• Aucun résultat trouvé

L’exemple des PEI de la Caraïbe et du Pacifique Est : les limites d’un modèle touristique « externalisé »

Tourisme et croissance : une relation ambigüe

Section 2. Le tourisme comme source de croissance à long terme ?

2.2. Croissance et tourisme : une relation ambigüe

2.2.2. L’exemple des PEI de la Caraïbe et du Pacifique Est : les limites d’un modèle touristique « externalisé »

« Sans prise en compte et régulation de l’ensemble de ses impacts, le tourisme peut se révéler dangereux, en particulier pour les pays les moins avancés » (Nowak, et al., 2010).

Une forte connectivité et de lourds investissements, comme préalables à leur essor touristique

Le développement touristique de plusieurs petites économies insulaires (PEI) telles que Anfguilla, Aruba, British Virgin Island, Cayman Islands, Guam, Northern Mariana Islands, Sint Maarten, Turks and Caicos Islands, et US Virgin Islands s’appuie sur leurs liens économiques (liens commerciaux, juridiques et fiscaux), politiques et culturels (la langue, etc.) qu’ils entretiennent avec leurs anciennes colonies et qui sont devenues leur métropole pour la plupart.

La surreprésentation de visiteurs provenant de ces métropoles illustre l’importance de ces liens. La grande majorité des touristes de Cuba et de la République dominicaine est espagnole. Les touristes hollandais visitent principalement les territoires d’outre-mer des Pays-Bas. Les Français font de même en Guadeloupe et en Martinique, et les Anglais dans les iles britanniques.

Toutes ces interconnexions soutiennent d’une part l’afflux d’investissements publics et d’autre part l’arrivée des principaux acteurs de l’industrie internationale du tourisme dans cette région du monde.

146

L’essor touristique de la Caraïbe et des iles du Pacifique nécessite la construction d’infrastructures touristiques indispensables (routes, assainissement de l’eau, l’électricité, le téléphone, etc.), et en priorité d’aéroports internationaux. Ces équipements modernes basés sur les normes occidentales permettent de recréer un « écosystème touristique » entériné.

Comme le dit Cohen (1978) : « this tourist infrastructure provides the mass tourist with the “ecological bubble” of his accustomed environment ». Toutes ces infrastructures sont onéreuses et nécessitent l’aide de gouvernements et d’agences étrangers. Ces investissements contribuent à l’émergence du tourisme, mais aussi à la croissance de ces économies.

L’implication des multinationales du tourisme : source de l’essor touristique

La forte implication des multinationales du monde du tourisme provenant des pays occidentaux (émetteurs de touristes) engendre ce boom du tourisme de masse (Cavlek, 2002). Ces chaînes hôtelières, les compagnies aériennes, les voyagistes (tour-opérateurs), les compagnies de croisière, les agents de voyages et les sociétés de location de voitures transforment ces destinations en produits touristiques vendus dans le monde entier. Cette concurrence des grandes compagnies touristiques génère de nombreux avantages compétitifs que les destinations, à elles seules, n’auraient pas pu mettre en place aussi rapidement.

Les PEI ne sont pas les seules destinations à avoir vécu un tel essor économique par le tourisme. L’Espagne des années 60 a également connu ce type de croissance reposant sur une compétitivité-prix, une politique publique en faveur du tourisme et l’implication des grands opérateurs européens. « Ces organisateurs du tourisme ont garanti un apport régulier et important de visiteurs et ont joué un rôle essentiel dans le développement en “boule de neige” du tourisme espagnol, vu la tendance à réinvestir leurs bénéfices dans de nouvelles opérations touristiques. » (Sanchez, 2002)

147

Les limites d’un modèle « externalisé » de développement par le tourisme

Ce modèle « externalisé » de développement par le tourisme génère une relation commerciale de dépendance entre un centre, les multinationales du tourisme, qui possède une dominance sur une périphérie, la destination (Galtung, 1971). L’industrie touristique impose aux destinations périphériques un mode de développement qui renforce leur dépendance structurelle et leur vulnérabilité (Britton, 1982; Apostolopoulos, et al., 2002; Wilkinson, 2004).

Pour illustrer cette prédominance, on peut citer les exemples des iles Cayman et de Sainte-Lucie où les sociétés étrangères contrôlent plus de la moitié des hôtels (Apostolopoulos, et al., 2002). Autre exemple, le marché caribéen de la croisière s’apparente à un duopole dominé par Carnival Corporation et Royal Caribbean Cruises, deux compagnies américaines.

Des fuites économiques issues d’une trop forte dépendance

« When a Third World country uses tourism as a development strategy, it becomes enmeshed in a global system over which it has little control » (Wilkinson, 2004).

Cet essor s’accompagne d’un niveau élevé de dépendance vis-à-vis des multinationales étrangères dans la promotion et la gestion de cette industrie.

Dans ces territoires, le tourisme y est la plupart du temps non réglementée et mal planifiée (Apostolopoulos, et al., 2002; Wilkinson, 2004; Pattullo, 2005).

De cette relation étroite (linkages) en découle leur difficulté (leakages). Ces destinations voient une grande partie des avantages économiques du tourisme quitter leur territoire par des fuites économiques élevées (leakages) et de faibles multiplicateurs économiques au profit des multinationales (Wilkinson, 2004).

L’Encyclopédie du tourisme définit ces fuites ainsi : « Leakage occurs in many industries. In the case of tourism, the causes for economic leakage depend on the destination and its development. In general, tourism leakage takes place when revenues from its economic activities are not available for reinvestment or

148

consumption of goods and services within the same destination. As a result, economic resources are “leaked away,” which predominantly occurs when tourism companies are foreign owned and/or when they are based in another country » (Jonsson, 2015).

Pour exemple, Archer et Davies (1984) estiment que 40 % des recettes sortent de la Barbade. L’activité de croisière est également assez emblématique de cette fuite en avant, comme le précise Logossah (2007) : « les compagnies de croisière sont complètement “hors” de la région ; d’autre part, autant les canaux d’intégration de l’activité de croisière à l’économie de la région que les ressources financières injectées dans l’économie caribéenne sont ténus alors que d’importantes externalités négatives dues à l’industrie pourraient se retrouver à la charge de la région ».

2.2.3.Tourisme et croissance : une relation au processus

Outline

Documents relatifs