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Les orphelins et leur famille en Afrique : une réflexion sur les logiques d'acteurs autour du soutien aux enfants orphelins chez les Mossi à Ouagadougou (Burkina Faso)

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Texte intégral

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Les orphelins et leur famille en Afrique

Une réflexion sur les logiques d’acteurs autour du soutien aux

enfants orphelins chez les Mossi à Ouagadougou

(Burkina Faso)

Thèse

Georges Danhoundo

Doctorat en sociologie

Philosophiæ Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Georges Danhoundo, 2014

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RÉSUMÉ

S’appuyant sur les normes de filiation, nombre de travaux font valoir que chez les Mossi, l’orphelin n’existe pas : le fils aîné ou les frères du père biologique se substituent valablement à ce dernier, à son décès. Cette idée se fonde sur la croyance selon laquelle les Mossi constituent une entité du collectif, du consensus, où les individus n’ont d’intérêt qu’en rapport avec la famille élargie. Mais, à l’analyse, cette référence au consensus paraît simpliste.

Réalisée sur la base de 20 entretiens semi-directifs accompagnés d’observations directes, cette thèse vise à comprendre les logiques d’acteurs autour du soutien familial aux orphelins chez les Mossi, à Ouagadougou. Contrairement aux idées reçues, cette thèse conclut que : 1) Le décès du père révèle des divisions antérieures entre frères et apparaît comme une cause de conflits opposant la veuve et sa famille à la famille de l’époux, concernant la gestion des biens du défunt. En effet, selon le mariage coutumier, la femme apparaît comme une étrangère dans la famille de son époux; alors que le mariage civil la responsabilise vis-à-vis de ses enfants.Dans ces conflits, contrairement aux normes de filiation prédominantes dans cette société, nombre d’orphelins sont transférés vers la lignée maternelle ou auprès des personnes non apparentées; 2) Plusieurs orphelins de mère sont maintenus auprès du père en raison d’un orgueil masculin assimilant les transferts d’orphelin à une irresponsabilité sociale. Les coépouses jouent un rôle important dans le soutien aux orphelins et illustrent, selon les hommes, l’importance de la polygamie; 3) La stratégie de transfert des orphelins en vue de permettre leur éducation n’est pas toujours récompensée. De manière générale, les orphelins s’investissent dans le travail pour subvenir à leurs besoins; ils s’arrangent pour que cet investissement ne constitue pas un frein à leur éducation; 4) La relation de filiation ne légitime pas celle de l’alliance.

Cette thèse souligne la nécessité d’étendre la notion de la famille élargie dans le cas des transferts d’orphelin, voire mieux définir l’appartenance à la famille élargie. Au-delà des normes de filiation, les modalités de transfertd’orphelin ou le contexte économique et socialjouent un rôle important.

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ABSTRACT

Based on the filiation rules within the Mossi, a few works have highlighted that the concept of being orphan does not exist in that society. Those works support that the oldest child or brothers of the biological father do care for the orphans after the father’s death. That idea is ingrained in the belief that the Mossi represent a collective group where individual’s wills are dissolved within the extended family expectations. In our perspective, that reference to the Mossi as a collective group seems to be simplistic.

Based on direct observation and 20 interviews laid nearby households, this research aims at understanding the logics of actors about the family care to the orphans.Contrary to the biases, this research concludes that: 1) The father’s death reveals prior conflicts between the deceased and his brother, and proves to lead to conflicts that opposes the widow and her family to the family of the spouse. Those conflicts laid on the access to the heritages. Indeed, according to the lineage logic, the women appears as foreigner in their husband family. They are not allowed to inherit from their spouse, contrary to the civil law of Burkina Faso. These conflicts make detrimental the father’s family support to orphans. As a consequence, we noted that a few orphans have been transferred to their mother’s family or to non-related family on purpose of education; 2) Most of the children who have lost their mother are maintained in their father’s household. We noted that men have a sort of ego that leads them to think of orphan fosterage as a social irresponsibility. We may highlight that the step-mothers play an important role at supporting the orphans. In doing so, according to men, they appear as an illustration of the importance of the polygamy; 3) The strategy of transferring the children in order to assure their education is not always rewarded. It happens that the receiving household ask some compensations from the fostered children such as domestic chores. What is notable is that, generally, those children arrange so that their works may not restrain their education; 4) The filiation relationship does not lead to social recognition of alliance.

This research brings up the necessity to enlarge the concept of the extended family in the case of orphan’s fosterage in the Mossi’s society, that is, the necessity of

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better defining the fact of belonging to extended family. Beyond the filiation rules, the modes of the orphan fosterage and the social and economic context do play an important role.

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TABLES DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... v

TABLES DES MATIÈRES ... vii

REMERCIEMENTS ... xi

DÉDICACES ... xv

LISTE DES TABLEAUX ... xvii

LISTE DES FIGURES ... xvii

LISTE DES SIGLES ... xix

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

PREMIÈRE PARTIE ... 7

PROTOCOLE DE LA RECHERCHE : PROBLÉMATIQUE, CADRE D’ANALYSE ET MÉTHODOLOGIE ... 7

Chapitre 1 Revue de la littérature et aspects théoriques de la recherche ... 9

Introduction ... 9

1.1 Ce que « orphelin » veut dire... 9

1.1.1 L’enfance ... 10

1.1.2 L’importance du phénomène des enfants orphelins en Afrique subsaharienne ... 14

1.1.3L’orphelin : le point de vue des organisations d’aide à l’enfance ... 16

1.1.4 L’orphelin : le point de vue des sciences sociales ... 18

1.1.4.1 Ce que « orphelin » veut dire au Burkina Faso ... 21

1.1.4.2Les enfants orphelins et les enfants abandonnés ... 22

1.2 Les orphelins d’Afrique vivent en famille et non à l’orphelinat ... 23

1.2.1 Les enfants orphelins : catégorie sociale peu « institutionnalisée » en Afrique ... 24

1.2.2 Le transfert des enfants orphelins : un « transfert de crise » ... 25

1.2.3 Le « transfert de crise » et la thèse de l’ascension sociale ... 26

1.2.4La remise en cause de la thèse de l’ascension sociale ... 27

1.2.5 Les enfants orphelins et leur ménage ... 30

1.2.5.1 Les enfants orphelins et la résidence auprès de l’autre parent en vie ... 30

1.2.5.2 Les enfants orphelins et la résidence auprès d’un membre de la famille élargie ... 32

1.2.5.3 Les enfants orphelins, la pauvreté et le sexe du chef de ménage ... 33

1.2.5.4 Les enfants orphelins et leur éducation en Afrique subsaharienne... 33

1.3 Les enfants orphelins et leurs activités en Afrique subsaharienne... 36

1.3.1 Le travail et sa valeur « éducative » dans les sociétés africaines ... 36

1.3.2 Définir le travail des enfants ... 37

1.3.3 La littérature sur le travail exercé par les enfants orphelins ... 41

1.3.4 Cadre théorique ... 43

1.3.4.1 La dimension diachronique ... 44

1.3.4.2 L’enfant acteur ... 45

Conclusion ... 46

(9)

