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Chapitre 1 Revue de la littérature et aspects théoriques de la recherche

1.2 Les orphelins d’Afrique vivent en famille et non à l’orphelinat

1.2.5 Les enfants orphelins et leur ménage

1.2.5.4 Les enfants orphelins et leur éducation en Afrique subsaharienne

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l’enfant du monde du travail, alors que le monde du travail, lui, peut exclure l’enfant de l’école » (Pilon, 2005, p. 26). Les raisons qui justifient la non-scolarisation de certaines catégories d’enfants peuvent être en rapport avec les mécanismes de mise au travail des enfants. L’intérêt pour la littérature sur les inégalités entre enfants orphelins et enfants non orphelins peut permettre d’émettre des hypothèses sur la mise au travail des enfants orphelins. Dans le cas spécifique du Burkina Faso, un des pays au monde où le problème de l’éducation se pose avec le plus d’acuité (Kobiané, 2006), des statistiques sur les inégalités éducatives entre enfants orphelins et enfants non orphelins peuvent constituer une porte d’entrée pour comprendre le rapport des enfants orphelins au travail. En effet, selon Schlemmer (2012, p. 77):

Dans les pays riches, personne ne se demande s’il faut mettre ses enfants à l’école. Dans les pays du Sud, les familles ont l’obligation de faire un choix, pour leurs enfants, entre l’école ou la mise au travail. La difficulté de l’éducation pour tous n’est pas seulement l’insuffisance de l’offre scolaire, en quantité ou en qualité, ni la pauvreté des ménages : c’est également la demande qui pose question, les parents réalisant que l’école n’offre d’avantage comparatif que si elle est poursuivie suffisamment longtemps.

Les inégalités éducatives entre enfants orphelins et enfants non orphelins ont particulièrement retenu l’attention de la communauté scientifique(Ainsworth et al., 2002; Bicego et al., 2003; Case et al., 2004; Kobiané et al., 2005; Lloyd et Blanc, 1996; Marcoux et al., 2010; Nyangara, 2004; Wakam, 2002).

Les résultats des recherches sont variés. Néanmoins, de manière générale, on note que les enfants orphelins sont défavorisés. Au Rwanda et en Tanzanie, les enfants orphelins ont des taux de fréquentation scolaire nettement inférieurs à ceux des enfants résidant avec leurs deux parents biologiques (Subbarao et Coury, 2004). Des résultats similaires ont été obtenus par Case et al. (2002), qui montrent que dans la catégorie des enfants orphelins, les doubles orphelins constituent la catégorie la plus défavorisée. Selon Case et al. (2002), l’éducation des enfants orphelins est liée à leur lien de parenté avec le chef de ménage : plus le lien de parenté de l’enfant orphelin avec le chef de ménage est distant, plus ce dernier a de chance de ne pas être éduqué. Ce constat rejoint celui de nombre de travaux sur l’éducation des enfants transférés (Ainsworth et al., 2002; Case et al., 2004; Gertler et al., 2004; Guillaume et al., 1997;

35 Kielland, 2009; Kobiané, 1999; Marcoux, 1994; Pilon, 2005; Pilon et Vignikin, 1996). Dans cette catégorie d’enfants orphelins, en ce qui concerne le sexe, les orphelines sont généralement plus défavorisées que les orphelins par rapport à l’éducation. La distinction selon l’âge révèle que plus l’orphelin est avancé en âge, plus le risque d’abandon de l’école est élevé. Les plus âgés sont en effet plus susceptibles d’être engagés dans une activité domestique (garder les enfants, laver la vaisselle, etc.) ou dans l’apprentissage d’un métier. Ils sont également plus susceptibles que les plus jeunes d’exercer des activités domestiques ou économiques (Subbarao et Coury, 2004).

Wakam (2002) a utilisé les données du Recensement général de la population et de l’habitat(RGPH) de 1987 au Cameroun pour analyser les effets du décès parental sur l’éducation des enfants. Il révèle que les enfants doubles orphelins fréquentent moins l’école que les autres catégories d’enfants. Le taux de scolarisation des enfants orphelins de mère est moins élevé que celui des enfants orphelins de père, note-t-il. Dans le but d’expliquer les effets de la crise économique des années 80 sur le phénomène étudié, il a comparé les résultats des données du recensement de 1987 à ceux de l’Enquête démographique et de santé (EDS) de 1998, et en vient à conclure qu'en temps de crise, la situation a empiré pour les enfants orphelins, notamment les enfants orphelins de père et de mère. Des résultats similaires ont été obtenus par Marcoux et al. (2010), pour le Niger, le Sénégal et le Tchad, ainsi que par Lloyd et Blanc (1996) pour sept pays d’Afrique subsaharienne.

Lloyd et Blanc (1996) notent que l’effet négatif du décès parental sur l’éducation est variable en fonction des paramètres socio-démographiques et économiques du ménage de résidence de l’enfant orphelin. L’effet défavorable du décès parental sur l’éducation des enfants s’affaiblit, voire tend à s’annuler lorsque le niveau de vie du ménage d’accueil est élevé. Il en est de même lorsque l’enfant orphelin réside avec d’autres parents proches de la famille, notent-ils.

En Éthiopie, au Mozambique et en Tanzanie, les enfants orphelins de père et de mère fréquentent moins l’école que les enfants non orphelins, alors qu’au Rwanda, ce sont les enfants orphelins de mère qui sont les moins favorisés (Nyangara, 2004). Nyangara (2004) souligne, néanmoins, que les orphelins de père en Namibie et les

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orphelins de mère en Mozambique ainsi qu’au Nigéria ont plus de chances de fréquenter l’école que les enfants non orphelins. Kobiané et al. (2005) montrent que, dans le contexte burkinabè, la perte d’un ou des parents n’a pas le même effet sur l’éducation des enfants, selon que le décès parental est survenu avant ou au cours du processus d’éducation. En effet, affirment-ils, les enfants orphelins de père et de mère ont plus de chances de rester plus longtemps à l’école que les enfants non orphelins lorsque le décès des parents survient au cours du processus éducatif. En revanche, le décès parental a un effet négatif sur la mise à l’école des enfants, précisent-ils. Selon eux, la famille réagit favorablement vis-à-vis des enfants doubles orphelins lorsque le décès parental survient au cours des études. Ce résultat est contraire à l’étude de Wakam (2002)qui, dans son explication des inégalités éducatives entre enfants orphelins et enfants non orphelins au Cameroun, émet l’hypothèse que les enfants orphelins plus jeunes (en termes de rang dans la fratrie) auraient plus de chances d’être éduqués au profit de la déscolarisation des plus âgés (Wakam, 2002).

1.3 Les enfants orphelins et leurs activités en Afrique