• Aucun résultat trouvé

Le « consommateur-touriste » comme objet d’étude de l’analyse économique

Touristes, industrie touristique et destination : les trois principaux

Section 2. Éclairage sur les trois principaux composants du tourisme et de la compétitivité

2.1. Les touristes au cœur de la compréhension du tourisme

2.1.2. Le « consommateur-touriste » comme objet d’étude de l’analyse économique

La sensibilité aux facteurs économiques des touristes mesurée par les élasticités de la demande

Le tourisme est un domaine idéal d’application de la maximisation de l’utilité du consommateur. Un « consommateur-touriste » doit maximiser son utilité, en fonction du prix du bien consommé, son revenu et le prix des autres biens. Ces effets prix, revenus et substitutions sont bien connus des économistes et traitent du degré de sensibilité d’une demande d’un produit, c’est-à-dire des élasticités de la demande par rapport à ces facteurs. Les élasticités de la demande de tourisme fournissent ainsi une mesure de la sensibilité d’une variable explicative de la demande touristique, compte tenu d’une relation fonctionnelle préspécifiée. Elles reflètent la façon dont les touristes réagissent aux changements dans les facteurs, qui les influencent, et elles fournissent des informations utiles pour la formulation des politiques du tourisme.

Un grand nombre d’études mettent en lumière les facteurs qui affectent la demande touristique et dans quelle mesure (Dwyer, et al., 2011). Le modèle le plus commun prend la forme d’une équation log-linéaire, afin de mettre en avant ces élasticités. La demande touristique est principalement mesurée par le nombre d’arrivées et le niveau de dépenses de tourisme (recettes), ainsi que leur rapport à la population de la destination étudiée (Song, et al., 2008; Song, et al., 2010). Le nombre de nuitées touristiques est également utilisé comme proxy, en utilisant une analyse de survie (Gokovali, et al., 2007). Sur près de 143 études recensées par Lim (2006), 46 % ont retenu le nombre de touristes et 39 % les dépenses touristiques. L’analyse de la demande est néanmoins contrainte par les données disponibles et le choix des variables explicatives semble souffrir de cette restriction. Parmi les études analysées par Lim (2006), une centaine mettent en avant la significativité des élasticités par rapport au revenu, au prix relatif, mais également au coût du transport (64 études), à des facteurs qualitatifs (74) et d’autres facteurs tels que le taux de change, la saisonnalité, les migrations, et d’autres. Crouch (1994) et Kulendran et

45

Divisekera ont également mis en avant l’importance des dépenses de promotion dans la fonction de demande touristique.

Les résultats des élasticités sont cependant très variables, dépendant des spécifications de modèle retenues, du nombre de variables utilisées et des données disponibles (Lim, 2006). Par ailleurs, la sélection des variables explicatives appropriées et le problème potentiel de multicolinéarité (Song, et al., 2012), c’est-à-dire de relation linéaire entre elles, constituent des difficultés récurrentes dans l’utilisation de cette approche.

La motivation des touristes et leur prise de décision sont également très étudiées. Schmöll (1977) présente un modèle utilisant les motivations personnelles et sociales pour expliquer le comportement et les choix des touristes. Crompton (1992) met au point un modèle de choix de destination dans lequel les forces internes et externes influent sur le processus décisionnel.

Klenosky, et Gitelson (1998) s’attardent davantage sur l’influence des recommandations des agents de voyages.

D’autres applications de l’analyse économique à la demande touristique

D’autres outils de la science économique ont été mobilisés pour comprendre les rouages de la demande touristique, telle que les modélisations en données de panel (données à 2 dimensions : individus et temps), les modèles vectoriels autorégressifs (équation simplifiée à la variable endogène et à ses retards dans le temps), les modèles de système de demande (Almost ideal demand system, AIDS) développés par Keaton et Muellbauer (1980) avec une forme plus flexible de fonctions de demande (Syriopoulosa, et al., 1993; Li, et al., 2004) et leur extension (Song, et al., 2012).