viii

Introduction ... 49

2.1 Contexte ... 49

2.1.1 Définir la familleélargie ... 49

2.1.2 Définir le ménage... 52

2.1.3 Les relations entre aînés et cadets ... 54

2.1.3.1 Le mariage coutumier ... 55

2.1.3.2 Le décès du père, l’aînesse et l’héritage ... 60

2.1.3.3 Le lévirat ... 61

2.1.3.4 Le travail et la paresse chez les Mossi ... 64

2.2Famille, politiques économiques et codes juridiques au Burkina Faso ... 65

2.2.1 Le Code des personnes et de la famille ... 65

2.2.2 Les politiques de lutte contre le travail des enfants au Burkina Faso ... 66

2.2.3 Programme d’ajustement structurel, travail féminin et transfert des enfants à Ouagadougou ... 69

2.3 Problème et questions de recherche ... 72

2.3.1 Les pratiques matrimoniales contemporaines en pays mossi ... 72

2.3.2 Les Mossi, le lévirat et les relations entre aînés et cadets ... 74

2.4 Cadre d’analyse ... 79

2.4.1 Objectifs de la recherche ... 79

2.4.2 Hypothèses de la recherche ... 81

Conclusion ... 82

Chapitre 3 Méthodologie de la recherche... 85

Introduction ... 85

3.1 L’enquête quantitative de l’Observatoire de population de Ouagadougou ... 85

3.1.1 L’Observatoire de population de Ouagadougou ... 85

3.1.2 Technique d’échantillonnage ... 86

3.1.3 Données produites... 88

3.1.4 Limite des données ... 90

3.2 L’entretien ... 91

3.2.1 De l’enquête quantitative à l’enquête qualitative ... 91

3.2.2 Choix des enquêtés ... 93

3.2.3Les entretiens ... 96

3.2.3.1 Le récit de vie ... 96

3.2.3.2 Déroulement des entretiens ... 98

3.2.4 Présentation du guide d’entretien... 100

3.2.5 Traitement et analyse des données d’entretien ... 102

3.2.6Limite des données ... 105

3.3 L’observation directe ... 105

Conclusion ... 110

DEUXIÈME PARTIE ... 113

PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RESULTATS ... 113

Chapitre 4 Les logiques autour du soutien aux enfants orphelins en pays mossi (Ouagadougou) ... 115

Introduction ... 115

4.1 La valorisation du transfert d’enfants orphelins en pays mossi ... 115

4.1.1 Parler de la mort en pays mossi ... 115

4.1.2 Le transfert d’enfants orphelins : le « changement de case » ... 117

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4.2.1 Quand le lévirat ne protège pas les enfants orphelins ... 121

4.2.1.1 Le lévirat oral et le soutien de la famille de la femme ... 121

4.2.1.2 Le problème de fécondité dans le lévirat : la logique lignagère qui ne fonctionne pas ... 125

4.2.1.3 Les coépouses et les enfants orphelins ... 129

4.2.2 Quand le décès du père révèle la fragilité de la famille élargie ... 131

4.2.2.1Les Mossi et les conflits entre frères ... 131

4.2.2.2 Les conflits autour des « papiers de la cour » et les soupçons autour du transfert des enfants orphelins ... 136

4.2.2.3 Le concubinage et la mise en cause de la veuve ... 144

4.2.2.4 L’aînée stérile et le soutien aux enfants orphelins... 146

4.2.2.5 Des règles defiliation qui ne fonctionnent pas... 147

4.3 Le décès de la mère et la place du père ... 148

4.3.1 Le soutien des coépouses ... 148

4.3.2 Le décès de la mère et l’orgueil masculin : la valorisation de la polygamie et le maintien des enfants orphelins dans leur ménage ... 149

4.4 Le décès des deux parents et l’élasticité des trajectoires d’enfants orphelins ... 151

Conclusion ... 154

Chapitre 5 La nature du travail des enfants orphelins à Ouagadougou ... 157

Introduction ... 157

5.1 La spécificité des activités d’enfants orphelins en pays mossi ... 157

5.1.1Ce que le travail des enfants veut dire chez les Mossi ... 160

5.1.1.1 Le paresseux, un danger pour la famille et la société ... 161

5.1.1.2 L’enfance, la phase de la vie où tout se joue ... 162

5.1.1.3 Le travail pour prévenir les situations difficiles... 163

5.1.1.4 L’enfance et la mesure du travail ... 164

5.1.2 Les activités des enfants orphelins à Ouagadougou ... 165

5.1.2.1Le commerce ... 166

5.1.2.2 Les activités domestiques ... 169

5.1.2.3 L’activité de manœuvre ... 171

5.2 L’activité domestique et les logiques d’accueil des enfants orphelines ... 172

5.2.1 Accueil « compassionnel » des enfants orphelines ou logique de réciprocité : l’ascension sociale en question ... 174

5.2.2 Vivre auprès d’un membre de la famille, l’école et l’engagement des enfants orphelins dans les activités domestiques ... 181

5.2.3 Les enfants orphelines ne sont pas toujours à la marge ... 185

5.2.4 Les garçons orphelins et la rupture des normes de la division sexuelle du travail 186 Conclusion ... 187

Chapitre 6 Les enfants orphelins : exemple d’enfants acteurs... 191

Introduction ... 191

6.1 Le décès parental et le travail salarié ... 191

6.1.2 Les logiques autour du travail salarié ... 197

6.1.2.1 Les enfants doubles orphelines et le « métier » de domestique ... 197

6.1.2.2 La nécessité de l’activité domestique chez les élèves orphelines de père : le « métier » de domestique qui n’empêche pas l’école ... 200

6.1.2.3 Les enfants orphelins de mère et l’activité de manœuvre ... 206

6.2 La distinction entre filles et garçons dans la catégorie des enfants orphelins ... 207

6.2.1 Les garçons et les filles à leur place ... 207

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x

Conclusion ... 210

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 213

BIBLIOGRAPHIE ... 223

ANNEXES ... 237

ANNEXES A : OUTILS DE COLLECTE DES DONNÉES ... 239

IDENTIFICATION MENAGE ... 242

IDENTIFICATION ENQUETEUR ... 242

ANNEXE B. FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 247

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xi

REMERCIEMENTS

Cette thèse a reçu le soutien de nombreuses personnes que je tiens à remercier. Mes premières pensées reconnaissantes vont à Richard Marcoux, mon directeur de thèse, non seulement pour l’encadrement de ce travail, mais aussi pour le soutien sans faille qu’il a su m’accorder tout au long de ces années. De la prise en charge des frais de mon voyage de recherche au Burkina Faso aux différentes démarches de recherche de financement, Richard Marcoux m’a manifesté une amitié sans faille. Je le remercie infiniment.

Mes remerciements vont à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval qui m’a offert deux bourses d’excellence durant cette thèse. Je remercie également le département de sociologie de l’Université Laval pour sa bourse de fin de thèse en hiver 2014 ainsi que le département de démographie de l’Université de Montréal d’avoir pris en charge le billet d’avion pour mon voyage au Burkina Faso dans le cadre du projet DEMTREND - Conséquences des stratégies de fécondité et de la composition du ménage sur la scolarisation et le travail des enfants en milieu urbain au Burkina Faso.

Du début de mes études universitaires à ce jour, se lit le soutien sans faille de Doris Bonnet, anthropologue, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD/Paris). Cette thèse sur les enfants orphelins est le fruit de l’intérêt que j’ai pu tirer, dès mes premiers « exercices » universitaires, de ses travaux. Merci infiniment!

De Cotonou (Bénin) à Genève (Suisse), et de Genève à Québec (Canada), l’amitié de Stéphane Cullati, chercheur à l’hôpital universitaire de Genève (Suisse), m’a particulièrement marqué. Ses conseils et relectures de mes travaux m’ont été d’un intérêt particulier. Merci infiniment!

Depuis plusieurs années, j’ai une grande « famille » à Genève : Gaby et Markus Arpagaus, Madalena Mierecke, Raphael et Philomène Mosengo. Une « famille », une famille chrétienne, c’est bien le mot. Du début à la fin de cette thèse, j’ai pu lire

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leur soutien, leurs encouragements et leurs prières. On dirait que Genève était à Québec! Je tiens à les remercier infiniment pour leur attention!

De mes premiers pas à Québec à ce jour, se lit également la bienveillance de Charles Moumouni, professeur titulaire au département d’information et de communication de l’Université Laval. Merci infiniment! Je remercie également Sue Shantz, Jean Morrison et Aladji Madior Diop pour leur soutien tout au long de cette thèse. Cette thèse est aussi le produit de relectures de Bernard Schlemmer, directeur de recherche émérite à l’Institut de recherche pour le développement (IRD/Paris), dont la disponibilité et la qualité des commentaires m’ont permis d’améliorer la qualité de cette thèse. Merci infiniment! Je remercie également André Turmel, professeur retraité au département de sociologie de l’Université Laval d’avoir fait la prélecture de cette thèse.

