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La compétitivité comme source d’avantage concurrentiel et de succès des destinations

Touristes, industrie touristique et destination : les trois principaux

Section 2. Éclairage sur les trois principaux composants du tourisme et de la compétitivité

2.3. Les destinations : rencontre de l’Offre et de la Demande

2.3.3. La compétitivité comme source d’avantage concurrentiel et de succès des destinations

Facteurs d’attractivité et de compétitivité : analyse des avantages comparatifs et concurrentiels

Comme nous l’avons pu précédemment (2.3.2), les notions d’attractivité et de destination sont étroitement liées. Les paysages, plages, les hébergements ou les ressources culturelles et historiques constituent les facteurs d’attractivité qui permettent aux destinations de se différencier vis-à-vis de ses concurrents, c’est-à-dire de définir sa position sur le marché du tourisme. Ces facteurs constituent des avantages comparatifs1, c’est-à-dire des avantages relatifs d’une destination par rapport aux autres.

Cette différenciation par rapport aux autres destinations, la concurrence entre elles et à la capacité d’une destination à y faire face renvoient à la notion de compétitivité. Au-delà de l’attractivité et des avantages comparatifs, la compétitivité d’une destination s’explique également par ses aptitudes à innover ou à renouveler ses produits et services : ses avantages concurrentiels. Ces derniers reposent sur la capacité à créer un environnement favorable à l’innovation, qui permet de réduire les coûts ou de mieux répondre à la demande. « A review of the literature from Adam Smith to Michael Porter reveals that the term competitiveness has evolved from the conditions of resource availability and technology (comparative advantage) to the deployment of resources adjusting to customer preferences (competitive

1 Plus globalement, les nations abondamment dotées en facteurs de production (dotations factorielles) utilisés dans un processus de production possèdent généralement un avantage comparatif sur d’autres qui en sont moins pourvues. En tourisme, une abondance d’aménités naturelles constitue un avantage comparatif, en même titre que forte dotation en capital ou en travail.

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advantage) » (Croes, 2010). Alors que les avantages comparatifs révèlent un caractère héréditaire, un avantage compétitif se construit et doit être entretenu pour perdurer.

La compétitivité, un facteur crucial dans le tourisme

Le concept de compétitivité est décliné au secteur du tourisme depuis environ une trentaine d’années. La compétitivité est largement identifiée comme un facteur crucial du succès d’une destination touristique (Croes, 2010; Crouch, 2011; Crouch, et al., 1999; Dwyer, et al., 2000; Dwyer, et al., 2006; Enright, et al., 2004; Hassan, 2000; Gooroochurn, et al., 2005; Ritchie, et al., 2003). Elle fait régulièrement l’objet d’articles dans la littérature en économie du tourisme (Croes, 2010) ou de rapports de la part du Forum économique mondial (travel and tourism competitiveness report de 2007 à 2016), de l’OCDE (Dupeyras, et al., 2013; OCDE, 2016) ou du FMI (Laframboise, et al., 2014).

Pearce (1997) explique que « […] when tourism worldwide is becoming increasingly competitive… all insights into the development, strengths and weaknesses of competitive destinations will become more crucial. However, a destination’s competitiveness involves wide and complex ranges of issues » (Pearce, 1997).

Traditionnellement, la recherche sur la compétitivité touristique se concentre sur l’image ou l’attractivité des destinations. Cependant, il existe de nombreux facteurs qui participent à leur réussite. Certains auteurs ont mis en évidence l’importance sur la compétitivité-prix (Dwyer, et al., 2000), le système de management (Baker, et al., 1996), l’environnement (Hassan, 2000), ou la stratégie managériale (Evans, et al., 2002).

Poon (1993), un des premiers chercheurs à avoir appliqué ce concept au tourisme, définit quatre « principes clés » : mettre l’environnement en premier, faire du tourisme un secteur porteur, renforcer les canaux de distribution sur le marché, et créer un secteur privé dynamique.

Toutefois, l’évaluation de la compétitivité d’une destination est un exercice difficile à mesurer avec précision compte tenu du nombre de facteurs qui peut

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intervenir. Plusieurs chercheurs ont tenté de synthétiser ces déterminants au sein de modèle (Crouch, et al., 1999) ou d’un indicateur composite (Dwyer, et al., 2000; Dwyer, et al., 2006; Dupeyras, et al., 2013; Gooroochurn, et al., 2005).

