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Chapitre 2 Contexte, problématique et cadre d’analyse de la recherche

2.2 Famille, politiques économiques et codes juridiques au Burkina Faso

2.2.2 Les politiques de lutte contre le travail des enfants au Burkina Faso

Depuis l’indépendance du Burkina Faso, en 1960, les autorités publiques ont adopté deux attitudes vis-à-vis du travail des enfants (Wouango, 2012). En effet, de 1960 jusqu’à la fin des années 1980, on a simplement fait allusion à la question du travail des enfants dans les textes et les discours. À cette période, aucune action concrète n’a été menée34. Les politiques de l’enfance étaient surtout centrées sur le secteur de

la santé et de l’éducation. Dès la fin des années 1980, on a noté un intérêt pour la lutte contre le travail des enfants au Burkina Faso, mais aussi à l’échelle internationale.

Du point de vue de la politique législative, le Burkina Faso a ratifié la plupart des conventions et chartes internationales relatives aux droits des enfants :

 La Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée en 1990;

 La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, ratfiée en 1992;

33Si le Code des personnes et de la famille du Burkina Faso est appliqué depuis les années 1990, il a

fait l’objet de quelques modifications en 2012. Il semble que ces modifications ont été apportées afin d’assurer la concordance entre certains éléments du Code et les conventions internationales ratifiées par ce pays (Burkina Faso, 2012).

34Il faut souligner que le désintérêt du Burkina Faso pour la lutte contre le travail des enfants s’inscrit

dans celui du contexte international. En effet, jusqu’à la fin des trente glorieuses, le travail des enfants n’a pas été perçu comme une préoccupation internationale. On soutenait que les pays qui venaient juste d’acquérir leur indépendance avaient de bonnes raisons d’avoir des difficultés à ne pouvoir faire de l’éducation un droit pour les enfants, ainsi que l’ont proclamé les Nations unies. Dans ces conditions, « les enfants qui travaillent ne font – croit-on – que souligner l’existence de poches de pauvreté, qui doivent se résorber d’elles-mêmes ou à l’aide de quelques mesures d’accompagnement » (Schlemmer, 2006, p. 175). Le travail des enfants a été ainsi pensé comme une manifestation du sous- développement, qui se résoudrait à mesure que ces pays atteindront le développement.

67  La Convention 138 de l’OIT, de 1973, sur l’âge minimum d’admission à l’emploi, ratifiée en 1999 par le Burkina Faso. Cet âge est de 12 ans pour les enfants des pays du Sud;

 La Convention 182 de l’OIT, adoptée en 1999, et ratifiée par le Burkina Faso en 2001, sur les pires formes de travail des enfants: l’esclavage, la traite des enfants et l’exercice des travaux dits dangereux. À un niveau national, depuis les années 1990, le Burkina Faso a introduit un certain nombre de dispositions concernant le travail des enfants dans les différentes versions de son Code du travail. Calqués, le plus souvent, sur le modèle de la France, ces Codes ne répondent pas aux réalités socio-économiques burkinabè (Wouango, 2012). Le Code du travail de 1992 consacre sa section III au « travail des femmes et des adolescents » en mentionnant que celui-ci demeure régi par les dispositions des conventions internationales ratifiées. Ce Code limite à 14 ans l’âge minimum d’admission au travail. Toutefois, aucun décret d’application de cet article n’a été adopté en conseil des ministres. Le gouvernement burkinabè s’est limité à y faire allusion dans les discours ou allocutions. Il a fallu attendre le Code du travail de 1998 pour que le travail des enfants soit considéré comme un problème « essentiel », et distinct de celui du travail des femmes. Ce Code consacre sa section IV au « travail des enfants et des adolescents ». Dans ce code, pour la première fois, le Burkina Faso a fait de la définition de l’enfant le point de départ de sa politique législative. Dès lors, l’« enfant » a été défini comme tout individu de moins de 18 ans et le terme « adolescent » s’est appliqué à toute personne dont l’âge est compris entre 18 et 20 ans inclus » (art. 145). Le Code a également rehaussé l’âge minimum d’admission au travail, passé de 14 à 15 ans. Les changements survenus dans ce Code ne sont pas neutres. Ils sont intervenus au moment où le Burkina Faso venait de ratifier les textes internationaux, notamment, la Convention internationale des droits de l’enfant, ainsi que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, toutes deux, définissent l’enfant de la même manière, c’est-à-dire comme tout individu de moins de 18 ans (Wouango, 2012). Le troisième Code du travail de 2004 introduit, de façon officielle, la catégorie de « pires formes de travail des enfants », reprenant l’expression utilisée par la Convention 182 de l’OIT.