Mon accueil institutionnel à Ouagadougou a été effectif avec l’aide précieuse de Jean-François Kobiané, directeur de l’Institut supérieur des sciences de la population de Ouagadougou, qui m’a accueilli dans les locaux de son institution. Clémentine Rossier, malgré ses difficultés intermittentes d’accès à l’internet, a été toujours disponible pour répondre à mes questions en ce qui concerne les données quantitatives de l’Observatoire de population de Ouagadougou. Je tiens à les remercier pour leur disponibilité. Mes remerciements vont également à Dramane Boly dont l’amitié et la disponibilité m’ont énormément touché lors de mon séjour à Ouagadougou. Je remercie tout de même Aristide Bado, Roch Modeste Millogo,Bilampoa Gnoumou-Thiombiano, Bruno Lankoandé et Alexis Loyé, qui m’ont aussi été d’un soutien de marque lors de mon séjour à Ouagadougou. Aux contrôleurs de l’Observatoire de population de Ouagadougou, j’adresse mes remerciements pour l’aide qu’ils mont portée lors de mon enquête à Ouagadougou. La préparation « logistique » de mon séjour à Ouagadougou a été rendue possible grâce à Levy Madjibe. Merci infiniment pour son aide et son amitié.

Pour finir par ce qui fut le commencement, l’affection, le soutien et la confiance de mes chers frères Marcellin Danhoundo, Norbert Kpadonou et Rigobert Danhoundo m’ont porté jusqu’au bout de cette thèse. Il m’est vraiment difficile de trouver les

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xiii mots appropriés pour les remercier. Je choisirais simplement ici de leur dire que je les aime, et que je suis privilégié de les avoir comme frères.

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DÉDICACES

Je dédie ce travail : À ma mère et à mon père, À tous les enfants orphelins.

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 Définition de l'OIT du travail des enfants ... 39

Tableau 2 Répartition des ménages d'enquête par quartier selon le type de parent perdu94 Tableau 3 Profil général des ménages enquêtés ... 95

Tableau 4 Profil des ménages selon le sexe des enfants orphelins de 10-17 ans ... 96

Tableau 5 Grille d'analyse des entretiens ... 104

Tableau 6 Codification des récits d'entretien ... 105

Tableau 7 Grille d'observation ... 108

Tableau 8 Répartition des enfants selon le type d'activité, le statut et l'activité du chef de ménage ... 180

Tableau 9 Répartition des enfants orphelins selon le sexe ... 180

Tableau 10 Répartition des enfants selon la situation dans l'activité et le statut ... 196

Tableau 11Répartition des enfants orphelins selon la situation dans l'activité et l'activité du chef de ménage. ... 198

Tableau 12 Répartition des enfants orphelins selon la situation dans l'activité et le sexe du chef de ménage ... 199

Tableau 13 Répartition des enfants orphelins selon la situation dans l'activité et le sexe ... 210

LISTE DES FIGURES

Figure 1 Sites de l'Observatoire de population de Ouagadougou ... 88

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LISTE DES SIGLES

ACAP African census analysis project

BM Banque mondiale

CERUL Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval EDS Enquête démographique et de santé

FCFA Franc de la Communauté financière africaine FMI Fonds monétaire international

ILO-IPEC International labour organization-International programme on the elimination of child labour

OIT Organisation internationale du travail INED Institut national d’études démographiques INS Institut national de la statistique

INSD Institut national de la statistique et de la démographie IRD Institut de recherche pour le développement

IRSS Institut de recherche en science de la santé ISSP Institut supérieur des sciences de la population OEV Orphelin et enfant vulnérable

ONU Organisation des nations unies

OPO Observatoire de population de Ouagadougou

PNUD Programme des nations unies pour le développement RGPH Recensement général de la population et de l’habitat SIDA Syndrome d'immunodéficience acquise

UNAIDS United Nations programme on the acquired immunodeficiencysyndrome

UNICEF United nations Children’s emergency fund

USAID United states agency for international development VIH Virus de l'immunodéficience humaine

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

En Occident, la citoyenneté occupe un espace central dans la construction de l’individu comme sujet des droits de l’Homme. L’usage de la citoyenneté paraît inséparable de l’existence d’un État de droit accompagné d’assurances sociales qui garantissent au citoyen une certaine sécurité face à l’avenir et lui permettent de ne pas dépendre exclusivement du soutien de la famille (Droz, 2000). Or, en Afrique subsaharienne, ni la notion d’État de droit, ni celle de citoyen n’ont été incorporées dans les pratiques sociales liées à ce qu’on appelle la « gouvernance » (Adepoju et Mbugua, 1999; Bayart, 1989; Droz, 2000).

En Afrique subsaharienne, l’individu existe plutôt en tant que membre d’une famille élargie. Cette insertion sociale de l’individu dans la famille élargie lui permet de faire face aux situations de crise en l’absence d’un État garantissant un minimum de sécurité sociale. Ce contexte justifie, entre autres, le caractère marginal du placement des enfants orphelins en institution. En effet, selon Marcoux et al. (2010), on peut difficilement parler d’une quelconque institutionnalisation des enfants orphelins en Afrique subsaharienne. Il existe certes des enfants résidant dans des maisons d’accueil créées par des Organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que des enfants abandonnés ou des enfants de la rue. Mais leur nombre est insignifiant par rapport à ceux qui vivent en famille. Il ne fait aucun doute que la famille élargie représente actuellement l’institution en charge de la sécurité sociale des enfants orphelins en Afrique subsaharienne.

L’intérêt que suscite la question des enfants orphelins dans la littérature récente sur l’enfance en Afrique subsaharienne est sans doute en lien avec la progression de la pandémie du SIDA, qui suscite des questionnements au sujet de la capacité de la famille élargie africaine à faire face aux besoins de ces enfants. On affirme que, sans un soutien familial approprié, les enfants orphelins risquent d’être au travail et non pas à l’école, et que, sans une sécurité sociale appropriée, ils risquent d’être exploités au travail. Par exemple, dans les pays africains où la pandémie du SIDA est largement répandue, on note une floraison d’études sur les inégalités éducatives entre enfants orphelins et non orphelins (Ainsworth et al., 2002; Bicego et al., 2003; Case et al., 2004; Lloyd et Blanc, 1996; Nyangara, 2004). Par contre, dans les pays de l’Afrique

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2

de l’Ouest où le SIDA est moins répandu, au Burkina Faso par exemple, la question des enfants orphelins semble avoir peu retenu l’attention de la communauté scientifique. Pourtant, la proportion d’enfants orphelins semble non négligeable dans ce pays, en particulier à Ouagadougou (Kobiané, 2009).

L’idée selon laquelle la famille élargie constitue la sécurité sociale des enfants orphelins s’inscrit, de manière générale, dans la croyance en « l’appartenance » de l’enfant non seulement à ses géniteurs, mais à tout le cercle familial (Lallemand, 1993). Les membres du groupe familial peuvent revendiquer la garde des enfants, tout comme des décisions de transfert d’enfants peuvent provenir des parents géniteurs. La mort d’un ou des deuxparents géniteurs est une des raisons pour lesquelles les enfants orphelins sont transférés à des membres de la famille élargie. C’est ce type de transfert qu’Isiuogo-Abanihe (1985, p. 57) appelle « transfert de crise ». Selon Goody (1982, p. 253), ces transferts d’enfants orphelins s’inscrivent, le plus souvent, dans une quête d’ascension sociale. En effet, note-t-elle, lorsqu’il y a des inégalités entre campagnes et villes, les transferts d’enfants orphelins vers les villes tendent à s’amplifier. Ces transferts s’inscrivent dans une dynamique éducationnelle ou professionnelle. Dès lors, les enfants orphelins sont envoyés à des membres de la famille élargie en ville. La mobilité infantile devient dans ce cas une condition d’accès à l’éducation et à l’apprentissage professionnel.

