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Tourisme et croissance : une relation ambigüe

Section 2. Le tourisme comme source de croissance à long terme ?

2.2. Croissance et tourisme : une relation ambigüe

2.2.1. De possibles externalités négatives d’un développement par le tourisme

Le syndrome hollandais appliqué au tourisme

Bien que de nombreuses études empiriques mettent en avant les avantages d’un développement économique par le tourisme, certains travaux plus théoriques soulignent les externalités négatives générées par ce type d’activité, parlant même de possibilité d’appauvrissement (Copeland, 1991; Chen, et al., 1999; Hazari, et al., 2003; Nowak, et al., 2003).

La plupart de ces études s’inspirent des théories du commerce international, et plus exactement celle du « syndrome hollandais » (Corden, et al., 1982). Le

« syndrome hollandais » ou dutch disease décrit le phénomène économique où un boom des exportations (d’hydrocarbures dans le cas hollandais) peut engendre une désindustrialisation de ce pays et une baisse du bien-être des résidents. Bien que les services touristiques soient normalement non

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échangeables, un boom touristique peut également aboutir aux mêmes désagréments (Copeland, 1991). On parle dans ce cas de tourism disease.

Le tourism disease repose sur la théorie d’équilibre général en économie ouverte pour un petit pays, c’est-à-dire sur un Modèle de type Heckscher-Ohlin-Samuelson. Le cadre méthodologique décrit une petite économie ouverte avec deux biens échangeables — l’énergie et les biens manufacturiers — et un bien non échangeable (les services et en particulier le tourisme). Les prix des biens échangeables internationalement sont fixés sur les marchés mondiaux et sont donc exogènes au pays. Les prix dans les services sont déterminés sur le marché local (et donc endogène). Tous les autres prix sont flexibles, notamment le salaire réel ce qui garantit l’équilibre sur le marché du travail et donc le plein emploi. Ce modèle repose sur un modèle de dépendance (dependent economy model) de Salter (1959).

Copeland distingue deux effets : un effet direct et un effet indirect. Tout d’abord, une hausse du tourisme entraîne une hausse du bien-être lorsque le terme de l’échange (rapport des prix des services par rapport aux biens échangeables) augmente, c’est-à-dire lorsque les prix des biens non échangeables progressent (effet direct). Par ailleurs, la hausse des prix des services implique une hausse du revenu réel des salariés. Cette augmentation des revenus entraîne à son tour celles des dépenses (effet indirect). Ce second effet renforce le premier, si les services sont des biens normaux (la consommation augmente avec le revenu). Ce gain peut se comparer à une rémunération cachée des aménités naturelles du pays, telles que les plages, la mer, le soleil, la montagne, etc.

Toutefois, la mobilité des facteurs réduit ce gain, car il réduit l’impact du terme de l’échange. De plus, le taux de salaire va augmenter dans toute l’économie, ce qui va pénaliser le secteur de l’industrie en accroissant ses coûts de production et réduisant sa production. Cette baisse peut occasionner une possible désindustrialisation de cette économie et une contraction du bien-être total, si cette baisse est supérieure aux gains touristiques.

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D’autres auteurs (Chen, et al., 1999; Hazari, et al., 2003; Nowak, et al., 2003) ont poursuivi ces travaux en levant plusieurs hypothèses du modèle proposé par Copeland (1990), comme l’introduction de rigidités sur le marché du travail et la présence de monopole ainsi que la spécificité des facteurs selon les apports de Ricardo-Viner-Jones1. La transposition du tourism disease dans un cadre dynamique de l’économie (Chao, et al., 2006; Schubert, et al., 2008) ou bien un modèle AK (Brida, et al., 2009) confirme également les résultats du modèle de Copeland.

Le tourism disease peut également s’expliquer par le modèle de Harris et Torado (1970), c’est-à-dire lorsque les gains de l’expansion du tourisme d’une région du pays (région urbaine) ne permettent pas de compenser la perte d’une autre (région rurale) (Hazari, et al., 2003). Enfin, la trappe à la sous-éducation a également été mise en avant pour démontrer le tourism disease (Augeraud-Veron, et al., 2005). Dans ce modèle, le tourisme, secteur dominant de cette économie, emploie du travail peu qualifié et donc n’incite pas à investir dans le capital humain.

Paradigme entre modèle de développement et modèle de dépendance Le développement d’une destination touristique et l’impact dans l’économie de cette destination restent un processus complexe à étudier. Opperman (1993) et Pearce (1995) montrent que deux courants d’analyse s’opposent sur cette question (Awang, et al., 2009). Ils distinguent le paradigme de diffusion ou de développement (diffusionist paradigm) et celui de dépendance (dependency paradigm).

Le tourisme est souvent perçu comme une stratégie de développement pour générer des devises, créer des emplois et de la croissance. Son expansion s’opère de manière continue, en reposant sur la théorie du ruissèlement (trickle-down effect) ou sur l’effet des multiplicateurs keynésiens. Un autre

1 Dans le modèle de facteurs spécifiques, le travail est le facteur le plus mobile (peut se déplacer d’une industrie à l’autre), le capital et la terre sont spécifiques à une industrie. Ricardo et Viner ont démontré que la dotation en facteurs spécifiques détermine le sens de l’échange et remettent en cause l’approche HOS.

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courant de pensée montre que ce développement s’effectue cette fois-ci de manière non linéaire, c’est-à-dire par différentes étapes de développement.

Le paradigme de dépendance est né de l’insatisfaction du précédent (Oppermann, 1993). Selon la théorie de la dépendance, le tourisme est une industrie comme les autres, qui est utilisée par les pays développés pour perpétuer la dépendance des pays en développement. « Au lieu de réduire les disparités régionales socioéconomiques existantes dans les pays en développement, le tourisme les renforce par sa structure » (Oppermann, 1993).

2.2.2.L’exemple des PEI de la Caraïbe et du Pacifique Est : les

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