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Chapitre 3 Méthodologie de la recherche

3.2 L’entretien

3.2.3 Les entretiens

3.2.3.2 Déroulement des entretiens

Quelques jours avant le démarrage de l’enquête, les agents enquêteurs de l’Observatoire de population de Ouagadougou ont été chargés de porter l’information au sujet de notre passage aux ménages retenus.

L’ONG Enfants et développement travaille dans certains quartiers suivis par l’Observatoire de population de Ouagadougou. Cette ONG vient en appui à des ménages pauvres. Les agents enquêteurs ainsi que les contrôleurs de l’Observatoire sont aussi présents, chaque jour, sur les sites d’enquête. La plupart des ménages des sites sont habitués à répondre aux questions des agents enquêteurs, des ONG ainsi que des consultants ou chercheurs locaux ou étrangers. Ce contexte explique, entre autres, pourquoi nous n’avons pas essuyé de refus quand nous sollicitions un entretien, y compris auprès de certaines femmes religieuses qui devraient éviter le contact avec les hommes, notamment, « l’étranger » ou « l’inconnu ». Il faut aussi noter que dans certains contextes, celui qui s’intéresse à l’enfant orphelin est considéré comme bienveillant, sympathique ou compatissant, d’autant plus que son attention s’accompagne généralement d’un don. Bien qu’on ne puisse pas le dire avec détail, dans certaines situations sur le terrain, l’espoir que le jeune homme étranger, aux études chez les Blancs, apporte un soutien aux enfants orphelins était présent. En effet, des étudiants d’universités américaines et européennes avaient déjà mené des enquêtes sur la pauvreté auprès de ces ménages, et avaient fait de « petits » dons. La référence aux enfants orphelins s’accompagne généralement de prise en charge, surtout dans un contexte où les ménages sont habitués aux discours des ONG. La récurrence du discours de soutien des ONG ainsi que de certaines églises intéressées à soutenir les enfants vulnérables précédaient notre enquête. De ce fait, malgré la présentation détaillée des motifs de notre arrivée et de notre statut de doctorant, il nous arrivait d’en informer à nouveau l’enquêté.

Après la présentation de notre sujet de recherche, le consentement des ménages pour la participation à l’enquête était sollicité. Le formulaire de consentement a été signé dans tous les ménages sans aucune réticence. Nous avions eu des entretiens, la plupart du temps, avec les chefs de ménage ou leurs représentants adultes, ceux qui idéalement, arrivaient à tenir une conversation en français. Dans certains ménages,

99 les entretiens ont été menés avec les deux conjoints. Dans d’autres cas, une autre personne a été associée au chef de ménage. Ce choix relève du fait que les enfants orphelins de ces ménages ne soient pas forcément liés aux chefs de ménages par une relation de parenté, notamment, dans le cas des femmes qui ont accueilli des enfants de leur frère défunt. Il est donc important que le membre du ménage lié aux enfants orphelins par une relation de parenté renseigne sur certaines de nos préoccupations : les circonstances du décès parental, les événements qui ont suivi ce décès et qui justifient le transfert des enfants orphelins, etc. Chaque fois que la présence d’un répondant ou d’une répondante semblait non utile, nous prenions soins de le (la) remercier en lui demandant de nous laisser continuer avec l’autre. En effet, si le fait de mener des entretiens avec plus d’une personne à la fois comporte des avantages, il peut aussi instaurer une attitude de réserve chez certains répondants, voire induire des réponses « circonstanciellement correctes ». L’épouse peut avoir tendance à dire ce qui plaira à son mari. Le mari aurait tendance à dire ce qui mettra en valeur son rôle de père de famille : dans certaines conditions, les gens ne font pas toujours ce qu’ils disent, et ils ne disent pas toujours ce qu’ils font. Nous avons essayé, au mieux, de juguler tous ces aspects de la réalité du terrain; ce qui, dans nombre de cas, a rendu nos entretiens relativement longs. Les entretiens ont été majoritairement conduits en français (n=15) et en moré (n=5) et ont eu lieu au domicile des répondants. Ce choix nous a permis d’observer le cadre de vie des ménages.

Dans la plupart des cas, les « causeries » amenaient nos enquêtés à aller au-delà de leur ménage, pour faire une comparaison ou pour confirmer un cas. Nous avons ainsi entendu des récitsconcernant la situation des proches, des amis, des parents de nos enquêtés sur le sujet évoqué. La plupart de ces entretiens ont duré plus de deux heures. En effet, les questions autour du soutien de la famille aux enfants orphelins, a fortiori la mise en activité des enfants, constituent des sujets sensibles qui requièrent un minimum de confiance pour être librement évoqués. Les premiers instants de nos entretiens consistaient à instaurer ce climat de mise en confiance. Nous avons souvent fait un détour vers des sujets de discussion qui semblaient n’entretenir aucun lien avec notre problématique de recherche, afin de susciter la confiance de nos répondants. Certains répondants étaient « curieux » de connaître les motifs de notre intérêt pour les enfants orphelins et pour le Burkina Faso et ce, du fait de notre origine étrangère. Le fait que nos études soient suivies dans un autre pays que le Burkina

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Faso et que notre pays d’origine ajoutait à cette curiosité. Conscients de l’effet que pouvait avoir une telle curiosité sur nos discussions, nous prenions le temps de donner des explications argumentées qui, semble-t-il, dans certains cas constituaient une garantie inspirant la confiance. Le plus souvent, nos enquêtés avouaient se sentir heureux que nous soyons allés jusqu’à eux et étaient enthousiasmés pour mener la conversation.