En pays mossi1,au regard des nomes de filiation, l’enfant orphelin « n’existe » pas,

puisque les frères du père représentent le père géniteur de l’enfant. Dans ce contexte, l’enfant orphelin, en dépit du décès d’un ou de ses deux parents géniteurs, appartient

1Le pays mossi recouvre environ 40% de la population burkinabè (Attané, 2007). À la fin du XIXe

siècle, le pays mossi était divisé en 17 royaumes dont les plus anciens remonteraient à la fin du XVe

siècle. Dans cet ensemble de royaumes, deux formations étatiques ont prédominé, tant du point de vue de leur importance numérique que de leur rôle dans l’histoire politique de cette région : le Yatenga, au nord, et le royaume de Ouagadougou, au centre. Les Mossi partagent une langue commune et un même système politique et social (Gruénais, 1985). Selon Badini (1994), les Mossi tiennent une place à part dans l’Afrique de l’Ouest. D’abord, du point de vue de l’histoire, étant donné que leurs royaumes se sont maintenus sur plusieurs siècles avec une continuité remarquable, alors qu’autour d’eux, d’autres formations politiques se sont effondrées tout aussi vite. En second lieu, le pays mossi donne l’image de la stabilité, de la solidité et de la force. Il a forgé une civilisation originale et complexe par son organisation sociale et politique, centrée sur le pouvoir et la hiérarchie. Paysans infatigables, les Mossi ont émigré vers les parties ouest du Burkina Faso, vers le Mali, vers la Côte d’Ivoire et le Ghana. L’appellation « pays mossi » est utilisée ici pour désigner un vaste ensemble ethniquement et socialement hétérogène, et ne se limite pas à notre zone d’étude.

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3 à la famille élargie et bénéficie de soins et d’attention tout autant que les enfants non orphelins (Badini, 1994; Yaro et Dougnon, 2003). Pour cette raison, en pays mossi, on dit que « l’enfant orphelin n’est pas une poule de sacrifice ».

Ces transferts d’enfants orphelins reposent, notamment, sur le clivage entre villes et campagnes, où la ville de Ouagadougou joue un rôle central dans l’accueil des enfants. En effet, les citadins sont généralement mieux éduqués que les ruraux, et ont accès à des emplois mieux rémunérés (Fournet et al., 2008). Ces habitants des villes constituent, le plus souvent, une source importante de soutien pour les membres de leur famille, restés au village. Cette assistance se manifeste, notamment, par l’accueil des enfants des membres de la famille élargie à des fins éducatives ou de mise en apprentissage professionnel (Pilon et Vignikin, 2006). Par exemple, des études montrent que ce sont dans les ménages urbains les plus aisés, c’est-à-dire les plus insérés économiquement, que l’on voit se reproduire, le plus souvent, le modèle de la famille élargie (Antoine, 1994; Vimard et Raïmi, 2006). Ce soutien constitue également un maillon central dans les relations de parenté (Yana, 1996). Selon Adepoju et Mbugua (1999, p. 101) :

L’obligation de soutien des citadins vers les ruraux n’est pas basée sur une norme de responsabilité sociale, mais plutôt sur le fait que la relation existante est une relation éthique qui comprend l’obligation morale d’apporter son soutien. Les gens de la famille sont, dans une grande mesure, un donné dans le milieu social de l’individu; il ou elle ne le choisit pas.

Cette affirmation repose, entre autres, sur la croyance selon laquelle l’Afrique est le continent du collectif, du consensus. L’individu se fondrait, voire se dissoudrait dans la communauté. Les références au consensus dans les sociétés africaines oublient, le plus souvent, le poids des clivages sociaux (âge, sexe, entre autres) sur les normes et comportements. « Elles oublient que la "culture" est un construit, soumis à d’incessants processus syncrétiques et objets de luttes symboliques » (Olivier de Sardan, 1995, p. 11).

En effet, nombre de travaux nous apprennent que, chez les Mossi, la coutume exige que la mort du père fasse passer l’autorité de ce dernier à son fils aîné ou à ses frères. Mais, dans les faits, l’autorité du frère aîné n’est pas toujours celle du père. Le décès

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du père a souvent fait éclater des tensions que la présence de la figure de ce dernier estompait. Suite au décès du père, la sécurité que les enfants trouvaient auprès de ce dernier semble, parfois, disparaître. L’héritier des biens, qui remplace le père, n’est pas toujours préoccupé à soutenir les enfants orphelins comme le faisait le père (Attané, 2007; Gruénais, 1985; Taverne, 1995; Vinel, 2000). Selon Gruénais (1985), les conflits entre frères à la suite du décès du père expliquent les regroupements qui s’opèrent souvent entre frères réels ou classificatoires après l’éclatement de l’unité domestique paternelle. Cet auteur souligne que« la disparition du père fait disparaître une sécurité que l’on ne pourra guère retrouver auprès du successeur du père » (Gruénais, 1985, p. 233).

Dans la société coutumière en pays mossi, notamment, la relation entre frères est envisagée comme un phénomène multidimensionnel. Elle se caractérise par la domination de l’aîné, qui contrôle, entre autres, la circulation des femmes, l’accès aux moyens de production, au savoir technique ou rituel. L’aîné disposedes moyens pour retarder la promotion du cadet.Toutefois, selonTaverne (1996), il arrive que les cadets remettent en cause l’autorité des aînés, en contournant la règle du mariage arrangé entre familles. Il montre également que, si le mariage par lévirat relève d’un devoir pour les membres du lignage du défunt, et que ceux-ci ne peuvent s’y soustraire en renvoyant la veuve, ce qui aurait valeur de répudiation ou de rupture de liens entre familles, des rumeurs ou de fausses accusations sont souvent utilisées par la famille de l’époux, pour se soustraire à ce devoir. C’est souvent le décès du mari par la sorcellerie de la veuve qui est avancé comme accusation. Or, chez les Mossi, la femme étant considérée comme étrangère à la lignée de l’époux, ne peut accéder aux biens du lignage que par l’intermédiaire du lien de mariage. C’est dire que seul l’époux permet l’intégration des femmes. Si elle quitte sa belle-famille, elle n’aura pas le droit d’emmener ses enfants, à l’exception de celui qu’elle allaite, mais qu’elle devra restituer après le sevrage (Vinel, 2000).

À partir des années 1990, les mariages matrimoniaux sont régis par le Code des personnes et de la famille, au Burkina Faso. Ce Code ne reconnaît pas les mariages coutumier et religieux, et interdit les mariages arrangés entre familles, ainsi que le lévirat. Selon ce Code, la femme a l’entière responsabilité de la garde des enfants, et peut aussi hériter des biens de l’époux (Burkina Faso, 2012).

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5 Pourtant, aujourd’hui encore, chez les Mossi, à Ouagadougou, une partie des mariages continue à être arrangée par la famille. Dans le même temps, « des jeunes gens s’affranchissent de la décision de leurs parents et épousent des personne de leur choix, d’autres encore, vivent en union libre » (Attané, 2007, p. 168).

Dans un contexte de conflits entre frères et de coexistence de logiques matrimoniales antagonistes2, les affirmations générales sur le rôle de la famille élargie comme filet

de sécurité pour les enfants orphelins, méritent d’être examinées avec précaution. En effet, comme le note Cook (1996), l’impulsion première d’accueillir un enfant orphelin pourrait venir de son état de « fardeau » ou d’orphelin, mais le raisonnement déterminant qui devrait être son tuteur, sous quelles conditions, et comment sera traité l’orphelin dans sa situation d’enfant transféré ne peut être compris que si l’on regarde l’ensemble des variables sociales et économiques dans une famille. Selon Lallemand (1993), chaque cas d’enfant orphelin renvoie à une histoire familiale différente. Se pose la question des logiques d’acteurs autour du soutien de la famille élargie aux enfants orphelins chez les Mossi, à Ouagadougou.

Cette thèse se compose de six chapitres. Le premier chapitre rend compte, d’une part, de la diversité des définitions de la catégorie sociale d’orphelins, tant dans l’univers académique que dans le monde des organismes d’aide à l’enfance, et d’autre part, de la littérature sur la place des enfants orphelins dans leur ménage en Afrique subsaharienne(caractéristiques des enfants orphelins et de leur ménage, inégalités éducatives entre enfants orphelins et non orphelins, travaux exercés par les enfants). C’est également dans le premier chapitre que le cadre théorique de la recherche est présenté. Le contexte général de la recherche, sa problématique, ses questions et ses objectifs, de même que son cadre d’analyse sont présentés dans le chapitre 2. Le chapitre 3 est consacré à la présentation de la méthodologie mise en œuvre. Nous y présentons, dans une première partie, l’enquête quantitative de l’Observatoire de population de Ouagadougou, dont nous nous sommes servis pour la sélection de nos

2 La logique du mariage civil accorde une légitimité à la veuve en ce qui concerne l’accès à l’héritage

de l’époux, ainsi qu’à la garde des enfants, tandis que la logique lignagère l’assimile à une étrangère, et en dénie le droit.