Un modèle de compétitivité des destinations touristiques

Crouch et Ritchie fournissent un modèle conceptuel général de la compétitivité des destinations touristiques (Crouch, et al., 1999; Ritchie, et al., 2003), en s’inspirant de la théorie des avantages concurrentiels de Porter (1990). Le modèle identifie 36 attributs de compétitivité regroupés en cinq facteurs principaux :

• Les ressources de base et les attracteurs, c’est-à-dire les éléments d’attractivités (climat, histoire, culture, évènementiels, activités, etc.) ;

• Les facteurs de soutien et les ressources (infrastructures, accessibilité, hospitalité, etc.) ;

• La gestion de la destination (organisation et gestion de la destination, marketing, etc.) ;

• La politique touristique de la destination, la planification et le développement (positionnement, audit, vision, etc.) ;

• Et les possibilités de qualifier et amplifier les déterminants de la compétitivité (sécurité, coûts/avantages, capacité de charge, etc.).

Le modèle distingue les avantages comparatifs (les ressources humaines et matérielles, la disponibilité du savoir-faire, les capitaux, l’infrastructure touristique et les atouts historiques et culturels) des avantages concurrentiels (les audits, l’entretien, la croissance et le développement, l’efficience et l’efficacité). Tous ces facteurs opèrent dans un environnement global (ou macro), c’est-à-dire un système se composant d’une vaste gamme de phénomènes qui ont une contribution générale, pas seulement sur l’industrie du voyage et du tourisme. Par ailleurs, l’environnement (micro ou) concurrentiel d’une destination s’articule autour d’organisations et de forces, dont l’impact est plus proche de la destination touristique. Cet ensemble constitue le modèle de

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compétitivité d’une destination touristique, selon Crouch et Ritchie (1999, 2003).

Figure 14 : Le modèle de compétitivité d’une destination touristique

Source : Ritchie et Crouch (1999, 2003)

Le recours à différents indices pour mesurer la compétitivité touristique

Dwyer, Forsyth, Rao (2000) mettent en avant les déterminants de Demande, tels que les facteurs socioéconomiques et démographiques (taille de la population, revenus des pays émetteurs, loisirs, éducation, etc.) et les facteurs qualitatifs (les attraits touristiques, l’image, la qualité des services touristiques, le marketing et la promotion, les liens culturels, etc.). Toutefois, ces auteurs insistent sur la compétitivité-prix de celle-ci (le coût des services de transport vers et depuis la destination, sur place comme l’hébergement, la restauration, etc.). « competitiveness is a general concept that encompasses price differentials coupled with exchange rate movements, productivity levels of various components of the tourist industry and qualitative factors affecting the attractiveness or otherwise of a destination » (Dwyer, et al., 2000).

En effet, le choix d’un touriste s’explique principalement par les prix relatifs entre le coût de la vie de ces touristes et celui existant sur son lieu de séjour.

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Ils développent un indice mesurant la compétitivité des prix des destinations, qui s’appuie sur la notion d’indices de change pondérés par le commerce qui mesurent la compétitivité des exportations et des importations des pays, mais appliqué au contexte touristique (Dwyer, et al., 2000; Dwyer, et al., 2006).

Heath (2003) ainsi que Dwyer et Kim (2003) proposent un modèle de destination qui identifie les facteurs de succès dans la détermination de la compétitivité d’une destination. Le modèle de Heath (2003) se présente sous la forme d’une maison avec des fondations (les principales attractions, les infrastructures, etc.), du ciment (communication, informations, etc.), des blocs de construction (politiques touristiques et positionnement) et un toit (facteurs humains). Chacun de ces éléments représente un ensemble de facteurs.

Le modèle de Dwyer et Kim (2003) rassemble les principaux éléments de la compétitivité proposés dans la littérature plus large et les principaux éléments de la compétitivité d’une destination, notamment ceux proposés par Crouch et Ritchie (1999, 2003). Leur modèle reconnaît explicitement les conditions de la demande comme un déterminant important de la compétitivité de la destination. Il montre également que la compétitivité de la destination n’est pas la fin ultime de l’élaboration des politiques, mais constitue un objectif intermédiaire vers l’objectif de la prospérité économique.

Gooroochurn et Sugiyarto (2005) cherchent également à mesurer la compétitivité touristique des destinations. Ils créent un ensemble de 54 indicateurs, synthétisés en huit grands thèmes (prix, ouverture, technologie, infrastructure, tourisme humain, développement social, environnement et ressources humaines). Ces derniers permettent de calculer un seul indicateur composite : l’index de compétitivité. Ce dernier est depuis repris par le forum économique mondial et mis à jour chaque année pour 200 pays.

Prépondérance des avantages comparatifs

Ritchie et Crouch (2003) appliquent leur modèle de compétitivité en interrogeant 83 experts dans le monde du tourisme, pour mieux comprendre les attributs les plus importants dans la compétitivité d’une destination. Selon ces experts, cette dernière repose largement sur leurs avantages comparatifs : 6

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des 10 premiers attributs sont compris dans les facteurs de ressources de base et attracteurs, c’est-à-dire les « basiques » d’une destination touristique.