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La mise en application de ce cadre législatif relève principalement de deux institutions étatiques : le ministère du Travail et de la sécurité sociale et le ministère de l’Action sociale et de la solidarité nationale.

Au ministère du Travail et de la sécurité sociale, la lutte contre le travail des enfants est directement liée à la sécurité et à la santé au travail. Cependant, jusqu’en 2006, aucune action concrète centrée sur les enfants au travail n’a été menée par cette direction. Les inspecteurs du travail35, qui sont les acteurs clés de la lutte contre le

travail des enfants au sein de cette direction, ont été presque invisibles (Wouango, 2012).En juillet 2006, la direction de la lutte contre le travail des enfants et des pires formes de travail a été créée. Les résultats de cette direction ne sont pas néanmoins perceptibles, ses actions étant plus administratives (réfléchir à la mise en œuvre d’instruments juridiques) que d’interventions directe 36(Wouango, 2012).

Le ministère de l’Action sociale et de la solidarité nationale, à travers la direction de la protection et de la lutte contre la violence sur les enfants, a la responsabilité de concevoir, de suivre et d’évaluer les programmes et stratégies relatifs à la protection et à la promotion sociale de l’enfance et de l’adolescence. Néanmoins, dans ce ministère, il n’existe pas de direction spécifique en ce qui concerne le travail des enfants. Les questions relatives au travail des enfants au ministère de l’Action sociale et de la solidarité nationale sont abordées sous le couvert du concept très large « d’enfance difficile » (Unicef, 2008). Selon Wouango (2012), cette absence d’intérêt spécifique pour le travail des enfants signifie que, même si les inspecteurs du travail réussissent à sortir les enfants des travaux considérés comme dangereux, il serait impossible pour cette institution de les prendre en charge, ce ministère détenant moins de 1% du budget national.

35 Le débat (y compris dans la littérature) autour de l’application de la législation sur le travail des

enfants au Burkina Faso, comme partout en Afrique, se polarise autour des lacunes de la mission des inspecteurs du travail. Ce sont les inspecteurs du travail qui ont la mission première de contrôler le respect de la législation en matière de travail(Derrien, 2008; Wouango, 2012).

36 Il faut souligner que cette direction n’a pas de budget propre pouvant lui permettre d’initier des

actions concrètes (retirer les enfants des travaux dangereux, soutenir les familles pauvres). Elle dépend surtout du financement des partenaires, comme le Bureau International du travail (BIT)

69 En résumé, au Burkina Faso, les institutions publiques de lutte contre le travail des enfants n’envisagent pas cette lutte autrement que par la volonté de retirer les enfants du travail, rôles assignés aux inspecteurs du travail. La lutte contre le travail des enfants n’est pas intégrée aux politiques familiales, d’urbanisation ou migratoires. Par ailleurs, les enfants orphelins ne font pas l’objet de politiques publiques spécifiques. Cette catégorie d’enfants orphelins est englobée dans le concept très large d’enfance difficile (Kobiané, 2009), concept dont les contours restent imprécis.

2.2.3 Programme d’ajustement structurel, travail féminin et transfert des