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enquêtés. Les deuxième et troisième parties sont consacrées, respectivement, à la présentation de la méthode d’entretien et la méthode de l’observation directe. Le chapitre 4 est l’occasion d’examiner les logiques d’acteurs autour du discours, des actions, et des inactions en ce qui concerne le soutien aux enfants orphelins. Nous évoquons les représentations de la mort, du transfert des enfants orphelins, ainsi que les enjeux structurant la gestion de l’héritage chez les Mossi, à Ouagadougou. Nous nous intéressons particulièrement aux référents sociaux du discours et des comportements d’acteurs, tant du côté de la lignée de la mère des enfants orphelins que du côté de leur père.

Le chapitre 5 est consacré à la spécificité des activités exercées par les enfants orphelins. Il analyse les représentations qu’ont les Mossi du travail des enfants en général, rend compte de l’organisation du travail entre enfants orphelins et non orphelins au sein du ménage, et renseigne sur les logiques qui structurent l’engagement des enfants orphelins dans ces activités.

Au chapitre 6, nous nous intéressons aux raisons pour lesquelles les enfants, orphelins et non orphelins, travaillent. Nous examinons la contrepartie de l’activité de ces enfants (salaire ou bénéfice), la destination de leur revenu (pour les enfants orphelins eux-mêmes ou pour leur famille), ainsi que le rapport social impliqué (salariat ou non) par leur travail. Nous nous penchons également sur la finalité du travail chez les enfants orphelins selon le sexe, en relevant les significations que les acteurs accordent à l’engagement des enfants orphelins dans ces activités.

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PREMIÈRE PARTIE

PROTOCOLE DE LA RECHERCHE :

PROBLÉMATIQUE, CADRE D’ANALYSE

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Chapitre 1 Revue de la littérature et aspects théoriques de

la recherche

Introduction

Le présent chapitre se compose de trois parties. Dans la première partie, nous nous proposons d’examiner les définitions de la catégorie sociale d’enfants orphelins dans les sciences sociales et dans l’univers des organisations d’aide à l’enfance. Dans la deuxième partie, nous nous intéressons aux transferts des enfants orphelins en Afrique subsaharienne, notamment leurs fonctions sociales et économiques. Cette deuxième partie concerne particulièrement l’analyse critique de la thèse de l’ascension sociale en lien avec le transfert des enfants orphelins. Nous tentons également, sur la base de la littérature sur le transfert des enfants orphelins, de dresser un portrait général des caractéristiques socio-démographiques et économiques des ménages urbains qui accueillent ces enfants. Ce portrait des caractéristiques des ménages récipiendaires d’enfants orphelins et des caractéristiques individuelles des enfants (âge, sexe, type de parent perdu) nous permettra ensuite d’examiner, entre autres, les inégalités éducatives entre enfants orphelins et non orphelins.

La troisième partie examine la littérature sur les travaux exercés par les enfants orphelins. Nous nous intéressons particulièrement aux effets du décès parental sur la mise au travail des enfants.

1.1 Ce que « orphelin » veut dire

Ces dernières décennies, l’importance du phénomène des enfants orphelins en Afrique subsaharienne alimente, dans la communauté internationale et dans les sciences sociales, un débat autour de leur prise en charge. Ce débat met en évidence, entre autres, une variété d’enjeux autour de la définition de la catégorie sociale d’enfants orphelins : qui doit-on désigner comme tels ?

La catégorie sociale d’enfants orphelins recouvre des réalités diverses, selon que l’on se situe du côté des organisations d’aide à l’enfance ou du côté des sciences sociales. Même à l’intérieur de chaque sphère (sciences sociales et organismes d’aide à l’enfance), la catégorie sociale d’enfants orphelins ne recouvre pas toujours la même

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réalité. Définir la catégorie d’enfants orphelins revient d’abord à examiner le concept d’enfant.

1.1.1 L’enfance

Il n’existe pas de définition de l’enfance qui fasse consensus, et pas davantage de définition qui permettrait toujours de dire sans ambiguïté qui est un enfant. En français, il existe une variété de termes pour désigner un enfant. Ces termes renvoient le plus souvent à des stades de son développement. Par exemple, note Bonnet (2010, p. 13), le terme « nourrisson » signifie « besoin d’être nourri ». Il se réfère à un stade où le bébé n’est pas encore capable de manger tout seul. En revanche, pour les médecins, le terme « nourrisson » va de un mois à un an. Avant un mois, les médecins parlent de nouveau-né. Dans le langage populaire, on parlera plutôt de « bébé ». Dans les sociétés de pays en développement où l’état civil n’est pas développé, où l’âge et la notion de tranche d’âge ne sont pas appliqués comme dans les pays développés, il est important de questionner les usages sociaux du concept d’enfant. En effet, Bonnet (2010, p. 4) montre que dans certains pays africains où l’état civil n’est pas rigoureusement appliqué, les personnes ne connaissent pas leur âge et la notion de tranche d’âge n’est pas comparable à celle qu’en ont les médecins ou les juristes. La notion d’enfance est pensée du point de vue du lien intergénérationnel. Par exemple, on peut appeler un homme célibataire âgé de 25 ans, voire plus, « enfant » parce qu’il n’a pas encore eu, lui-même, un enfant. C’est la capacité à se reproduire qui fera de lui un adulte, souligne-t-elle. Le lien intergénérationnel met en évidence des attributs sociaux, des droits et des devoirs entre membres d’une société. Il s’appuie également sur des rapports de domination des aînés à l’égard des cadets selon, entre autres, la parenté, le sexe et la classe sociale.

Dans les sociétés africaines où le lignage (relation unissant les personnes issues d’un ancêtre commun) constitue le socle de l’organisation sociale, le contrôle de l’enfant est assuré par le chef lignager, ses parents étant eux aussi dépendants de ce chef (Bonnet, 2010; Lallemand, 1976, 1977, 1980, 1993). L’enfant est représenté comme appartenant à la communauté dont il est issu. Cette représentation sociale de l’enfant justifie la circulation des enfants à l’intérieur de la famille élargie. Il arrive que l’enfant soit confié, entre autres, à l’un de ses oncles, à l’une de ses tantes ou cousins

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11 dans un autre village ou dans une autre ville dès son sevrage à des fins éducatives, pour travailler comme domestique ou à des fins de renforcement des liens sociaux (Lallemand, 1993). Ce qu’il est important de souligner dans le cas des transferts d’enfant est que l’avis de ce dernier n’est pas sollicité. En effet, selon les organisations d’aide à l’enfance, le fait de ne pas solliciter l’avis de l’enfant est pensé comme le non-respect de ses droits, ou encore son exploitation (Guillermet, 2008). Du point de vue analytique, le transfert des enfants renvoie aux conditions socio-économiques d’existence des familles, de leur organisation sociale ainsi que du développement économique de nombre de pays africains où l’accès à l’école et aux équipements domestiques appropriés resteun défi (Bonnet, 2010).En sociologie, l’enfance est abordée comme étant une construction sociale3, étant donné que les

pratiques et les représentations reliées à cette catégorie varient dans le temps et l’espace. L’enfance est présentée comme une institution sociale, c’est-à-dire une composante structurelle de toute société. La place et le rôle qui sont assignés aux enfants sont « dictés » par l’environnement physique, culturel et socio-économique. C’est dire que les stades de la vie se définissent autant par des processus psychiques et biologiques que par des normes sociales qui marquent les âges, tels que les rites symboliques, les événements de la vie, les lois, les normes et les rôles sociaux4. Ces

normes changent en fonction des contextes macrosociaux (la conjoncture socio-économique, les règles de droit ou les politiques), mesociaux (les valeurs de différents groupes ou communautés), et microsociaux (les valeurs des familles et des individus).