Viennent ensuite les attributs d’attractivité en termes d’image et de réputation, puis les facteurs et ressources de soutien, comme les infrastructures de base (port, aéroport, routes, etc.) et l’accessibilité. Ces deux derniers sont bien entendu liés.

Figure 15 : poids des principaux facteurs

Source : Crouch, 2007

Une compétitivité-prix nécessaire, mais non suffisante

La compétitivité-prix est également un élément généralement mis en avant dans la compétitivité des destinations (Dwyer, et al., 2000; Gooroochurn, et al., 2005; World Economic Forum, 2016). La compétitivité hors prix n’est néanmoins pas à sous-estimer. Au contraire, celle-ci peut prendre le pas sur le seul facteur « prix », comme le montre le classement des destinations les plus compétitives selon l’indice de compétitivité de Gooroochurn et Sugiyarto (2005) et repris par le forum économique mondial (World Economic Forum, 2016).

En 2015, les dix premières places sont occupées par des pays développés, dont six Européens. L’Espagne se positionne en tête du classement mondial, suivie par la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Australie, Italie, Japon et Canada. Les pays développés sont certes moins compétitifs en termes de prix, mais tendent à être plus compétitifs sur d’autres indicateurs,

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comme les excellentes conditions de santé et d’hygiène et le degré élevé d’ouverture et d’intégration internationales.

La complexité de tenir compte des facteurs intangibles

La plupart des éléments d’explication énoncée précédemment reposent sur des éléments tangibles : leurs avantages comparatifs. Or, ces derniers constituent des conditions nécessaires à la compétitivité d’une destination, mais suffisantes.

« Comparative advantages constitute the tourism resources available to a destination, while competitive advantages relate to a destination’s ability to use these tourism resources effectively over the long term » (Crouch, et al., 1999).

Les avantages concurrentiels se composent plus généralement d’éléments intangibles, rendant la gestion d’une destination plus complexe. Crouch (2007) explique que cette complexité provient de plusieurs difficultés :

• « the competitiveness and fortunes of tourism destinations are subject to a very large number of forces, influences, and events;

• many of these attributes of competitiveness are either impossible or very difficult to manage;

• responsibility for the management of many of the elements that are part of the competitiveness attributes is shared across a large number of diverse organizations and groups;

• tourism development produces both benefits and costs and there is often disagreement or a lack of consensus within a destination about the social, economic, and environmental outcomes and impacts;

• the problem is made more difficult by the fact that destinations often do not set clear development goals against which competitive performance can be evaluated;

• there is a significant lack of objective information, measures, or indicators that are available to diagnose and inform efforts to manage destination competitiveness;

• since competitiveness is a relative concept, the competitiveness of a tourism destination is a function of what is happening to, or in, that destination as well as events affecting other competing destinations ».

74 Un manque d’innovation dans le tourisme

Le processus d’innovation constitue l’élément intangible le plus important pour une destination. Or, le tourisme semble en retrait en la matière. « The tourism industry is one of the least productive sectors in the economies of the most developed countries » (OCDE, 2006). Pour exemple, en Suisse, la productivité du travail dans l’industrie est supérieure d’un tiers à celle observée dans le tourisme. Elle y est également 2,4 fois plus élevée dans l’industrie chimique que dans le tourisme et 5 fois plus forte dans le secteur bancaire.

Un faible niveau de productivité ne signifie pas que le tourisme ne soit pas une activité productive et qu’il ne contribue pas à la croissance d’une économie. En effet, le secteur de tourisme se caractérise par sa forte intensité en main d’œuvre. Des secteurs comme l’hôtellerie et la restauration nécessitent l’emploi de nombreuses personnes (femmes de ménage, serveurs, etc.). De plus, cette productivité s’explique en partie par un recours important à des emplois précaires et à temps partiel (Blake, et al., 2006).

Cependant, cette faiblesse chronique peut engendrer des difficultés pour attirer de nouveaux capitaux et surtout un personnel hautement qualifié. Au final, c’est la compétitivité et la capacité d’innovation qui peuvent être remises en cause.

Comme le précise Porter (1990) : « the only meaningful concept of competitiveness at the national level is productivity ». Parallèlement, l’industrie touristique se compose d’un grand nombre de petites structures (chapitre 1).

Ne pouvant pas compter sur les services de recherche, ces types d’entreprises ne sont pas vraiment adaptés au processus d’innovation (OCDE, 2006).

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