Par la suite, les modèles de prix hédoniques, c’est-à-dire dans lesquels le prix est appréhendé à partir de l’ensemble des caractéristiques qui composent un produit, ont fait l’objet de recherche, notamment sur la question des prix de forfait (Song, et al., 2012). Cependant, toutes ces études de la demande touristique restent plutôt empiriques et reposent peu sur des fondements théoriques.

46 L’approche des valeurs de Rokeach

La psychologie sociale montre que la motivation des touristes repose sur un système de valeurs personnelles qu’ils associent au voyage. Plus globalement, Rokeach (1973) monte qu’une valeur (personnelle) peut se définir comme une croyance durable, selon laquelle un mode spécifique de conduite ou un but de l’existence est personnellement et socialement préférable à d’autres conduites ou buts. Selon Rokeach (1973), le nombre total de valeurs qu’une personne possède est relativement réduit, proche de celles des autres individus, mais à des degrés différents, et elles sont organisées en systèmes. La culture, la société et les institutions et la personnalité influencent les valeurs personnelles des individus.

Rokeach développe une échelle de mesure pour évaluer le système de valeurs des individus (Rokeach Values Survey), en les classant en deux groupes qui sont les valeurs terminales ou buts de l’existence (objectifs individuels) et les valeurs instrumentales ou mode de comportement (manières d’être ou d’agir).

Ces dernières ont trait aux moyens permettant de les atteindre et donc aux modes de conduite que sont les valeurs morales puis les valeurs de compétence.

Cette échelle de mesure a connu de nombreuses applications en marketing touristique, afin d’examiner les liens entre les valeurs personnelles des individus et les comportements des touristes (Pitts, et al., 1986; Pizam, et al., 1987). Ces études déterminent des segments de clientèles provenant de profils de valeurs des touristes (Muller, 1983).

Valeurs, style de vie et utilité pour comprendre les comportements D’autres échelles de mesure provenant de la psychologie sociale connaissent une déclinaison touristique. Tout d’abord, on peut citer la liste des valeurs (list of values, LOV) de Kahle (1983) qui propose une échelle plus condensée que celle de Rokeach, où les valeurs peuvent être réalisées à travers des relations interpersonnelles (interaction avec les autres, relations chaleureuses), des facteurs personnels (respect de soi, être respecté, l’accomplissement personnel)

47

et des aspirations personnelles (sentiment d’accomplissement, sécurité, amusement et joie de vivre) (Madrigal, 1995; Watkins, 2014).

Très répandu, l’approche VALS (value and life-style survey) s’inspire de la pyramide de Maslow et permet de classer les individus selon leurs croyances, leur statut et leurs actions, tout en tenant compte des critères sociodémographiques, notamment les revenus du foyer. Shilh (1986) montre l’intérêt de l’analyse du mode de vie en tant qu’outil de marketing pour le secteur du tourisme.

Les valeurs du consommateur sont aussi celles du touriste. Celles-ci proviennent d’une confrontation entre les bénéfices et les sacrifices associés à l’achat d’un produit (Zeithaml, 1982) ou la valeur-utilité de celui-ci, c’est-à-dire la valeur perçue par le consommateur pour un objet en fonction de son utilité.

Woodruff et Gardial (1996) établissent une hiérarchie de valeurs des clients fondée sur l’utilité qualitative, c’est-à-dire sur les chaînes moyens-fins résultant de la connexion entre les attributs d’un produit, les conséquences que le consommateur en retire et les liens éventuels avec ses valeurs personnelles. Le consommateur-touriste donne également une valeur fonctionnelle, émotionnelle et sociale au voyage (Sheth, et al., 1991). Enfin, Holbrook (1999) postule que, pour le touriste, la valeur ne réside pas seulement dans le produit acheté, mais aussi dans l’expérience de consommation et d’achat qu’il vit à cette occasion. Il définit ainsi une typologie de valeur (l’esthétique, l’efficience, l’excellence, le statut, l’estime, l’éthique, la spiritualité, et le jeu), permettant d’identifier les effets d’une expérience de consommation.

2.1.3.L’expérience touristique comme moteur du tourisme

Outline

Documents relatifs