3Pour l’anthropologue Bonnet (2010), il faut entendre par construction sociale, le fait de créer une

catégorie sociale, médicale, juridique, selon des âges de la vie. La construction sociale de la catégorie « enfant » relève des normes établies par une société dont l’enfant est un acteur.

4Il est important de questionner le contexte où vivent les familles avant d’avancer des jugements

moraux sur des questions relatives à l’enfance. Par exemple, selon Bonnet (2010, p. 14), « les polémiques médiatiques qui ont surgi à l’occasion de l’affaire de l’Arche de Zoé en 2007, impliquant des enfants du Tchad, ont fait valoir la disparité entre les différentes échelles de valeur. Pour les humanitaires, il s’agissait d’enfants qu’il fallait sauver de la misère, quitte à les séparer de leurs parents et à les proposer à l’adoption. Pour les familles, il s’agissait d’enfants susceptibles d’être confiés et non donnés à des individus qui leur permettraient d’avoir accès à l’éducation et à la santé durant quelques années, et qu’il n’était pas question d’abandonner. Ce cas a fait valoir une disparité des intentions des acteurs, qui pourtant déclaraient tous agir pour le bien ou dans l’intérêt des enfants ». Au-delà des intentions, cette affaire révèle également la diversité des représentations sociales de l’enfant. Elle révèle aussi, selon Guillermet (2008), l’existence de problèmes politiques ainsi que les dysfonctionnements locaux de l’état civil et la défaillance de certains projets humanitaires concernant l’enfance.

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La représentation actuelle de l’enfant comme un être fragile qu’il faut protéger et préserver des assauts du monde afin de le préparer à les affronter plus tard, est reliée, entre autres, aux changements familiaux, à l’intervention de l’État (mise en place d’institution socio-sanitaires, lois protectrices de l’enfance, écoles, services médicaux spécialisés, instances juridiques) et aux progrès scientifiques (Brabant, 2006; Turmel, 2008). Cette représentation de l’enfant s’intègre également dans des configurations culturelles plus larges inhérentes à ce que Habermas (1973), Berger et Luckmann (1989) appellent processus de rationalisation du social. Le concept d’enfance renvoie en effet à la fois à la notion d’âge ainsi qu’à une structure sociale particulière (Brabant, 2006; Gaudet, 2007; Turmel, 2008).

Ariès (1960) souligne le développement dès le XVIIe siècle du « sentiment de

l’enfance » qui n’est pas seulement une « conscience des particularités enfantines ». Le « sentiment de l’enfance » se réfère à la production des différences d’âge comme forme politique du gouvernement des hommes ainsi qu’à la construction d’une relation particulière entre les hommes (Garnier, 1995). C’est ce que Garnier (1995) appelle « valeur de l’enfance ». « Plus l’enfant est différent par l’âge de l’adulte, plus doit être affirmée cette anticipation d’un futur : des idéaux éducatifs, cette humanité à venir et en devenir. Sinon l’enfant est effectivement enfermée dans ses particularités, sans cette perspective de grandir, de devenir véritablement un homme » (Garnier, 1995, p. 288). La conception moderne de l’enfance comme une étape distincte de la vie est lentement née en Europe au XVIIe siècle de même que

les pratiques modernes concernant l’éducation et la famille (Brabant, 2006). Le corps de l’enfant est devenu objet de préoccupation sanitaire majeure en Europe dans l’hygiénisme du XIXe siècle (Bonnet, 2010; Rollet, 2001)5. Dans les sociétés rurales

africaines, l’étude des pratiques de puériculture montrent que le corps du bébé a fait l’objet d’une grande attention : le bébé était façonné, toiletté et massé (Assaba, 2000 et 2002). Dans ces sociétés africaines, souligne Bonnet (2010), l’enfant était entendu dans son corps mais n’a pas droit de parole lorsqu’il a acquis le langage.

L’enfant est subordonné à ses aînés qui traduisent les messages des esprits de l’au-delà, via ses souffrances physiques, ses maladies ou ses malformations, et il doit apprendre à se « comporter » selon les critères

5Garnier (1995) montre différentes figures de l’enfance : marche au XVIIIe siècle, travail au XIXe

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13 sociaux de sa société d’appartenance. Au niveau du groupe, la prise de parole est aussi subordonnée à l’âge et au sexe. L’enfant n’est pas le seul à être soumis à ces règles sociales : une femme, en zone rurale, n’est pas autorisée, publiquement, à prendre la parole avant son conjoint. L’enfant ne grandit donc pas dans un environnement qui le pousse à donner son avis, si ce n’est à l’occasion de contes, lors de veillées où les enfants sont largement sollicités à donner leur opinion, mais dans un contexte de théâtralisation. La parole de l’enfant est, alors, sollicitée dans le registre de l’imaginaire et non pas dans celui de la vie quotidienne (Bonnet, 2010, p. 16).

La notion d’âge biologique n’a pas occupé une place importante dans la conceptualisation de l’enfance en sociologie, quoique le découpage institutionnel ne manque pas, que ce soit en termes académiques, en termes de réseaux de recherches ou même parfois de catégorisations scientifiques à l’intérieur de la sociologie. La psychologie établit clairement une distinction: bébologie, petite enfance, enfance, préadolescence, et adolescence. Le plus souvent, dans les réseaux de sociologie, la petite enfance correspond à l’ensemble des âges avant la scolarisation obligatoire alors que la sociologie de la jeunesse se définit comme une sociologie de l’entrée dans la vie professionnelle et au début de la formation du couple (Sirota, 2006). Avec le paradigme de l’enfance comme construction sociale, ce n’est plus l’âge qui intéresse, mais le statut global de l’enfant à la fois dans les relations sociales et dans le rapport intergénérationnel.

Aux Nations unies, l’âge de la majorité retenue est de 18 ans; du moins c’est l’âge auquel l’individu cesse d’être perçu comme un enfant. Cette limite d’âge est retenue, selon Schlemmer (2005), en rapport avec le paradigme selon lequel la place des enfants se trouve à l’école et non ailleurs. C’est aussi cette limite d’âge qui est utilisée dans les Codes et les Conventions internationales en rapport avec le travail des enfants (Schlemmer, 2012). C’est la même limite d’âge qui est retenue dans le cadre de cette recherche afin de faciliter les analyses.

L’enfance peut être démultipliée en catégories. Par exemple, les orphelins constituent une catégorie sociale d’enfants tout comme les enfants abandonnés, les enfants de la rue, les enfants maltraités, etc. Bien que ces différentes catégories d’enfants puissent avoir des points de recoupement, elles ne sont pas à confondre. Dans chaque catégorie, on distingue également des sous-catégories. À titre d’exemple, dans la

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catégorie d’enfants orphelins, on retrouve les orphelins de mère, les orphelins de père et les doubles orphelins.

1.1.2 L’importance du phénomène des enfants orphelins en Afrique subsaharienne

Avec la progression de la pandémie du SIDA, la question des enfants orphelins semble susciter un intérêt renouvelé, aussi bien au niveau de la communauté internationale que dans la littérature récente sur l’enfance. Néanmoins, le phénomène des enfants orphelins en Afrique subsaharienne, c’est-à-dire des enfants ayant perdu au moins un parent biologique avant 18 ans, n’était pas négligeable même avant cette pandémie. Au Burkina Faso, où la pandémie du SIDA est relativement moins répandue, la question des enfants orphelins a très peu retenu l’attention de la communauté scientifique de même que celle des pouvoirs publics (Kobiané, 2009). Or, selon Marcoux et al. (2010, p. 247), les informations des recensements généraux de la population et de l’habitat dont on dispose pour les pays du Sahel permettent de noter que la proportion d’enfants orphelins est non seulement importante, mais également en croissance. Plusieurs faits permettent de conforter cette idée. En premier lieu, la mortalité des enfants y a connu une baisse très importante au cours des 25 dernières années. Au même moment, la fécondité est demeurée stable dans les pays du Sahel depuis 30 ou 40 ans, et se maintient à un niveau de près de sept enfants. Parallèlement à ces tendances, et bien qu’on ne puisse pas l’estimer avec précision, ajoutent-ils, la mortalité adulte a connu également une baisse, mais celle-ci serait moins importante que celle des enfants. Le maintien d’une fécondité élevée et la baisse de la mortalité infantile, ajoutés à une stabilisation des niveaux de mortalité adulte, voire une augmentation dans certaines sous-régions, expliquent que de plus en plus d’enfants perdent au moins un parent biologique avant 18 ans. Même dans les pays du Sahel où la prévalence du SIDA est relativement faible, on peut estimer qu’un nombre non moins important d’enfants ont perdu au moins un parent au moment de célébrer leur 18e anniversaire.

