XIXe siècle. En 1848, il y a seulement 4 ouvriers708, puis 35 en 1894709 et 20 en 1902710.

Le nouveau siècle semble apporter avec lui son lot d’innovation. Le fils Deshouillères est envoyé suivre les cours de l’école supérieure de céramique de Sèvres. Son retour est marqué par l’abandon de techniques anciennes et la production de céramiques plus fines. En 1906 et 1909, de nouveaux fours sont construits. On abandonne le bois de chauffage au profit du charbon ce qui améliore la qualité et la finesse des productions. En 1909, la fabrique lance la marque de porcelaine à feu « Perfecta ».

704 L’artiste s’installe provisoirement à Paris où il tente, avec peu de réussite, de poursuivre son travail de

création. Puis, c’est la ville de Montpellier qui l’accueille et en fait le directeur de son école des Beaux-Arts. Il meurt en 1921.

705 Même si on note la présence de potiers aux alentours de Chauvigny dès le XIVe siècle, cf. DUGUET (Jean),

Petite histoire de Chauvigny, La Crèche, 2004, p.91.

706 Cf. PLANCHARD (Marie-Christine), Le MAGUET (Jean-Paul), AUBRUN (Max), Une vie de porcelaine,

les porcelainiers et leur travail en Poitou aux XIXe et XXe siècles : Deshouillières, Poitiers, 1989, 167 p.

707 On découvre du kaolin à Saint-Yrieix dans le limousin au milieu du XVIIIe. Turgot, intendant du Limousin

entre 1761 et 1774, crée avec le concours du comte d’Artois la première manufacture de porcelaine de Limoges.

708 PLANCHARD (Marie-Christine), Le MAGUET (Jean-Paul), AUBRUN (Max), op. cit., p.28. 709 ADV M12.113. Grèves [1894 ; 1902].

Le groupe Deshouillières existe toujours à Chauvigny et fournit encore des porcelaines et autres céramiques à usage domestique ou ornemental. Toutefois la concurrence rude des pays asiatiques a provoqué de graves difficultés financières conduisant à son rachat en 2002 par un groupe russe711 déjà propriétaire de la Manufacture impériale de Saint-Pétersbourg. La fabrique employait cette année-là 300 personnes.