Dans la plupart des enquêtes et recensements d’Afrique de l’Ouest, les chercheurs définissent l’orphelin comme tout individu de moins de 18 ans ayant perdu au moins un parent biologique. Les définitions varient, néanmoins d’une enquête ou d’un

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15 recensement à l’autre. Dans le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2006 au Burkina Faso, l’âge maximal retenu est de 17 ans. En détaillant, sur les 2 448 549 enfants de 7-12 ans dénombrés à ce recensement, 8,9 % étaient des orphelins, soit 6,2 % orphelins de père, 2,0 % orphelins de mère et 0,7 % orphelins de père et de mère. Au niveau des 13-16 ans, les chiffres sont plus élevés : sur les 1 240 755 enfants, 14,6 % étaient orphelins, dont 9,9 % orphelins de père, 3,1 % orphelins de mère et 1,6 % orphelins des deux parents. La différence de proportion entre les orphelins de père et les orphelins de mère s’explique par l’espérance de vie, qui est plus élevée chez les femmes que chez les hommes de même que l’écart d’âge entre époux (Kobiané, 2009). Un rapport de recherche du Guttmacher institute, cité par Hien (2010, p. 36)révèle que, dans la ville de Ouagadougou, 19% des orphelines et 15% des orphelins de mère l’ont été avant l’âge de 5 ans; 25% des orphelines et 21% des orphelins l’ont été avant l’âge de 12 ans. En ce qui concerne les orphelins de père, 21% des filles et 16% des garçons l’ont été avant l’âge de 5 ans, tandis que 23% des filles et 21% des garçons l’ont été avant l’âge de 12 ans. Il ressort de ce rapport, que dans l’ensemble, 2% des enfants, tant chez les filles que chez les garçons de 12–17 ans, ont perdu les deux parents biologiques.

En Côte d’Ivoire, l’enquête nationale à indicateurs multiples, menée en 2006, révèle que les enfants orphelins d’un parent représentent 6% (5% d’orphelins de père et 1% d’orphelins de mère),tandis que ceux qui ont perdu les deux parents représentent 1% des enfants de moins de 17 ans. Le décès des parents est surtout constaté chez les enfants de 15 à 17 ans (INS, 2007). Au Bénin, les données du dernier recensement général de la population et de l’habitat de 2002 montrent que 4,6% des enfants de moins de 17 ans ont perdu leur père, 1,75% leur mère et 0,5% leurs deux parents. Au total, 237 222 enfants ont perdu au moins un parent, soit 6,9% des enfants (Kpadonou, 2012).

Les enfants orphelins mobilisent les organismes d’aide à l’enfance, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Du point de vue de ces organisations, la prise en charge des enfants orphelins requiert qu’une définition précise soit donnée à cette catégorie sociale. L’exemple d’« orphelins et enfants vulnérables du SIDA » (OEV) sera fréquemment utilisé dans cette section pour mettre en évidence les enjeux autour de la définition de la catégorie sociale d’enfants orphelins.

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1.1.3L’orphelin : le point de vue des organisations d’aide à l’enfance

Des prévisions ne manquent pas sur le nombre d’enfants orphelins en Afrique subsaharienne. Il en est de même des conséquences de ce phénomène à l’échelle nationale et internationale, tant sur le plan social, économique que politique. Selon les Nations unies, une des préoccupations majeures autour de l’enfance est de s’assurer que les enfants orphelins appartiennent à un groupe social et qu’ils obtiennent ainsi une identité et un soutien qui leur permettent d’être mieux préparés pour la vie d’adulte (Guillermet, 2008). Selon Kunitz(1990, p. 280),ce soutien social peut être compris comme : « une information qui donne lieu à croire au sujet qu’on s’occupe de lui et qu’on l’aime ; qu’il est estimé et considéré comme étant de valeur ; et qu’il appartient à un réseau de communication et d’obligation réciproque… ». Notant l’importance de ce soutien social pour le bien-être des enfants orphelins, Kunitz (1990) souligne que ce soutien n’est pas exclusif à telle ou telle configuration ou groupe social, mais qu’il peut venir de sources différentes. L’idée dusoutien social rejoint celle des « besoins des orphelins » énumérés par Mukoyogo et Williams(1992, pp. 15-18) : les besoins physiques (l’alimentation, le logement, l’habillement) ; les soins médicaux ; la protection contre la stigmatisation dont les enfants orphelins sont particulièrement victimes (si les enfants de parents morts du sida en sont victimes) ; la protection contre l’exploitation par des personnes malveillantes qui peuvent, soit les exploiter dans le travail, soit les déposséder de leurs droits d’héritage, soit les deux ; les besoins de « socialisation » et d’acquisition des valeurs culturelles, les règles sociales et la connaissance du monde nécessaire pour pouvoir vivre en société ; les besoins affectifs et psychologiques, surtout dans le contexte de la perte de leurs parents, et parfois de frères et de sœurs6.

Dans les pays africains où la pandémie du SIDA est largement répandue, la prise en charge des « orphelins du SIDA » mobilise particulièrement les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, de même que les familles, démontrant ainsi une « solidarité » autour d’une action qui semble recueillir l’approbation générale. Bien entendu, il serait souhaitable que la prise en charge de tous les orphelins, quelle que soit la cause de leur condition, mobilise autant de

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17 solidarité (Cook, 1996). Ainsi, les enfants orphelins sont devenus, selon Fassin (2006 et 2010), dans son analyse des débats menés sur les « orphelins du SIDA », une catégorie morale et politique exacerbée, qui conjugue exaltation du malheur, exagération des chiffres et mise en scène de la souffrance. D’un autre côté, la médiatisation des enfants orphelins du SIDA dans les pays africains, entre autres, alimente dans la période contemporaine ce que Javeau (1998) appelle des « émotions collectives », c’est-à-dire une sorte de panique morale fondée sur des affects collectifs et où les médias, en premier lieu la télévision, jouent un rôle prédominant. Selon Sirota (2012, p. 7), ces images d’enfants orphelins en difficulté, utilisées par les médias, sont construites à la fois autour de l’innocence et de la vulnérabilité de l’enfance, conjuguant sentimentalisme et compassion; elles sont devenues l’une des figures majeures de la mise en scène de l’enfance contemporaine. Bien plus, ajoute-t-elle, cette vision compassionnelle des enfants considérés comme étant en danger est devenue l’un des principaux angles d’attaque des médias à propos de l’enfance, alimentant les débats publics et suscitant des politiques internationales.

En 1999, le Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF), de concert avec le Programme des Nations unies pour le VIH/SIDA (UNAIDS), publièrent un rapport sur « les orphelins du SIDA ». Quelques semaines plus tard, des critiques s’élevèrent dans le milieu humanitaire contre cette particularisation des enfants orphelins (Monk, 2002), étant donné que des enfants ayant encore leurs parents eux aussi infectés du VIH, mais vivants, peuvent subir les mêmes conséquences. Au nombre de ces conséquences, on peut citer : le fait de subir un stigmate pouvant engendrer des problèmes psychologiques, des difficultés économiques, l’incapacité d’avoir accès à l’alimentation, aux vêtements, à la scolarisation ou aux soins médicaux. En raison de ces critiques, à partir de 2000, la catégorie adoptée par les Nations unies passe « d’Orphelins du SIDA » (« AIDS orphans ») à « Orphelins et enfants vulnérables » (OEV) (« Orphans and vulnerable children ») (USAID et UNAIDS, 2000), englobant ainsi les enfants dont les parents sont malades du SIDA. En 2004, avec le rapport « Children on the brink », souligne Guillermet (2008), l’UNICEF et l’UNAIDS proposent d’accorder de l’importance à la description de la diversité des situations rencontrées par les enfants du fait de la pandémie (UNAIDS et al., 2004).

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Cette diversité d’approches dans le temps en ce qui concerne la définition de l’enfant orphelin n’est pas seulement le propre des organisations d’aide à l’enfance. En sciences sociales, définir l’enfant orphelin est bien malaisé. Pour Cook (1996), les enfants orphelins constituent, en effet, une catégorie sociale dont la définition fait peu consensus dans les sciences sociales.

1.1.4 L’orphelin : le point de vue des sciences sociales

Les anthropologues se sont particulièrement intéressés aux conditions de vie économiques et sociales des enfants orphelins du SIDA (Desclaux, 1996; Desclaux et Taverne, 2000). Cet intérêt de l’anthropologie pour les « Orphelins et enfants vulnérables » a pour but d’apporter des réponses aux conséquences du SIDA à travers l’observation des situations vécues aussi bien par les orphelins que par leur entourage social (Guillermet, 2008). Les études anthropologiques sur les « Orphelins et enfants vulnérables » sont essentiellement orientées vers des préoccupations d’ordres médical et social (entres autres, la façon dont la maladie est vécue et le rapport des malades aux soignants). On note également des recherches socio-économiques sur la prise en charge des enfants orphelins (Cook, 1996; Foster, 2000; Subbarao et Coury, 2004). Selon Guillermet (2008), ces travaux anthropologiques et économiques, qui se basent sur des observations ainsi que d’autres types d’enquêtes, sont menés sans opérer une véritable rupture avec le discours de santé publique qui considère la catégorie d’enfants vulnérables comme allant de soi.Or, selon Dozon et Guillaume (1994), il est important de questionner l’universalité du statut d’enfant orphelin. Ce statut est-il accordé à celui qui a perdu ses géniteurs, y compris lorsqu’il vit auprès d’autres responsables nourriciers ou « socialisateurs »? Considère-t-on comme orphelin un enfant qui a perdu son oncle maternel dans une société matrilinéaire où le frère de la mère joue souvent un rôle primordial dans la prise en charge des enfants de cette dernière? Que signifie la notion de parenté? Cesse-t-on d’être orphelin ou orpheline lorsque l’on a soi-même donné vie tout en étant à la charge d’une ou de plusieurs personnes?

Si la plupart des chercheurs intéressés par les effets sociaux et économiques du SIDA sur les orphelins adoptent les catégories mobilisées par la santé publique, il existe néanmoins des travaux qui reposent sur une approche constructionniste, créant

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19 doncune catégorie sociale, médicale, juridique, selon des âges de la vie (Bonnet, 2010). Selon Fassin (2005, p. 52): « la santé publique doit être cette activité culturelle par laquelle un fait biologique est construit comme fait social, avec ses chiffres et ses images, ses caractéristiques économiques et ethniques, ses modèles étiologiques et ses réponses pratiques ». Au nombre de ces chercheurs figurent Meintjes et Giese (2006), qui critiquent l’approche universalisant la catégorie d’orphelins. Ces deux auteurs montrent que les orphelins occupent une place de choix dans les programmes d’intervention ainsi que dans les discours des acteurs humanitaires, et que ces acteurs humanitaires contribuent à constituer ce qu’elles appellent des « mythologies7 sur

l’orphelinage », « mythologies » mobilisées au niveau international, mais aussi sur le terrain par les acteurs de développement ainsi que par les acteurs locaux adoptant la catégorie sociale « d’Orphelins et enfants vulnérables ». Ces mythologies mettent en évidence plusieurs éléments. En fait, Meintjes et Giese (2006) critiquent l’attribution par nombre d’organisations internationales, d’une limite d’âge (18 ans) pour l’orphelin, en se fondant sur le fait que les représentations de l’âge sont culturellement variées. Par ailleurs, ils critiquent la classification en trois sous-catégories des orphelins : orphelins de père, de mère ou des deux parents. D’une part, cette distinction ne repose pas sur une prise en compte des conséquences différenciées du type de géniteur perdu sur le quotidien des orphelins. D’autre part, ainsi que le souligne Guillermet (2008, p. 19), cette distinction est passée sous silence lors des annonces « marketing », « d’appel aux dons, qui mettent l’accent sur un chiffre global d’orphelins et contribuent ainsi à amplifier la perception dramatique du phénomène ».

Le plus souvent, la catégorie sociale « d’orphelins et enfants vulnérables » est placée au sommet de l’échelle de « vulnérabilité » par le sens commun (Guillermet, 2008) ainsi que dans certaines études démographiques (Bicego et al., 2003; Wakam, 2002), et présenté comme un exemple des effets de la pandémie du SIDA. Pourtant, lorsque l’on tente de creuser, on se rend compte que comprendre le contenu de cette catégorie sociale « d’orphelins et enfants vulnérables » est autrement complexe. C’est ce que souligne Vidal (1999, p. 23) lorsqu’il écrit :

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L’utilisation de concepts, comme représentations générales et abstraites d’une réalité, semblerait s’accorder avec le processus de diffusion mondiale de l’information sur le VIH. On peut aisément penser que c’est l’idée qui a présidé à la large adoption du concept de vulnérabilité, comme de ceux que j’évoque ci-dessous. Ceci étant, le choix d’un unique concept se heurte à l’hétérogénéité des situations englobées et à la diversité des interprétations dont il est l’objet. L’intérêt et l’utilité du concept se transforment alors en insuffisance et suggèrent que les procédures de conceptualisation des phénomènes observés relatifs au SIDA soient discutées.

La représentation abstraite du statut d’OEV reposerait sur deux stéréotypes : sans « socialisateurs », l’enfant orphelin devient asocial, criminel, sans logement, enfant des rues (Guillermet, 2008, p. 20). Or, concernant le logement par exemple, Wangré et Maiga (2008) ont montré que les enfants sans logement ne sont pas nécessairement orphelins dans le contexte de la ville de Ouagadougou. Le même constat a été fait par Gilliard (2005) en ce qui concerne le Niger. On note l’omniprésence de la figure duale : enfance en danger/enfance dangereuse comme stéréotype de « l’orphelin global » au sens de Guillermet (2008), c’est-à-dire en tant que catégorie sociale homogène ou allant de soi. L’enfance mise en question est celle qui est considérée comme abandonnée à elle-même ou dont la famille est déficiente – et « décédée » - qui interpelle les pouvoirs publics et les organisations internationales. Ce positionnement vis-à-vis de la catégorie sociale d’enfants orphelins ne permet pas de saisir toutes les subtilités de cette catégorie.

Selon Dufour (2002), être orphelin ne recouvre pas la même réalité, selon que l’on parle le langage institutionnel ou le langage non institutionnel. Dans le langage non institutionnel, souligne-t-elle, un orphelin est un enfant qui a perdu un parent par décès. Dans ce cas, il est orphelin de père ou de mère. En cas de perte des deux parents, il est orphelin de père et de mère, ou double orphelin. Il y aurait également un âge limite pour être appelé orphelin. Cet âge se situe souvent entre 12 ans, 14 ans ou 18 ans. Dans le langage institutionnel, l’orphelin désigne l’enfant qui réside à l’orphelinat8. Il faut souligner que l’idée selon laquelle les orphelins constituent la

seule clientèle des orphelinats ne correspond pas toujours à la réalité. On a pu noter que les orphelinats du XIXe et XXe siècles en Occident, malgré leur nom,

8 Il faut souligner qu’à l’origine, les orphelinats ont été créés pour accueillir les orphelins, c’est-à-dire

Figure

Figure 1 Sites de l'Observatoire de population de Ouagadougou
Tableau 2 Répartition des ménages d'enquête par quartier selon le type de parent  perdu
Tableau 4 Profil des ménages selon le sexe des enfants orphelins de 10-17 ans
Tableau 5 Grille d'analyse des entretiens
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